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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 12/4/2013, 20:26 by: Leia
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Ce matin là, Candy marchait d’un pas tranquille dans Vérone qui s’animait peu à peu, encore abrutie par la chaleur de la nuit. La jeune femme n’avait pas connu un seul jour de pluie depuis le début de son séjour en Europe ce qui contrastait avec les étés beaucoup plus humides de l’Indiana. Ici, une chaleur de plomb pouvait vous réveiller aux premières heures du jour et elle avait encore un peu de mal à s’y habituer. Elle pressa le pas en traversant le pont Garibaldi1 pour rejoindre au plus vite l’ombre des rues étroites de la cité antique. Les boutiques étaient en train d'ouvrir, les rideaux des vitrines avaient été relevés et les étals sortis sur le trottoir, proposant au chaland des marchandises appétissantes et colorées. Candy aimait toutes ces odeurs, ces couleurs qui mettaient en émoi son estomac de grande gourmande. Elle avait un petit faible pour la charcuterie italienne à la couleur inimitable et gorgée de senteurs qui l'attiraient comme une mouche sur un pot de miel. Saucisson sec, pancetta, mortadelle, et jambon de Parme n'avaient plus de secret pour elle ; une véritable découverte gustative qu'elle avait l'intention de prolonger à son retour en Amérique grâce aux provisions qu'elle comptait emporter dans ses bagages...

En levant la tête, elle surprit une conversation entre deux voisines. Leurs voix tonnantes se répercutaient d'un balcon à l'autre, attirant la curiosité des passants. Plus loin, une femme suspendait son linge à une corde sous sa fenêtre tandis qu'une autre arrosait en chantant ses pots de géraniums dont le rouge vif mêlé au vert du feuillage semblait rendre hommage aux couleurs du pays. Le spectacle divertissant de cette vie quotidienne mettait Candy en joie. Elle contourna en sautillant la bicyclette du facteur qui avait fait une halte devant le marchand de fleurs et repensa alors à la soirée qu’elle avait passée avec Patty à lire les lettres qu’elle lui avait amenées du club, et aux conseils avisés qu’elle lui avait prodigués dans la rédaction des réponses. Patty trouvait toujours les mots justes pour apaiser les détresses, peut-être parce-que par expérience, elle comprenait facilement ce que les gens ressentaient. Candy n’était pas en reste de ce côté là, mais avait beaucoup plus de difficultés à exprimer ce qu’elle éprouvait. Dans ses courriers, et notamment ceux qu’elle avait consacrés à Terry, tout en sachant qu’elle ne les lui enverrait jamais, elle était toujours restée pudique, évasive, distante, comme si le fait de partager véritablement ses émotions pouvait la fragiliser, la rendre vulnérable. On lui avait toujours expliqué qu’il fallait être forte, qu’il fallait relever la tête, affronter les évènements coûte que coûte pour avancer et ne pas tomber, au risque par la suite, d’être incapable de se relever. Elle était toujours dans l’action, et fuyait cette nostalgie douloureuse qui lui laissait peu de répit. C’est pourquoi elle se reconnaissait dans les lettres qu’elle lisait. Les peines de cœur restent toujours des peines de cœur, peu importe leur origine. Devenir ainsi leur confidente, la ramenait automatiquement à ses propres blessures et elle n’aimait pas beaucoup ce rappel de souvenirs remplis d’émotions et de regrets. Néanmoins, elle s’acquittait de sa tâche avec application, consciente de ce que cela représentait pour la destinataire de sa réponse, imaginant sa fébrilité à l’ouverture et le réconfort que cela lui apporterait ensuite. Elle savait qu’un nouveau petit tas de lettres l’attendait au club, et elle hâta sa marche en entendant la cloche de la cathédrale Santa Maria Matricolare toute proche égrener ses dix coups. Elle arriva un peu essoufflée devant la terrasse de la trattoria Giulieta et salua d’un joyeux sourire le serveur en chemisette blanche et gilet noir, qui la gratifia d’un tonitruant « Ciao bella ! ». Rougissante d’embarras, elle traversa la salle de restaurant et se précipita à l’étage où elle fut accueillie chaleureusement par Isabella qui était en train de faire la distribution du courrier. On avait posé au milieu de la table une cafetière toute fumante et des petits gâteaux. Candy avait déjà pris un bon petit-déjeuner mais accepta sans rechigner un biscuit que lui tendait Donatella.

- C’est moi qui les ai faits. Tu m’en diras des nouvelles – lui chuchota la doyenne du club.
- Donatella participe grandement à l’entretien de nos rondeurs… - ironisa Francesca l’infirmière, en croquant sans vergogne dans un gâteau – Mais on ne peut pas lui en vouloir, ils sont si bons !
- Tachez d’être raisonnables mesdames si vous comptez rentrer dans vos jolies robes demain soir… - intervint la brune Isabella, un sourire malicieux au coin des lèvres. Devant leur regard interrogatif, elle poursuivit, agitant une enveloppe au-dessus de sa tête – La mairie vient de me faire passer des billets pour la première de Roméo et Juliette.
- Roméo et Juliette ? C’est original… - gloussa Maria, un brin sarcastique – c’est chaque année la même chose !
- Vérone ne serait plus Vérone sans une représentation de Roméo et Juliette, voyons ! – fit remarquer Donatella en levant les yeux au ciel, comme si Maria avait sorti une énormité.
- Ma foi… - grogna cette dernière, vexée – Mais je continue à penser que les organisateurs du festival pourraient changer de thème…
- Tu sais bien que cela fait venir les touristes ! – renchérit Francesca – Et sans touristes…
- Plus de courrier ! – s’écria Isabella en forçant sur l’enthousiasme pour détendre l’atmosphère, sentant l’orage qui menaçait. Ce n’était pas facile de préserver une entente parfaite entre toutes ces femmes au caractère bien affirmé. Comme aujourd’hui, un sujet anodin pouvait subitement échauffer les esprits et une belle dispute pouvait éclater pour heureusement s’éteindre tout aussi rapidement qu’elle s’était élevée.
- C’est une compagnie anglaise qui jouera cette année – ajouta-t-elle innocemment en regardant plus en détail les billets – La troupe Sidney Wilde…
- ‘Connais pas ! – firent-elles toutes en choeur en haussant les épaules.
- Tu as déjà vu cette pièce, Candy ? – demanda Donatella qui avait remarqué l’expression figée de la jeune femme.
- Oui, il y a bien longtemps. A Broadway…
- Broadway ! – s’écria Francesca, des étoiles plein les yeux – Comme j’aimerais un jour aller à New-York et visiter cet endroit mythique !
- Moi, je rêverais de voir Rudolph Valentino en vrai – ajouta Isabella en papillonnant des yeux, mains serrées contre sa poitrine – Il est si beauuuuu !!!
- A propos de beaux gosses, je suis curieuse de découvrir le visage de celui qui va incarner Roméo cette année… - gloussa Francesca – J’espère qu’il sera plus beau que celui de l’année dernière qui était grassouillet et qui zozotait.
- Je pense que cela ne pourra pas être pire – fit Isabella en ricanant – Le pauvre bougre avait fini sous les sifflets ! C’était pathétique !
- Holala, oui !!! – s’écria Maria en éclatant de rire. Elle avait manifestement retrouvé sa bonne humeur – Il était vraiment à plaindre ! J’espère que le public sera plus indulgent cette année.
- Tu ne dis rien, Candy... Tu viendras avec nous demain soir, n’est-ce pas ? – demanda Isabella, interpellée par son étrange mutisme. Cette dernière, évitant leurs regards, bredouilla :
- C’est que… J’ai beaucoup de choses à faire. Et puis, il y a mon amie Patty avec laquelle j’ai l’habitude de passer mes soirées…
- N’est-ce pas toi qui nous as parlé hier de ce séduisant docteur qui en pince pour elle ? – intervint Maria qui ne comprenait pas les hésitations de la jeune blonde – C’est l’occasion où jamais de lui proposer de s’occuper de ton amie.

Candy se renfrogna, rageant intérieurement de ne pouvoir disparaître derrière les rangées d'étagères qui séparaient la salle de travail de celle des archives. Elle regrettait de s’être confiée aux membres du club après avoir surpris Patty dans les bras du médecin. A présent, elle n’avait plus d’excuse pour échapper à cette soirée alors que la seule pensée d’assister à une représentation de Roméo et Juliette lui était insupportable. Trop de douloureux souvenirs remontaient à la surface, des souvenirs qu’elle avait enfouis au fond de sa mémoire et qui, agités, pouvaient reprendre vie comme au premier jour. Elle se revit assise, fébrile, dans cette salle de théâtre de Broadway. Cela signifiait tant pour elle : tous ces longs mois d’attente pour revoir Terry et l'admirer sur scène, dans le rôle dont il avait toujours rêvé et qu’il avait si souvent évoqué avec elle durant leurs vacances en Ecosse. Pour elle comme pour lui, ce moment tournait une nouvelle page de leur vie, vie qu’ils allaient enfin pouvoir partager librement. Déjà, dans le train pour New-York, en tendant son billet d’aller-simple au contrôleur, elle était convaincue qu’elle n’aurait pas à acheter de billet de retour. Elle savait que dès qu’elle retrouverait Terry, elle ne pourrait plus jamais s’éloigner de lui… Et pourtant, tandis qu’il évoluait sur scène, rayonnant de beauté dans son magnifique costume de Roméo, son cœur avait cessé de battre et sa respiration s'était arrêtée. Les larmes aux yeux, elle le regardait jouer, mais son esprit était ailleurs, absorbé par l’atroce nouvelle qu’elle venait d'apprendre pendant l'entracte : l’accident de Suzanne. Toute sa vie s’était alors écroulée en une fraction de seconde. Ses espoirs et ses certitudes avaient été balayés par l’effroyable réalité : le sacrifice qu’avait fait cette jeune comédienne pour sauver Terry, le garçon qu’elle aimait, qu’elle aimait plus que tout, et que le destin était en train de lui arracher ! Elle ne voulait pas y croire et pourtant elle devait bien se résoudre à prendre la décision de se retirer, de lui rendre sa liberté, pour qu’il puisse se consacrer à cette fille sans se sentir coupable toute son existence. Elle voulait tant lui éviter de souffrir ! Tout s'était ensuite enchaîné très vite : leurs retrouvailles sur le toit enneigé de l’hôpital, sa surprise et son silence alors qu’il ramenait la jeune infirme dans sa chambre, son cri de désespoir alors qu’elle lui disait adieu et ses mains… Ses mains autour de sa taille qui la retenaient dans sa fuite, qui l’enserraient à l’étouffer, ses larmes brûlantes qui glissaient dans son cou, et sa voix, si fragile, vacillante, qui lui murmurait des paroles étranglées de sanglots. Oh mon dieu !!! Comment pourrait-elle endurer le calvaire de revoir cette pièce ? Non, on ne pouvait pas lui infliger cette torture !…

Essayant de retenir ses larmes, elle balbutia un refus catégorique qui déconcerta ses camarades.

- Que t'arrive-t-il, ma douce ? – s’enquit Donatella, alarmée par les traits bouleversés de la jeune américaine – Tu es bizarre… On dirait que tu vas te mettre à pleurer. Est-ce cette pièce qui t'émeut à ce point ?
- Oui, c’est ça… - mentit Candy d’une toute petite voix.
- Il faut bien avouer que ce n’est pas une histoire très gaie – renchérit Maria en faisant la moue - Ces deux tourtereaux dont on s’amourache pendant deux heures et qui finissent par se suicider. Ce n'est pas très réjouissant !
- Tu n'as pas tort... - gloussa Isabella, cherchant à dissimuler son rire derrière son enveloppe – Mais n'oublions pas néanmoins que cela reste un grand privilège de pouvoir assister à ce genre de représentation dans un cadre aussi idyllique que sont les arènes.
- Deux mille ans d'histoire !... - opina fièrement Francesca.

Candy restait tétanisée, perdue face à cette assemblée de regards braquée sur elle.

- Je n'ignore pas l'exceptionnelle opportunité que vous m'offrez et je vous en suis toutes reconnaissante mais je...
- Ne t'en fais pas, Candy, on ne va pas te forcer à venir si tu n'en as pas envie... - l'interrompit doucereusement Maria en posant affectueusement une main rassurante sur la sienne.
- Bien sûr, Candy ! - ajouta Isabella avec un sourire bienveillant – Ecoute, tu as tout le temps d'y réfléchir. Ce n'est vraiment pas une obligation !
- Dîtes, les filles, l'heure tourne là, et je dois partir avant midi... - fit remarquer Francesca. Candy laissa discrètement échapper un soupir de soulagement et se détendit.
- Oups ! - s'écria Isabella en jetant un œil à l'horloge sur la commode derrière elle – Il est presque onze heures, activons-nous !!!

En disant cela, elle brandit une enveloppe décachetée qui se trouvait dans le panier de collecte, dont elle retira une feuille pliée en quatre.

- Si vous le permettez, je voudrais partager avec vous une lettre que j'ai trouvée hier sur le mur et que j'ai lue ce matin en vous attendant. Elle a cela de particulier qu'elle a été écrite par un homme, un jeune-homme pour être plus précise...
- Un homme ? Hummmm... Rare et prometteur !... - fit Francesca en arquant les sourcils d'un air suggestif.
- Tu ne crois pas si bien dire, ma chère Francesca ! C'est une des plus belles et plus émouvantes lettres qui m'ait été donnée de lire...
- Et bien alors, Isabella ! - s'écria Donatella en remuant d'impatience sur sa chaise – Qu'attends-tu donc pour nous la faire découvrir ???

La jeune femme acquiesça en souriant, prit place devant ses amies qui la regardaient avec attention, et s'éclaircit la gorge. Elle tenait la lettre entre ses mains, et comme elle était assise à contre jour, on pouvait deviner en transparence l'écriture de son auteur. Le regard de Candy se porta fortuitement sur cette écriture dont le tracé délié, raffiné, lui parut étrangement familier. Déroutée, elle secoua la tête pour chasser cette pensée aberrante qui venait de lui traverser l'esprit. Mais quand Isabella ouvrit la bouche et commença la lecture de la lettre, elle resta pétrifiée, les yeux écarquillés de stupéfaction, avec l'effroyable impression que la foudre s’était abattue sur elle...

Fin de la troisième partie du chapitre 10



1- Guiseppe Garibaldi était un général et homme politique qui participa au XIXème siècle à l'unification de l'Italie pour le roi Victor Emmanuel II. Il est considéré comme un des « pères de la patrie ».

Edited by Leia - 15/4/2013, 12:09
 
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