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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 11/11/2015, 19:07 by: Leia
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Chapitre 16



Cher Albert,

J'aurais bien voulu te donner de mes nouvelles plus tôt mais comme je te l'ai annoncé dans mon télégramme, un événement bien précis a bouleversé le cours de mon voyage mais aussi celui de mon existence, ce qui a fait je n'ai pu jusqu'à ce jour trouver le temps nécessaire pour t'écrire. J'espère que cette lettre t'arrivera néanmoins avant mon retour. J'aurais pu t'envoyer encore un télégramme, mais c'est un moyen de communication qui m'oblige à être succincte et tu sais combien j'aime parler ! J'ai tant de choses à te raconter qu'une lettre ne suffira pas mais je vais essayer de t'en dire le plus possible.

Figure-toi que je me trouve depuis quelques jours à Londres. Pour être plus précise, je me trouve à la campagne, à une dizaine de kilomètres de la capitale, dans la demeure des Grandchester, pour la future célébration de mes fiançailles avec qui-tu-sais. Contre toute attente, le Duc de Grandchester s'est montré très chaleureux avec moi et très enthousiaste vis à vis de ce mariage même s'il aura lieu en Amérique. C'est la raison pour laquelle nous allons célébrer nos fiançailles en Angleterre, afin de satisfaire un peu tout le monde. Je n'ai pas encore rencontré les autres membres de la famille, mais Terry m'a fait comprendre qu'ils étaient un peu particuliers et peu avenants. J'angoisse un peu à l'idée de faire leur connaissance mais je sais que Terry sera à mes côtés et ensemble nous pouvons tout affronter sans crainte aucune.

Le château des Grandchester est si grand que l'on peut s'y perdre et le parc, immense, est une véritable merveille. Quand je m'y promène, j'ai l'impression de me retrouver à Lakewood, avec ses statues, ses fontaines, ses gazons d'un vert immaculé et ses haies épaisses et verdoyantes plantées tout autour pour protéger le domaine. Il ne manque que les roses blanches d'Anthony, si belles et si odorantes, pour parfaire le lieu. Je suis si heureuse que tout me semble irréel !

J'aimerais tant que tu sois là pour pouvoir partager avec toi ce bonheur qui m'habite depuis mon séjour en Italie... Ce que je ressens est tellement fort qu'il m'est impossible de le décrire avec des mots. Je crois n'avoir jamais été aussi heureuse et je n'aurais jamais imaginé pouvoir l'être à ce point un jour... Je peine encore à croire que j'ai retrouvé Terry ! Que je l'ai retrouvé et qu' il m'aime ! Qu'il ne m'a pas oubliée, qu' il n'a cessé de m'aimer pendant tout ce temps, et bien que je sois en train de l'écrire, il m'est toujours difficile de me convaincre que cela est la réalité.

Il m'aime et il veut m'épouser ! Je vais bientôt m'appeler madame Candice Neige Grandchester et j'ai beau le répéter à haute voix, j'ai toujours l'impression que cela concerne une autre personne ! Aurais-tu pu penser qu'un jour ce que je n'avais même pas osé espéré se réaliserait ? Une petite voix intérieure me dit que tu y es certainement pour quelque chose car quand je repense à mon excursion à New-York, je réalise combien le trajet avait été orienté vers Terry, n'est-ce pas ? Patty m'a aussi avoué votre petite conspiration pour faciliter nos retrouvailles... Pour être vraiment honnête, cette incursion dans ma vie privée m'a tout d'abord contrariée puis j'ai rapidement réalisé mon erreur. Si vous ne nous aviez pas aidés à forcer le destin, nous serions certainement encore ces deux idiots incapables de revenir l'un vers l'autre. Vous aviez confiance en nous alors que nous en étions incapables, emmurés que nous étions dans nos certitudes, aveugles et sourds à cette chance qui s'offrait à nous. Je frisonne d'effroi à présent en imaginant l'obscurité dans laquelle nous serions restés plongés sans votre initiative... Comment pourrais-je un jour vous remercier, tous ?

Tu as toujours été là, mon cher Albert, prêt à m'aider ou à me consoler. Tu as tant fait pour moi. Toi, ce protecteur et bienfaiteur bien-aimé qui agissait dans l'ombre jusqu'à ce que tu te révèles à moi, mon mystérieux Oncle William. Comme j'ai été surprise et en même temps soulagée ce jour là ! Ce ne pouvait être que toi de toute manière car personne d'autre que toi ne pouvait aussi bien me connaître et me comprendre. Je me demande encore comment j'ai pu l'ignorer pendant toutes ces années passées à tes côtés. Tu as toujours su ce qui était bon pour moi, c'est pourquoi tu as décidé de m'envoyer en Angleterre après le décès d'Anthony alors que je refusais d'y aller. Si tu ne l'avais pas fait, je n'aurais jamais rencontré Terry, et je ne me serais peut-être jamais remise de la perte incommensurable qu'avait représenté pour moi sa disparation. Je n'aurais jamais compris qu'on pouvait tomber amoureuse une nouvelle fois, d'une autre façon certainement mais tout aussi fort assurément. Tu le savais, toi, c'est pourquoi tu m'as fait traverser l'océan, pour que la distance et le temps guérissent ma peine, et pour qu'une autre personne aussi merveilleuse qu'Anthony croise mon chemin. Je te dois mon bonheur présent, Albert, et je ne sais comment te chérir au delà de ce qu'une fille puisse éprouver pour son père. La force de ce lien invisible qui nous relie fait que je sais, d'ors et déjà, que quoi qu'il advienne, nous resterons toujours unis et cela me remplit de joie. J'ai trop besoin de toi dans ma vie et je nous la souhaite la plus longue possible ensemble. J'espère pouvoir un jour te rendre tout ce que tu m'as donné, mais je crois que je n'aurais pas assez d'une vie tant tu m'as apporté et comblée. Merci Albert, merci du fond du cœur...

J'ai hâte de retourner en Amérique pour te revoir, et je sais que Terry est tout aussi impatient. Tu comptes beaucoup à ses yeux et ton opinion sur notre union l'importe tout autant. Je crois qu'il sera vraiment en paix avec lui-même quand seulement tu lui auras donné ton consentement. Je le sens si fragile et si perdu parfois...

Très bientôt, tu me conduiras à lui, le long de cette allée qui nous mène à l'autel de la chapelle de la Maison Pony. Je serrerai ton bras fort et solide, les yeux troublés de l'émotion qui me submergera, puis je poserai mon regard sur toi qui me souriras avec bienveillance et toutes mes craintes s'envoleront, comme elles l'ont toujours fait quand tu es avec moi. Tu as été de toutes mes difficultés, je te veux à présent de toutes mes joies. C'est pour cela que j'ai hâte que ce grand jour arrive car je pourrai le partager pleinement avec toi...

J'entends qu'on frappe à ma porte. Cela doit être Terry qui vient me chercher car nous allons cet après-midi (tu vas trouver cela bien étrange, j'en suis sûre), revoir le Collège Saint-Paul. Je sens que cela va nous rappeler bien des souvenirs...

Je t'embrasse, cher Albert, en attendant de pouvoir te serrer contre mon cœur. Je te laisse faire part de mes tendres pensées à tous nos amis qui me manquent eux aussi un peu plus chaque jour.

A très bientôt,
Très affectueusement,

Candy


*************************



Alors qu'ils approchaient du collège Saint-Paul, Candy eut du mal à reconnaître les lieux. On avait construit partout ! La campagne environnante s'était passablement réduite sous l'effet de l'urbanisation, et bien que l'établissement se situât en périphérie de la ville, il se trouvait à présent cerné de toute part de petites maisons identiques les unes aux autres. La route qui menait au collège avait été élargie pour permettre une meilleure circulation dans les deux sens, dont le bruit sourd et régulier s'imposait en bruit de fond comme une désagréable litanie.

La jeune femme laissa échapper un soupir de soulagement en apercevant au loin les hautes grilles du collège, lesquelles n'avaient pas changé, similaires à ses souvenirs. La lumière du soleil qui se projetait sur les barreaux leur donnait néanmoins un aspect plus accueillant malgré leur austère architecture.

Terry tira sur la chaîne de la cloche fixée au mur de clôture et Candy retint son souffle, revivant avec violence son arrivée au collège dix ans auparavant et l'accueil glacial qu'elle avait reçu. Il lui adressa un regard complice mais aussi empreint d'une certaine inquiétude, comme si à son tour, il revoyait avec intensité le film de cette période de sa vie et dont il n'avait pas gardé d'excellents souvenirs, si ce n'étaient ceux avec Candy...

Au bout d'un petit moment, le bruissement de pas sur le gravier de l'allée se fit entendre. En réaction, Candy saisit la main de Terry pour se rassurer, craignant de voir apparaître le visage sévère de la sœur de ses souvenirs. Une jeune religieuse se présenta alors, dont le sourire chaleureux fit instantanément oublier le noir lugubre de son habit.

- Monsieur Grandchester et mademoiselle André, je présume ? - fit-elle en écartant les larges battants de la grille. Et tandis qu'ils opinaient du chef, elle ajouta - La mère supérieure vous attend. Veuillez bien me suivre...

Le jeune couple franchit la grille et se mit à marcher à côté de la sœur qui semblait très heureuse d'avoir de la compagnie. La plupart des élèves se trouvait en camp d'été en Ecosse, laissant le collège comme vidé de sa substance, et particulièrement silencieux. En temps normal, on entendrait des murmures, des éclats de rire, des gloussements moqueurs, on verrait des bouquets d'uniformes blancs et noirs dispersés sous les grandes arches de la cour intérieure, sous l'oeil vigilant et soupçonneux des religieuses, à l’affût du moindre rapprochement entre les filles et les garçons. Heureusement le parc du collège était immense et permettait quelques accrocs à la règle, mais Candy savait par expérience combien il était risqué de contrevenir au règlement en vigueur. Elle aperçut au loin la grange dans laquelle elle s'était faite surprendre en compagnie de Terry, et elle frissonna d'effroi au douloureux souvenir que cela lui évoquait.

Ils remontèrent la longue allée bordée de platanes centenaires tout en écoutant sœur Adélaïde – c'était son nom – leur exposer les modifications qu'avait connues le collège depuis leur départ : la rénovation du réfectoire, la modernisation des chambres qui disposaient toutes désormais de l'électricité, l'agrandissement de l'aile gauche du bâtiment pour pouvoir accueillir plus d'élèves, et même l'installation d'un poste de radio dans la salle commune !

- Je ne savais pas sœur Grey amatrice de ce genre de... distractions... - fit Candy qui avait gardé en mémoire la rigidité de la mère supérieure.
- Disons que certaines choses ont évolué depuis qu'elle a pris sa retraite – répondit la religieuse avec un petit sourire en coin tout en poussant la lourde porte du bâtiment qui grinça en s'ouvrant, laissant le bruit se répercuter en écho sur les parois d'un long couloir sombre et vide au sol carrelé de larges dalles noires et blanches.
- Soeur Grey a pris sa retraite ? - s'écrièrent ensemble Terry et Candy. Ils n'avaient jamais songé qu'elle puisse un jour s'arrêter...
- J'imaginais que cette vieille toupie occuperait son poste comme le pape, jusqu'à sa mort !... - se dit Terry en fronçant les sourcils de déception, contrarié de devoir renoncer à l'opportunité qui lui était donnée de la faire enrager comme autrefois...
- Cela va faire quatre ans qu'elle s'est retirée – répondit sœur Adélaïde tout en les conduisant vers le fond du couloir – mais elle habite toujours dans le collège.
- Qui donc a a pris sa suite ? - s'enquit Candy, intriguée. Les noms et visages des sœurs pouvant prétendre à la succession défilaient dans sa tête sans qu'elle puisse déterminer un choix particulier. Pour elle, elles étaient toutes aussi rigides et glaciales les unes que les autres !
- Vous allez le savoir très rapidement... - fit la religieuse en toquant à une porte avec un sourire énigmatique. Le bruit sourd d'un fauteuil qu'on recule leur parvint tandis qu'elle poussait la porte laissant apparaître une pièce que le jeune couple avait eu l'occasion de fréquenter plus que de coutume... La silhouette debout derrière l'imposant bureau releva la tête et Candy sursauta de surprise.
- Soeur Margareth, vous, ici ??? - s'écria-t-elle, oubliant toute formule d'usage.

Un sourire amusé s'étira sur les joues replètes de la religieuse.

- En effet, Candy, c'est bien moi...

La jeune blonde restait immobile sur le pas de la porte, stupéfaite. Soeur Margareth, Soeur Margareth était la nouvelle mère supérieure !

- Et bien, Candy, je vous ai connue beaucoup plus loquace!... - fit la soeur en s'avançant vers elle. Elle aperçut Terry en retrait, et un nouveau sourire, cette fois plus éloquent, apparut sur son visage. Quand elle avait été informée de la visite des ses deux anciens élèves, elle n'avait pas parue surprise, devinant ce qu'ils étaient devenus l'un pour l'autre. Elle l'avait compris rapidement à l'époque en les observant et s'était émue de cet amour qui naissait sous ses yeux. Deux beaux jeunes adultes se tenaient à présent devant elle, visiblement très amoureux l'un de l'autre mais aussi très étonnés de la découvrir ici.
- Pardonnez-moi, ma ssss..., pardon ma mère – bredouilla Candy en la saluant – Cela doit être l'émotion. Je suis si heureuse de vous revoir !
- Moi aussi, Candy... - fit sœur Margareth en lui prenant les mains – Cela me réchauffe le cœur de voir la ravissante jeune femme que vous êtes devenue. Nous nous étions fait tellement de souci quand vous avez subitement quitté le collège ! Heureusement, votre oncle nous avait écrit quelque temps plus tard pour nous rassurer...
- Je regrette le souci que j'ai pu vous causer, ma mère. Mon départ fut en effet très précipité... – fit Candy, embarrassée, en regardant du coin de l'oeil Terry, dont les traits s'étaient durcis à l'évocation de ce triste souvenir - Je ne manquerai pas de remercier mon oncle pour cette attention quand je le reverrai...

La religieuse les invita à s'asseoir sur un canapé de velours marron, placé contre le mur, face au bureau. Le mobilier n'avait pas changé mais on avait repeint la pièce en blanc et changé les rideaux. La lumière du jour à travers les grandes fenêtres apportait une atmosphère chaleureuse insoupçonnée qui contrastait singulièrement avec celle qu'ils avaient gardée en mémoire. On distinguait le parc par une porte-fenêtre entrouverte d'où remontait le chant des oiseaux qui jouaient à cache-cache dans le feuillage des arbres, à l'ombre des rayons ardents du soleil estival.

Le temps s'est arrêté ici... - se dit Candy, mélancolique, absorbée par le charme serein des lieux. Elle ne regrettait pas d'être venue au collège, qu'elle redécouvrait avec des yeux nouveaux, libérée de ses tourments d'alors. Le voile gris de ses souvenirs se déchirait peu à peu, et le regard empreint de tendresse que Terry lui adressait acheva de le consumer.
- Combien de temps restez-vous à Londres ? - l'interrompit dans ses pensées Soeur Margareth tout en prenant place à son tour dans un fauteuil.
- Nous restons ici pour deux semaines seulement – intervint Terry, ayant remarqué la mine songeuse de son amoureuse – Le temps pour nous de célébrer nos fiançailles, puis nous retournerons dans la famille de Candy, pour notre mariage... - poursuivit-il en s'enfonçant un peu plus dans les coussins du canapé. Il avait dit cela avec un naturel déconcertant qui le surprit lui-même, lui, si secret auparavant. Mais il était si heureux et si fier d'épouser Candy, qu'il aurait pu le crier à la terre entière !
- Quelle merveilleuse nouvelle ! - s'exclama la mère supérieure – J'espérais secrètement que vous alliez m'annoncer cela en venant ici. Vous m'en voyez ravie !

Elle les observait, les yeux pétillants de joie, un sourire béat sur les lèvres. Soeur Adélaïde revint alors, poussant un chariot sur lequel étaient posés théière fumante, tasses et petits fours. Candy jeta un œil gourmand sur la pyramide de scones qui s'offrait à ses papilles, la faisant saliver d'envie, mais le regard en biais que lui lança Terry l'obligea en grimaçant, à rentrer la langue qu'elle s'apprêtait à passer sur ses lèvres.

Le service effectué, sœur Adélaïde s'éclipsa en les saluant discrètement de la tête.

- Bien ! - fit alors sœur Margareth en soupirant d'aise – Maintenant que nous sommes seuls, vous allez pouvoir me raconter ce que vous êtes devenus tous les deux. J'aimerais bien aussi que vous me donniez des nouvelles de tous vos amis. Cela me rajeunira un peu.

Elle avait dit cela en gloussant, son corps tout secoué de rire . Candy se souvenait de la personne charmante et compréhensive qu'elle avait été avec elle, mais découvrait une personne plus détendue, affranchie de l'autorité absolue de sœur Grey. Elle n'avait pas beaucoup changé, si ce n'étaient quelques rides au coin des yeux qui lui donnaient un air plus sage malgré l'espièglerie qui y pétillait.

Ce fut Candy qui prit la parole, Terry se contentant d'acquiescer par endroit. Il n'était pas facile de résumer dix ans d'une vie en quelques minutes, sachant qu'elle devait en occulter certains aspects douloureux. Soeur Margareth n'ignorait rien de la brillante carrière que connaissait Terry mais ne savait pas que Candy était devenue infirmière, et exprima un grand enthousiasme à cette annonce. Quand elle apprit la mort d'Alistair à la guerre, elle ne put retenir ses larmes et dut se moucher à plusieurs reprises.

- Mon dieu, quelle tristesse ! - sanglotait-elle – Nous avons malheureusement perdu de nombreux anciens élèves pendant cette maudite guerre. Dire que ce pauvre monsieur Cornwell en fait partie... Quel malheur !... Il était si sympathique et si attachant. Cela va secouer Soeur Grey quand elle le saura...
- Comment va-t-elle ?
- Très bien pour quelqu'un de son âge. Vous pourrez la rencontrer tout à l'heure si vous le souhaitez. Pour l'instant, elle fait la sieste mais elle ne devrait pas tarder à se réveiller. Pourquoi n'iriez-vous pas visiter les lieux en attendant ?
- Ce n'est pas de refus ! - fit Terry qui s'était aussitôt levé, évitant de croiser les gros yeux que lui faisait Candy, trop impatient qu'il était de se dégourdir les jambes,.
- Parfait ! - s'écria Soeur Margareth, en se levant à son tour – Prenez votre temps. Il fait très bon dans le parc aujourd'hui. Je ne pense pas que vous vous y perdrez. Il n'a pas beaucoup changé depuis votre départ.

Elle se dirigea vers la porte pour l'ouvrir mais s'interrompit dans son élan au dernier moment, comme embarrassée. Un sourire nerveux crispait son visage tandis que ses joues rosissaient d'un certain émoi.

- Pourrais-je juste vous demander une petite faveur, Terrence, avant de partir ? - finit-elle par prononcer d'une voix presque inaudible en regardant le bout de ses chaussures.
- Bien entendu ma mère, que puis-je pour vous ? - répondit-il, le sourcil froncé de curiosité devant le comportement subitement étrange de la religieuse.

Il la vit hésiter et rougir de plus belle, puis plonger la main dans la poche de son habit et en sortir une photo du jeune comédien qu'elle lui tendit en baissant les yeux.

- Auriez-vous l'amabilité de me signer un autographe, Terrence ?

Terry émit un hoquet de stupéfaction devant la demande inattendue de la mère supérieure, puis se reprit, ne voulant en aucun cas la mettre mal à l'aise. Elle était si rouge qu'elle en irradiait la pièce !

Il se dirigea vers le bureau et se munissant d'un stylo-plume, griffonna un mot à son attention puis lui rendit la photo qu'elle saisit avec empressement comme si elle craignait qu'on la lui reprenne.

- « Pour sœur Margareth, avec toute mon affection, votre élève rebelle et dévoué, Terrence » - lit-elle tout bas, comme si elle se parlait à elle-même. Puis elle releva la tête, à la fois émue et ravie – Merci, merci beaucoup Terrence...

Puis dissimulant de nouveau la photo dans sa poche, elle ajouta avec une moue de petite fille fautive :

- Surtout n'en parlez pas à Soeur Grey, elle me le reprocherait...
- Ne vous en faîtes pas ma mère, cela restera entre nous... - lui répondit-il avec un clin d'oeil complice. Puis il pivota sur ses talons en direction de Candy qui l'attendait sur le seuil de la porte, avec un sourire attendri.


Il lui prit la main et l'entraîna dans le couloir qu'ils parcourent à vive allure jusqu'à la sortie, riant comme des adolescents. Le parc s'étendait majestueusement sous leurs yeux, identique à leurs souvenirs et un sentiment étrange s'empara d'eux, la nostalgie d'un passé révolu qui réveillait tout un flot de sensations et d'émotions. Ils se promenèrent tout d'abord autour du collège, longèrent le dortoir des filles, puis celui des garçons, peinant à déterminer quel balcon correspondait à leur chambre. Le temps avait fait son œuvre et effacé ce petit détail de leur vie d'alors, mais ce fut Terry qui parvint le premier à identifier avec certitude la chambre de Candy.
- Tu sais que j'avais l'habitude de t'observer chaque soir de mon balcon ? - lui dit-il, songeur - Je suivais ta silhouette à travers les rideaux, guettant le moment où tu ôterais ta robe de chambre...
- Tu m'espionnais ??? - s'écria-t-elle, indignée, la bouche grande ouverte de stupéfaction.
- Oui, et je n'ai pas honte de le dire. Il n'y avait pas plus belle vision avant de s'endormir... - répondit-il, tel un chat se pourléchant les babines.
- Je n'en reviens pas que tu me dises ça ! Dire que je croyais que tu étais un gentleman... - fit-elle en croisant les bras, retroussant le nez d'un air faussement scandalisé.

Il se tourna vers elle, les poings appuyé sur ses hanches, enchanté de se prêter au jeu de mauvaise foi vers lequel elle l’entraînait.

- C'est vraiment cocasse de se voir reprocher ça par quelqu'un qui n'hésitait pas à se transformer en chimpanzé à jupons pour aller, la nuit de surcroît, visiter le dortoir des garçons !!!
- Alors ça ! Ça ! C'est vraiment malhonnête !!! - s'écria-t-elle, abasourdie par la fourberie de sa remarque – Cela t'a bien arrangé, un soir que tu étais complètement saoul et blessé, que je fasse le mur pour aller chercher de quoi te soigner !!!
- Hé, tout doux ! Pas la peine de prendre la mouche pour si peu, mademoiselle Tarzan-Taches-de-son ! – répliqua-t-il en ricanant tout en appuyant son index sur son joli nez parsemé de taches de rousseur que la colère accentuait.
- Roooooohhhhh ! Je t'interdis de m'appeler comme ça ! - rugit-elle tandis qu'il s'enfuyait en riant - Tu vas voir si je t’attrape !

Furieuse, elle courut à sa poursuite, désireuse de lui demander des comptes. Mais ses élégantes chaussures ne faisaient pas le poids face à de longues jambes masculines. Elle manqua de chuter à plusieurs reprises et se mit à maudire cet être exaspérant aux rires moqueurs insupportables qu'il était redevenu en cet instant.

- Grrrrr ! Ce qu'il peut être énervant parfois ! - se dit-elle tout en enlevant ses souliers qui commençaient à la faire souffrir – Il ne perd rien pour attendre !

Grommelant intérieurement, elle réalisa qu'elle était arrivée au pied de la nouvelle colline de Pony et pressa l'allure pour atteindre le sommet. Adossé contre le vieux chêne, une jambe repliée contre le tronc, il l'attendait tout en mâchonnant la tige d'un trèfle d'un air ironique.

- Tu en as mis du temps, mademoiselle Tach...
- Cela suffit, tais-toi ! - fit-elle, toute essoufflée, en s'adossant à son tour contre l'arbre. Elle aurait plus tard sa revanche, mais pour l'instant, elle ne voulait qu'une chose : se reposer et reprendre des forces - pour pouvoir le ficeler comme un porcelet ! Elle mourait de soif aussi et elle était en nage ! Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris de lui courir après ! Il aurait été bien attrapé si elle ne l'avait pas suivi. Pourquoi fallait-il qu'elle réponde à chacune de ses provocations ??? Peut-être parce-que leur relation fonctionnait ainsi, entre disputes et réconciliations...

Elle tourna la tête vers lui. Son air narquois avait disparu et il avait le regard perdu vers l'horizon.

- A quoi penses-tu, Terry ? - demanda-t-elle.
- Je me disais... Je me disais que cette colline était certainement l'endroit où je me sentais le mieux quand j'étais au collège. Personne ne venait me déranger ici, à part toi qui t'étais approprié le lieu et qui apparaissais à la moindre occasion...
- J'ai bien l'impression que cela ne t'enchantait pas... - observa-t-elle, un brin contrariée.
- Oh non, au contraire ! J'aimais te regarder arriver et je riais en moi-même, car tu parlais souvent toute seule. Je m'étais même un peu demandé au début si tu avais bien toute ta tête...
- Suis-je parvenue à te convaincre du contraire ? - fit-elle, vexée, ses yeux se plissant en deux fentes minuscules sur son joli visage.
- Oh très rapidement, mon cœur ! - dit-il en prenant sa main pour en baiser la paume. Elle se dérida instantanément, fondant comme neige au soleil, incapable de résister à la chaleur de ses lèvres sur sa peau – J'ai vite compris que tes monologues s'adressaient à tes horribles cousins qui te menaient la vie dure en permanence et que tu libérais ainsi toute cette colère en toi. Tu m'as attendri car j'éprouvais la même colère mais je n'avais pas d'exutoire comme le tien...
- Tu as fini par le trouver avec le théâtre...
- Oui, et j'aurais bien voulu que tu sois près de moi à ce moment là...
- On ne peut pas revenir en arrière, Terry...
- Non, tu as raison, mais il y a bien quelque chose que je peux faire à présent et qui m'était impossible autrefois...
- Quoi donc ?
- Ça !

Disant ces mots, il la plaqua violemment contre l'arbre, s'empara des deux mains de son visage et l'embrassa à pleine bouche. Surprise, elle voulut le repousser, mais y renonça tout aussi vite, incapable de résister au doux contact de ses lèvres sur les siennes, à la fois tendres et audacieuses. Quand elles s'écartèrent, elle émit un gémissement de regret qui le fit sourire de satisfaction.

- Tu ne me gifles pas cette fois ? - demanda-t-il sur un ton qui laissait deviner sa fierté d'avoir réussi l'exercice. Elle le fixait amoureusement sans rien dire, les lèvres rougies de la pression de ses baisers. Sur cette colline, entre ses bras, elle lui semblait être transportée dans le temps, ce temps où elle portait un uniforme blanc et lui un costume noir, où leur visage avait conservé les rondeurs de l'enfance et où leurs yeux brillaient encore d'une certaine naïveté jusqu'à ce que tout s'effondre brutalement un soir de septembre... Comme dans un flash, lui revenaient en mémoire ces moments merveilleux qu'ils avaient passés ensemble et toutes les fois où elle avait secrètement espéré qu'il osât l'embrasser de nouveau. Elle n'aurait pas été assez bête pour le gifler cette fois... Mais ils n'avaient pas eu le temps de réitérer l'expérience...

Elle battit des cils, émergeant de sa torpeur et regarda autour d'elle. Rien n'avait changé. C'était les mêmes couleurs, les mêmes odeurs, la même ville de Londres qui s'étendait au loin, à la seule exception près que le jeune homme d’antan qui la tenait dans ses bras n'avait plus peur d'afficher ses sentiments pour elle et n'hésitait pas à le lui prouver. Elle enroula ses bras autour de son cou et l'attira à elle.

- Non, je ne te giflerai pas – finit-elle par répondre – Tant... Tant que tu continueras à m'embrasser...

Il eut un léger mouvement de recul, comme surpris de sa requête, puis son visage s'illumina, et, un sourire aux lèvres, il s’exécuta, d'abord par touches puis avec plus d'ardeur, le souffle de sa respiration se mêlant au sien qui s'échappait de sa bouche entrouverte. Peu à peu, la flamme du désir s'éveilla en eux, crispant leurs gestes, accentuant leurs soupirs, pressant leurs mouvements qui devenaient plus langoureux. Ils perdaient pied, sans équivoque, emportés par la sensualité de leurs élans auxquels le tintement salvateur de la cloche du collège vint mettre un terme avec ses cinq coups qui annonçaient l'heure du thé.

Ils s'écartèrent l'un de l'autre tout essoufflés avec les yeux troubles de ceux que la fièvre emporte. Reprenant peu à peu leurs esprits, ils s'observèrent, à la fois embarrassés et complices, conscients de leur faiblesse commune. Terry haussa finalement les épaules avec un soupir de résignation et, lui tendant la main, lui dit avec un tendre sourire :

- Viens, ne faisons pas attendre sœur Grey...

Fin de la première partie du chapitre 16



Edited by Leia - 19/12/2015, 17:43
 
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