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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 1/8/2013, 18:22 by: Leia
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Chère Juliette,

Ma main tremble trop pour t'écrire et je ne suis pas certain que mon esprit soit moins agité. Mais je voulais partager avec toi cette grande nouvelle, cette joie immense qui m'habite depuis que - je n'ose encore le croire - depuis que nous sommes enfin réunis… Oh Juliette, elle est là, assise devant moi, à cette terrasse de café, témoin de nos retrouvailles, et mes yeux brulent de rester trop ouverts, tant j'ai peur qu'en les fermant elle disparaisse. Ma main effleure la sienne régulièrement pour m'assurer qu'elle est bien réelle, je la vois baisser la tête en rougissant et mon cœur bondit à chaque fois d'émerveillement. Je suis incapable de quitter mon regard d'elle. Elle est si belle ! Encore plus belle que dans mes souvenirs. Je la regarde et je retrouve sur son visage les traits de la charmante adolescente que j'avais quittée mais avec plus de pureté dans les lignes, d'harmonie dans l'ossature. Le profil de son nez que j'aimais tant taquiner, les sourcils, la courbe de la bouche, se rappellent à ma mémoire avec une telle intensité que j'ai peine à respirer. Toutes les émotions qu'elle me faisait éprouver à Saint Paul et que j'avais volontairement occultées par la suite, sont ravivées par sa présence. Je la redécouvre et je m'extasie devant la perfection de son être tout entier. Mon regard croise le sien, empreint d'ombres et de mystères, et je frissonne de volupté devant le pouvoir qu'il a sur moi…


- Cesse de me regarder ainsi, Terry, tu m'embarrasses… - fit Candy, en détournant une nouvelle fois les yeux de lui.
- Excuse- moi, Candy, c'est plus fort que moi. J'ai tellement l'impression d'être en train de rêver !...
- Tu ne rêves pas, Terry... Nous… Nous ne rêvons pas…

Elle venait de dire cela d'une voix timide, osant à peine le regarder. Malgré la joie des retrouvailles, une pudeur agaçante la retenait de se livrer plus librement à lui. Elle aurait souhaité lui exprimer tout le bonheur qu'elle éprouvait de l'avoir bien présent devant elle, mais elle ne pouvait s'empêcher de lui afficher une certaine réserve. Il lui était encore très difficile de franchir l'interdit qu'elle s'était imposée pendant si longtemps. Cette chose si simple et si naturelle - l'aimer - cette chose qu'elle s'était si souvent reprochée de continuer à éprouver, avait fait grandir en elle un lourd sentiment de honte et de confusion. Même maintenant, alors qu'elle était libre de vivre son amour au grand jour, elle ne se sentait toujours pas à sa place. Elle comprit qu'il lui faudrait du temps pour ne plus avoir peur d'être heureuse. Mais le regard plein de tendresse que Terry posait sur elle, la rassura sur ses dernières craintes.

- Je te cherchais depuis si longtemps, Candy, que j'ai encore du mal à réaliser que je t'ai enfin retrouvée…
- J'ai la même impression que toi – fit-elle en gloussant nerveusement pour cacher son trouble – C'est fou, il y a encore quelques heures de cela, je te croyais à New-York. Je me demandais avec angoisse si nous allions nous revoir à mon retour. Et tu es là à présent devant moi, en chair et en os ! Je me sens si une idiote…
- Idiote ?

Elle baissa la tête en soupirant, tripotant d'une main distraite sa serviette en papier.

- Idiote, oui… Idiote d'autant manquer de spontanéité devant toi. Je me sens impressionnée comme si je me tenais devant mon ancien directeur d’hôpital.

Un sourire complice se dessina sur les lèvres du jeune homme.

- Si cela peut te réconforter, Candy, j'ai moi aussi cet étrange sentiment comme… comme si j'étais devant la mère supérieure…
- Vraiment ??? – demanda-t-elle en pouffant de rire – La mère supérieure ? C'est l'effet que je te fais ?
- Tu viens bien de me comparer à ton ancien directeur d’hôpital !
- Oui mais c'était un exemple parmi tant d'autres ! Tandis que la mère supérieure, c'est loin d'être un compliment !… - répondit-elle en faisant la moue.
- Rassure-toi, tu n'as pas autant de poils au menton qu'elle. Mais, en y réfléchissant bien, vous avez bien un petit air de ressemblance…
- Oh, Terry, décidément, tu ne changeras jamais !!!

Il bascula la tête en arrière en éclatant de rire tandis qu'elle lui jetait sa serviette à la figure. Mais au fond d'elle-même, elle était ravie qu'il soit resté le même, plein de malice, toujours disposé à la chahuter jusqu'à la rendre folle. Elle s'appuya contre le dossier de sa chaise et se divertit du spectacle réjouissant qu'il lui renvoyait. Elle aimait tant le voir rire… Elle l'aimait tant, tout simplement…

Soudain, elle réalisa qu'il s’était arrêté et qu'il la scrutait encore une fois à travers ses yeux mi-clos, alors qu'elle était perdue dans ses pensées. Elle leva vers lui des yeux interrogatifs, et le regard plein d'amour et de tendresse qu'il lui rendit acheva de l'ébranler.

- Candy, je… - fit-il en avançant sa main vers la sienne. Mais elle n’eut pas le temps de savoir ce qu’il voulait lui dire. Un serveur venait d’arriver à leur table et les interrompit.
- Et deux citronnades pour nos tourtereaux, deux !

Le jeune aristocrate fronça les sourcils devant l’expression cavalière du garçon de café et embarrassé, retira sa main. Le serveur posa devant eux deux grands verres de boisson citronnée et une carafe de glaçons. Terry lui tendit un billet en lui précisant de garder la monnaie, lequel le remercia chaleureusement et repartit vers l’intérieur de l'établissement, son plateau vide à la main. Ce petit intermède les rappela à la réalité, et ce fut Candy qui entreprit de les ramener définitivement sur terre.

- Tu ne m’as toujours pas raconté la raison de ta blessure… - fit-elle remarquer en buvant une gorgée de citronnade.

Un lent sourire s’épanouit sur le visage du jeune comédien. Il se cala confortablement dans sa chaise et lui dit :

- Es-tu bien sûre de vouloir le savoir ?...
- Sûre et certaine !...
- Tu seras peut-être déçue…
- J’en doute…
- Et bien soit, si tu y tiens…

Il fit mine de prendre une grande respiration, et entreprit son récit : comment, plus de deux semaines auparavant, alors qu’il se détendait dans son salon après une harassante journée de répétition, il avait découvert, en posant son regard sur le chapeau abandonné sur la table, qu’elle était passée chez lui. Sa réaction avait été immédiate et il s’était empressé d’interroger sa gouvernante qui avait rapidement tout avoué.

- Oh Terry ! – l’interrompit Candy, en secouant la tête, faisant remuer ses jolies boucles blondes - Je ne sais pas par quel hasard je me suis trouvée devant chez toi ce jour là. On aurait dit que tout avait été organisé pour cela. Je me demande même si ta gouvernante ne m’attendait pas…
- Je crois, Candy, que beaucoup de choses dans cette histoire ne sont pas issues du hasard et que de nombreuses personnes y ont participé.
- Vraiment ??? Crois-tu qu’Albert ne soit pas étranger à cela ?
- Albert et bien d’autres personnes…
- Que veux-tu dire ?
- Si tu ne m’interromps pas toutes les cinq minutes, je pourrai te l’expliquer… - dit-il en la gourmandant gentiment de son index.
- D’accord, je me tais ! – fit-elle en hochant la tête, non sans lui tirer perfidement la langue.
- Parfait ! – gloussa-t-il - Alors, où en étais-je ? Ah oui ! Mademoiselle Denise m’avoua que tu étais venue et que tu étais repartie comme… une voleuse !...

Il avait dit cela avec un grand sourire ironique, dévoilant deux rangées de dents provocatrices qui laissaient deviner une jubilation contenue. La réaction de Candy ne se fit pas attendre, qu’il affronta en clignant des yeux avec un léger mouvement de recul.

- Une voleuse ??? – s’écria-t-elle en sursautant, sa voix s’étranglant dans un trémolo – Comment peut-elle t’avoir dit cela ??? J’étais troublée, Terry. J’étais bouleversée ! J….
- Calme-toi, je plaisantais. Elle a été, au contraire, très élogieuse à ton égard.

Mais elle ne l’écoutait plus. Au bord des larmes, elle ânonnait :

- J’avais découvert ce tableau dans ton bureau… Le tableau de la maison Pony et j’avais pensé que si tu le gardais, à l’écart des regards dans cette pièce, c’était qu’il… c’était qu’il…
- C’était qu'il représentait beaucoup pour moi… Que tu représentais beaucoup pour moi… Encore et toujours…

Sa voix à lui s’était aussi brisée en prononçant ces mots. Il trouva le courage de lui prendre la main cette fois et la recouvrit de celle qu’il avait de libre.

- C’était ma façon de te garder près de moi sans éveiller les soupçons de… de tu-sais-qui…

Candy hocha la tête en baissant les yeux. Malgré tous ces efforts pour se convaincre du contraire, il lui était toujours très pénible d'évoquer Suzanne. Bien qu'elle ne fût plus là, sa présence restait encore douloureusement palpable.

- Elle ignorait tout de la maison Pony – reprit-il - et ne portait donc aucune attention à cette peinture que j’avais trouvée par hasard à Londres et que j’avais ramenée à New-York. Elle ne pouvait pas savoir qu'à chaque fois que mon regard se posait dessus, j’étais emporté vers toi et que, l’espace de quelques secondes, une lueur de vie jaillissait en moi. C’était ma façon de lutter contre l’existence misérable à laquelle elle m’avait destiné…
- Je regrette tant, Terry – gémit alors Candy – Je regrette tant que tu aies eu à souffrir de tout cela… Toutes ces années passées à…
- …Toutes ces années n'existent plus depuis que tu m'es réapparue… - fit-il en lui serrant un peu plus fort la main - Je serais prêt à les vivre une deuxième fois pour pouvoir de nouveau éprouver la joie immense que j'ai ressentie en te revoyant, Candy… Il ne faut plus regarder en arrière. Ce qui compte à présent, c'est ce que nous allons partager ensemble, tu ne crois pas ?

Candy opina du chef en refoulant un sanglot, puis grimaçant un sourire, elle demanda :

- Ce John qui a peint le tableau, serait-ce le petit John que j'ai connu à la maison Pony ???
- En effet ! Il était tout étonné que je reconnaisse l'endroit où vous aviez grandi. Il vit à Londres maintenant et j'ai conservé précieusement son adresse dans l'attente de pouvoir te la donner un jour.
- C'est merveilleux, Terry ! J'aimerais tant revoir petit John ! Je l'aimais beaucoup… Malgré ses pipis au lit qui ralentissaient mes tâches quotidiennes… - ajouta-t-elle avec un sourire nostalgique.
- Hahaha !!! A ce propos, il a tenu à me dire que cela faisait belle lurette qu'il ne mouillait plus son lit et a bien insisté pour que je t'en fasse part.
- Me voilà rassurée ! – s'écria-t-elle en ricanant de soulagement.

Une nouvelle fois, il plissa les yeux en penchant légèrement la tête sur le côté, et s'adressa à elle sur un ton énigmatique.

- Si tu veux le savoir, il n'est pas la seule personne à te connaître que j'ai rencontrée…
- C'est vrai ??? Qui donc ?
- Cherche un peu !
- Je t'avoue que je n'en ai aucune idée… - fit-elle après un petit moment de réflexion - Est-ce quelqu'un de proche ?
- Proche ? Je ne sais pas ce que tu entends par là – dit-il avec un sourire espiègle - mais disons que vous avez côtoyé le même fond de cale pendant quelques jours…
- Pardon ???? Un fond de cale ?... Tu n'es quand même pas en train de me parler de Cookie ???
- Et bien si ! C'est bien de lui dont il s'agit !

Devant son air stupéfait, il émit un petit rire satisfait et lui relata les conditions de leur rencontre.

- Je n'en reviens pas !!! – s'écria-t-elle – Cookie ! Après tout ce temps !…
- Moi non plus, je n'en reviens pas ! – fit remarquer Terry en fronçant les sourcils tel un maître d'école – Je n'en reviens pas que tu aies traversé l'océan comme une passagère clandestine !!! Il aurait pu t'arriver n'importe quoi ! Tu aurais pu te trouver sur un bateau de brigands, être jetée à la mer ou même être…

Il s'était interrompu, un frisson d'horreur lui parcourant l'échine à la pensée des actes horribles dont elle aurait pu être la victime. D'une voix calme, elle le rassura :

- Il ne m'est rien arrivé de tout cela… J'étais en compagnie de gens très biens avec lesquels je suis restée en contact.
- C'est une chance ! – rétorqua-t-il avec cynisme, toujours convaincu qu’elle avait risqué le pire. Puis, retrouvant son sang-froid, il ajouta – C’est étonnant que tu ne m'en aies pas parlé quand nous nous sommes revus à New York…
- Tu ne m'as pas posé la question. Et puis, je savais que tu aurais cette réaction, la preuve ! – fit-elle en singeant le ton réprobateur qu'il avait employé.

Il haussa les épaules tout en souriant à demi à sa provocation.

- Je réagis ainsi car je me soucie de toi. J'avais oublié combien tu pouvais être casse-cou et téméraire… Je croyais que tu étais rentrée à bord d'un paquebot de croisière, comme tes cousins, au lieu de prendre de tels risques !
- Je ne pouvais pas attendre, Terry. Je voulais te rejoindre au plus vite. C'est la raison pour laquelle je m’étais faufilée dans le premier bateau en partance pour l'Amérique.
- Tout comme moi quand je t'ai revue sur le port de Manhattan…
- Oui… - fit-elle en baissant les yeux, rougissante. Cette fois, les évènements s'étaient inversés. C'était lui qui était parti à sa recherche et qui l'avait retrouvée. Elle tressaillit.

Pourvu que plus rien ni personne ne vienne s'interposer entre eux !

- Comment va Cookie ? – s'enquit-elle pour briser le silence embarrassant qui s'était abattu sur eux - Il a dû bien changer depuis. Il a dû devenir un homme !
- A vrai dire… - répondit Terry d'une voix hésitante – Il n'est pas très en forme…
- Comment ça ????
- Nous avons eu un accident durant la traversée…
- Un… Un accident ???

Le sang qui avait empourpré ses joues reflua immédiatement vers son cœur, recouvrant d'une pâleur inquiétante son ravissant visage. En attente d'une prompte réponse, elle fixait intensément le jeune homme, lequel, devant sa mine livide, s'empressa de lui raconter sa mésaventure : la tempête, l'incendie dans la chaufferie, le sauvetage de Cookie, le naufrage du bateau et son réveil à l'hôpital de Plymouth.

- Tu… - bredouilla-t-elle en essayant de retrouver ses esprits après une telle nouvelle – Tu vas bien ? Tu n'as rien de cassé ?
- Je vais très bien, rassure-toi. Je n'ai comme séquelle qu'une légère toux qui me dérange la nuit, quelques vilaines courbatures, et cette blessure au-dessus de l'œil qui disparaitra peu à peu…
- C'est donc ça… - fit-elle en observant minutieusement son arcade sourcilière - L'entaille est franche et les points réguliers. Je pourrai te les enlever d'ici un jour ou deux…
- Houla ! Pas si vite !!! - s'écria-t-il avec un vif mouvement de recul – Je n'ai pas vraiment envie de me retrouver défiguré !!!
- Comment ça, défiguré ??? – répliqua-t-elle en se levant, outrée, sa peau reprenant subitement des couleurs. Elle fulminait, serrant les poings, tandis qu'il ricanait bêtement. Elle avait oublié combien il pouvait être énervant… Finalement, elle se rassit, prit de nouveau appui contre le dossier de sa chaise, croisa les bras, et le toisa à travers ses paupières mi-closes.
- Sache que j'en ai mâté des plus récalcitrants que toi, mon jeune ami. Ils ont souvent terminé ficelés sur la table d'osculation à demander grâce…
- Hummmm !... Présenté comme cela, je ne demande qu'à en faire l'expérience… - rétorqua-t-il en gloussant, l'œil faussement lubrique.
- Décidément, Terry, tu es un cas désespéré ! – lança-t-elle en soupirant, les yeux levés vers le ciel. Puis, retrouvant tout son sérieux, elle demanda, le ton grave :
- Et Cookie, comment va-t-il alors ???
- Il souffre de nombreuses brûlures et de plusieurs fractures. Mais ne t'en fais pas. Mon père l'a confié entre les mains des meilleurs chirurgiens d'Angleterre.
- Ton père ???
- Oui, il était à mon chevet quand je me suis réveillé à l'hôpital… - fit-il en détournant les yeux d’embarras.
- S'il était là, Terry, c'est qu'il tient beaucoup à toi. J'espère que tu ne l'as pas repoussé, comme de coutume…
- Non, pas cette fois. En réalité, nous avons beaucoup discuté. Nous nous sommes expliqués et je pense que nous sommes parvenus à une certaine entente.
- Je suis si heureuse pour toi, Terry ! J’ai si souvent prié pour que vous vous réconciliiez. Il vous faudra encore beaucoup de temps pour panser ces plaies mais vous avez effectué un grand pas l'un vers l'autre. Cela présage de belles choses pour l'avenir…
- Du moment que tu restes à mes côtés, Candy, ce ne sont que de belles choses qui m'arriveront…

Elle frissonna en rougissant et murmura en plongeant son regard dans le sien :

- Je ne m'éloignerai plus jamais de toi, Terry, plus jamais. Rien ni personne ne pourra plus me séparer de toi.
- Pourtant, quelqu'un a bien failli y parvenir…
- Tu parles de cette personne qui t'a fait croire que j'étais mariée ? J'ai lu ta – magnifique - lettre, Terry, et je suis au courant…
- Je sais… J'ai rencontré les filles du club… Elles m'ont tout expliqué…

Une nouvelle fois, la surprise la laissa bouche bée. Mais la stupéfaction céda vite la place à la curiosité, et c'est agacée par cette réponse énigmatique et la lenteur dont il usait pour s'expliquer, qu'elle exigea un éclaircissement. Il lui raconta alors son arrivée au club, suite aux conseils de Patty, et l'accueil chaleureux de toutes ces dames qui piaillaient autour de lui comme s'il eut été un coq dans une basse-cour. Assis au beau milieu de la pièce, repoussant les petits biscuits et les tasses de café, il avait essayé de capter à travers leurs jacassements enthousiastes, le message qu'elles souhaitaient lui faire passer. Il en avait finalement retenu que Candy avait lu la lettre, qu'elle ne comprenait pas cette histoire de mariage, et qu'elle était partie à sa recherche. Au début, elles lui avaient conseillé de l'attendre au club car c'était un des endroits susceptibles de la voir revenir, mais au bout d'un long moment, n'y tenant plus, il avait décidé de repartir vers l'hôpital, d'autant plus qu'il venait d'apprendre que Candy logeait non loin de là. C'est donc sur le chemin de retour que, contre toute attente, ils s'étaient revus, sur cette place delle Erbe, devant la fontaine, et sous les yeux bienveillants de la Madone qui bénît leurs retrouvailles.

Tu étais comme une vision céleste, là, devant moi, toute proche, enveloppée de lumière… Paralysé de stupeur, ébloui par tout ton être, je restais immobile devant toi tant j’avais l’impression de vivre un rêve. Puis, remarquant ton désarroi, j’esquissais un geste vers toi. Je prononçais ton nom. Je ne l’avais plus prononcé depuis des années... En entendant ma voix, j’eus l’impression que c’était irréel, que quelqu’un d’autre l’avait dit à ma place. Je te vis alors tressaillir et je me rapprochais un peu plus de toi. Et quand je pus te serrer dans mes bras, sentir ton corps frêle contre le mien, les battements de ton cœur contre ma poitrine, la douceur de ta peau, je me mis à penser que la mort pouvait dès à présent me foudroyer sur place tant le bonheur que j’éprouvais était indicible. Il n’y avait pas plus heureux homme sur terre. Dès cet instant, je sus que je ne pourrais plus jamais vivre sans toi…

Emergeant de ses pensées, il remarqua qu’elle le regardait avec un doux sourire comme si elle avait entendu ce qu’il se disait. Il lui sourit en retour, savourant l’harmonie parfaite qui les unissait.

- C’est Elisa… - confessa-t-il finalement avec gravité après qu’un troisième ange soit passé au dessus de leur tête. Il n’ignorait pas qu’avec cette révélation, il était en train de briser ce délicieux moment de paix intérieure qu’ils vivaient mais il voulait en finir au plus vite avec cette détestable personne, la chasser définitivement de son esprit, la jeter au rebut, pour ne plus avoir à l’évoquer. Elle ne pouvait plus rien contre eux désormais. Elle ne méritait plus que son mépris, chose qu’il n’hésiterait pas à lui dire en face dès son retour, mais cela ne faisait pas partie de ses priorités pour l’instant…
- Elisa ???? – s’écria Candy, les yeux écarquillés de stupeur – Mais comment donc ???

D’une voix lasse, il lui raconta le piège machiavélique qu’avait ourdi sa cousine dans lequel il était, avec une naïveté déconcertante, tombé. L’extrême prudence avec laquelle Albert avait procédé, de bonne foi, avait facilité la tâche d’Elisa qui, en quelques mensonges, avait manqué de peu de les séparer à tout jamais. Bien entendu, il avait volontairement omis de lui parler du triste épisode au bord du canal de Venise et s’était contenté d’évoquer sa rencontre avec un ancien membre de la compagnie Stratford, Sidney Wilde, qui l’avait mené jusqu’à Vérone.

Candy l’avait écouté tout le long sans rien dire, se mordant la lèvre inférieure pour refouler sa colère. Avec le temps, elle croyait qu’Elisa avait pris du recul et qu’elle avait laissé de côté la rancune profonde qu’elle lui vouait. Son éloignement de Chicago suite à son mariage avec le richissime Auguste Withmore l’avait bêtement convaincue que cette haine féroce qu’elle nourrissait contre elle, allait s’évanouir sous les lumières étincelantes de New-York, qu’elle réaliserait le peu d’intérêt que la pauvre campagnarde qu’elle était, représentait face aux folles nuits de Long Island. Elle s’était bien trompée sur toute la ligne. Elisa ne guérirait jamais de cette jalousie maladive qui l’habitait, de cette volonté obsessionnelle à vouloir la faire souffrir, la punir pour toutes les humiliations imaginaires dont elle l’accusait. L’espace d’un instant, la douce vision de la rouquine sombrant dans un trou sans fin lui traversa l’esprit, mais sa bonne conscience la rappela immédiatement à l’ordre, à laquelle elle se résigna en protestant intérieurement.

- Je devrais la haïr, la maudire pour cela… - laissa-t-elle échapper, fixant ses mains qui s’étaient recroquevillées de rage contenue – Mais… Nous devrions peut-être lui être reconnaissants de ce qu’elle a fait…

Désarçonné par ce qu’il venait d’entendre, Terry resta sur le moment sans voix, bouche ouverte, la mâchoire manquant de se décrocher.

- Pardonne ma franchise, mais la chaleur te fait perdre tout bon sens, Candy !!! Reconnaissants ??? Comment veux-tu que nous lui soyons reconnaissants d’avoir tout fait depuis toujours pour nous séparer ???
- Essayons de voir cela différemment, veux-tu ? S’il n’y avait pas eu ce malentendu à Venise, tu n’aurais jamais cherché à repartir et tu n’aurais jamais rencontré à la gare ton ami pour l’accompagner à Vérone. Personne ne savait que j’étais ici. Tu m’aurais cherchée en vain à Venise, et j’aurais continué à ignorer ta présence là-bas. Si on réfléchit bien, c’est elle qui sans le vouloir nous a permis de nous retrouver…

Le jeune homme émit un grognement d’agacement.

- C’est une vision bien particulière des évènements…
- Tu sais que j’ai raison – répliqua-t-elle en lui décochant un sourire ravageur.
- Les femmes ont toujours raison de toute façon… - soupira-t-il, un brin moqueur, se retenant péniblement de prendre son visage entre ses mains et d’embrasser ses lèvres qui le provoquaient sournoisement. Dieu qu’il en rêvait !!!
- Elles ont toujours raison car elles sont pourvues de par leur nature d’une sagesse qui vous est étrangère… - poursuivit-elle en papillonnant des cils, ignorante du bouleversement qu’elle produisait en lui.
- Si mes souvenirs sont bons, la sagesse n’a jamais été ce qui te caractérisait le plus… - rétorqua-t-il, ironique, essayant de chasser ses sulfureuses pensées – La chambre de méditation, tes sorties nocturnes en ville, tes sauts de singe dans les arbres n’étaient pas l’expression d’une grande pondération…

Candy éclata de rire et lui tira la langue.

- Tu as raison (pour cette fois) !... Je ne suis pas un bon exemple.
- Au contraire – fit-il en l’enveloppant amoureusement de son regard intense et troublant – C’est ce que j’aimais en toi. C’est ce qui te différenciait des autres cruches pleurnichardes de Saint-Paul. Tu étais unique, et tu l’es restée…

Candy baissa les yeux en rougissant, incapable de lui avouer que c’était cette rébellion qui lui était reprochée qui l’avait séduite, ce caractère fort et déterminé dans lequel elle s’était reconnue et qui l’avait rapprochée très rapidement de lui, de cet aristocrate qui cachait sous une attitude arrogante et hautaine, des blessures profondes qu’elle avait, dès le début, souhaité éperdument guérir…

Le bruit métallique d’une chaise qu’on recule la fit se redresser. Terry se tenait debout devant elle et lui tendait la main.

- Si nous marchions, Candy ?

Candy acquiesça et offrit sa main menue à son compagnon qui l’aida à se relever. La fin de l’après-midi approchait et les tables de bistrots revêtaient peu à peu leurs atours de soirée sous un concert discret de cliquetis de couverts et de tintement de verres.

Ils se promenaient sans vraiment regarder autour d’eux, trop absorbés qu’ils étaient par le bonheur d’être ensemble. Ce fut quand ils arrivèrent sur la place de l’amphithéâtre que Candy comprit que cette euphorie arrivait à son terme…

- C’est donc ici, Terry, que tu joues demain soir ?

Il hocha la tête en silence. Il devinait déjà ce qu’elle allait lui dire et ne voulait pas l’écouter.

- Ne devrais-tu pas alors être en train de répéter ???
- C’est ce que je devrais être en train de faire en effet, mais…

Mais je préfère être avec toi. Plus rien ne m’importe à présent, si ce n’est toi. Je viens tout juste de te retrouver, ne me demande pas de te laisser, ne serait-ce qu’une soirée…

Elle se tenait droite devant lui avec cet air déterminé qu’il redoutait et qui ne présageait rien de bon pour lui.

- Je sais ce que tu penses, Terry, et je ne souhaite pas, moi non plus, me séparer de toi, mais tu ne peux pas abandonner ta troupe, même pour moi. C’est ton devoir d’être avec eux. Il ne vous reste que peu de temps pour répéter. Ils ont besoin de toi, de ton expérience, de tes conseils, et de leur… Roméo ! Je ne veux pas être la source des reproches que l’on pourrait te faire. De toute façon, je ne ferai pas un pas de plus !
- Soit… - soupira Terry, en courbant l’échine, son visage dissimulant avec peine sa déception – Mais tu as raison, il faut que j’y aille. Cela a toujours été pour moi un plaisir de jouer, mais cela me semble être une corvée maintenant…
- Ne dis pas cela. Le théâtre c’est ta vie ! Que sont quelques heures l’un sans l’autre en comparaison des années qui nous attendent ensemble ? Sois raisonnable. Je viendrai te voir ici demain avant d’aller au club.

Terry opina avec résignation.

- Laisse-moi au moins te raccompagner chez toi.
- C’est un peu loin. Tu perdrais trop de temps.
- Pas avec les moyens modernes…- fit-il en courant vers un taxi qui venait de déposer, non loin d’eux, une élégante dame.

Les deux jeunes gens montèrent dans le véhicule. Candy indiqua la direction au chauffeur et quelques minutes plus tard, ils étaient devant la pension Roberta. Une bonne odeur de soupe s’échappait de la fenêtre de la cuisine, et le ventre affamé de Candy se mit à gargouiller. Debout sur les marches de la maison, dominant Terry de quelques centimètres, elle restait immobile ne sachant que dire. Le jeune homme n’était pas moins embarrassé. Les mains dans les poches, il fixait ses pieds occupés à balayer la poussière du sol.

- Bien… Le moment est venu, je crois, de nous dire au revoir… - fit-elle avec un sourire gêné.
- Oui… Au revoir… - répondit-il avec une maladroite décontraction.

Pourquoi est-ce que je me sens si gauche et si ridicule tout à coup ?

- On se voit demain…
- Oui… demain… - répéta-t-il comme un automate.

Devrais-je lui serrer la main ou l’embrasser sur la joue ?

- Je viendrai te rendre visite à l’amphithéâtre…
- C’est d’accord… - répondit-il en hochant frénétiquement la tête.

J’ai tellement envie de la serrer dans mes bras, de plonger mon visage dans le creux de son cou, de sceller mes lèvres sur les siennes…

- Ensuite, j’irai au club. Je veux te laisser travailler tranquillement pour que tu sois dans les meilleures conditions possibles jusqu’à la représentation…
- Bien mon capitaine !

Elle haussa les épaules en ricanant. Elle voyait bien qu’à travers sa malicieuse remarque, il tentait de dissiper le malaise qui s’instaurait entre eux. Ils se dévisageaient, chacun attendant un geste de l’autre.

- Alors, à demain ? – fit-elle avec un ultime espoir.
- A demain. Passe une bonne soirée, Candy.
- Toi aussi, Terry. Merci…

Il resta encore quelques secondes devant elle, les mains ballant le long des coutures de son pantalon, tapotant nerveusement ses cuisses, puis, effectuant un grand pas chassé, il repartit vers le taxi qui l’attendait un peu plus bas.

Quel imbécile, je suis !... Quel abruti ! …

- Attends !!! – crut-il entendre alors – Attends, Terry, je t’en prie !

Le cœur battant, il revint sur les quelques pas qu’il avait faits. Elle était toujours là, debout sur les marches. Elle le fixait avec innocence de son regard émeraude, et troublé, il bredouilla :

- Qu’y a-t-il, Candy ?

Elle ne répondit pas tout de suite, puis, comme dans un film au ralenti, il sentit qu’elle prenait son visage entre ses mains et qu’elle l’attirait vers le sien. Les yeux innocents qu’elle avait posés sur lui se plissèrent sous l’effet du sourire enjôleur qu’elle lui adressa.

- Tu avais oublié ceci…

Un frisson le parcourut de part en part tandis qu’elle se juchait sur la pointe des pieds et s’emparait de ses lèvres dans un tendre baiser. Incapable de réagir, il se laissa emporter par cette douce et enivrante chaleur qui l’envahissait. Au bout d’un moment, elle s’écarta de lui et aperçut son visage ahuri, comme frappé par la foudre. Elle porta la main à sa bouche pour ne pas éclater de rire.

- Bonne soirée, Terry – chuchota-t-elle en lui tapotant affectueusement la joue. Puis, profitant de l’état de sidération dans lequel il se trouvait, elle disparut derrière la porte et s’enfuit en courant jusqu’à sa chambre. Il resta durant quelques minutes interdit sur le trottoir jusqu’à ce que le klaxon impatient du taxi le fasse sursauter et le ramène à la réalité. Groggy, titubant, il prit machinalement place dans le véhicule, et se laissa docilement ramener au centre ville sous le regard attendri de Candy, qui, toute tremblante d’émotion, l’avait observé, cachée derrière les voilages de sa fenêtre…

Fin du chapitre 11



Edited by Leia - 3/5/2016, 21:55
 
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