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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 3/10/2013, 16:37 by: Leia
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Le cœur de Candy se mit à battre beaucoup plus vite au moment où elle pénétra sur la place Bra. Au centre, se dressait l'amphithéâtre romain, majestueux, avec ses arches de pierre blanche et rose disposées en cercle, lesquelles à l'origine ceignaient le bâtiment sur plus de cent mètres. Comme dans tous les amphithéâtres, des combats de gladiateurs avaient eu lieu ici, ainsi que des venazione, des chasses d'animaux féroces. Avec le temps, il avait été abandonné, puis au moyen âge, avait été utilisé en grande partie comme source de matériaux de construction pour la création de nouveaux bâtiments dans la ville. Un tremblement de terre au XIIème siècle avait achevé le carnage si bien que l'édifice, tel qu'il était à ce jour, avait beaucoup perdu de son faste d'antan, mais restait malgré tout, un des mieux conservés du pays.

Depuis 1913, en raison de son acoustique exceptionnelle, des spectacles, principalement des opéras, y étaient présentés, et apportaient un nouvel élan culturel à la ville. Pour Candy, la présence en ces lieux de Terry représentait l'hommage ultime à un passé grandiose et mythique. Elle avait tellement foi en lui qu'elle savait intimement qu'il allait s'illustrer ce soir par son talent et par la passion qu'il vouait à son métier. Après cela, on chuchoterait le nom de Terrence Graham dans toute la ville mais aussi dans toutes les capitales de la vieille Europe.

Elle soupira de contentement et se mit à contourner les arènes en quête d'une ouverture. La plupart étaient fermées ou comblées, mais elle aperçut finalement une porte entrouverte et s'y faufila discrètement, tandis que des employés de la ville étaient occupés à installer des barrières destinées à retenir mais aussi guider les futurs spectateurs. Elle ressortit du côté gauche, sur une allée qui bordait sur toute sa circonférence, l'intérieur de l'amphithéâtre. Dissimulée par les gradins au dessus d'elle qui remontaient par dizaine de rangées jusqu'au sommet, elle avança avec précaution pour ne pas être vue. Au pied de la scène, un orchestre, destiné à accompagner en musique la représentation, était en train de se préparer.

Comme les musiciens étaient en nombre, Candy put s'approcher un peu plus sans être remarquée et prit place derrière l'un d'eux, un contrebassiste, dont l'instrument gigantesque la soustrayait sans difficulté aux regards. Soudain, entre deux éléments de décor, elle distingua Terry et son cœur s'emballa comme un cheval au galop. Il était là, d'une beauté à couper le souffle, la mèche rebelle, vêtu d'un pantalon de toile confortable et d'une chemise unie d'un bleu fané. Il semblait tenir un passage de la pièce entre ses mains qu'il agitait en discutant avec plusieurs comédiens. Haletante, les doigts crispés sur l'assise, elle s'appuya contre le dossier de sa chaise, ferma les yeux et essaya de contrôler sa respiration. Mais tout à coup, la voix grave et puissante de Terry résonna dans l'enceinte. La répétition reprenait. Fascinée et tremblante, Candy, bouche entrouverte, se laissa aller à la sensation voluptueuse qui la gagnait.

La scène, la quatrième, décrivait le moment où Roméo revenait de sa visite chez le moine Laurence qu'il avait supplié d'organiser secrètement son union avec Juliette. Il retrouvait ses amis, et bien qu'évasif, ne dissimulait pas la passion qui l'étreignait. Survenait alors la nourrice de la jeune amante, interprétée par une comédienne d'assez forte corpulence…



La Nourrice. – Bien répondu, sur ma parole ! Pour se faire injure à lui-même, a-t-il dit… Messieurs, quelqu'un de vous saurait-il m'indiquer où je puis trouver le jeune Roméo ?

Roméo. – Je puis vous l'indiquer : pourtant le jeune Roméo, quand vous l'aurez trouvé, sera plus vieux qu'au moment où vous vous êtes mise à le chercher Je suis le plus jeune de ce nom là, à défaut d'un pire.

La Nourrice. – Fort bien !

Mercutio. – C'est le pire qu'elle trouve fort bien ! bonne remarque, ma foi, fort sensée, fort sensée.

La Nourrice, à Roméo. – Si vous êtes Roméo, monsieur, je désire vous faire une courte confidence.

Benvolio. – Elle va le convier à quelque souper.

Mercutio. – Une maquerelle ! une maquerelle ! une maquerelle ! Taïaut !

Roméo, à Mercutio. – Quel gibier as-tu donc levé ?

Mercutio. – Ce n'est pas précisément un lièvre, mais une bête à poil, rance comme la venaison moisie d'un pâté de carême.

(Il chante.)

Un vieux lièvre faisandé,
Quoiqu'il ait le poil gris,
Est un fort bon plat de carême.
Mais un vieux lièvre faisandé
A trop longtemps duré,
S'il est moisi avant d'être fini.
Roméo, venez-vous chez votre père ? Nous y allons dîner.

Roméo. – Je vous suis.

Mercutio, saluant la nourrice en chantant. – Adieu, antique dame, adieu, madame, adieu, madame.

(Sortent Mercutio et Benvolio.).

La Nourrice. – Oui, Morbleu, adieu ! Dites-moi donc quel est cet impudent fripier qui a débité tant de vilenies ?

Roméo. – C'est un gentilhomme, nourrice, qui aime à s'entendre parler, et qui en dit plus en une minute qu'il ne pourrait en écouter en un mois.

La Nourrice. – S'il s'avise de rien dire contre moi, je le mettrai à la raison, fût-il vigoureux comme vingt freluquets de son espèce ; et si je ne le puis moi-même, j'en trouverai qui y parviendront. Le polisson ! le malotru ! Je ne suis pas une de ses drôlesses ; je ne suis pas une de ses femelles !

(À Pierre.) Et toi aussi, il faut que tu restes coi, et que tu permettes au premier croquant venu d'user de moi à sa guise !

Pierre. – Je n'ai vu personne user de vous à sa guise ; si je l'avais vu, ma lame aurait bien vite été dehors, je vous le garantis. Je suis aussi prompt qu'un autre à dégainer quand je vois occasion pour une bonne querelle, et que la loi est de mon côté.

La Nourrice. – Vive Dieu ! Je suis si vexée que j'en tremble de tous mes membres !… Le polisson ! le malotru !… De grâce, monsieur un mot ! Comme je vous l'ai dit, ma jeune maîtresse m'a chargée d'aller à votre recherche… Ce qu'elle m'a chargée de vous dire, je le garde pour moi… Mais d'abord laissez-moi vous déclarer que, si vous aviez l'intention, comme on dit, de la mener au paradis des fous, ce serait une façon d'agir très grossière, comme on dit : car la demoiselle est si jeune ! Si donc il vous arrivait de jouer double jeu avec elle, ce serait un vilain trait à faire à une demoiselle, et un procédé très mesquin.

Roméo. – Nourrice, recommande-moi à ta dame et maîtresse. Je te jure…

La Nourrice. – L'excellent coeur ! Oui, ma foi, je le lui dirai. Seigneur ! Seigneur ! Elle va être bien joyeuse.

Roméo. – Que lui diras-tu, nourrice ? Tu ne m'écoutes pas. La Nourrice. – Je lui dirai, monsieur, que vous jurez, ce qui, à mon avis, est une action toute gentilhommière.

Roméo. – Dis-lui de trouver quelque moyen d'aller à confesse cette après-midi ; c'est dans la cellule de frère Laurence qu'elle sera confessée et mariée. Voici pour ta peine. (Il lui offre sa bourse.)

La Nourrice. – Non vraiment, monsieur, pas un denier !

Roméo. – Allons ! il le faut, te dis-je.

La Nourrice, prenant la bourse. – Cette après-midi, monsieur ? Bon, elle sera là.

Roméo. – Et toi, bonne nourrice, tu attendras derrière le mur de l'abbaye. Avant une heure, mon valet ira te rejoindre et t'apportera une échelle de corde : ce sont les haubans par lesquels je dois, dans le mystère de la nuit, monter au hunier de mon bonheur
Adieu !… Recommande-moi à ta maîtresse.

La Nourrice. – Sur ce, que le Dieu du ciel te bénisse ! Écoutez, monsieur.

Roméo. – Qu'as-tu à me dire, ma chère nourrice ?

La Nourrice. – Votre valet est-il discret ? Vous connaissez sans doute le proverbe : Deux personnes, hormis une, peuvent garder un secret.

Roméo. – Rassure-toi : mon valet est éprouvé comme l'acier.

La Nourrice. – Bien, monsieur : ma maîtresse est bien la plus charmante dame… Seigneur ! Seigneur !… Quand elle n'était encore qu'un petit être babillard !… Oh ! il y a en ville un grand seigneur, un certain Pâris, qui voudrait bien tâter du morceau ; mais elle, la bonne âme, elle aimerait autant voir un crapaud, un vrai crapaud, que de le voir, lui. Je la fâche quelquefois quand je lui dis que Pâris est l'homme qui lui convient le mieux : ah ! je vous le garantis, quand je dis ça, elle devient aussi pâle que n'importe quel linge au monde… Romarin et Roméo commencent tous deux par la même lettre, n'est-ce pas ?

Roméo. – Oui, nourrice. L'un et l'autre commencent par un R. Après ?

La Nourrice. – Ah ! Vous dites ça d'un air moqueur. Un R, c'est bon pour le nom d'un chien, puisque c'est un grognement de chien… Je suis bien sûre que Roméo commence par une autre lettre… Allez, elle dit de si jolies sentences sur vous et sur le romarin,
que cela vous ferait du bien de les entendre.

Roméo. – Recommande-moi à ta maîtresse. (Il sort.)

La Nourrice. – Oui, mille fois !… Pierre !

Pierre. – Voilà !

La Nourrice. – En avant, et lestement. (Ils sortent.)



- C'est parfait !!! – s'écria Sidney Wilde en applaudissant, la pièce roulée en un tube coincée sous son bras – Bien! Comme nous avons commencé de bonne heure et qu'il me semble, presque, entendre vos ventres crier famine, je vous octroie une heure et demi de pause. Rendez-vous tout à l'heure et merci de ne pas être en retard…

Aussitôt dit, l'ensemble des comédiens s'ébroua et se dispersa rapidement, peut-être par crainte que le metteur en scène ne changeât d'avis. Troublée, Candy balaya le théâtre du regard à la recherche de Terry mais ne le trouva point. Elle avait encore du mal à se remettre de sa prestation. L'écouter se pâmer avec autant de réalisme et d'ardeur à propos d'une autre, fut-elle de fiction, lui fendait le cœur. La gorge serrée, elle se leva et s'apprêtait à se diriger vers les coulisses lorsqu'une main ferme se posa sur son épaule et la fit sursauter.

- Terry ??? – fit-elle, surprise, en tournant la tête vers le jeune homme – Je ne t'ai pas vu arriver !
- Moi, oui ! – répondit-il en la caressant de son sourire félin – Dès que tu as posé un pied dans l'enceinte, même sans te voir, je sentais ta présence. Puis je t'ai devinée derrière ce contrebassiste, et mon cœur a bondi de joie…
- Je ne voulais pas me faire remarquer. Je ne voulais pas te déranger pendant que tu jouais… - fit-elle, penaude.
- Oh, Candy, tu ne me dérangeras jamais, bien au contraire ! Ta présence ici m'encourage à jouer encore mieux que de coutume. Je veux tellement que tu sois fière de moi.
- Oh, Terry, dieu du ciel ! Je le suis, et je le serai toujours. Tu m'as éblouie, encore une fois, et je peux même t'avouer que… que j'en viens à détester cette Juliette que tu évoques avec tant d'enthousiasme…
- Ma parole, Candy, serais-tu jalouse ??? – fit-il en éclatant de rire.

Elle secoua la tête comme une enfant. De l'index, il l'obligea à relever le menton pour le regarder, puis posa tendrement sa main contre sa joue. D'une voix sourde, il balbutia :

- Voyons, Candy, n'as-tu toujours pas compris que Juliette, c'est toi ? Et que si je mets autant de cœur à l'ouvrage, si j'ai autant d'aisance et de facilité à prononcer ces vers d'amour, c'est qu'ils ne s'adressent qu'à toi, uniquement qu'à toi, et ce, depuis toujours…
- Terry… - murmura-t-elle, les yeux humides, en penchant un peu plus la tête contre la paume de sa main.

Mais ils n'eurent pas le temps de profiter de ce moment d'affection sereine, que l'intervention indiscrète d'un technicien interrompit. Ce dernier, occupé à tirer des câbles pour l'éclairage, ne semblait pas disposé à contourner le couple d'amoureux.

- Pardon… - fit-il agacé en les bousculant.

Terry se retourna vivement. Candy retint son souffle. Dans d'autres circonstances, il y eut fort à parier que l'insolent se serait pris un bon coup de savate, mais miraculeusement, Terry ne réagit pas, le bonheur lui ayant ôté tout esprit querelleur. Magnanime, il se contenta de hausser les épaules.

- Viens, allons nous chercher un endroit plus tranquille ! –dit-il en lui prenant la main. Ils quittèrent l'amphithéâtre, traversèrent la piazza bra, remontèrent la rue Giuseppe Mazzini pour aboutir sur la piazza delle erbe. Candy reconnut tout de suite la fontaine et leva des yeux interrogatifs vers Terry.

- J'avais envie de revenir ici… - confessa-t-il avec une moue espiègle. Elle hocha la tête. Il la prit par le bras et pivota vers le prolongement de la place en ajoutant – Tu sais, c'est si merveilleux pour moi d'être avec toi que…. que nos retrouvailles auraient pu tout aussi bien avoir eu lieu dans un terrain vague que je n'en aurais pas trouvé l'endroit moins magnifique…
- Par chance, le destin a préféré joindre l'utile à l'agréable… - pouffa Candy en se blottissant contre lui. Elle sentit qu'il riait lui aussi et elle sourit. La tête contre son épaule, elle posa à son tour un regard admiratif sur ce qui l'entourait. La veille, elle avait bien remarqué les fresques médiévales sur les murs des maisons et la beauté architecturale de certains bâtiments, mais avec Terry à ses côtés, tout brillait d'un nouvel éclat, comme si une lumière divine avait recouvert les lieux.

Ce n'était pas jour de marché, mais il n'y avait pas moins de touristes, qui, tout en flânant, cherchaient eux aussi à se sustenter. Le choix du jeune couple se porta sur un petit restaurant, sans grand apparat, mais dont une odeur appétissante en provenance de la cuisine embaumait toute la terrasse.

- Tu sais que je n'ai pas encore eu l'occasion de manger une pizza depuis mon arrivée ici ? – fit Candy alors que le serveur lui apportait une splendide "Margherita". Devant la taille du morceau, elle se dit qu'elle aurait dû commander celle qu'on proposait aux enfants qui avait déjà l'air imposante. Depuis qu'elle avait retrouvé Terry, elle n'avait plus vraiment d'appétit. D'habitude, c'était la tristesse qui faisait qu'on le perdait, mais concernant Candy, c'était bien l'amour qui le lui avait ôté. Elle n'avait faim que de Terry. Sa seule présence suffisait à la rassasier.
- J'avoue que tu m'étonnes, Candy. Ce n'est pas ton genre de passer à côté des bonnes choses… - fit-il sur un ton taquin en portant à sa bouche un morceau de "Regina".
- Détrompe-toi, j'ai découvert de nombreuses petites merveilles culinaires mais elles sont si nombreuses que je n'ai pas encore eu le temps de faire connaissance avec toutes. Je dois aussi te dire que… (Elle baissa les yeux en rougissant) …je n'ai pas très faim en ce moment…

Le regard de Terry se troubla. Il posa sa fourchette et lui prit la main.

- Moi non plus… - murmura-t-il – Moi non plus et je suis très heureux d'éprouver cela…

Elle opina en rougissant de plus belle et accueillit avec un sourire de soulagement le serveur qui venait remplir leurs verres d'eau gazeuse. Cette petite diversion lui permit de retrouver sa contenance et elle demanda, feignant la contrariété :

- Tu ne m'as toujours rien dit ?...
- A propos de quoi ?
- Tu sais bien…

Terry fronça les sourcils d'incompréhension.

- Non, je ne vois pas. – répondit-il, dubitatif. En retour, elle posa ses coudes sur la table, et la tête en appui sur l'une de ses mains, enroula de l'autre une mèche de cheveux.
- Tu ne vois toujours pas ?

Terry recula contre sa chaise en gloussant. Il reposa sa serviette à côté de lui et dit, les yeux mi-clos de malice.

- Dieu que oui, je l'avais remarqué !... Je l'avais déjà remarqué à New-York, sur le bateau et j'avais trouvé… que cela t'allait divinement bien !...

C'est la première chose que j'ai vue, Candy… Tu étais sublime, avec ces mèches courtes qui flottaient autour de ton doux visage. J'avais toujours eu de la tendresse pour les rubans qui nouaient tes cheveux, mais cette fois, je te retrouvais femme, terriblement belle et séduisante, et j'ai pensé que… que l'adolescente que j'avais quittée dix ans auparavant n'existait peut-être plus, mais que la femme si désirable que j'avais sous les yeux, venait de me faire oublier toutes ces longues années perdues sans elle…

Puis, cette horrible pensée m'a traversée. Celle qui t'avait certainement poussée à agir de la sorte. Cette tristesse infinie qui devient insupportable à vivre et contre laquelle on doit lutter si l'on ne veut pas mourir. On tire un trait sur son passé, on tourne une nouvelle page, qui, bien souvent, s'accompagne d'un changement physique radical pour éviter que le miroir nous renvoie vers quelque chose auquel il est trop douloureux de penser. As-tu renoncé à moi, Candy, comme j'ai renoncé à toi ? Le jour où j'ai décidé de revenir dans le monde des vivants, le jour où j'ai accepté que je ne pourrais jamais vivre sans toi, j'ai coupé cette chevelure qui me rappelait trop Terrence Grandchester, ce fils d'aristo qui n'avait même pas eu le courage de te retenir. A mesure que le barbier coupait mes longues mèches, ne me laissant, à ma demande, que quelques centimètres sur le crâne, je découvrais une nouvelle personne qui me dévisageait avec une certaine curiosité mais sans aucune indulgence. Je n'aimais pas ce que je voyais, mais cela me laissait toute liberté pour devenir Terrence Graham, le comédien sans attache ni famille, et j'ai vécu avec celui-ci depuis… Avec le temps, mes cheveux ont repoussé mais j'ai toujours pris garde qu'ils ne soient pas trop longs… par protection.


Candy l'observait, silencieux, pensif, fixant la nappe, un voile de tristesse couvrant ses traits figés. Elle n'avait pas besoin de mots pour comprendre le bouleversement intérieur qui l'habitait. Elle devinait sans peine cette sensation de semi-délivrance qu'elle avait éprouvée quand elle aussi, elle avait fait le choix de couper ses cheveux, quelques temps après avoir appris qu'il était reparti vivre auprès de Suzanne. Malgré cela, les années passant, la mélancolie était peu à peu revenue, cette sensation de lourdeur dans tout son être avec laquelle elle avait appris à vivre, tout au moins à survivre… La gorge serrée, elle posa une main réconfortante sur la sienne. Il leva les yeux vers elle dans lesquels elle lut une profonde tristesse, qu'elle reconnaissait, pour l'avoir bien souvent côtoyée elle aussi.

- Cela te va très bien à toi aussi… - dit-elle péniblement, la voix étranglée par l'émotion.

En réponse, il lui serra très fort la main et lui adressa un sourire empreint de gratitude. Ils se regardèrent ainsi longuement, sans échanger un mot. Ils n'en avaient pas besoin. Ils se connaissaient trop bien, avaient traversé les mêmes épreuves. Il était décidément très douloureux d'être heureux…

Ce fut lui qui finalement mit un terme à cet éprouvant intermède en évoquant le sujet brûlant de Patty et plus précisément, de cet homme en blouse blanche qui semblait plus particulièrement attiré par les battements de son cœur que par sa courbe de température. Candy se mit à rire et lui expliqua la situation, non sans omettre son inquiétude vis-à-vis de la rapidité avec laquelle cette relation s'était nouée…

- Laisse-la donc vivre sa vie ! – fit-il quand elle eut achevé son récit – C'est une grande fille, elle n'a pas besoin d'un chaperon.
- C'est bien ce que je me force à penser mais je ne peux m'empêcher de trouver qu'ils vont vite en besogne. Ils ne se connaissent que depuis une semaine.
- Candy… Je suis tombé fou amoureux de toi dès notre première rencontre, sur ce bateau qui nous menait à Southampton. Si j'avais été plus âgé, je t'aurais enlevée sur place pour t'épouser dès que nous aurions eu atteint la terre ferme…
- Cela s'appelle "être irresponsable", mon jeune ami – ironisa-t-elle pour cacher son trouble.
- Non, cela s'appelle "être le plus chanceux des hommes"… - répondit-il en lui adressant un regard débordant de tendresse. Candy baissa les yeux en rougissant, son cœur battant à tout rompre. Ce fut le coup de cloche salvateur de la Torre dei Lamberti, de l'autre côté de la place, qui l'aida à se ressaisir.
- C'est une sacrée tour, dis-moi ! – fit Terry en se retournant pour mieux la regarder.
- En effet, elle est très haute ! Dans le livre sur Vérone que j'ai offert à Patty, il est indiqué qu'elle mesure plus de quatre-vingt mètres !
- Fichtre ! Au moins de là haut, on doit avoir une vue imprenable sur la ville !
- Cela doit être assurément magnifique !...

Le jeune homme se servit un dernier verre de San Pellegrino, puis sortit quelques billets de sa poche qu'il posa sur le coin de la table.

- Je crois qu'il est malheureusement temps pour moi de retourner aux arènes – fit-il sur un ton de dépit. Candy acquiesça en soupirant et tous deux quittèrent le restaurant en direction de l'amphithéâtre. Alors qu'ils approchaient de l'entrée principale, il réalisa qu'ils allaient devoir de nouveau se séparer pour quelques heures, et il sentit son estomac se tordre de contrariété.

- J'ai hâte que la représentation soit terminée !... – gémit-il alors qu'ils se trouvaient devant la porte.
- Et moi j'ai hâte de te voir sur scène ! – répondit-elle, les yeux brillant d'admiration.

Il porta une nouvelle fois la main à sa joue pour la caresser. Il ne se lassait pas du doux contact de sa peau contre la sienne.

- Ne te fais pas de souci pour les entrées. Je vais informer le directeur de votre présence et je demanderai à ce qu'on vous réserve les meilleures places.
- Ce n'est pas nécessaire, Terry. J'ai déjà des billets.
- Tssss, tsssss ! Ne te préoccupe pas de tout cela – murmura-t-il en posant un baiser furtif sur sa joue. Il aurait voulu la serrer contre lui mais il apercevait déjà des membres de la troupe venir dans sa direction et il n'avait pas envie de devenir leur nouveau sujet de conversation. Remarquant leur présence, Candy recula de quelques pas, et salua Terry d'un timide geste de la main.

- A ce soir, Terry ! Tu vas tous les éblouir, je le sais.

Un discret sourire se dessina sur le visage du jeune homme tandis qu'il opinait de la tête.

- A ce soir, Candy…

Puis il disparut, emporté par les autres membres de la troupe qui l'entrainèrent à l'intérieur. Ce n'était pas le moment de distraire leur meilleur élément !

Le cœur gros, Candy reprit le chemin du retour vers le club. Elle allait retrouver Patty, puis elles rentreraient à la pension et elles s'occuperaient à trouver la tenue adéquate pour la soirée. Malgré tout ce qu'elles avaient emporté avec elles, Candy se surprit pour la première fois de sa vie, à ressentir cette angoisse commune à la plupart des femmes, celle qui risquait de la faire douter jusqu'au dernier moment :

Mais qu'allait-elle donc pouvoir mettre ????

Fin de la troisième partie du chapitre 12



Edited by Leia - 4/10/2013, 15:53
 
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