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view post Posted: 15/9/2017, 18:53 Lettres à Juliette - Fanfics pour tous les âges

Chapitre 20



Candy était frigorifiée et elle pressa le pas en direction de sa chambre. Par dessus la rampe de l'escalier, elle aperçut Terry en grande conversation avec Mrs Hughes, et comprit qu'il lui parlait de Cookie. L'esclandre provoqué précédemment par la duchesse de Grandchester avait précipité les choses et éloigné en un clin d'œil leur pauvre ami. Ce n'était pas tant le bain forcé qu'il avait subi qui l'inquiétait, mais sa chute quand il avait essayé de se lever de son fauteuil.

- Se mettre debout avec une fracture au tibia, on n'a pas idée, quand même ! – se dit-elle en secouant la tête.

Cookie venait de leur prouver une nouvelle fois combien il était casse-cou ! Souffrant chaque jour un peu moins de ses blessures grâce aux soins attentifs de la jolie Lucille, elle le soupçonnait de s'être senti pousser des ailes, ailes qui s'étaient royalement brisées sur le sol mouillé des Grandchester ! Avec un peu de chance, il s'en sortirait avec quelques ecchymoses, c'était du moins tout le mal qu'elle lui souhaitait. De toute façon, elle avait prévu de passer le voir avant de retrouver les invités. Elle n'aurait pas l'esprit tranquille tant qu'elle n'en saurait pas plus sur son état.

Elle tourna la poignée de la porte et entra dans sa chambre déjà plongée dans la pénombre. Quelques minutes de tranquillité après une journée aussi animée ne lui ferait pas de mal !… Sa robe humide lui collait à la peau et elle s'empressa de faire rouler chaque bretelle de par et d'autre de ses épaules. La robe retomba à ses pieds, la laissant en sous-vêtements. Le vent soufflait par rafales contre la fenêtre et elle frissonna. Elle se dirigea vers la salle de bain et tourna l'interrupteur. La lampe au-dessus d'elle grésilla, éclairant la pièce de lueurs intermittentes au rythme des soupirs gémissant du vent qui s'insinuait sous les plinthes malgré l'épaisseur des murs.

Elle perçut soudain le cliquetis dans la serrure de la porte de sa chambre. Ce devait être la bonne qui venait lui préparer sa nouvelle tenue… Rassurée, elle tira sur le rideau de douche et s'apprêtait à se dévêtir complètement quand deux mains caressantes se posèrent sur sa taille, l'attirant en arrière.

- Terry ! – fit-elle en gloussant de surprise – Voyons, ce n'est pas le moment…

Pour toute réponse, des lèvres effleurèrent ses épaules puis se collèrent goulument sur sa peau. Elle gémit, basculant la tête en arrière, mais se raidit tout aussitôt à l'odeur d'alcool reconnaissable entre toutes qui pénétra ses narines, cette odeur qu'elle avait subie toute l'après-midi à chaque approche de… Rodolphe !!! Elle se retourna vivement en reculant, horrifiée, son corps tremblant butant contre le rebord de la baignoire.

- Rodolphe !!! Que… Que faîtes-vous ici ??? – fit-elle d'une voix blanche.

Il se tenait devant elle, les yeux avides, le souffle haletant.

- Tu m'as aguiché toute la journée, coquine, avec tes clins d'œil et tes sourires…
- Mais jamais de la vie !!! Comment pouvez-vous penser cela ??? Vous avez perdu la tête ???
- En effet, je l'ai perdue ! – s'écria-t-il en la saisissant par les épaules – Tu me rends fou ! Et je sais que toi aussi tu me désires autant que je te désire, n'est-ce pas ?…
- Mais laissez-moi !!! Au secours, Terryyyyy !!! – hurla-t-elle en se débattant. Mais elle réalisa rapidement que Terry ni personne d'autre ne pouvait l'entendre avec ce vent assourdissant qui secouait tout le château. Son cœur battait à tout rompre ! Elle avait si peur que ses membres se tétanisaient et perdaient en vigueur. Elle était à sa merci, dans cet espace exiguë qui ne lui laissait aucune possibilité de fuite !

Rodolphe s'empara vivement d'elle et la plaqua contre lui, cherchant sa bouche, son haleine imprégnée de whisky se répandant sur son visage. Ses mains puissantes emprisonnaient les siennes. Il était fort, bien plus fort que ce qu'elle aurait imaginé ! Tandis qu'il l'enserrait d'un bras ferme, il parcourait de l'autre main chaque partie de son corps, s'écrasant sur elles avec empressement tout en poussant des petits cris d'excitation. Elle était terrorisée ! Puis il saisit son visage et força sa bouche, sa langue râpeuse cherchant la sienne pour déborder sur ses joues en laissant un filet de salive visqueuse. Elle hurla mais son cri mourut aussitôt sur les lèvres goulues de son agresseur, l'étouffant à demi. Il s'écarta enfin en soupirant de satisfaction. Elle pencha la tête sur le côté, suffocante, sentant la nausée monter dans sa gorge et l'amertume de la bile envahir sa bouche. Elle leva les yeux et vit qu'il lui souriait d'un de ces sourires fiers et comblés qu'elle avait bien souvent vus se dessiner sur le visage d'un autre jeune homme, dont les traits, bien que différents, paraissaient soudainement si comparables : Daniel !… En l'espace d'une seconde, elle se revit dans ce vieux manoir avec lui qui lui barrait le passage, et ce sentiment de danger, de violence qu'elle s'apprêtait à vivre. Elle s'en était échappée, épouvantée et incapable par la suite d'en parler à qui que ce soit. Seuls Albert puis Terry avait été mis dans la confidence mais elle en avait édulcoré le récit pour ne pas les affoler. C'était une blessure intime qu'elle ne se sentait pas le courage de partager…

Rodolphe resserra alors son étreinte, sa main moite poursuivant la découverte de son corps pétrifié d'effroi.

- Tu es à moi à présent ! – haleta-t-il à son oreille tout en cherchant un chemin entre ses cuisses – Tu vas voir ce que c'est qu'un homme, un vrai !

Elle écarquilla les yeux d'horreur, se débattant de plus belle. Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas finir ainsi, violée sur ce carrelage glacial ! Il fallait qu'elle se sauve de cet endroit coûte que coûte ! Soudain, mue par la force du désespoir, elle parvint à se dégager et prenant appui sur le bord de la baignoire, elle lui assena dans les parties un coup violent dont la rage avait décuplé la force. Il se redressa en hurlant de douleur, plongeant ses mains sur son entrejambe. Profitant de son inattention, elle passa derrière lui et le poussa dans la baignoire, entraînant dans sa chute le rideau de douche qui le recouvrit tout entier. Sans plus attendre, elle s'empressa de quitter la salle de bain mais buta dans sa course contre le lavabo et se cogna la hanche douloureusement. Un peu sonnée, elle poursuivit néanmoins sa fuite et courut vers la porte de sa chambre, mais elle avait beau tourner la poignée, celle-ci restait résolument fermée !!!

- Vas-tu t'ouvrir saleté de porte ???? – gémissait-elle en secouant désespérément la poignée.
- C'est cela que tu cherches, ma jolie ?

Elle sursauta et tournant la tête, elle vit Rodolphe qui s'approchait d'elle, une clé sautillant dans la paume de sa main. Horrifiée, elle fixait cette clé, son seul sésame vers la liberté, vers la sécurité, et c'était lui, ce monstre, qui la détenait ! Cela ne pouvait pas finir ainsi ! Non, jamais elle se laisserait faire !

Rassemblant ses dernières forces, elle se rua sur lui. Surpris, il bascula en arrière, lachant la clé qui roula au pied du lit. Elle s'en saisit et se précipita sur la serrure. Sa main tremblait, manquant à plusieurs reprises le trou. Enfin, la clé tourna dans la serrure et la porte s'ouvrit ! Le soulagement emplit son cœur et elle s'élança vers l'extérieur, mais au même moment, une main vigoureuse la retint, déchirant en partie sa combinaison ! Elle se cramponnait à la poignée comme une désespéré ! La porte allait se refermer sur elle et elle serait prise au piège !

Alors, dans un dernier sursaut, elle s'agrippa à l'encadrement de la porte, et gonflant sa poitrine, elle hurla ! Elle hurla à pleins poumons avec toute la force de la terreur et de la détresse! C'était un cri inhumain, ce genre de cri que l'on pousse quand on ne veut pas mourir…

Ensuite, telle une vulgaire poupée de chiffons, elle se sentit catapultée vers l'intérieur. Rodolphe l'avait tirée en arrière si violemment et avec une telle fureur qu'elle trébucha et sa tête buta contre le lit. Son crâne lui faisait horriblement mal et elle sentit qu'on la jetait par terre. Elle entrouvrit les yeux et vit son bourreau penché au dessus d'elle.

- Tu voulais t'échapper, sale garce, hein ! Tu vas voir ce que tu vas voir !!! – s'écria ce dernier en déboutonnant son pantalon.

Elle secoua la tête dans tous les sens, essayant de le repousser de ses mains qu'il empoigna avec force.

- Cesse donc de gigoter !!! – s'écria-t-il tout en la maintenant collée au sol. Mais comme elle résistait, il lui flanqua du revers de la main une gifle à toute volée, la laissant à demi étourdie de douleur. Puis serrant un peu plus fort son bras, il lui murmura à l'oreille – Si tu n'arrêtes pas de bouger, je te casse le bras. Compris ?

Son regard de fou fixait le sien et elle comprit qu'il n'hésiterait pas à exécuter sa menace. Terrorisée, elle opina d'un battement de paupières, et serra les dents en gémissant tandis qu'il s'allongeait sur elle et se frayait un passage entre ses cuisses avec des grognements d'animal. Elle voulait hurler mais sa bouche restait muette, paralysée par la peur. L'air lui manquait tant il pesait de tout son poids sur elle. Ses mains répugnantes glissèrent sur ses fesses et d'un coup sec, il arracha le lien qui retenait son panty. Elle gémit d'horreur, serrant les paupières de dégout. Il la saisit par le menton, l'obligeant à le regarder.

- Tu fais moins la maline, ma belle, hein ? Ne te fais pas d'illusions ! Personne ne va venir à ton secours ! Ils sont tous en bas en train de boire et de danser. Tu es à moi, à moi seul !...

Elle tendit le cou de répulsion, cherchant des yeux un quelconque objet dans la pièce qui pourrait l'aider à repousser cet être immonde qui l'immobilisait et s'apprêtait à la violer ! Toute à sa lutte, elle aperçut du coin de l'oeil une de ses chaussures qu'elle avait enlevées en rentrant dans la chambre. Une jolie chaussure avec un talon bobine bien solide… Elle était à portée de main… si elle parvenait à tendre le bras ! Par chance, Rodolphe s'écarta légèrement à ce moment là pour fouiller dans son pantalon à la recherche de son attribut, qui à l'évidence avait bien des difficultés se manifester… Profitant de cette seconde de répit, elle dégagea son bras, se saisit de la chaussure et le frappa au visage aussi fort que son corps entravé le lui permettait. Il se redressa immédiatement en hurlant de douleur et tomba à la renverse, la main plaquée son oeil. Libérée, Candy bondit comme un ressort, serrant toujours aussi fort la chaussure dans sa main. Son agresseur geignait, couché sur le sol. Du sang coulait de son visage. Elle le fixait, pétrifiée, incapable de faire le moindre mouvement. L'homme blessé qui lui barrait le chemin semblait inoffensif à présent, mais il fallait le contourner et risquer qu'il la capture de nouveau. Il fallait faire vite avant qu'il ne se ressaisisse !

Rassemblant tout son courage, la jeune blonde fit un pas, puis un autre tout en le suivant avec méfiance du regard, lequel continuait à geindre, son visage dans ses mains. C'était le moment ou jamais ! Bandant ses muscles, elle bondit avec un cri plaintif au dessus de ce corps qui restait immobile, indifférent à sa présence, mais au moment où son pied touchait le sol, elle sentit une main qui s'agrippait à sa cheville et elle bascula en avant, s'écroulant de tout son poids sur le tapis. Emergeant de sa torpeur, elle releva la tête et aperçut Rodolphe, derrière elle, qui s'approchait en rampant.

- Où vas-tu comme cela ma jolie ? – fit-il, un sourire carnassier déformant son visage. De son œil blessé perlaient des larmes de sang. Il ressemblait à ces hideuses créatures décrites dans les livres d'épouvante ! Sa progression se faisait lente mais constante. Déjà sa main remontait sur son mollet. Le scenario horrible qu'il venait de lui faire subir était en train de se répéter !… Et elle ne voulait plus revivre cela. Plus jamais !

D'un mouvement vif, elle se retourna, obligeant Rodolphe à lâcher prise, et en appui sur ses coudes, elle l'affronta. La surprise se lut l'espace d'une seconde sur le visage de ce dernier. Ce n'était plus la peur qu'il lisait dans son regard mais la colère et la détermination ! Sans lui laisser le temps de réfléchir plus longtemps sur son compte, elle lui assena un grand coup de pied qu'il reçut en pleine mâchoire, le faisant basculer sur le côté. Puis il en reçut un autre tout aussi violent au nez avec un bruit d'os qui se brisent et cette douleur insupportable qui lui arracha un cri. Profitant de son étourdissement, elle se rua alors sur lui en hurlant rage, le matraquant de ses poings, le frappant, le griffant avec toute la furie que sa peur avait engendrée. Déstabilisé, il essayait de se protéger de ses bras, incapable de maîtriser cette folle furieuse qui le cognait avec une force incroyable. Elle allait le tuer, à coup sûr !

Soudain, les coups cessèrent et il rouvrit les yeux. De son œil valide, il aperçut le visage blême de Terry, et un frisson d'angoisse le parcourut. Il se dit que si ce n'était pas elle qui allait le tuer, ce serait lui car la façon dont il le regardait ne présageait rien de bon pour lui. Il se sentit soulevé de terre et trainé par les cheveux sur plusieurs mètres. Puis les coups redoublèrent avec une telle intensité qu'il pensa que son compte était bon, qu'il allait mourir comme un misérable dans cette chambre. Chaque coup assené le faisait chaque fois un peu plus sombrer dans l'inconscience, il n'avait plus la force de se défendre, ni même de demander grâce.

- Je t'en supplie, Terry, arrête ! – crut-il entendre soudain dans une semi-conscience. C'était la voix de Candy – Je t'en supplie, arrête, tu vas le tuer !!!
- C'est bien ce que j'ai l'intention de faire ! Allons, salopard, lève-toi et bats-toi !!!
- Tu vois bien qu'il en est incapable ! Il a eu son compte crois-moi. Laisse-le, je t'en supplie !...

A bout de souffle, Terry se releva. Ses mains étaient recouvertes d'un sang qui n'était pas le sien… Candy passa son bras autour du sien et leva des yeux remplis de larmes vers lui. Elle tremblait…

- C'est fini… - dit-elle en posant sa tête contre son épaule – C'est fini…

Puis elle regarda Rodolphe et frissonna de dégoût devant le spectacle pitoyable qu'il lui renvoyait. Cet être odieux, ce lâche qui l'avait attaquée par surprise s'était changé en une pauvre chose misérable, ridicule avec son pantalon saucissonné sur les chevilles. Il était vraiment grotesque !

- Terrence, Candice ?!!! – s'écria une voix masculine. Le Duc de Grandchester venait de faire irruption dans la chambre. Il avait le visage livide, comme vidé de ses couleurs. Il comprenait ce qu'il venait de se passer… Il posa un regard glacial sur son fils, couché par terre et gémissant, puis se tourna vers Candy, réfugiée dans les bras de Terry.

- Vous… Vous allez bien, Candice ? – demanda-t-il d'une voix hésitante, ébranlé par le choc de ce qu'il venait de découvrir.
- Oui… - fit-elle en opinant du chef – Je vais bien. Ne vous inquiétez pas…

Il soupira tristement et esquissa un geste affectueux vers elle, geste interrompu dans son élan par les hurlements hystériques de sa femme.

- Mon dieu, Rodolphe, que lui est-il arrivé ??? – s'écria-t-elle en se précipitant vers son illustre fils, dont la tête avait triplé de volume. Elle s'assit à côté de lui et l'installa entre ses genoux, le caressant comme il eut été d'un enfant – Là, là, mon chéri. Tout va bien. Je suis là…

Son regard se promena autour d'elle, puis s'arrêta sur Candy et Terry qui la fixaient sans rien dire. Leurs vêtements déchirés et leurs blessures au visage témoignaient de la violence qui s'était déchainée dans la pièce. Le menton tremblant d'émotion, elle caressa de plus belle son fils qui gémissait entre ses bras. Soudain, elle se tourna vers eux et ouvrit la bouche, s'arquant tel un cobra sur le point de cracher.

- Quel piège lui avez-vous tendu, petite aguicheuse, hein ?!!!! Vous n'allez pas vous en sortir comme ça ! Je vais vous faire jeter en prison tous les deux et vous n'en sortirez pas avant longtemps ! Vous n'êtes que des criminels, des…
- Suffit, madame !!! Un seul mot de plus et je vous chasse de cette maison pour n'y plus revenir !!! Votre aveuglement n'est qu'une insulte de plus à notre famille ! Votre fils, par son comportement inqualifiable vient de l'entacher de façon irrémédiable, un déshonneur impardonnable qui nous poursuivra de génération en génération !
- Ce fils que vous blâmez tant est aussi le votre, je vous le rappelle !
- Il l'est, à mon grand regret et pour notre plus grand malheur… - soupira-t-il – Je ne puis ignorer les liens du sang, mais je peux toujours ignorer jusqu'à son existence…

L'incompréhension se lisait sur le visage de Beatrix.

- Que voulez-vous dire, Richard ?

Pour toute réponse, le Duc s'approcha de son fils.

- Rodolphe ! – dit-il d'une voix impérieuse et glacée - Vous quitterez ce château dès ce soir et n'y reviendrez plus jamais ! Je vous retire tous vos titres et tous vos biens. Vous n'êtes plus noble, vous n'êtes qu'un moins que rien. Je vais faire envoyer jusqu'à la moindre de vos affaires à vos appartements de Londres. Je veux que ces lieux soient vidés de votre présence d'ici demain où vous prendrez le bateau pour Canberra en Australie. Je ne veux plus jamais entendre parler de vous ! Je veux oublier jusqu'à votre existence !
- Mon dieu, Richard, vous n'y pensez-pas ??? Que va-t-il devenir ?
- Veuillez bien croire, madame, que je m'en fiche comme d'une guigne !
- Richard, pour l'amour du ciel, ayez pitié !!! Ne faites pas cela, c'est notre fils !!!

Elle s'était jetée à ses pieds en sanglotant, les mains agrippées au bas de son pantalon.

- Ma décision est prise, madame, et je n'y reviendrai pas dessus. Soyez heureuse que je ne contacte pas la police ! Vous êtes libre de le suivre si vous le souhaitez. Je ne vous retiendrai pas !…

Puis, il se tourna vers Terry et lui dit d'une voix lasse.

- Amène Candy le plus discrètement possible dans ta chambre. Changez-vous et quittez le château au plus vite ! Cette famille vous a fait suffisamment de mal…
- Mais, père !...
- Ne t'inquiète pas. Je vais rejoindre nos invités et prétendre que tout va bien. Je peux être très bon comédien moi aussi quand je le veux… - avait-il ajouté avec un triste sourire. Il posa une main réconfortante sur l'épaule de son fils puis quitta la pièce, sans un regard pour Beatrix ou Rodolphe.

Cette fois, Terry obéit à son père et conduisit Candy à sa chambre. Une domestique, certainement envoyée par le Duc, les rejoignit peu de temps après avec une nouvelle toilette pour Candy. Tandis que celle-ci se changeait dans la salle de bain, Terry écrivit un message à l'attention de John et demanda à la servante de le lui remettre. Quelques minutes plus tard, ils rejoignaient ce dernier qui les attendait avec sa voiture dans la cour. Le jeune couple s'engouffra dans le véhicule qui s'éloigna à vive allure en direction du domicile de leurs amis, bienveillant refuge pour leurs âmes meurtries…

Fin de la première partie



Edited by Leia - 22/9/2017, 09:55
view post Posted: 15/9/2017, 09:36 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
QUOTE (floco @ 14/9/2017, 11:37)
Bonjour

Je viens de lire le chapitre 19 et Whaou!! Je l'aime de moins en moins ce Rodolphe, bon d'accord le reste de la famille n'on plus (à part le Duc).

Je n'ose même pas imaginer ce à quoi est dû le cri perçant de Candy...

En tout cas j'ai hâte de lire le prochain chapitre (et voir par la même occasion Terry balancer son poing dans la figure de son "merveilleux" frère, en espérant que ce dernier n'est pas été trop loin avec Candy)
Et par la même occasion, on peut rêver, voir le Duc humilier sa "chère" femme et progéniture devant tout le monde!! :D :D

Bref, hâte de lire la suite, et encore bravo pour ce chapitre.

Bises

Merci beaucoup Floco ! J'espère que le prochain chapitre te plaira. Cela risque d'être animé ! :Demon09:

QUOTE (CandyTerryforever @ 14/9/2017, 23:44)
Bonjour Leïa,

Apparemment je tombe bien : pour ma petite incursion sur le forum -cela fait si longtemps!- je découvre tes deux nouveaux chapitres. Bon sang ! Béatrix rivalise avec Sarah Legan et Sybille ne vaut guère mieux qu'Eliza. Comme quoi des pestes il y en a dans toutes les familles !
C'est tjs avec autant de plaisir que je te lis. C'est romanesque, fluide, bien tourné, très imagé et on saute dans l'histoire avec délectation.
Promis, je vais guetter le prochain épisode. 😊😊😊

Merci beaucoup ! C'est vrai que la belle-famille de ce pauvre Terry est vraiment détestable. Moi aussi, ils m'énervent ! :MDR2: J'espère que je pourrai écrire le prochain chapitre plus rapidement et qu'il te plaira tout autant ! Merci de continuer à me lire après tout ce temps ! :lv10:
view post Posted: 13/9/2017, 17:40 Lettres à Juliette - Fanfics pour tous les âges

Chapitre 19



Parvenu au pied de l'escalier, il la chercha du regard et l'aperçut en train de traverser le salon, saluant amicalement le personnel qu'elle croisait sur son chemin. Il ne la voyait que de dos mais n'en était pas moins subjugué par sa beauté et la grâce qui se dégageait d'elle.

Comment son empoté de frère avait-il pu séduire une femme comme elle ?

Il la détaillait avec envie, fasciné par le décolleté plongeant qu'elle arborait dans le dos, dévoilant discrètement la cambrure de ses reins. Son imagination s'échauffa et les pensées les plus folles, à faire rougir le marquis de Sade, le traversèrent. La fixant de ses yeux libidineux, il passa sa langue sur ses lèvres gonflées de gourmandise et hâta le pas dans sa direction, les quelques mètres les séparant lui semblant durer une éternité.

Elle était tout près de lui à présent, et semblait occupée avec une servante. Il soupira d'aise et tendit le bras vers son épaule, laissant ses doigts glisser sur sa peau laiteuse qu'elle avait divinement douce. A leur contact, elle sursauta de surprise et se retourna vivement vers lui, provoquant dans l'action une collision frontale entre sa tête à lui et la masse multicolore qu'elle tenait entre les mains, tandis qu'il se courbait légèrement en signe de révérence.

- Sacrebleu, qu'est-ce donc ? – hurla-t-il en s'agitant, asphyxié, comme un possédé.
- Mais calmez-vous, voyons ! – s'écria Candy – Vous êtes en train de détruire mon bouquet !!!

C'était un magnifique bouquet qu'on venait de lui remettre de la part de Patty et ce malotru était en train de tout abîmer ! Elle recula d'un pas, le libérant de l'emprise de son arme défensive et eut un mal fou à se retenir de rire devant le spectacle drolatique que le jeune homme lui offrait : il avait des pétales de fleurs dans la bouche mais aussi dans les cheveux, lesquels débordaient de ses grandes oreilles. Pour compléter le tableau, du pollen recouvrait son nez empâté et auréolait d'un halo safrané ses yeux qu'il avait rapprochés, ce qui lui donnait des allures d'une chèvre échappée d'un enclos qu'elle aurait dévasté. D'une main vive, il essuya les pétales collés à ses lèvres en marmonnant des jurons, heureusement à peine audibles. Candy en reconnut néanmoins quelques uns et se dit qu'elle avait affaire à un personnage vraiment singulier. Elle le considérait de ses magnifiques yeux verts pailletés d'or avec interrogation et une certaine méfiance. Sa haute et mince silhouette lui rappelait quelqu'un sans qu'elle puisse y mettre un nom, les traits disgracieux de son visage ne facilitant pas la tâche. Déstabilisé, l'inconnu redressa fièrement son menton, feignant d'ignorer le ridicule de son apparence, mais au bout de quelques secondes, son nez se mit à le grattouiller.

- Fichue allergie ! – se dit-il tout en éternuant bruyamment à plusieurs reprises.

Il se redressa en reniflant, les yeux rougis, tout en tirant sur les pans de sa veste, essayant de retrouver un peu de dignité. Voulant la saluer d'un baisemain, il remarqua qu'elle avait les siennes toujours occupées par le bouquet, et dut se contenter d'un signe de tête révérencieux :

- Veuillez excuser mon outrecuidance, mademoiselle… - parvint-il à dire entre deux éternuements - Je n'avais aucune intention de vous effrayer… Permettez-moi (Atchoum!) de me présenter. Rodolphe Grandchester, pour vous servir. (Atchoum!)
- Vous… Vous êtes le frère de Terry ? – fit Candy en portant une main à sa bouche pour dissimuler le sourire moqueur qui se dessinait sur ses lèvres. Elle retint difficilement un hoquet, signe annonciateur d'un éclat de rire qui menaçait gravement d'exploser.
- En quelque sorte, oui… - répondit-il avec une moue de dédain. Il l'avait faite discrètement mais elle l'avait remarquée et l'agacement s'empara d'elle. Décidément, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre dans cette famille ! Il ne manquait plus qu'elle croise Sybille et sa future belle-mère pour compléter le tableau du trio diabolique !
Ce fut donc avec un plaisir non dissimulé qu'elle lui répondit, de sa voix la plus angélique :
- Je suis ravie de faire votre connaissance Rodolphe, même dans une situation aussi… cocasse (d'un air malicieusement ingénu, elle agita de plus belle le bouquet devant lui ce qui eut pour effet de redoubler ses éternuements).
- (Atchoum!) Le plaisir est pour moi, mademoiselle… Mademoiselle ? – feignit-il d'ignorer.
- Candice… Candice Neige André, la fiancée de Terrence… Du moins, sur le point de l'être…

Ce grand bêta est le frère de Terry ? Mon dieu, il est aussi vilain que sa sœur ! J'espère qu'il n'est pas aussi fourbe qu'elle…

- Enchanté de faire votre connaissance… - fit-il en essayant de lui voler sa main pour y déposer un baiser. Elle tenta de résister mais ne voulant pas paraître impolie, elle se résolut à subir le supplice, esquissant une moue de dégoût au contact de ses lèvres qui frôlaient sa peau. Ceci fait, elle retira prestement sa main avec un sourire crispé qui cachait difficilement son embarras.

Comment allait-elle pouvoir se débarrasser de ce pot de colle ?

Par chance, elle aperçut Cookie qui arrivait sur sa chaise roulante poussée par Lucille, la jolie infirmière. Saisissant l'opportunité, elle bondit sur lui et sans lui laisser le choix, lui présenta, avec l'énergie du désespoir, l'encombrant demi-frère.

- Cookie, je te présente Rodolphe, le frère de Terry ! - s'écria-t-elle avec le théâtral enthousiasme d'un bonimenteur sur un stand de foire.
- Lui, le frère de Terry ? – marmonna-t-il, incrédule, en le détaillant de haut en bas, se demandant s'il n'avait pas plutôt affaire à l'épouvantail qu'il avait aperçu tantôt planté au milieu du jardin potager du château.
- Mon cher Cookie, Rodolphe ne connaît pas encore tes aventures maritimes, et je suis certaine que cela pourrait le passionner. N'est ce pas ? – fit-elle en battant des cils en direction de ce dernier.
- Ma foi… - bredouilla-t-il, déconcerté. S'il y avait bien une chose dont il se fichait, c'étaient bien les exploits de soiffards en pull rayé!
- Magnifique ! Je suis sure que vous allez bien vous entendre ! – fit-elle en adressant un clin d'œil complice à Cookie qui la regardait avec de grands yeux désespérés.

Se dressant alors sur la pointe des pieds, le cou tendu vers le fond de la pièce, elle s'écria :

- Oh ! Je viens de voir passer Mrs Hughes ! Vous me voyez navrée de devoir vous laisser mais je dois régler quelque chose au plus vite avec elle avant que tous les invités ne soient arrivés. Je ne peux rester plus longtemps en votre charmante compagnie, j'en suis désolée…

Elle prit un air faussement contrit tout en tournant les talons, et s'éloigna d'un pas vif, sans se retourner.

- Mais… - gémirent en même temps les deux jeunes hommes, stupéfaits.

Elle avait honte de ce qu'elle venait de faire mais ce Rodolphe la mettait vraiment mal à l'aise. Son instinct lui dictait de rester le plus loin possible de lui, instinct qui lui avait bien souvent sauvé la mise par le passé. C'était donc cela qu'elle était bien décidée à écouter, quitte à vexer le cadet des Grandchester !

Elle se dirigea vers les cuisines qui se trouvaient au sous-sol, non pas pour s'y terrer en attendant la cérémonie mais en quête d'un vase pour le bouquet de Patty. Cette dernière y avait ajouté un petit mot qu'elle avait eu juste le temps de lire avant d'être interrompue par l'hideux "petit frère", dans lequel elle lui souhaitait une merveilleuse journée de fiançailles avec l'espoir de prochaines retrouvailles en Amérique. Cela signifiait-il que Patty avait décidé de repartir là-bas ? Qu'allait-il advenir d'Alessandro ? Elle avait hâte d'en savoir plus et se promit de prendre de ses nouvelles dès le lendemain. Ces deux dernières semaines étaient passées si vite !

Toute à ses pensées, elle tomba nez à nez avec Mrs Hughes, la gouvernante, qui sortait de son bureau. A l'étrange tête que faisait Candy, elle comprit aussitôt et lui dit :

- Vous venez de faire la connaissance de monsieur Rodolphe, n'est ce pas, mademoiselle ?

Candy opina frénétiquement de la tête, serrant son bouquet contre elle en guise de consolation. Un sourire complice se dessina sur les lèvres de la vieille femme.

- Venez – fit-elle en passant un bras compatissant autour de ses épaules tout en l’entraînant à l'intérieur de son office – Je crois qu'un petit verre de Porto ne vous fera pas de mal pour passer cette épreuve. J'ai pour ma part tendance à en user plus que de coutume quand les enfants Grandchester sont là…

Un long soupir accompagnait ces paroles dans lesquelles pointaient le sarcasme et la résignation. Le cœur de Candy se serra, réalisant que la vie ne devait pas être facile tous les jours avec de tels maîtres, et se promit d'en souffler un mot à Terry, à tête reposée. Mais pour l'instant, une longue journée l'attendait. Un peu d'encouragement ne lui ferait pas de mal et c'est avec gratitude qu'elle accueillit le verre à liqueur que la gouvernante lui tendait…

******************

C'était la fin de l'après-midi et la fête battait son plein dans le jardin du château. Le personnel restait néanmoins sur le qui-vive, surveillant le ciel régulièrement après avoir remarqué de lourds nuages noirs qui s'accumulaient au loin. Avec un peu de chance, ils se dissiperaient grâce au vent léger qui venait de se lever, mais la vigilance était de mise car on n'était jamais à l'abri d'un orage soudain. Bien que tout ait été prévu dans cette éventualité, mot d'ordre avait été donné pour éviter que les invités soient surpris par la pluie. Mais pour l'instant, les grandes tentes qu'on avait installées dans cette hypothèse se contentaient d'accueillir les convives en quête d'ombre ou de repos après avoir effectué quelques danses sur la piste. Le repas, succulent, et surtout son vin, avaient quelque peu brisé les dernières résistances des invités, encore stupéfaits par ces fiançailles entre le fils du Duc de Grandchester et cette jeune américaine dépourvue de sang noble. Les a priori étaient encore tenaces dans la haute aristocratie et difficiles à combattre, même pour un couple aussi moderne que celui de Candy et Terry. Pourtant, au moment où cette dernière avait fait son apparition dans le grand salon, des murmures s'étaient élevés dans l'assistance dans un brouhaha de ravissement et d'admiration. Surpris par sa beauté et sa grâce alors qu'elle avançait vers Terry, ils n'avaient pu que reconnaître la qualité de sa personne. Les hommes, subjugués, l'avaient suivie du regard non sans envier intérieurement le jeune fiancé qui se tenait fièrement à côté de son père, un sourire de satisfaction sur les lèvres. Ils ne s'étaient pas croisés de la matinée, et comme la majorité des invités, il l'avait découverte, sublime, dans cette robe qui suivait divinement ses courbes et dont l'ourlet frôlait le sol dans un léger bruissement. Le jaune lui allait à ravir, exaltant la couleur de sa peau qui s'était colorée avec les beaux jours, et rehaussant le vert de ses yeux qu'elle avait maintenus tout le long sur lui pour ne pas être troublée par ces regards étrangers qui la dévisageaient. Il lui avait pris la main et lui avait souri tendrement, devinant son angoisse.

De son côté, étrangement, il s'était senti très à son aise. Pour lui, ces fiançailles n'avaient valeur que de répétition. La grande première n'aurait lieu que dans quelques semaines, à laquelle assisteraient et participeraient des gens qu'il respectait et qu'il aimait, contrairement à ceux qui se trouvaient là présentement et pour lesquels il n'éprouvait que du mépris ou de l'indifférence. Lui, que l'on avait toujours regardé avec condescendance pour la nature de ses origines se délectait de leurs mines déconfites devant le bonheur insolent qu'il leur affichait. Tous ces mariages arrangés pour préserver leurs rangs et leurs richesses faisaient pâle figure devant l'amour véritable et inconditionnel qui l'unissait à Candy. Leurs visages crispés de jalousie et de frustration retenue lui étaient apparus comme la meilleure des revanches, et c'était avec les yeux brillants de fierté qu'il avait écouté son Duc de père, présenter de manière élogieuse sa future épouse devant tout le gotha aristocratique. Elle les avais salués d'un air timide tout en évitant le regard insistant sur elle de son beau-frère qu'elle avait aperçu du coin de l'oeil, à côté de ses illustres sœur et mère. Dieu que cet homme la mettait mal à l'aise ! Heureusement, un peu à l'écart, elle avait remarqué la présence de John et de son compagnon qui lui souriaient avec bienveillance, et elle s'était sentie aussitôt rassurée. D'une oreille distraite, elle avait écouté le Duc célébrer sa présence, faire l'éloge de sa famille et de son père adoptif, William André. La veille, Richard Grandchester lui avait fait part de son souhait d'évoquer son adoption afin de tuer dans l'oeuf les mauvaises langues. Elle n'y avait vu aucun inconvénient, n'ayant pour sa part jamais cherché à cacher cette filiation. Mais être acceptée par cet homme de grande noblesse devant la haute aristocratie britannique l'avait rendue d'autant plus fière d'Albert et de son choix en faisant d'elle sa fille...

Les présentations faites, ils s'étaient tous rendus à la chapelle familiale toute proche où les attendait le prêtre, venu directement d'Edimbourg pour célébrer la messe traditionnelle puis, à la fin de celle-ci, le jeune couple et leurs plus proches parents avaient été réunis à l'écart pour la bénédiction des fiançailles. John, seul membre proche de Candy avait lu un texte biblique, puis plusieurs prières avaient été récitées. Le prêtre avait prononcé les paroles de conclusion et on avait terminé par un chant à la gloire de Marie. Contre toute attente, Terry en était sorti bouleversé car, au moment de passer la bague de fiançailles au doigt de Candy, il avait réalisé que ce qu'il avait ardemment souhaité n'était plus un rêve impossible. Peu importait que la cérémonie se déroula devant son idiot de frère et sa stupide sœur, ou sous le regard sournois de sa belle-mère, le regard ému de Candy posé sur lui avait tout balayé. Elle était officiellement sa future épouse et il avait beaucoup de mal à en maîtriser la joie.

Le repas de fiançailles déroula autour d'un somptueux buffet permettant ainsi aux jeunes fiancés de saluer les invités, de discuter plus aisément avec eux, mais aussi de fuir les plus ennuyeux. Il y avait tellement de monde qu'il était facile de passer de l'un à l'autre avec un petit mot d'excuse pour qu'ils ne se sentent pas délaissés. Néanmoins, toute cette attention laissait peu de temps aux amoureux de trouver un moment pour eux. Souvent séparés, ils se jetaient discrètement des oeillades complices en soupirant. Candy se trouvait particulièrement au cœur des attentions, régulièrement sollicitée par ces messieurs pour une danse ou une conversation innocente. Rodolphe, plus entreprenant que jamais, venait régulièrement réclamer une danse, danse qu'elle ne pouvaitu malheureusement lui refuser au risque de paraître très mal élevée. A chaque fois, profitant de l'aubaine, il la serrait fort contre lui, sa main plaquée contre ses reins lui empêchant tout mouvement d'esquive. Son haleine chaque fois plus alcoolisée venait brûler ses joues rougissantes du calvaire qu'il lui faisait subir et elle détournait la tête, saisie de dégoût. Par chance, il y avait toujours un prétendant suffisamment insistant pour qu'il lâchât prise, le savoir-vivre britannique s'imposant face à ses pulsions primaires, et il la libérait à contre-coeur, avec le détestable sentiment qu'on la lui volait.

A présent, il était plus contrarié que de coutume, car il savait qu'il ne pourrait lui demander une autre danse, ayant dépassé outre mesure son quota, tout futur beau-frère qu'il était. Il se mit à alors errer parmi les invités, son verre de whisky à la main, ayant délaissé depuis un moment déjà le champagne, trop léger à son goût. Il remarqua Cookie en grande discussion avec John et son compagnon, un très séduisant homme d'âge mûr, dont les belles dents blanches brillaient à travers sa barbe blonde. Il leur adressa un regard désapprobateur en passant devant eux, la bouche pincée d'indignation.

Comment ces deux là peuvent-ils s'afficher ainsi devant tout le monde ? Comme si on ignorait ce qu'ils sont l'un pour l'autre ? Je me demande comment mon frère a pu oser inviter ces... ces deux folles ??? Il est décidément plus dérangé que je ne le pensais ! Comment donc la belle Candice peut-elle avoir des sentiments pour ce un tel dégénéré ???

Ses yeux se posèrent alors sur Terry, son bâtard de frère, et la jalousie s'empara de lui, rendant l'air irrespirable. Tandis qu'il l'observait en train de discuter, il surprit sa main, frôlant discrètement celle de Candy au moment où elle passait à côté de lui. Il perçut le regard éloquent qu'elle lui adressait en retour, le conviant à sa conquête : ce fugace échange qui ne laissait plus aucun doute sur l'immoralité de leur relation...

Tremblant de rage, il sentit le démon de la concupiscence pénétrer tout son être, et il lui fallut un long moment pour retrouver ses esprits, notamment grâce à un nouveau verre de whisky qu'il avait intercepté au passage d'un serviteur. Il entendit rire et tourna la tête dans la direction dudit bruit. C'était Candy, visiblement amusée par ce que venait de lui chuchoter à l'oreille son amoureux. Il serra le poing, livide, le regard fixé sur elle qui riait aux éclats. Comme elle était belle, et comme il la désirait !...

Quelqu'un s'approcha de lui, si près qu'il pouvait sentir son haleine contre son oreille. Il connaissait bien cette voix, si familière qu'elle pouvait deviner ce qui le tourmentait, et il fronça les sourcils d'agacement.

Tu devrais cesser de la dévorer ainsi des yeux, frérot, sinon tu risques de t'attirer des ennuis... - fit Sybille sur un ton moqueur.
Laisse-moi tranquille, veux-tu ? Je n'ai que faire de tes sarcasmes ! C'est un homme désespéré que tu as devant toi !

La jeune femme ricana en haussant les épaules, son visage ingrat dissimulé sous un éventail qu'elle tenait devant sa bouche dont les piques mordantes traversaient le papier avec la vigueur d'une flêche empoisonnée.

Comment peux-tu t'être amouraché de cette paysanne ? Elle n'a ni grâce ni élégance ! Tout juste bonne à faire passer le plateau de petits fours !
Ta mauvaise foi t'aveugle, soeurette ! Elle est juste sublime, une vraie déesse ! Et t'écouter la critiquer ainsi m'incite à penser que tu es juste jalouse d'elle !
Moi, jalouse ??? - s'écria la jeune aristocrate dans un grognement porcin.
Oui, jalouse comme toutes les femmes qui sont ici. Regarde un peu comme elles l'observent du coin de l'oeil en parlant à voix basse, usant de leurs petits commentaires acerbes sur son incomparable beauté. Elles la détaillent, l'examinent, cherchant un défaut qui n'existe pas... Elle est merveilleuse...
Si tu le dis... - soupira-t-elle - mais tout aussi « merveilleuse » qu'elle soit, tu devrais chercher une autre proie, car celle-ci, malgré toutes tes tentatives, n'a d'yeux que pour Terrence !

Sur ce, elle tourna les talons, abandonnant son frère à ses irréalistes pensées, lequel regarda s'éloigner son imposant postérieur en grommelant.

C'est ce que nous verrons, soeurette ! C'est bien ce que nous verrons...

****************



Le moment tant redouté finit par arriver... L'orage qui s’amoncelait au loin, comme attiré par les bruits de la fête, se manifesta d'abord par un grondement sourd et rauque. Puis, poussé par le vent, sa progression s'accéléra, obscurcissant le ciel et repoussant le soleil derrière d'épais nuages qui s'accumulèrent au dessus du château, menaçant d'éclater à tout moment. Aux premières gouttes, on invita tout le monde à rentrer à l'intérieur, les domestiques se précipitant avec des parapluies pour les protéger. En un rien de temps, une averse torrentielle s’abattit sur le jardin qui surprit deux retardataires, lesquels se réfugièrent précipitamment sous les tentes en attendant qu'on vienne les chercher. Le vent soufflait si fort que les tentes menaçaient de s'envoler, renversant les verres sur les tables et faisant voler les serviettes. Cookie, ledit retardataire, coincé sur place avec Lucille, devenait de plus en plus inquiet. Dans leur hâte pour rentrer, son fauteuil roulant s'était coincé, et ils avaient préféré retourner à leur abri plutôt que d'être trempés comme une soupe. Leur situation devenant de plus en plus incertaine, la jeune infirmière prit alors la décision de braver la pluie pour chercher main-forte.

- Je reviens au plus vite, monsieur Dicks ! Ne vous inquiétez pas ! - fit-elle en s'éloignant, maintenant d'une main ferme sa coiffe dont les longs pans fouettait son visage et entravait sa vue. Pénétrant toute dégoulinante dans le château, elle fut surprise par la sérénité des lieux. L'orchestre, réuni dans le grand salon, s'était remit à jouer et les invités avaient repris leurs conversations que l'orage avait interrompues pendant un instant. Déambulant comme une âme en peine, elle finit par croiser Candy, occupée à éviter son indésirable beau-frère qui la harcelait de ses regards pervers.

Mon dieu, Lucille ! Vous êtes trempée !!! - s'écria-t-elle, horrifiée – Mais où est monsieur Dicks ???
Il est resté sous la tente, madame. Son fauteuil est coincé. J'ai couru jusqu'ici pour chercher de l'aide. Cela secoue fort dehors !

La description de la jeune infirmière était loin d'être exagérée. Les gens s'étaient d’ailleurs éloignés des fenêtres, la pluie cinglant avec une telle violence les vitres qu'on craignait qu'elles se brisent.

Candy jeta un regard circulaire autour d'elle à la recherche de Carson ou d'un autre domestique. Mais l'ensemble du personnel était occupé à rapporter de quoi sécher les invités trempés. Il n'y avait plus alors de temps à perdre ! Elle aperçut Terry qui discutait avec un homme de petite taille, aux cheveux blancs et aux lunettes rondes. Tous deux semblaient bien se connaître car le jeune homme semblait très à l'aise avec lui.

- Excusez-moi de vous interrompre... - fit-elle en le prenant par le bras.
- Oh Candy ! Permets-moi de te présenter monsieur Davies, qui fut mon professeur de piano...
- Enchantée, monsieur... - répondit-elle tout en l'entraînant à l'écart, sans se préoccuper de l'impolitesse de son geste. Il y avait plus urgent pour le moment !
- Mais que se passe-t-il ? - s'écria Terry, surpris par son étrange attitude.
- Cookie est à l'extérieur ! Son fauteuil est bloqué et il ne peut pas rentrer !
- A l'extérieur ? Sous cette pluie battante ??? Pauvre diable !!! Dépêchons-nous !

Sans plus attendre, ils se précipitèrent dehors et poussèrent un cri d'effroi. Le vent avait déchiré le toit de la tente et laissait passer l'eau qui se déversait à seaux sur le pauvre Cookie, étendu sur le sol, son fauteuil renversé à côté de lui.

- J'ai voulu essayer de me lever... - gémit-il alors que Terry, parvenu auprès de lui, le soulevait en ahanant. Carson, alerté à son tour par Lucille les avait rejoints, et de ses deux bras vigoureux, aida son maître à installer le jeune infirme dans son fauteuil, lequel ne put retenir un cri de douleur.
- Tu as dû aggraver tes blessures en tombant mon pauvre Cookie... - lui dit Candy en passant une main affectueuse sur son front - Tiens bon, nous serons à l'abri dans quelques secondes.

Réunissant toutes leurs forces, ils entreprirent le déplacement de leur bringuebalant chargement vers château, non sans essuyer une nouvelle rafale de pluie qui manqua de les déséquilibrer. Enfin, après moult efforts, ils parvinrent à destination, épuisés et trempés jusqu'aux os. Leur irruption dans le grand salon, maculés de boue, ne passa pas inaperçue...

- Dieu du ciel, mais que vous est-il arrivé ???

C'était Béatrix Grandchester, trainant à sa suite sa fouine de fille, qui les interpellait. L'ensemble des invités était dirigé vers eux, un air interrogatif mêlé d'incompréhension sur leur visage. Terry baissa les yeux sur lui et réalisa l'apparence misérable qu'il offrait à la vue de tous. Ses habits tout ruisselant trempaient le tapis, créant une auréole autour de ses pieds. Candy de son côté n'était pas en reste. Elle était toute décoiffée et sa jolie robe maculée de terre. On aurait dit qu'ils s'étaient tous deux trainés dans la boue.

- Monsieur Dicks était bloqué dehors sous la pluie... - soupira Terry, avec agacement – Comme les domestiques étaient occupés avec les invités, nous avons, Candy et moi, préféré agir sans attendre !
- Pffff ! Le résultat est à la hauteur de vos prétentions ! Vous êtes-vous regardés ? Vous n'êtes pas beaux à voir ainsi crottés, croyez-moi ! - fit remarquer Sybille, de sa voix sifflante.
- Il est vrai qu'à l'abri entre ces murs, vous ne preniez aucun risque ma chère sœur, à moins que le toit ne s'effondre sur vous et soulage mes pauvres oreilles en fermant pour un moment votre clapet, ce qui ne restera qu'un rêve et un vœu inexaucé pour moi !...

Sybille pinça ses lèvres de rage ce qui eut pour effet de gonfler ses joues rougeâtres et enfoncer un peu plus ses yeux sournois. Elle se tourna vers sa mère, qui, pour éviter le scandale, lui fit signe d'un discret geste de la main, de se calmer.

- Bien!... Il vous faudra revoir l'organisation de votre équipe, Carson ! - s'écria cette dernière en jetant un regard oblique à son maître d'hôtel, lequel bredouilla des mots d'excuse en baissant les yeux – Il est anormal que ce soit le fils du Duc qui soit obligé de faire votre travail !!! Allons, allons, activez-vous bon sang ! Ramenez tout ça à sa chambre (elle avait montré Cookie d'une main dédaigneuse en disant cela). Il nous a causé assez de problèmes comme cela ! … Quant à vous deux, Terrence et Candice, je vous serais très obligée de bien vouloir changer de tenue et de rejoindre vos invités au plus vite. Cette plaisanterie n'a que trop duré !

Puis elle tourna les talon, la moue méprisante, tout en intimant d'un signe de la tête à sa fille de la suivre, laquelle s'exécuta non sans lancer un large sourire moqueur à son frère qui venait de se faire réprimander comme un mal propre devant tout le monde ! Dieu qu'il détestait cette famille !!!

- Si tu le souhaites – fit-il, sur le ton du désespoir, en prenant la main glacée de Candy – nous quittons cette maison dans la seconde ! Je ferai ce que tu veux !
- Nous ne pouvons pas faire cet subir affront à ton père après tous les efforts qu'il a déployés pour organiser nos fiançailles. Nous lui devons bien cela… - répondit-elle d'une voix douce – Oublie Béatrix et oublie ta sœur. Elles ne seront bientôt plus que de lointains souvenirs…
- Tout paraît si simple quand on t'écoute. Mais j'aimerais tant pouvoir leur rendre la monnaie de leur pièce !

Il avait dit cela en dressant son poing qu'elle retint instinctivement en se pressant contre lui.

- Tsssss ! Tsssss! Calme-toi, on nous regarde. Ce n'est pas le moment de faire un scandale ! Cela se retournerait contre toi. Allons nous changer et retrouvons-nous ici dans quelques minutes.
- Tu as raison… - fit-il d'une voix lasse – Tu as toujours raison…

Sur ce, ils se dirigèrent vers l'étage. En chemin, il s'arrêta devant Mrs Hughes et il demanda d'appeler leur docteur de famille pour qu'il se rende au chevet de Cookie.

- Je voudrais m'assurer que mon ami va bien.
- Ne vous en faîtes pas My Lord, nous allons bien nous occuper de lui. Voulez-vous que je vous envoie un domestique pour vous aider à vous changer ?
- Cela ne sera pas utile, Mrs Hughes. C'est une habitude que j'ai perdue depuis longtemps et qui ne me manque point, je dois bien vous l'avouer.

Mrs Hughes esquissa un sourire complice puis prit la direction de son bureau tandis que Terry reprenait le chemin de sa chambre. Il poussa la porte et s'assit sur le rebord du lit pour un moment de répit. Puis après quelques longs soupirs de résignation, il alla dans la salle de bain. Il se regarda dans le miroir et constatant le désastre prit la décision de se doucher. L'eau chaude ruisselait sur ses muscles transis de froid et réchauffait peu à peu son corps. Il aurait aimé rester plus longtemps sous le jet mais il devait se hâter, ses hôtes l'attendant assurément avec impatience. Il se sécha brièvement, puis ouvrit son armoire où un costume plus traditionnel l'attendait.

- Qu'est ce que je fais ici ? – se demandait-il en achevant de nouer son nœud de cravate – Que ne donnerais-je pas pour être à New-York loin de tous ces abrutis ???

Il commençait à avoir de plus en plus le mal du pays, et sa belle-famille, à vrai dire, ne l'aidait pas à se sentir mieux. Comme il était impatient de repartir d'ici !!! Candy et lui avaient prévu de s'en aller dans trois jours, mais le comportement de sa belle-mère, les remarques désobligeantes de sa sœur, et les regards lubriques de son frère sur sa fiancée, l'avaient convaincu qu'ils devaient partir, sinon fuir au plus tôt ces lieux devenus insupportables pour lui. Il avait bien entendu remarqué le comportement suspect de Rodolphe envers Candy. Maintes fois il avait voulu lui faire comprendre, à sa manière, qu'il devait cesser toute approche, mais à chaque fois Candy lui avait intimé de se tenir à l'écart, devinant la tournure que les évènements prendraient à la moindre provocation de son crétin de frère. Encore une fois, elle le protégeait de ses réactions qui pouvaient devenir terribles si la colère s'emparait de lui. Et quand il s'agissait de son frère, la moutarde lui montait rapidement au nez tant il le haïssait.

C'était décidé ! Ils n'attendraient pas trois jours pour partir. Ils partiraient le lendemain… pour ne plus jamais revenir…

Il réajusta une dernière fois son nœud de cravate puis ouvrit la porte. Il pouvait entendre la douce musique de l'orchestre en provenance du grand salon. Une valse… Il avait hâte d'en danser une avec Candy qui devait l'attendre patiemment en bas…

Il s'approcha de l'escalier et s'apprêtait à descendre les marches quand un cri perçant, gorgé de terreur résonna dans le tout château. Un cri si fort et si épouvantable qu'on l'entendit jusque dans la salle de bal, faisant s'interrompre l'orchestre dans son élan. Le cœur de Terry bondit dans sa poitrine, si violemment qu'il en eut le souffle coupé. Il n'avait jamais entendu un tel hurlement, si horrible, si effroyable qu'il vous glaçait le sang, mais il savait, au plus profond de lui même, de qu'elle gorge il avait été poussé, et il courut, fou d'angoisse, en direction de la chambre de Candy…

Fin du chapitre 19

view post Posted: 22/8/2017, 11:19 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
Bonjour Raphaella et merci pour ton intérêt ! :lv9: La première partie du chapitre 19 se trouve sur wattpad mais uniquement en espagnol. J'ai l'habitude de partager avec Anneth, ma généreuse traductrice, mes avancées en écriture. Comme le chapitre n'est pas terminé, j'ai préféré attendre qu'il soit entier avant de le mettre en ligne en français. Anneth n'a pas pu résister de son côté à traduire la première partie et a bcp insisté pour que je la mette ensuite sur wattpad car elle était harcelée par ses amies hispaniques. :D Cela m'a beaucoup touchée je l'avoue car je suis très lente dans mon écriture. Je leur suis donc très reconnaissante d'être aussi patientes avec moi ! :D
Donc si tu es curieuse de lire la suite, et que tu comprends l'espagnol, tu peux lire cette première partie sur wattpad : https://www.wattpad.com/443492518-cartas-p...9-primera-parte
view post Posted: 11/5/2017, 15:58 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
QUOTE (Nolwenn @ 28/4/2017, 19:00) 
Coucou Leia,

Mon Dieu... ça fait si longtemps...

Je me suis replongée dans ta fic depuis le début, et en suis ressortie avec cette même sensation émerveillée qui accompagne chacune de mes incursions dans le monde fascinant des Lettres à Juliette.

Je me sens si en phase avec ta vision de nos héros, leurs petites querelles d'amoureux, l'émotion qui les anime, et moi par la même occasion, lors des moments intimes, tout sonne si vrai, si juste...

Bon, j'espère que Béatrix et ses rejetons vont tomber tout au fond d'un puits bien profond et s'y noyer dans les pires souffrances...
Non, mais pour qui ils se prennent ? :fight:

Et ce Rodolphe, là ? Qu'est-ce qu'il va imaginer, qu'il va faire le poids contre mon merveilleux Terry, euh, pardon , le merveilleux Terry de Candy ?

Heureusement que Richard semble vouloir reprendre les choses en main. Et ton Cookie est irrésistible, en "victime" d'un coup de foudre et défenseur sans-gêne de ses amis.


En tout cas, merci vraiment, de continuer cette fic :lv10:

Chère Nolwenn,

Les "grands esprits" se rencontrent car figure-toi que je pensais à toi, le jour où tu as publié ce message !!! J'ai été très occupée ensuite et me voilà à te répondre avec un peu de retard. :Hein33: Je suis tellement contente de te retrouver ici ! Ton opinion compte tant pour moi et je suis heureuse que "Lettres à Juliette" te plaise toujours. :youpi: Tu vois, j'ai mis du temps à écrire la suite car ce chapitre m'a beaucoup couté sur le plan de l'inspiration. Grrrrrr ! Fichue page blanche ! :fight: Le prochain devrait arriver plus tôt et avoir plus de contenu. Cette famille Grandchester est vraiment détestable ! On dirait les Legrand ! Heureusement que le père semble enfin avoir ouvert les yeux. :pop: Mais bon, ce Rodolphe a vraiment du poison dans les veines... hehe ! :diable13:

J'espère que tu retrouveras l'envie d'écrire sur Terry. Ta prose est un vrai plaisir pour les yeux et c'est dommage nous en priver. :lv10:
J'espère te retrouver bien vite ici et te souhaite plein de belles choses dans cette vie. :lv12:

Affectueusement,
view post Posted: 9/3/2017, 18:05 Lettres à Juliette - Fanfics pour tous les âges

Chapitre 18




Le grand jour était enfin arrivé. On pouvait sentir l'agitation dans le château aller croissant au fur et à mesure que les heures s'écoulaient. On avait installé de grandes tables nappées de blanc dans le jardin, une estrade pour le petit orchestre qui accompagnerait en musique le repas, et des tentes autour de tout cela au cas où le soleil déciderait de leur faire faux bond. Il est vrai qu'on était à l'abri de rien en Angleterre !

Le Duc surveillait les derniers préparatifs avec attention. Tout devait être parfait. Bien que ce ne soit que des fiançailles, il voulait que cela soit une véritable cérémonie. Son fils avait fait le choix de ne pas se marier sur la terre de ses ancêtres, mais il pouvait lui offrir une belle fête, entouré de tout ce qu'il y avait de plus noble et de plus aristocratique. C'était sa façon à lui de le reconnaître définitivement aux yeux de tous comme son fils légitime, ce qui ferait peut-être grincer quelques dents mais il n'en avait cure. Le Duc de Grandchester n'avait de compte à rendre à personne ! C'était d'ailleurs ce message qu'il avait fait passer à son épouse Béatrix, laquelle lui opposait une résistance farouche quant il s'agissait de Terry. Il restait pour elle ce bâtard qu'il lui avait imposé et qu'elle avait dû supporter durant des années, cet enfant rebelle à toute discipline qui la toisait à travers les yeux de celle que son époux n'avait jamais cessé d'aimer. Chaque fois que le garçon s'approchait d'elle, elle éprouvait une jalousie féroce et le chassait violement pour qu'il disparaisse au plus vite de sa vue et de ses pensées. C'était elle qui avait tenté de l'envoyer en pension dès l'âge de six ans, mais le Duc lui avait opposé un refus catégorique. Elle était néanmoins parvenue à ses fins quand il avait atteint les dix ans, et avait proposé Gordonstoun School, au nord-est de l'Ecosse, avec comme raison que des têtes couronnées y avaient étudié. Le Duc avait bien compris que si elle avait pu trouver un pensionnat en Laponie, son choix se serait porté sur celui-ci, tant elle voulait éloigner Terry de sa famille. C'est pourquoi il avait proposé le Collège Saint Paul qui n'était pas très loin de Londres et qui lui permettrait de rendre visite à son fils quand bon lui semblait. Leurs relations étaient toujours aussi tendues mais il avait préféré, le caractère de Terry s'affirmant de plus en plus, le garder non loin de lui pour veiller sur lui. Ils en avaient connu des disputes et des affrontements, mais il était très fier de son fils qui avait su tracer son propre chemin, se bâtir une carrière admirée de tous, et se faire aimer de cette délicieuse blonde qui apportait de la gaieté dans toute la maison. Il s'était même bien habitué à la présence de Cookie et à l'esprit vif et fin qui le caractérisait, à son humour sarcastique qui témoignait du recul qu'il avait sur la vie et sur les gens. Rien ne l'impressionnait, et encore moins Beatrix qui l'évitait comme la peste. Elle n'avait pas diné avec eux depuis son retour, prétextant à chaque fois un mal de tête ou une extrême fatigue. Seule Sybille se hasardait par sa présence, mais ses piques blessantes ne parvenaient jamais à passer la barrière ironique que Cookie lui dressait, trop soucieux qu'il était de vouloir défendre Candy et Terry.

Le Duc restait néanmoins sur ses gardes quant à l'attitude de son épouse. Celle-ci lui avait annoncé avec grandiloquence qu'elle ne participerait pas à cette mascarade, ce qui revenait à se demander pourquoi elle était revenue au domaine familial alors qu'elle aurait pu rester tranquillement à Bath. Il en connaissait la raison : c'était tout bonnement pour le contrarier, pour le défier comme de coutume, mais cette fois, il n'avait pas l'intention de céder pour avoir la paix, et c'est très menaçant qu'il lui avait déclaré :

- Madame, je ne requiers pas mais ordonne votre présence le jour des fiançailles. Dès l'instant où le premier invité posera un pied dans l'allée, je vous veux présente pour l'accueillir. Et ne vous méprenez pas. Je suis tout disposé à venir vous tirer du lit et à vous traîner en chemise de nuit devant tout le monde. Vous m'en verriez navré, mais vous le seriez plus encore !

Sur ce, il l'avait sèchement saluée d'un signe de tête puis s'en était allé, la laissant muette d'étonnement et tremblante de rage. Cette menace semblait avoir porté ses fruits puisqu'au moment il revenait vers le château, il l'aperçut marchant vers lui, vêtue de ses plus beaux atours.

- Cette tenue correspond-elle à vos attentes, mon ami ? – fit-elle ironique en le toisant avec insolence.
- Peu m'importe à vrai dire… - rétorqua-t-il avec un regard empreint d'une profonde indifférence – Du moment où vous vous en tenez au rôle qui vous est attribué, celui de la parfaite hôtesse. D'ailleurs, il serait judicieux de votre part de commencer à guetter l'arrivée de nos invités qui ne saurait tarder. Terrence est déjà dans la court, prêt à les accueillir…
- Mais… Pourquoi devrais-je attendre avec lui ???
- Vous préférez peut-être que ce soit Candy qui se joigne à lui ? Ce serait dommage que la fortune en bijoux que vous exhibez soit éclipsée par la simplicité d'une jeune et jolie américaine…

Vexée, elle voulut riposter, mais il avait déjà tourné les talons, les épaules secouées d'un petit rire moqueur. Furibonde, elle resta quelques secondes immobile, le temps de retrouver son calme, puis elle se résigna à aller vers l'entrée où se tenait, comme convenu, l'héritier des Grandchester. Il avait fière allure dans son beau costume, les mains croisées dans le dos, pensif. Si ce n'était pas ces yeux qu'il tenait de cette autre femme, elle lui aurait aisément trouvé une franche ressemblance avec le Richard de sa jeunesse. Dieu qu'elle avait aimé cet homme et comme il le lui avait si mal rendu ! Encore aujourd'hui, il venait de l'humilier avec ces mots blessants qu'il savait lui assener sans aucune délicatesse, tandis qu'il lui imposait la présence de son bâtard de fils et cette fête somptueuse pour célébrer sa future union avec une parvenue sans éducation qui ne devait pas valoir mieux que l'autre, l'actrice ! Que pouvaient donc avoir ces américaines de mieux que les anglaises pour parvenir à les retenir ? Ce ne pouvait pas être cet accent campagnard et leurs mauvaises manières !… Peut-être ressentaient-ils le besoin de s'encanailler avec quelqu'un d'une classe inférieure, mais cela n'expliquait toujours pas cette attirance qu'ils avaient envers ce genre de femmes, ni ce besoin de s'afficher avec ! En ce qui concernait Terrence, ma foi, il était à moitié américain par sa mère et par conséquent, contaminé dans ses gènes. Heureusement que ses enfants à elle ne souffraient pas de cette tare. Elle pouvait être fière de sa lignée ! – se dit-elle tout en observant d'un air dédaigneux cet écart de jeunesse qui lui tournait en cet instant le dos. Ce dernier remarqua alors sa présence et elle ne put retenir une moue de contrariété. Son regard pénétrant croisa le sien et à la façon curieuse qu'il la regarda, elle eut la désagréable sensation qu'il pouvait lire dans ses pensées. Frissonnant de dégoût, elle lui dit, peinant à dissimuler sa gêne :

- N'y voyez aucune amabilité de ma part, mon jeune ami, je ne fais qu'obéir à la volonté de votre père…
- Vous m'en voyez navré…
- Certainement moins que moi, mais parfois, il faut faire bonne figure même dans les situations les plus éprouvantes…
- Sur ce point, je ne peux qu'être d'accord avec vous, Béatrix. Mais rassurez-vous, il n'est de supplice qu'à l'importance qu'on lui porte, et pour ma part, elle est inexistante.
- J'ai peur de ne pas comprendre, Terrence… - fit-elle en fronçant les sourcils.

Il se tourna franchement vers elle, un sourire amusé au coin des lèvres.

- Voyons Beatrix, cessons de jouer les hypocrites. Nous savons tous deux combien nous nous détestons. Je me suis habitué à votre mépris envers ma propre personne et cela fait bien longtemps qu'elle a cessé de m'émouvoir. Vous êtes peut-être l'épouse de mon père, mais cela ne représente qu'un titre à mes yeux, qu'une signature sur un contrat, et en aucun cas une quelconque obligation morale. Si cela ne tenait qu'à moi, je ne vous porterais aucune attention, aucun intérêt tant vous m'importez peu. Vous m'êtes indifférente. Néanmoins…

Cette fois, le sourire moqueur qu'il lui adressait s'évanouit pour laisser place à un regard froid, menaçant, qui la fit reculer d'un pas.

- Néanmoins – reprit-il – Je ne serai pas indifférent à la moindre tentative de votre part de blesser la femme que j'aime.
- Voyons, Terrence, qu'insinuez-vous là ? Vous avez une mauvaise opinion de moi… - bredouilla-t-elle en évitant son regard figé au sien.
- Bien au contraire, ma chère belle-mère ! Je vous connais que trop bien ! Et je sais par expérience de quoi vous êtes capable ! Si pour une fois, vous vouliez bien assumer ce que vous êtes devant moi, vous descendriez d'un cran sur l'échelle de votre médiocrité. Vous êtes une méchante femme, Béatrix. Je pourrais user de bien d'autres adjectifs pour vous décrire, mais celui de méchante résume bien ce qui vous caractérise. Vous êtes de ces êtres méprisables qui n'hésitent pas à se venger de leurs aigreurs et de leurs frustrations sur des personnes plus faibles, et dans votre cas plus précisément, sur un petit garçon que vous a avez maltraité et martyrisé pendant des années. Vous êtes laide à l'intérieur et si vous vous regardiez plus attentivement dans le miroir, vous y verriez clairement le reflet de la laideur de votre âme !

La duchesse de Grandchester chancela, le souffle coupé sous le coup de l'émotion. Comment osait-il lui parler ainsi, lui, ce petit bâtard qu'elle avait recueilli (sous la contrainte peut-être) et dont elle avait dû supporter la présence pendant plus de dix ans ?!!! Dix ans d'humiliation quotidienne qu'elle avait dû subir sous le regard condescendant de ses congénères féminines qu'elle faisait mine d'ignorer. Tout le gotha connaissait les origines du fils de son époux mais personne ne l'évoquait, tout au moins devant elle. Comme on avait dû rire derrière son dos, encore plus maintenant depuis qu'il était devenu une vedette américaine et que sa roulure de mère l'avait officiellement reconnu !

Submergée par la rage que ces pensées provoquaient en elle, elle leva la main vers lui pour le gifler, main qu'il retint dans son élan peu avant qu'elle s'abatte sur sa joue.

- Maîtrisez-vous, belle-maman ! - fit-il entre ses dents tout en déployant un large sourire - Vous oubliez que le personnel nous regarde…

Il serrait sa main si fort qu'elle laissa échapper un cri de douleur. Il la lâcha en retour avec une moue de mépris, la laissant furieuse et tremblante, faisant mine d'ignorer le regard embarrassé des domestiques qui allaient et venaient du jardin où ils s'affairaient.

- Vous êtes dangereux, Terrence !... – bredouilla-t-elle en se frottant discrètement la main.
- Vous ne croyez pas si bien dire, Beatrix. Je suis ravi que vous l'ayez enfin compris !

Du coin de l'œil, elle aperçut Carson qui s'approchait d'eux et elle se figea, convaincue qu'il avait assisté à toute la scène. Son air impassible ne laissait rien afficher, mais elle évita néanmoins son regard de peur d'y déceler de l'approbation, connaissant la complicité qui liait les deux hommes.

- Ah, vous tombez à point nommé, Carson ! – s'exclama Terry en l'apercevant – Pourriez-vous apporter un verre d'eau à sa seigneurie. Elle ne se sent pas très bien…
- N'en faîtes rien, mon ami, d'autant plus que je vois poindre une voiture au bout du chemin… - fit-elle en toussotant d'embarras. Sa silhouette se redressa quand elle reconnut le véhicule. Les traits blêmes de son visage se transformèrent sous l'effet d'un étrange sourire qui interpella le jeune duc. La voiture s'arrêta enfin devant eux et un élégant jeune homme en sortit, dont la longue silhouette rappelait celle d'un autre jeune homme un peu plus âgé.

- Rodolphe ! – fit Beatrix, dissimulant avec peine son soulagement – Tu n'imagines pas à quel point je suis heureuse de te revoir !
- Voyons, mère, vous parlez comme si nous nous étions pas vus depuis des années ! – répondit le jeune homme en lui prenant les mains pour y déposer un baiser – Vous êtes bien pâle. Vous vous sentez bien ?
- A présent que tu es là, tout va beaucoup mieux…

Rodolphe tourna alors la tête vers Terry, lequel le détaillait avec curiosité. Son petit frère avait bien changé ! Sur le moment, il se sentit presque troublé de ses retrouvailles, mais quand il croisa son regard dans lequel brillait la lueur malveillante de sa véritable nature, malveillance dont il avait si souvent souffert dans son enfance, il se raidit, serrant les mâchoires, prêt à bondir sur lui.

- Terrence… - fit Rodolphe en lui tendant une main qui suintait l'hypocrisie.
- Rodolphe… - répondit Terry en la serrant à peine en retour.
- Je n'aurais pas parié un penny sur ton retour en ces lieux un jour ! – gloussa l'arrogant demi-frère – Décidément, la vie nous réserve bien des surprises !
- Certaines sont malheureusement pourvues d'épines…
- Hahaha, Terry ! J'avais oublié combien tu pouvais être amusant ! S'il est une qualité que je ne peux te retirer, c'est bien cet humour grinçant dont tu sais parfaitement user.
- Notre famille est une grande source d'inspiration…

La tête de Rodolphe bascula en arrière dans un grand éclat de rire.

- Décidément, Terry, tu me feras toujours autant rire !
- Pas à mes dépends, cette fois, je te l'assure…

Le jeune frère, saisissant l'allusion, abrégea son enthousiasme par un ricanement embarrassé. Au regard éloquent que lui adressa Terry, il comprit que ce dernier n'avait pas oublié ces funestes années au château rythmées par les brimades que lui et sa sœur lui avaient infligées. Il n'en avait gardé pour sa part que des souvenirs diffus, quelques plaisanteries cruelles sans conséquence... A vrai dire, ils n'étaient que des enfants et c'est bien connu, les enfants sont parfois impitoyables avec leur entourage… Un silence pesant s'instaura entre les deux jeunes hommes.

- Voulez-vous que je fasse monter vos bagages dans votre chambre, My Lord ? – les interrompit Carson, soucieux de faire remonter de quelques degrés la température glaciale autour d'eux.
- Oui, Carson, merci ! – répondit Rodolphe, sans grande conviction, de plus en plus gêné par le regard scrutateur de son frère sur lui. Soudain, flanqué d'un regain d'intérêt pour son illustre mère, le sourcil faussement froncé d'inquiétude, il s'avança vers elle, prenant sa main entre les siennes.

- Je vous trouve vraiment très pâle, maman. Laissez-moi vous conduire à votre chambre. Un peu de repos vous fera le plus grand bien avant l'arrivée des invités…
- Est-ce bien nécessaire ? – fit-elle d'une petite voix – J'ai promis à ton père d'être là pour les accueillir.
- Terrence s'en acquittera comme un chef, j'en suis sûr !
- Je vous en prie, belle-maman. Allez vous "reposer". Vous avez ma bénédiction… - fit Terry avec une moue entendue, peinant difficilement à cacher son soulagement de les voir s'éloigner de lui. La mère et le fils ne se firent pas prier plus longtemps et disparurent prestement à l'intérieur du château. Que la journée allait être longue avec des gens aussi détestables ! Heureusement, ils seraient dilués dans la masse des convives et il pourrait les éviter aisément. Il avait hâte que tout le monde soit là pour retrouver Candy qui devait être en train de finir de se préparer. Elle avait reçu la veille sa robe de fiançailles confectionnée par un des plus grands couturiers de Londres. Il n'avait pas eu le droit de la voir mais il savait déjà que quoi que ce fût, cela lui irait divinement bien.

Une autre voiture pointa au bout du chemin, suivie d'une autre. Terry se redressa, le poing serré de nervosité. Carson se rapprocha de lui, les mains croisées dans le dos.

- Ma vue n'est pas parfaite mais je crois bien apercevoir la voiture de monsieur le curé ainsi que celle des Crawley… - fit-il d'un ton tranquille qui se voulait apaisant, devinant l'état de stress dans lequel se trouvait le jeune duc.
- Verriez-vous un inconvénient, Carson, à rester près de moi ? – demanda alors Terry, d'un air anxieux - J'ai pratiquement oublié les noms de tous ces gens…
- Je serai ravi de vous apporter mon aide, My Lord…
- Merci, Carson. Vous êtes un véritable… ami…

Carson sentit son cœur bondir dans sa poitrine et une chaleur bienfaisante l'envahir. Il ferma à demi les yeux de contentement et sautilla discrètement sur ses grands pieds, savourant intérieurement ce moment seul à seul avec son protégé…

****************



- Décidément, cet imbécile de Terry est toujours aussi insupportable ! – s'écria Rodolphe tandis qu'ils montaient les marches de l'escalier qui menait aux chambres.
- Je ne peux malheureusement qu'acquiescer ! – répondit sa mère en s'appuyant sur la rampe – Dire que je dois supporter ses grands airs depuis trois jours. Vivement que cette comédie soit terminée et qu'il reparte en Amérique avec son infirmière !

Devant le regard interloqué de son fils, elle ajouta, perfide :

- Hé oui, il n'y a bien qu'en Amérique que les femmes riches travaillent !...
- Soit !... – ricana-t-il – Mais… Dites-moi, comment est-elle ? J'ai entendu parler de sa famille, mais je n'ai aucune idée de ce à quoi elle ressemble.
- Oh… Elle est blonde, petite. Tout à fait quelconque !...
- Hé bien, j'aurais cru Terry plus exigeant !
- Qu'espérais-tu ? Il n'est qu'à moitié de notre sang et il n'en a pas hérité des qualités !...

Poursuivant leurs médisances, ils parvinrent au premier étage et longèrent le long couloir sombre jusqu'à la chambre de Beatrix. S'étant acquitté de sa tâche avec application, Rodolphe avait à présent l'intention d'abréger la séparation. En ce jour de fête, il devait bien y avoir une bouteille de champagne qui n'attendait qu'à être honorée par l'alcoolique mondain qu'il était ! Mais au moment où sa mère tournait la poignée de la porte, la lumière crue du jour provenant d'une autre chambre à l'autre bout du couloir les interpella. Une créature d'une beauté éblouissante, vêtue d'une robe longue en crêpe de soie jaune très pâle en sortit. Elle s'avançait vers eux, les mètres qui les séparaient se réduisant, révélant au fur et à mesure la perfection de ses traits. Elle s'arrêta devant l'escalier et d'un geste gracieux posa sa main sur la rampe. Son regard émeraude croisa ingénument celui de Rodolphe, provoquant en lui un flot de pensées folles et déstabilisantes. Il déglutit péniblement, les yeux exorbités, fixés sur cette apparition divine qui s'apprêtait à descendre les marches.

- Qui… Qui est-ce ? – bredouilla-t-il, le souffle coupé par l'émotion.
- C'est Candy. Candice Neige André. La fiancée de ton frère… - répondit en grimaçant Beatrix.

Il resta un instant interdit par la nouvelle, cherchant à récupérer du trouble que Candy venait de provoquer en lui. Mais il en était incapable, comme si sa rétine avait brulé au contact de sa lumière, laissant une empreinte indélébile, disposée à hanter ses jours et ses nuits.

- Ce… Ce soit-disant laideron est la fiancée de Terry ? – grogna-t-il entre ses dents tout en adressant un regard ulcéré à sa mère. Elle hocha la tête, surprise par l'étrangeté de sa réaction. Ce qu'elle lut dans ses yeux la paralysa d'effroi : une rage sourde, contenue, mêlée d'une ardente convoitise qui rougissait sa gorge, menaçant d'exploser.
- Tu vas bien, Rodolphe ? – demanda-t-elle d'un air inquiet.
- Le mieux du monde, mère… - mentit-il tout en dévorant Candy des yeux, laquelle s'éloignait peu à peu de son champ de vision. Ce n'était pas le moment qu'il la perde de vue, d'autant plus que son idiot de frère était occupé dehors. C'était l'occasion rêvée de faire les présentations !

D'une main tremblante, il se passa la main dans les cheveux, réajusta sa veste et abandonna sa mère sans plus de cérémonie. Les poumons gonflés de suffisance, il hâta le pas vers l'objet de son désir, avec la farouche prétention d'en découvrir tous les mystères…

Fin du chapitre 18

view post Posted: 27/10/2016, 09:38 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
QUOTE (floco @ 26/10/2016, 18:28) 
Un petit coucou pour dire que j'aime beaucoup ce dernier chapitre et j'ai hâte de voir la suite pour savoir ce que va dire le Duc à cette affreuse mégère... :D :D
Et bien sur savoir si on va avoir des fiançailles ou des funérailles, voire même les 2... ;) ;) .
Continues de nous faire rêver, j'adore cette fic!!
Bises

Merci Floco! J'espère comme toi que le Duc sera convaincant ! ;)

QUOTE (jeanne 29 @ 26/10/2016, 20:48) 
Merci Leia, ton chapitre est encore une fois émouvant , l'histoire de " petit John" ou Slim? m’émeus particulièrement , quelle souffrance a du endurer cet enfant...
Les mots murmurés à l'oreille de Candy. :emu: Quelle retenu, quelle pudeur dans tes écrits :rolleyes:
J'attends évidemment la suite, mais je sais qu'il faut du temps, alors en attendant je te souhaite beaucoup d'inspiration pour le chapitre 18
Un grand merci à toi pour ce moment de pur bonheur
Jeanne :lv12:

En effet, Jeanne, Petit John correspond à Slim dans les autres langues. Je me demande d'ailleurs pourquoi ils ont changé son nom en français... :wacko:
Quand aux mots prononcés par Terry à l'oreille de Candy, j'ai préféré laissé faire l'imagination du lecteur. hélé !
Tu as raison, cela me prend du temps car à côté de ça, je traduis chaque chapitre en anglais qui sont ensuite traduits en espagnol. Donc ça me ralentit d'autant plus. C'est pourquoi je suis vraiment reconnaissante de votre patience et votre fidélité à tous ! Merci du fond du coeur ! :lv10:
view post Posted: 26/10/2016, 13:30 Lettres à Juliette - Fanfics pour tous les âges
Ce soir là, Candy éprouva tout le mal du monde à trouver le sommeil tant l'excitation de ces retrouvailles avaient été intenses ! Revoir Petit John après toutes ces années l'avait bouleversée. Elle avait quitté un petit garçon et avait retrouvé un jeune homme qui avait perdu jusqu'à son accent du Michigan, s'exprimant dans un phrasé des plus British. Impatients de tout savoir l'un de l'autre, les questions avaient fusé dans une véritable cacophonie, les empêchant de comprendre ce qu'ils se disaient. Ils avaient fini par se calmer, riant de leur enthousiasme, et s'étaient assis face à face pour discuter à leur aise. Candy n'avait eu de cesse de le toucher comme pour s'assurer qu'elle n'était pas en train de rêver et que c'était bien son petit frère de cœur assis devant d'elle.

- Raconte-moi tout, John. Je savais que tu avais été adopté par un forgeron et que vous aviez quitté la région. Explique-moi donc ce qui vous a conduits à Londres !...

Le jeune homme avait acquiescé en soupirant, comme si le récit de sa vie n'était pas si aisé à livrer. Il avait levé les yeux vers elle, ses noires prunelles survolant son épaule pour se aller se perdre dans le jardin qu'on voyait à travers la grande fenêtre derrière elle. Il le contemplait sans vraiment le regarder, absorbé dans ses pensées qui s'agitaient dans son esprit.

- J'ai bien peur de te décevoir avec mon histoire, Candy...

- Pourquoi cela, John ?

- Parce-qu'elle n'a pas été aussi parfaite que j'ai bien voulu vous le faire croire...

- Mais, dans les lettres que tu envoyais à la Maison Pony, tu disais aimer ta nouvelle vie et être ravi des parents que tu avais...

- Je ne voulais pas que nos mères s'inquiètent. A quoi bon les tourmenter avec la triste réalité ?...

- Tu me fais peur, John! – avait fait Candy, d'un air alarmé – Que t'est-il donc arrivé après avoir été adopté ???

Elle avait saisi sa main et l'avait serrée très fort.

- A vrai dire... - avait-il fini par répondre - Tout allait bien au début. C'étaient les grandes vacances et je prenais plaisir à aider mon père à la forge en attendant la rentrée des classes. Mais à la fin de l'été, quand je demandai dans quelle école j'allais aller, mon père me fit bien comprendre que je n'y irais plus et que je travaillerais désormais avec lui... J'essayai bien de contester mais je reçus en retour une telle correction que plus jamais je n'osai réclamer quoi que ce soit.

- Ton père te battait ?!!!... – gémit Candy, d'un air horrifié - Mais, ta mère, ne te défendait-elle pas ???

- Si, bien sûr, mais il la frappait elle aussi, surtout quand il buvait, et comme il buvait souvent...

- Mon pauvre petit John... Je suis si triste pour toi! Je suis tellement désolée de n'avoir pu t'aider!

- Oh, détrompe-toi, tu m'as beaucoup aidé, Candy! Je n'avais pas oublié ce jour où je t'avais rendue visite chez les Legrand et où j'avais découvert la façon dont ils te traitaient. Tu avais gardé la tête haute malgré tout ce qu'ils te faisaient subir. Alors, je m'accrochais à ce souvenir, à cet exemple de force et de courage que tu m'avais donné, et j'ai essayé de faire comme toi, de tenir le coup en attendant un jour meilleur...

Les larmes coulaient sur le visage de Candy et elle avait commencé à palper sa robe en quête d'un mouchoir qui tardait à apparaître.

- Tiens ! – avait fait Petit John en lui tendant le sien qu'il avait sorti de la poche de sa veste. Il avait haussé les épaules d'un air gêné – Excuse-moi, il y a des taches de peinture dessus mais je n'ai pas mieux.

- Il fera très bien l'affaire... - avait-elle répondu avec un triste sourire. Elle avait baissé les yeux, la voix chevrotante – Si nous avions su, nous serions venues te rechercher. Ces gens ne méritaient pas d'être tes parents... J'ai tant de peine pour toi, John !

Cette fois, c'était le jeune homme qui lui avait pris la main qu'il avait calleuse, des mains de travailleur...

- Tu es bien placée pour savoir que nous apprenons de nos joies et surtout de nos peines... Peut-être que si je n'avais pas vécu tout cela, je n'aurais pas éprouvé cette soif de liberté qui m'a poussé à partir au décès de ma mère...

- Partir ??? Mais tu avais quel âge ???

- Tout juste quatorze ans !

- Ma parole, mais tu n'étais encore qu'un enfant !

- Je n'étais plus traité comme tel depuis bien longtemps... - avait-il soupiré - Je partis le jour même où ma mère fut enterrée. Plus rien ne me raccrochait à cette famille. Mon père s'était soulé plus que de coutume ce jour là, et je profitai de son inconscience pour lui emprunter de quoi payer mon billet de train pour New York. Je rassemblai le peu d'affaires que j'avais dans un maigre baluchon et je m'enfuis. Par chance, j'étais grand pour mon âge et je paraissais plus âgé. On ne me posa pas de questions et encore moins à New York quand je sollicitai du travail sur un bateau. J'embarquai le lendemain comme mousse sur un navire de marchandises qui faisait la liaison avec l'Afrique. Je bourlinguai ainsi pendant deux ans à transporter des sacs de café et de cacao. Et lors de mes temps libres, je dessinais ces paysages magnifiques qui s'offraient à mes yeux, ces peuples qu'on côtoyait dans les plantations. Le travail était dur mais ce fut de très belles années pour moi.

- Mais alors... Comment es-tu devenu peintre ?

- Un jour, j'en eus assez et je décidai d'aller à Paris, la capitale des artistes. J'avais un style un peu différent et je me fis rapidement remarquer par les peintres qui évoluaient à Montmartre. Contre toute attente, ils m'acceptèrent sans trop de problème au sein de leur communauté. J'appris énormément à leurs côtés. Retiens bien ces noms, Candy ! Matisse, Modigliani, Picasso. On s'arrachera leurs œuvres très bientôt !

- Je n'en reviens pas de tout ce que tu as traversé en quelques années ! C'est digne d'un roman !

- Mon histoire est bien banale comparée à celle de certains...

- Ne sois pas modeste, John. Tu peux être fier de ce que tu as accompli en si peu de temps. Tu es encore si jeune. Tu vas devenir un grand artiste à ton tour, j'en suis sûre ! J'ai vu ce que tu as réalisé avec la Maison Pony. C'est magnifique !!! Quand me montreras-tu toutes les autres choses que tu as faites?

- Tu peux passer à la galerie quand tu veux. Terry sait où elle se trouve. C'est là que nous nous sommes rencontrés il y a quelques années...

- Il ne l'a pas oublié visiblement puisqu'il a su où te retrouver, petit frère. Mais dis moi, pourquoi t'es-tu installé à Londres si tout se passait si bien à Paris ?

- En fait... J'avais rencontré quelqu'un... - avait-il dit en rougissant tout en baissant les yeux d'embarras – Quelqu'un qui avait une galerie d'art à Londres. Nous sommes tombés amoureux et je l'ai suivi ici...

- C'est merveilleux ! Comment s'appelle cette personne ? J'ai hâte de faire sa connaissance !

- Elle... Enfin, il s'appelle Humphry...

- Hum... Humphry ??? – avait-elle bredouillé en rougissant à son tour, gênée par le manque de naturel de sa réaction.

- Tu es choquée, peut-être ? Excuse-moi... - avait-il fait en risquant un regard coupable vers elle.

- Dieu du ciel, non ! – avait-elle répondu en s'empressant de reprendre sa main pour le rassurer – Peu m'importe que tu aimes un homme ou une femme, John. J'ai été un peu surprise, c'est tout. C'est moi qui devrais être gênée de t'avoir mis mal à l'aise. Ce n'était pas mon intention, je te prie de me croire. Je suis soulagée de savoir qu'après tout ce que tu as traversé, tu as trouvé une personne qui t'aime et qui prend soin de toi. Je voudrais d'ailleurs...

Elle avait jeté un œil vers Terry qui avait opiné, devinant ce qu'elle allait lui demander.

- Je voudrais t'inviter ainsi que ton compagnon à nos fiançailles. Nous n'allons pas rester ici très longtemps et je voudrais profiter de toi le plus possible. Et puis, cela me permettrait de faire la connaissance d'Humphry. J'imagine qu'il est très beau garçon !...

- Il l'est, en effet ! – avait ricané Petit John en rougissant de plus belle – Je suis certain qu'il te plaira.

- Je n'en doute pas une seule seconde !

L'après-midi s'était terminé ainsi dans la joie de ces retrouvailles et de cette révélation inattendue. Terry avait fini par se joindre à eux et ils avaient discuté tous trois encore un moment. Le chauffeur des Grandchester avait ensuite reconduit Petit John en ville avec l'heureuse promesse de se retrouver pour les fiançailles. Debouts dans la cour, ils l'avaient regardé s'éloigner jusqu'à ce qu'il disparaisse au détour d'un virage, puis elle s'était tournée vers son futur époux, un sourire extatique éclairant son visage.

- Merci pour cette belle surprise, mon amour... - avait-elle murmuré en passant ses bras autour de son cou – Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir. En revoyant Petit John, j'ai vraiment eu l'impression d'être transportée dans le passé, ce passé heureux avec lui, avec Annie et tous les autres enfants de la Maison Pony...

Il l'avait enlacée à son tour et avait posé un regard tendre sur elle empreint d'une certaine inquiétude. Comprenant son désarroi, elle s'était empressée d'ajouter :

- Mais ce bonheur n'est rien comparé à celui que j'éprouve en étant à tes côtés, Terry... Le seul fait d'être là, près de toi, à respirer le même air que le tien, m'apporte une joie incommensurable. Je pourrais me contenter que de cela, vois-tu. Te regarder vivre, uniquement cela, ferait de moi la plus heureuse des femmes...

Il était resté coi quelques secondes puis elle avait perçu une étincelle de malice briller dans ses yeux qui l'avait poussée à s'écarter légèrement, d'un air soupçonneux.

- Je ne peux pas en dire autant, malheureusement... - avait-il dit avec un demi-sourire alors que ses yeux à elle s'écarquillaient d'interrogation – Je ne pourrais jamais me contenter d'autant de retenue, mon aimée... J'ai trop besoin de pouvoir te...

Il s'était baissé vers elle pour lui chuchoter quelque chose. Sa réaction ne s'était pas faite attendre, et elle l'avait repoussée, avec un cri offusqué.

- Comment oses-tu dire cela avec tous les serviteurs qui nous regardent ??? – s'était-elle écriée, les oreilles rougissantes, cherchant nerveusement des yeux curieux derrière les fenêtres.

- Ils ne savent pas lire sur les lèvres que je sache... - avait-il rétorqué en se dandinant, les mains dans les poches de son pantalon, fier de ce qu'il avait provoqué en elle. Il adorait la taquiner, lui faire perdre ses moyens, et voir ses joues virer écarlates. C'était devenu un jeu dont il ne se lassait point.

- Cesse de me regarder avec cet triomphant !... – grommela-t-elle, vexée.

- Quel air triomphant ? J'aurais pensé que tu étais d'accord avec ce que je t'ai dit... - avait-il observé, son sourire malicieux s'élargissant.

- Oui...Non... Oui ! Enfin... - avait-elle répondu en rougissant de plus belle tout en le maudissant intérieurement pour l'émoi qu'il lui procurait – Mais... C'est juste que... Ce n'est ni le lieu ni le moment, voilà !

- Alors, nous en trouverons un autre... - avait-il ronronné tout en tentant de s'approcher d'elle, arquant des sourcils éloquents.

- Décidément ! Tu es... Tu es... irrécup...

Il l'avait enlacée. Elle avait essayé de lui résister mais n'avait pu tenir plus de quelques secondes, incapable de soutenir son sourire enjôleur et le contact de ses mains puissantes autour de sa taille. Elle aimait le sentir sa large poitrine contre la sienne, la douce chaleur de son corps qui enveloppait le sien, et sa voix, envoutante, qui, alors qu'il avait incliné la tête vers le creux de sa gorge, venait frôler son oreille en un irrésistible charme magique qui mollissait ses membres, la transformant en poupée de chiffons.

- Je vous aime, mademoiselle André... - avait-il murmuré en la serrant un peu plus fort contre lui. Elle s'était blottie en retour en soupirant de bonheur, la tête posée contre sa poitrine et avait fermé les yeux, savourant cet instant de douce et éphémère harmonie, refoulant cet étrange pressentiment qu'un orage se préparait dans les jours à venir...

**********



Candy s'était réveillée avec un sentiment d'angoisse que rien, pas même le délicieux petit-déjeuner en compagnie de Terry n'avait pu chasser. Ce dernier l'avait accueillie dans la salle à manger avec un chaleureux sourire qui témoignait de la joie de la retrouver comme si cela faisait des jours qu'il ne l'avait pas vue, alors qu'il avait discrètement quitté sa chambre au petit matin... Elle avait passé la nuit à le regarder dormir, le sommeil peinant à venir, l'esprit confus des évènements de la journée mais aussi de ceux qu'elle allait devoir affronter avec l'arrivée de la belle-mère de Terry. Elle avait à peine touché à sa salade de fruits et croqué dans ses toasts, se contentant d'un air perdu de boire une tasse de thé, seul aliment qui parvenait visiblement à passer dans sa gorge.

- Tout va bien se passer... - fit Terry en lui prenant la main, ayant remarqué la préoccupation sur son visage – Je serai avec toi. De toute façon, que pourrait-elle te reprocher ? Tu es tellement adorable !

- Disons que... - répondit Candy en faisant la moue – J'ai par expérience tendance à redouter ce genre de femmes qui aiment me rappeler mes origines. Non pas que j'en ai honte, mais j'ai toujours l'impression que dans leur bouche, je ne vaux pas mieux qu'une criminelle.

- Rassure-toi, je saurai l'en empêcher. Je ne la crains pas, et elle le sait. D'ailleurs, une petite joute verbale avec elle ne me déplairait pas !...

- Si on pouvait éviter les disputes... Déjà que j'angoisse à l'idée de rencontrer tous ces inconnus qui vont me toiser, m'observer comme un vulgaire animal de foire.

- Tssss, tsssss !... Tu t'inquiètes sans raison, mon aimée. Les gens vont t'adorer, et les hommes vont m'envier d'être le fiancé d'une si jolie jeune femme...

- L'amour t'aveugle, Terry ! – fit-elle en éclatant de rire.

- Au contraire... - fit-il en portant sa main à sa bouche pour y déposer un baiser – L'amour me rend encore plus conscient de l'être merveilleux que tu es et de la chance que j'ai d'être aimé de toi...

- Oh Dieu, oui, je t'aime Terry ! – murmura-t-elle, les larmes aux yeux – Je t'aime et ne cesserai de t'aimer, jusqu'à mon dernier souffle...

- N'oublie pas de répéter cela devant monsieur le curé ! – ricana-t-il pour cacher le trouble qui le submergeait.

- Je tacherai de m'en souvenir ! – répondit-elle en lui tirant la langue.

Tout en avalant une gorgée de café, le jeune homme avait arqué des sourcils d'un air dubitatif, ce qui lui avait valu un petit coup de coude dans les côtes. Cette divertissante querelle lui avait ouvert l'appétit, et elle était sur le point de planter avec gourmandise ses dents dans un toast, quand des cris provenant de l'extérieur la retirent dans son élan.

- Qu'est-ce que cela peut-être ? – demanda-t-elle en se levant et en se dirigeant vers la fenêtre. De son point de vue, elle distinguait un attroupement mais elle était trop mal placée pour en comprendre la raison.

- Allons voir ce qui se passe ! – fit Terry, piqué à son tour par la curiosité.

Arrivés dans le jardin, ils aperçurent en contre-bas de la vaste pelouse, Carson ainsi que trois autres membres du personnel, regroupés devant un arbre gigantesque, leur nez pointé vers le sommet. Mathilda, une des servantes, se tenait la tête entre les mains en gémissant :

- Comment allons nous faire ? Mademoiselle va me renvoyer sur le champ si nous ne parvenons pas à le faire descendre de là... - se désolait-elle.

- Que se passe-t-il ici ? – demanda Terry, ce qui eut pour effet de faire sursauter le petit groupe.

- Oh, My Lord, vous nous voyez bien ennuyés... - répondit Carson en soupirant – Le chat de mademoiselle votre sœur a croisé le chemin des chiens de monsieur le Duc alors qu'il rentrait de la chasse. Un des chiens a échappé à la surveillance du domestique en charge de les reconduire au chenil, et s'est mis à poursuivre le chat, lequel est venu se réfugier dans cet arbre auquel aucun d'entre nous n'est capable de grimper...

Le jeune couple leva la tête et aperçut l'animal en équilibre sur une des plus hautes branches qui se balançait dangereusement, menaçant de le faire tomber. Candy se dit à ce moment là que la bonne éducation anglaise mériterait quelques leçons d'escalade tant ils semblaient tous désarmés et désolés devant leur impuissance.

- Je peux peut-être essayer de le ramener ? – fit-elle en ôtant ses chaussures.

- Tu n'y penses pas ! – s'écria Terry en la retenant par le bras – Cet arbre fait au moins quinze mètres de haut ! Si tu tombes, tu pourrais te rompre le cou !

- Tu oublies que je sais monter aux arbres depuis ma plus tendre enfance et que j'excelle en la matière ! – rétorqua-t-elle en esquissant un geste du coude pour se libérer.

- Ne sois pas si présomptueuse ! Je t'ai vue chuter mémorablement plusieurs fois à Saint-Paul et les arbres étaient loin d'avoir cette taille !

- Je vais faire attention ! Ne t'inquiète pas ! – dit-elle tout en se dirigeant vers l'imposant tronc.

- Je t'interdis de grimper ! – rugit-il

- Mademoiselle Andrew, je vous en prie – gémit Carson – Ne prenez pas ce risque. Je vais faire appeler les pompiers et ils sauront le récupérer.

- Ce chat tient à peine sur la branche. Il peut tomber à tout moment ! – fit Candy en posant d'autorité un pied sur l'arbre – Faites-moi donc confiance. Je ne serai pas longue !

Sitôt dit, sitôt fait, la jeune blonde entreprit l'escalade de l'arbre, saisissant chaque branche avec agilité, prenant appui sur ses jambes et ses bras pour se hisser de plus en plus haut. Malgré son expérience, elle glissa à plusieurs reprises et se rattrapa de justesse, provoquant les cris d'horreur du petit attroupement qui s'était entre temps élargi, ayant attiré par son étrangeté de nouveaux curieux.

- Surtout, ne regarde pas en bas ! – se dit-elle, le cœur battant, tout en poursuivant son ascension. Ledit matou se tenait à présent à sa portée et elle se mit à l'appeler pour attirer son attention. Ce n'était pas le moment qu'elle l'attrape par surprise et qu'affolé, il la griffe ou tombe en tentant de s'échapper ! Il tourna la tête vers elle et poussa un miaulement désespéré, les pupilles dilatées par la peur – Me voilà, mon ami. Ne crains rien ! Je vais te sortir de là !

De son bras libre, elle se saisit du chat qui vint se lover contre elle en tremblant, et elle poussa un cri de douleur sous la pression des griffes qui s'étaient enfoncées dans sa chair sous le coup de la panique qui l'avait envahi. Tout le long de l'interminable chemin du retour, elle ne put s'empêcher de pester contre l'animal qui s'accrochait à elle douloureusement tout en l'assourdissant de ces miaulements.

- La prochaine fois – se dit-elle en grimaçant de douleur – Tu resteras là-haut, mon Coco, et tu te débrouilleras pour descendre !

Quand, elle eut, enfin, posé le pied sur la terre ferme, elle ne fit aucun cas des acclamations enthousiastes saluant sa prouesse, et s'empressa de se dégager de son instrument de torture qu'elle remit entre les mains de la servante Mathilda, laquelle la remercia d'une révérence avec un soupir de soulagement. Terry s'avança vers elle et la prit dans ses bras.

- Ne me fais plus jamais ça ! – lui dit-il, livide, en la serrant fort contre lui – Plus jamais !!!

Elle opina sans plus de fanfaronnade, ravie de se retrouver dans ses bras plutôt qu'en équilibre précaire dans l'arbre. Elle pouvait bien se l'avouer : elle n'avait plus l'âge pour ce genre de folie...

Un bruit étrange l'interpella alors, un genre de soupir réprobateur marqué de mépris, pareil à celui qu'elle avait régulièrement entendu à travers la bouche de Madame Legrand ou de la Grand-Tante Elroy.

- C'est donc vous, l'Américaine !

Candy se raidit, un frisson désagréable lui parcourant l'échine et s'écarta de son bien aimé dont le regard s'était subitement durci. Elle se retourna et croisa les yeux noirs d'une élégante Lady d'âge mûr, qui l'observait avec hauteur. Elle la toisait de haut en bas, la moue dédaigneuse, s'éternisant sur ses pieds nus et sa robe souillée de feuilles et de brindilles.

- Candy, permets moi de te présenter ma belle-mère, lady Beatrix... - fit Terry d'une voix glaciale – Beatrix, je vous présente, C....

- Je crois que les présentations peuvent attendre... – fit-elle, avec un sourire ironique - Je suis d'avis que votre "amie" a avant tout besoin de se nettoyer et de revêtir une tenue plus descente...

Elle tourna les talons en soupirant de désappointement, et marmonna, dissimulée derrière son ombrelle qu'elle faisait tournoyer.

- Décidément, cette attirance pour les femmes vulgaires est héréditaire...

Le jeune homme allait se précipter sur elle quand Candy le retint fermement par le bras. Luttant contre le regard implorant qu'elle lui adressait, il pesta, maugréa, puis ils repartirent en direction du château. Dans la cour, le véhicule qui avait transporté la duchesse et sa fille était en train d'être vidé, les domestiques s'affairant autour avec dextérité. Ils pénétrèrent dans le grand hall d'entrée et se dirigèrent vers l'escalier qui menait aux chambres. C'est à ce moment là qu'ils croisèrent Cookie, poussé par la jolie Lucille.

- Quel remue-ménage, ce matin ! – s'écria-t-il – J'ai cru m'être trompé de jour et me suis mis à croire que les fiançailles avaient commencé.

- On pourrait s'y méprendre en effet – grommela Terry – Mais ce ne sont que ma belle-mère et ma sœur qui viennent d'arriver... Elles ont tendance à monopoliser beaucoup de monde...

- On dirait qu'elles ont déménagé tout le château ! – observa-t-il, moqueur, devant la file de serviteurs chargés de paquets.

- Si elles pouvaient déménager définitivement !... – soupira Terry en levant les yeux au ciel.

Des bruits de voix féminines se rapprochaient dangereusement et le jeune aristocrate fit signe à Candy de commencer à monter les escaliers, mais elle ne fut pas assez rapide et se trouva nez à nez avec l'héritière des Grandchester, son illustre génitrice derrière elle...

- Vous aviez raison, mère. Elle est tout à fait ordinaire... - fit la jeune femme en la détaillant avec attention. Décontenancée, Candy recula d'un pas et buta contre la rampe de l'escalier.

- Bonjour Sybille – fit Terry sèchement en s'interposant entre elles deux - Les bains de Bath n'ont visiblement pas atténué le poison qui te sert de langue...

Cette dernière, vexée, fronça les sourcils et s'apprêtait à répondre quand sa mère l'interrompit, ayant remarqué Cookie :

- Qu... Qu'est ce donc ? – fit-elle à son attention, avec un léger mouvement de recul.

- Permettez-moi de me présenter, Milady – répondit-il, les yeux brillants d'insolence – Mon nom est Cookie, Cookie Dicks. Pour vous servir...

Devant son air interloqué, il poursuivit :

- Je suis un ami de longue date de Terrence. Je suis marin et il y a quelques semaines de cela, le bateau sur lequel je travaillais a sombré et j'ai été blessé. Votre fils m'a proposé de finir ma convalescence ici...

La duchesse resta sans parole quelques secondes devant le spectacle ahurissant qui s'offrait à ces yeux. Non seulement le fils bâtard de son époux était de retour, qui plus est avec une américaine dont le comportement tenait plus de l'acrobate de foire que de la lady, mais il était aussi accompagné d'un espèce de personnage dont le regard hardi et le sourire effronté la mettaient mal à l'aise. Elle sentait bien qu'elle n'aurait aucun ascendant sur lui et cela la déstabilisait.

- Seigneur !... – s'écria-t-elle avec un soupir de consternation – Il suffit que je m'absente quelques semaines pour que cette maison se transforme en cour des miracles ! J'ai grand besoin d'un peu de repos pour me remettre de tout cela !

Ceci dit, elle posa la main sur la rampe et commença à monter les marches de l'escalier, sa fille sur ses talons, laquelle se retourna une dernière fois pour les toiser d'un regard mêlé de haine et de mépris.

- Vivement que ces fiançailles soient passées car je crois que je ne pourrai pas tenir plus longtemps... - gémit Terry en serrant fort la main de Candy, tout en regardant les deux harpies s'éloigner.

- Je dois t'avouer que je partage ton impatience ! Tu ne m'avais pas menti. Elles sont vraiment... Vraiment...

- Odieuses ! – intervint Cookie en insistant sur chaque syllabe. Lucille, l'infirmière, avait porté la main à sa bouche pour étouffer un éclat de rire, ses yeux larmoyants de retenue.

- Le mot est bien trouvé, en effet, mon ami. Odieuses ! Voilà ce que sont les femmes de cette famille ! Pardonnez-moi, mais je vais aller prendre un peu l'air avant de ne pouvoir me retenir de casser quelque chose dans cette fichue bâtisse !

Sur ce, il partit à grandes enjambées en direction de la cour et croisa en chemin son père qui rentrait des écuries, encore vêtu de son costume de chasse.

- Elles sont arrivées... - fit-il d'un air abattu en remarquant la mine furieuse de son fils.

- En effet, père. Je me permets d'ailleurs d'insister pour que vous gériez au mieux leur attitude sinon, je crains que ce ne soient pas des fiançailles que nous célébrions après-demain, mais des funérailles !!!

Les yeux du Duc s'écarquillèrent de stupeur devant la mise en garde désespérée de son fils et les bras ballants, le laissa partir en direction des écuries pour une promenade libératrice. Il fronça les sourcils et pénétra dans le vaste hall d'entrée avec l'horrible impression que l'atmosphère paisible de ces derniers jours s'était évanouie, ayant cédé la place à un climat de tension palpable conforté par le regard perdu des serviteurs qu'il rencontrait. Pendant des années, il s'y était accoutumé, s'isolant dans son bureau ou désertant les lieux, abandonnant lâchement son fidèle Carson à la tyrannie de son épouse. Mais l'accident de Terry lui avait ouvert les yeux sur la médiocrité de sa vie, et il n'avait plus l'intention de se laisser manipuler par cette intrigante, même si elle en avait pris l'habitude en vingt-cinq ans de mariage ! Il poussa la porte de la chambre de sa femme et la découvrit assise devant sa coiffeuse. Au regard sévère qu'il lui adressa, la servante qui s'occupait de la coiffer, s'éclipsa dans une révérence et ferma la porte derrière elle précautionneusement.

- Vous voilà enfin, mon ami ! – fit-elle en tournant légèrement la tête vers lui – Et crotté à ce que je vois !...

- Je me passerai de vos observations désobligeantes, madame ! – répondit le Duc en serrant les poings – Ce que j'ai à vous dire ne pouvait attendre que je fasse un détour par ma chambre pour me changer...

- Tiens donc ? Qu'y a t'il de si urgent qui vous amène aussi négligé devant moi ?

- Un sujet qui mérite toute votre attention, Beatrix, croyez-moi...

Perplexe, la duchesse pivota sur son fauteuil et croisa le regard ferme et menaçant de son époux qui ne présageait rien de bon. Elle ne l'avait jamais vu dans cet état auparavant, et plissa le front d'inquiétude devant la détermination qui se lisait sur son visage, réalisant, en un instant, que son existence serait un peu plus compliquée dorénavant...

Fin du chapitre 17



Edited by Leia - 17/11/2016, 17:50
view post Posted: 24/9/2016, 10:16 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
QUOTE (CandyTerryforever @ 24/9/2016, 11:14) 
c'est vrai qu'il a tous ces défauts-là aussî mais en amoureux il est parfait. Hum... C'est ce que je voulais dire.

Oui, là, tu as raison, il est plus que parfait ! :lv7: :lv7: :lv7:
view post Posted: 24/9/2016, 09:48 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
Merci pour ton commentaire, Florence. :)
J'imagine qu'il existe des hommes comme Terry car il n'est pas si parfait que ça. ;) Il a très mauvais caractère, est très jaloux, aime la bagarre, a un penchant pour l'alcool. Bref, il faut le supporter, le bougre ! Et je n'ose pas imaginer comment il se comportera avec sa marâtre et ses frères et soeurs... ;)

Désolée d'être si lente dans la mise à jour de ma fic, mais je me suis mise à la traduire en anglais pour qu'ensuite ma délicieuse Anneth puisse la traduire en espagnol, et ça m'a pris beaucoup de temps. Voilà pourquoi ce nouveau chapitre a tardé à arriver.
Je te souhaite par ailleurs, avec un peu de retard, un très bon anniversaire ! :happy:
view post Posted: 23/9/2016, 22:10 Lettres à Juliette - Fanfics pour tous les âges
Cookie s'était rapidement assoupi pendant que Candy lui faisait la lecture. On l'avait installé sur une chaise longue, dans le jardin de la demeure des Grandchester, à l'ombre d'un arbre qu'une brise légère venait régulièrement visiter, emportant sur son sillage toute la moiteur de cette chaude journée d'été.

Contre toute attente, cet été londonien s'avérait tout aussi caniculaire que celui qu'elle avait connu en Italie, mais Candy en souffrait beaucoup plus ici car elle ne pouvait plus se permettre de porter les petites robes légères et confortables qu'elle avait achetées à Vérone. Ici, elle se devait d'être irréprochable en toute circonstance, elle devait faire honneur à la famille Grandchester et à la famille André devant les visiteurs qui venaient au domaine pour faire sa connaissance. Elle devait tenir son rang, et même si elle s'en acquittait avec bonne volonté, elle ne pouvait s'empêcher de s'imaginer en train de piquer une tête dans la rivière toute proche, comme elle l'aurait bien volontiers fait si elle avait été à la maison Pony.

Le livre n'était pas très épais, et elle se mit à l'agiter devant son visage, comme d'un éventail. Elle regardait Cookie qui dormait paisiblement, un sourire tranquille sur les lèvres, les traits reposés de celui qui se remet tout doucement. On s'était bien occupé de lui à Plymouth, mais on sentait malgré tout, sous ses faux airs enthousiastes, qu'il commençait à s'ennuyer et que son humeur en pâtissait. Ses anciens collègues qui ne pouvaient se permettre de rester sans travail avaient trouvé un autre bateau et étaient repartis, le laissant seul dans cette chambre d'hôpital, avec pour toute vue, celle du cimetière voisin, ce qui ne favorisait pas un bon moral. Ainsi, il avait été rapidement décidé que Cookie viendrait s'installer à Londres pour poursuivre ses soins et qu'il y resterait le temps de sa convalescence.

Il ne pouvait pas encore marcher mais il n'avait pas perdu sa langue, si bien que les repas en sa compagnie devenaient interminables tant il avait d'histoires de marin à raconter, des anecdotes du bout du monde qui emportaient les convives vers des contrées lointaines, où le magique se mêlait au merveilleux, grâce à l'imagination débordante du jeune infirme qui n'hésitait pas à enjoliver ses souvenirs pour retenir l'attention. Cookie se sentait visiblement plus à l'aise dans cette maison que ne l'était Candy, laquelle avait toujours peur de mal agir ou de mettre Terry dans l'embarras. C'était plus simple pour lui car ce n'était pas lui qui allait épouser Terry, et elle sentait peu à peu grandir en elle l'angoisse du grand jour, celui de leurs fiançailles qui devait avoir lieu à la fin de la semaine. Mais avant cela, elle devait faire face à quelque chose de bien plus angoissant : sa rencontre avec la Duchesse Grandchester et ses deux enfants qui devaient arriver le lendemain. Malgré la chaleur, elle frissonna d'effroi à cette évocation, se demandant avec inquiétude comment cette rencontre allait se dérouler et si tout allait bien se passer. Elle en avait vu d'autres avec la famille Legrand ou la Grand-Tante Elroy, mais elle n'en restait pas moins en alerte surtout vis à vis de Terry, chez qui la patience était loin d'être une vertu, ce qui laissait présager quelques grincements de dents.

Elle leva les yeux vers l'immense bâtisse derrière elle, à la fois austère d'apparence, mais bien vivante à l'intérieur, avec son armée de petites mains qui allait et venait dans les étages, guettant la moindre imperfection pour la corriger dans l'instant, avec le frêle espoir que cela n'ait pas déjà été constaté par Carson, le majordome, lequel se montrait particulièrement intransigeant pour ce qu'il considérait être de la négligence. Malheur à celui qui laissait trainer un seau de nettoyage, qui avait laissé un grain de poussière sur les meubles, ou qui n'avait pas changé les fleurs fanées ! Personne n'avait envie d'avoir affaire à lui dans ces moments là, et en conséquence, faisait de son mieux pour éviter que cela arrive. Candy aimait cette atmosphère d'agitation perpétuelle, cela lui rappelait son enfance chez les Legrand. Elle aussi avait travaillé comme domestique, avait frotté bien des sols et fait briller bien des parquets. Elle savait ce que c'était que d'avoir les mains abimées par le travail, elle qui les avait souhaitées si douces et si jolies pour Anthony… Et pourtant, pour rien au monde elle n'aurait échangé son sort contre celui d'Elisa et de Daniel, pour la bonne raison que tout le monde les détestait, se moquant d'eux derrière leur dos avec une moue de mépris qui témoignait de la réelle hostilité de leurs sentiments. Candy, au contraire, avec sa gentillesse et sa bonne humeur, avait su se faire apprécier tout de suite du personnel, l'accueillant chaleureusement à chacune de ses visites, lui mettant de côté les restes d'un bon repas, l'encourageant quand elle avait le moral au plus bas, pestant avec elle après un mauvais coup des enfants Legrand… Elle en avait gardé un si bon souvenir, qu'elle n'avait pas hésité à réitérer l'expérience avec les domestiques du Duc, qui n'en étaient pas revenus de la voir déambuler un jour dans les couloirs du sous-sol, visiblement très à l'aise, avec un mot aimable pour chacun. En quelques minutes, elle les avait conquis et ils ne tarissaient pas d'éloges à son encontre depuis.

Chaque matin, à la première heure, elle aimait aussi partir se promener seule dans la campagne environnante, son corps engourdi de la nuit s'éveillant à son tour au rythme des rubans de brume flottant au-dessus des champs disparaissant progressivement sous le soleil levant. Elle appréciait ce moment de calme et de solitude, loin du tumulte du château qu'elle contemplait de loin, dominant l'horizon de sa majestueuse stature. Au fur et à mesure que les jours passaient, elle en avait conclu qu'elle n'était pas faite pour vivre dans un tel endroit, si grand que l'on pouvait aisément s'y perdre, où toute communication n'était possible qu'au moyen de clochettes tant chaque occupant pouvait se trouver éloigné l'un de l'autre, où tout était réglé et règlementé comme dans une caserne, organisation nécessaire pour éviter le chaos. Tout ceci était bien trop complexe pour elle et elle était soulagée de repartir en Amérique après leurs fiançailles. Elle s'était alors demandé où ils habiteraient. Certainement à New-York, dans l'appartement de Terry, pourtant cette éventualité avait du mal à devenir certitude car depuis quelques jours, l'image d'une jolie maison à colombages en bord de rivière lui apparaissait en rêve. Etrangement, elle s'y sentait chez elle, avec son jardin de roses blanches et ses massifs de jonquilles tout autour, et la voix de Terry qui chuchotait à son oreille "bienvenue chez nous"… Elle se réveillait à chaque fois, le cœur en joie et tremblante d'émotion avec l'étrange impression que cela se réaliserait un jour, mais pas pour l'instant assurément, les immeubles newyorkais éprouvant une aversion manifeste pour toute habitation vieille de plus de vingt ans. Le mystère de la localisation de cette maison restait donc entier…

Un tendre baiser dans le cou la tira de ses pensées et elle tourna la tête d'un air surpris.

- Terry ! – fit-elle en souriant – Tu es déjà revenu de Londres ?
- Ce que j'avais à y faire s'est déroulé plus vite que je ne l'avais prévu et je suis immédiatement rentré te retrouver, mon aimée. Ces quelques heures loin de toi étaient un véritable supplice…

Il s'était accroupi à côté d'elle et avait pris sa main pour l'embrasser. Fermant les yeux, elle pencha la tête vers lui à la rencontre de son front contre lequel elle s'appuya avec tendresse.

- Tu m'as manqué toi aussi… - murmura-t-elle en prenant sa main à son tour – Le temps me paraît si long loin de toi…
- Cela fait plaisir à entendre ! Ma compagnie est-elle si ennuyeuse que cela ???

Les deux jeunes amoureux se tournèrent vers l'intrus qui venait d'interrompre leur tendre échange.

- Ma parole, Cookie ! Ne pourrais-tu pas te faire plus discret par moment ??? – rugit Terry, visiblement contrarié qu'on ait pu les écouter.
- Mille excuses, monseigneur ! Mais à défaut de jambes, j'ai conservé de bonnes oreilles qui s'avèrent très utiles pour entendre mais qui ne me permettent pas encore de marcher…
- Ne sois pas ironique ! Tu pouvais tout au moins continuer à faire semblant de dormir !...
- Et vous laisser roucouler à qui mieux mieux en ma présence ? Un peu de pudeur, que diable ! – renchérit-il, simulant l'indignation.
- Haaaaa, Cookie ! Quand cesseras-tu donc de faire l'enfant !... – s'exclama Terry en se dirigeant vers lui. L'œil malicieux qu'il lui décocha intrigua ce dernier qui arqua un sourcil perplexe en remarquant au même moment une silhouette blanche qui venait dans leur direction et que le jeune aristocrate ne semblait pas du tout surpris de voir arriver – Cookie, permets-moi de te présenter Lucille, ta nouvelle infirmière !
- Ma nouvelle infirmière ??? – s'écria-t-il en sursautant d'étonnement – Mais je croyais que c'était Candy, mon infirmière !
- Tu as bien usé et abusé de sa gentillesse ces derniers jours mon ami, et je souhaite à présent récupérer ma future fiancée… C'est pourquoi j'ai requis les services de Lucille pour s'occuper de toi…
- C'était donc ça, tes petits allers-retours à Londres depuis deux jours…Vous en avez assez de moi, c'est ça !
- Cesse de gémir sur ton sort, tu sais très bien que ce n'est pas du tout le cas ! Lucille est une infirmière très compétente et je suis certain que vous allez bien vous attendre.

Sur ce, il s'écarta, cédant le passage à la jeune femme. Cookie finit par lever des yeux dubitatifs vers l'importune qui s'agrandirent d'étonnement au fur et à mesure qu'ils remontaient vers elle. Il ne pouvait certainement pas encore marcher mais il avait toujours une très bonne vue qu'il promena de bas en haut à plusieurs reprises sur elle, la bouche ouverte d'étonnement. Quand Terry avait dit qu'ils s'entendraient certainement bien, il n'avait pas sur l'instant soupçonné l'ironie qu'il détectait à présent tant la jeune soignante qui se tenait devant lui était jolie !

- Bonjour monsieur Dicks – fit la jeune demoiselle en lui tendant la main qu'il serra machinalement de sa main libre, en marmonnant les mots d'usage, tout en se reprochant son manque de contrôle.

- Ressaisis-toi, andouille ! – se dit-il en tentant d'adopter une attitude indifférente. Mais le mal était déjà fait et la jeune Lucille avait bel et bien remarqué son embarras qu'elle accentua en arborant un demi-sourire, ses yeux d'un noir profond brillant d'une étincelle moqueuse comme s'il avait un nez rouge planté au milieu du visage.

- Les présentations étant faites – ricana Terry – Nous allons vous laisser tous deux faire plus ample connaissance. Candy et moi avons encore de nombreuses choses à terminer avant la cérémonie. A plus tard…

Sans laisser le temps à Cookie de réagir, Terry s'empara de la main de Candy, laquelle eut juste le temps de donner à Lucille le livre qu'elle avait commencé à lire à son ami, et l'entraina vers le château.

- Tu m'as l'air bien pressé ! – fit remarquer Candy alors qu'ils s'éloignaient d'un pas rapide.
- C'est que, j'ai une petite surprise pour toi… que je ramène de Londres…
- Une surprise ? De Londres ??? – s'écria-t-elle, écarquillant les yeux d'étonnement – Je me demande bien ce que cela peut être !...
- Tu ne vas pas tarder à le savoir… - fit-il en pénétrant dans le château.

Les hypothèses défilaient dans l'esprit de la jeune femme au fur et à mesure qu'ils traversaient les salons. Elle questionnait Terry régulièrement, scrutant son regard à chacune de ses propositions qui restaient à chaque fois sans réponse, la laissant rageuse devant le sourire énigmatique qu'il se contentait de lui afficher en chantonnant. Quand ils s'arrêtèrent finalement devant la porte de la bibliothèque, elle se tourna vers lui, le visage crispé d'exaspération.

- Pourquoi m'amènes-tu jusqu'ici ??? – demanda-t-elle d'un air soupçonneux.
- J'ai pensé que c'était l'endroit le plus tranquille pour des retrouvailles…
- Des retrouvailles ??? Mais avec qui d… ?

Le jeune aristocrate poussa la porte qui s'ouvrit sur une longue salle dont chaque mur était recouvert de livres et de manuscrits anciens. Une agréable odeur de vieux papier s'exhalait des étagères en boiseries précieuses, répandant dans la pièce une atmosphère d'un autre temps, intimant silence et recueillement. Intimidée, Candy entra à petits pas, cherchant du regard la mystérieuse personne qui était censée s'y trouver, tandis que Terry se tenait en retrait, adossé à un mur, les bras croisés, observant la scène. Soudain, dans un coin de la pièce, elle aperçut une silhouette se lever d'un fauteuil qui lui tournait le dos. C'était un jeune homme de grande taille, habillé ordinairement, arborant un tablier de toile, comme s'il sortait d'un atelier. La lumière de la fenêtre en contre jour, l'empêchait de discerner clairement ses traits et elle s'approcha plus près de cet inconnu qui la regardait avec intérêt, comme s'il la dévisageait. Elle croisa son regard qu'elle perçut à travers ses cheveux noirs en broussailles, et il lui sembla que son cœur allait exploser dans sa poitrine. Tout un flot de souvenirs lointains venait de se réveiller en elle, ceux en compagnie d'un petit garçon pas beaucoup plus jeune qu'elle, avec lequel elle avait partagé tant de belles années à la Maison Pony…

- Petit John… - murmura-t-elle, les larmes aux yeux en portant une main tremblante à sa bouche. Et comme il acquiesçait, elle n'hésita pas une seconde de plus, et se précipita dans ses bras en sanglotant de bonheur…

Fin de la deuxième partie du chapitre 17



Edited by Leia - 24/9/2016, 12:26
view post Posted: 11/2/2016, 14:01 Joyeux anniversaire Magou - LES ANNONCES
Joyeux anniversaire, Magou ! Garde-moi une part de ce délicieux gâteau ! ;)
view post Posted: 9/1/2016, 13:02 Commentaires pour Retour au pays de Candy ! - Commentaires pour les Fanfictions
Encore une fois, je suis très admirative de ton travail, ma chère Lou. Quand je te lis, j'ai vraiment du mal à croire que c'est une lycéenne qui écrit tant c'est bien rédigé et avec une telle fluidité et une telle maturité que les mots me manquent pour exprimer le plaisir que j'ai à te lire. J'espère que tu vas te consacrer à l'écriture car tu as vraiment du talent et une facilité, du moins apparente, qu'il ne faut pas négliger. Il me faut des semaines pour écrire un chapitre alors qu'une soirée te suffit pour rédiger ce magnifique et émouvant passage qui s'achève en surprise totale. Tu as su, intelligemment, nous orienter dans plusieurs directions jusqu'à ce qu'on comprenne que Candy
SPOILER (click to view)
vient de perdre son bébé.
:sad2: :cry: :sad3:
Quelle tristesse si bien décrite par tes soins et comme on voudrait être à ses côtés pour la réconforter et la soutenir. Maintenant, reste à savoir qui est "l'heureux" papa. Cela ne semble pas être Terry (snif!) alors le mystère reste entier jusqu'à ce que tu nous le dévoiles, au plus vite j'espère !
Merci encore pour cette très belle fanfiction, Lou. Au plaisir de te lire très rapidement ! :lv10:
view post Posted: 4/1/2016, 16:42 Commentaires pour Retour au pays de Candy ! - Commentaires pour les Fanfictions
Chère Lou,
Je viens de découvrir ta fanfiction et je suis vraiment admirative devant la qualité et la maturité de son contenu. Vraiment, quand on te lit, on a du mal à imaginer que tu es encore lycéenne. C'est vraiment très bien écrit et j'imagine que tu dois enchanter ta prof de français avec ta prose. J'ai hâte de lire la suite de ton histoire si belle et si émouvante. Tu décris si bien les sentiments de Terry que l'on a vraiment de la peine pour lui. Je t'encourage du fond du cœur à continuer et même, à écrire tes propres histoires à côté car tu as un réel talent et ce serait vraiment dommage de le laisser à l'écart. Je te souhaite une bonne reprise au lycée, en espérant que tu arriveras malgré tout à trouver un peu de temps pour continuer à nous enchanter avec ta fanfiction. A très bientôt ! :)
view post Posted: 18/12/2015, 21:51 Commentaire pour Lettres à Juliette - Commentaires pour les Fanfictions
QUOTE (luamar @ 18/12/2015, 14:34) 
Bonjour Leia,

Cette fois je vais me permettre de vous tutoyer, même si l’on ne se connaît pas, moi j’ai le sentiment de faire partie du monde de Leia car je suis déjà une fan de ton grand talent. D’ailleurs j’aimerais te demander si tu as un blog ou un site avec d’autres publications ?

J’adore tout dans « Lettres à Juliette », l’histoire est magique et tellement romantique, c’est presque un scénario de filme… nos deux héros méritent de vivre cette belle histoire, finalement…

Pour ne parler que de ce que tu as publié plus récemment, j’ai beaucoup aimé l’idée de les faire revenir à St. Paul, comme pour effacer les mauvais souvenirs…
Mais là où tu es vraiment très forte Leia c’est dans la symbiose que tu crées entre nos deux amoureux, je te l’avais d’ailleurs déjà commenté pour « Le coffret » que je trouve magnifique.

J’ai déjà dû lire la plupart des bonnes (et moins bonnes) fics sur Candy, et dans plusieurs langues, et j’en conclus que tu es celle qui perçoit et sais rendre le mieux l’union d’âme entre Candy et Terry. Ce que j’aime par dessus tout ce sont tes « non-dits » entre eux, les regards, les perceptions, les sensations que tu leur injectes et le résultat est une fois de plus magnifique dans le début du chapitre 17. Tout y est, séduction, timidité, sensualité, amour…

Merci Leia de nous faire rêver
Luamar

Cela me touche beaucoup ce que tu m'écris Luamar. Merci ! :lv7:
C'est vrai comme tu le dis que ma vision du couple Candy-Terry fonctionne beaucoup sur le non-dit. Je crois que quand on a été séparé aussi longtemps, et d'autant plus comme Terry quand on a été mal aimé, on a dû mal à se livrer, et on a du mal à montrer ses sentiments. Je crois qu'ils sont intimidés l'un par l'autre car ils s'admirent tant, s'aiment tant qu'ils peinent à croire que cela puisse être réciproque. Candy se sent vraiment inintéressante par rapport à lui alors qu'il ressent la même chose vis à vis d'elle. Mais personnellement, j'aime tous ces non-dits, ces pensées qui les traversent, car au fond, ils se comprennent si bien, ils sont si faits l'un pour l'autre qu'ils n'ont pas besoin de se parler. Tout vient naturellement...

Je suis vraiment ravie que tu apprécies cette vision personnelle que j'ai de leur couple car c'est vraiment comme cela que je les vois. Mais ce n'est que ma propre opinion. :)
Merci pour ton sympathique commentaire et tes encouragements ! A très bientôt ! :)

ps : Je n'ai pas de blog ;)
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