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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 12/4/2014, 00:28 by: Leia
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Soudain, elle entendit le bruit sourd de quelque chose qui tombait derrière elle et se retourna, intriguée. C'était une corde que Terry avait lancée et dont il brandissait l'autre extrémité.

- Noue la corde autour de la hanse du panier, je vais le remonter ! – lui cria-t-il.

Candy s'exécuta, vérifia que tout était était bien attaché puis fit signe à Terry. Le panier se mit en branle et se détacha du sol. Elle se dirigea alors vers l'échelle et commença son ascension, escortée du panier qui montait au même rythme qu'elle. Du coin de l'œil, elle remarqua un appétissant saucisson à l'intérieur et sentit son estomac gargouiller de plus belle. Tenaillée par la faim, elle voulut accélérer la cadence mais ce n'était pas très pratique de monter avec des chaussures de ville et elle se reprocha de ne pas les avoir enlevées avant de grimper. De plus, l'échelle n'était pas très stable et se balançait au moindre mouvement. Candy pestait intérieurement, s'efforçant d'équilibrer ses gestes maladroits qui la retardaient et qui ne manqueraient de susciter les moqueries de Terry. Elle l'imaginait en train de rire d'elle et un frisson d'agacement lui parcourut le corps. Le panier, de son côté, avait pris de l'avance et elle posa un regard dépité sur le saucisson qui la narguait en s'éloignant. Enfin, elle atteignit le dernier barreau et saisit la main secourable de Terry qui l'attendait. Contrairement à ce qu'elle craignait, il ne rit pas d'elle. Aucun sourire moqueur ne flottait sur ses lèvres et elle se détendit. S'accrochant de l'autre main à la rambarde, elle se hissa avec un ultime effort et atterrit, emportée par son élan, au creux des bras du jeune homme qui resserra alors son étreinte. Comme il sentait bon ! Elle avait gardé une excellente mémoire olfactive de certains évènements de sa vie, et plus particulièrement des garçons qu'elle avait aimés. Pour Anthony, c'était indéniablement le parfum des roses qui la troublaient et ce, malgré les années écoulées, mais concernant Terry, c'était une odeur singulière qu'elle ne pouvait décrire, une odeur très subtile, à la fois raffinée et animale, qui provoquait en elle une multitude d'émotions et de souvenirs, si bien qu'elle ne se rendit pas vraiment compte qu'elle pressait un peu plus fort sa joue contre sa poitrine. Elle aimait le contact de sa peau contre la sienne à travers l'étoffe de sa chemise qui laissait passer la douce chaleur de son corps, et aurait aimé se perdre plus longuement dans ses bras, mais un borborygme perfide vint subitement briser le charme.

- Nom d'une pipe ! Qu'est-ce donc bruit ??? Tu caches une bestiole sur toi ??? – s'écria-t-il en faisant un bond en arrière avec un petit cri faussement effrayé.
- Ce n'est que mon ventre, gros bêta ! – répondit-elle en levant les yeux au ciel d'un air désabusé tandis qu'il gloussait comme un gamin.

Quand cesserait-il de la faire enrager ? Lui laisserait-il jamais une seconde de répit ? Au rire idiot qui le secouait, elle dut bien se rendre à l'évidence : son cas était désespéré…

- Je n'ai pas beaucoup mangé au petit-déjeuner – mentit-elle en le toisant alors qu'elle avait une fois de plus horrifié Patty avec son appétit d'ogresse.
- Dans ce cas… - fit-il avec une moue dubitative en lui prenant la main pour la conduire à l'intérieur de la cabane – J'espère qu'il y en aura assez pour l'estomac à jambes que tu es !...

Vexée, elle allait lui donner un petit coup dans les côtes en représailles, quand elle stoppa net son geste en découvrant, interdite, la magnifique table dressée devant elle. Enfin… Ce n'était pas vraiment une table, mais plutôt une grosse caisse recouverte d'une belle nappe blanche sur laquelle étaient disposés vaisselle en porcelaine, verres en cristal et couverts en argent. En guise de fauteuils, on avait retiré les coussins du vieux sofa qui trônait au fond de la pièce et on les avait empilés de part et d'autre de la caisse. Mais ce qui troublait le plus Candy, c'était le joli bouquet de roses posé au milieu de la table. Elle savait que cela avait dû beaucoup coûter à Terry de faire cela car il n'ignorait pas que cela allait obligatoirement raviver le souvenir d'une autre personne qui aiguisait cruellement sa jalousie, et en apprécia d'autant plus le geste.

- Il est ravissant, merci… - fit-elle d'une voix émue à l'attention de son hôte qui l'observait, attentif à sa réaction.
- Je sais combien tu aimes les roses… - murmura-t-il d'une voix douce en posant une main sur son épaule
- Encore plus quand elles ont été cueillies par toi… - s'enhardit-elle en rougissant. Elle baissa les yeux d'embarras. Elle n'arrivait pas à s'expliquer cette gêne perpétuelle qui l'habitait quand elle se trouvait devant lui, comme si elle avait peur d'être ridicule en lui montrant ses sentiments. Cela avait été bien plus simple dans l'obscurité de la tour… Mais à présent, à la lumière du jour, dans cet espace exigu qu'était la cabane et qui les faisait se frôler au moindre mouvement, elle se sentait vraiment désarmée, comme s'il la voyait toute nue !

Elle passa nerveusement les mains le long des plis imaginaires de sa robe, s'éclaircit la gorge, et pour se laisser le temps de retrouver une contenance, fit mine d'examiner les lieux. Le temps s'était arrêté dans cette maisonnette, un temps heureux qui n'avait pas connu la guerre mais qui en avait été très proche si on se rapportait aux unes des journaux qu'on avait rassemblées à côté du vieux sofa tout élimé. Quelques ressorts récalcitrants en avaient percé l'assise qui, dépouillée de ses coussins, affichait piteusement sa misérable condition. Tout contre, un gramophone attendait par terre qu'on veuille bien le remettre en marche, déployant gracieusement son pavillon en forme de fleur de crocus. Dans une grosse boite en carton était rangée une série de disques de chanteurs d'opéra mais aussi de compositeurs célèbres, frémissants du secret espoir qu'une main curieuse s'intéresse de nouveau à eux et les soutire de leur repos forcé. De l'autre côté du sofa, contre le mur, une commode rehaussée d'un miroir terni par les ans, abritait dans ses tiroirs des vêtements démodés et des déguisements. Le tiroir du milieu renfermait toute une panoplie d'objets et de jeux hétéroclites qui avaient dû occuper bien des journées des jeunes fils Russo : épées en bois, jeu de l'oie, jeu de dames, les trois mousquetaires d'Alexandre Dumas, une pipe sans tabac, une boussole, un canif… Mais aussi… un calendrier coquin qui semblait avoir été coincé sous le tiroir et qui avait glissé aux pieds de Candy au moment où elle le refermait. Elle tourna vivement la tête vers Terry, le regard soupçonneux.

- J'aime bien le chignon de mademoiselle Avril ! – ricana-t-il bêtement.
- Pardon ? – bredouilla-t-elle, les sourcils froncés de reproche – Tu… Tu l'as feuilleté ???
- Oh si peu… Enfin… Pfffiouuu… - répondit-il en se frottant machinalement la nuque – Je croyais surtout l'avoir mieux… caché !…

Ses yeux à elle s'agrandirent d'effarement tandis que sa bouche s'arrondissait, muette de tout son.

- Ne me regarde pas comme ça ! Je l'ai trouvé par hasard en faisant le ménage !
- Le ménage ? Toi ?
- Oui ! Le ménage ! Il fallait bien que quelqu'un le fasse ! Cette brave Rosa avait refusé de monter à l'échelle… Et je n'avais pas l'intention de t'accueillir dans la poussière et la saleté.
- C'est vraiment très louable à toi… - fit-elle, dédaigneuse, en reposant l'objet du délit dans le tiroir.

Elle s'interrompit, croisa les bras et porta son index à sa bouche, l'air pensif.

- A quoi tu penses ? – fit-il, piqué par la curiosité.
- Oh, je t'imaginais juste en habit de soubrette, le plumeau à la main…

Terry n'en croyait pas ses oreilles et mit quelques secondes à réagir.

- Hahaha !!! Mais dites donc, mademoiselle André, vous avez une sacrée imagination ! Les photos de ce calendrier vous ont perverti l'esprit !
- Je crois malheureusement que c'est le tien qui déteint sur le mien…
- Je prends cela pour un compliment ! Pour une fois que j'ai un peu d'influence sur toi…

Un sourire complice se dessina sur les lèvres de la jeune blonde. Elle avait très bien saisi le sous-entendu. Elle s'approcha de lui et murmura à son oreille :

- Tu n'es pas au bout de tes surprises…

Ces quelques mots laissaient présager de belles batailles en perspective si bien que l'envie soudaine de la prendre dans ses bras et de plaquer ses lèvres sur les siennes s'empara de lui. C'était pour cela qu'il l'avait choisie elle, et aucune autre, parce qu'elle le ne craignait pas de le défier et qu'elle aimait la joute, quitte à la provoquer. Oh Dieu qu'il aurait ardemment souhaité se livrer avec elle à un nouveau duel jusqu'à épuiser toutes leurs ressources et échouer terrassés l'un contre l'autre, s'avouant dans un souffle leur reddition commune… Il se mit à trembler d'émotion et secoua la tête pour retrouver ses esprits. Tout ceci n'avait duré que quelques secondes et Candy, heureusement, ne s'était rendue compte de rien. Elle était occupée à regarder par la fenêtre le fleuve Adige qu'elle distinguait au loin, à travers les arbres. Le soleil s'était livré un passage au milieu des branches feuillues, et s'amusait à un jeu d'ombres et de lumières sur le balcon. On pouvait entendre le chant heureux des oiseaux, le murmure d'une brise légère qui se faufilait dans la cabane par les ouvertures et qui venait rafraîchir la chaleur étouffante de ce mois de juillet. Bercée par la douce et suave mélodie des "Rêveries" de Debussy, elle posa la tête contre l'encadrement de la fenêtre, un sourire s'étendant sur son ravissant visage, et se laissa emporter, l'esprit libre et joyeux.

Le bruit d'un bouchon de champagne qu'on fait sauter la soutira de sa contemplation. Terry s'avançait vers elle une coupe à la main.

- Je n'ai rien dans l'estomac, je vais être pompette ! – s'écria-t-elle tout en le remerciant d'un signe de tête. Le sourire suggestif qu'il lui renvoya confirma son inquiétude et elle plissa les yeux d'un air méfiant. Ils trinquèrent. Au bout de quelques gorgées, les bulles faisaient déjà leur effet et elle sentit qu'elle avait la tête qui tournait.
- Tu veux m'enivrer, brigand ! – marmonna-t-elle tandis qu'il la conduisait à la table en ricanant où elle se laissa choir sur les confortables coussins du canapé. La position assise lui convenait mieux et elle se redressa, cherchant à retrouver un peu de dignité après avoir titubé jusqu'à la table. Terry lui tendit une assiette de charcuterie - un assortiment de jambon, de coppa, de pancetta et de… saucisson ! - sur laquelle elle se précipita. Il fallait qu'elle remplisse son ventre au plus vite pour retrouver les idées claires ! Il s'assit en face d'elle et tout en portant un morceau de jambon à sa bouche, se mit à l'observer, un demi-sourire au coin des lèvres. Cette spontanéité souvent maladroite qui la caractérisait l'amusait beaucoup. C'était un perpétuel divertissement d'être en sa présence et il se dit qu'il avait vraiment de la chance de l'avoir dans sa vie. Il en était conscient depuis bien longtemps mais à présent, alors qu'ils se trouvaient seuls au monde dans cette cabane, il réalisait l'inestimable cadeau qui lui avait été fait. C'est pourquoi il était impatient de lui faire part de son souhait le plus cher. Il s'était dit que cette maison dans les arbres, à l'abri des yeux indiscrets, la mettrait en confiance et qu'elle ne pourrait pas lui refuser ce qu'il avait toujours rêvé de posséder : sa main, sa jolie menotte à laquelle il passerait bientôt l'anneau… Si elle le voulait bien… Mais pour l'instant, il lui semblait difficile de s'en assurer tant le goinfre qui habitait son amoureuse semblait uniquement préoccupé par le contenu des assiettes. Celle d'antipasti se vida très rapidement et Candy fit honneur d'aussi belle manière aux tomates mozzarella, au poulet froid et à la tarte aux pommes de Dame Rosa.

- C'était délicieux ! Tu pourras féliciter Rosa pour sa cuisine ! – fit Candy en se tapotant les lèvres avec sa serviette.
- Tu le lui diras de vive voix tout à l'heure, quand nous rentrerons… - lui répondit-il en reprenant la bouteille de champagne qui attendait dans un seau à glace à côté de lui et en lui en versant une nouvelle coupe. Cette fois, elle ne montra aucun signe de réticence. Elle avait remarqué qu'elle avait le vin gai et que cela lui donnait du courage pour affronter le regard scrutateur de Terry. Maintenant que leur repas était terminé et qu'ils avaient évoqué tous les sujets anodins possibles, elle aurait bien besoin de plus de bulles pour cacher son embarras. L'expérience dans la tour lui revenait incessamment à l'esprit et tout ce qu'ils y avaient fait, tout ce qu'ils s'y étaient dit, contrastait fortement avec les banalités qu'ils étaient en train d'échanger. Elle se demanda ce qu'en penserait Albert s'il la voyait dans cet état-là et réalisa soudain qu'elle ne lui avait pas donné de nouvelles depuis son dernier télégramme. Il devait être très inquiet !
- Qu'y a-t-il ? – fit Terry en remarquant l'attitude étrange de Candy.
- Je viens de me rendre compte que je n'ai pas écrit à Albert depuis mon dernier télégramme qui remonte à mon arrivée à Vérone. Il ne sait même pas où j'habite ni comment va Patty. Il doit être aux cent coups !
- Tu lui enverras un télégramme demain. Ne t'inquiète pas…
- Je ne comprends pas comment j'ai pu être si négligente ! – poursuivit-elle en secouant la tête.
- Tout s'est passé si vite depuis que tu es ici… L'opération de Patty, le club… Nos retrouvailles…

Sa voix s'était faite plus douce en disant cela et elle lui sourit tendrement.

- Tu sais que j'ai été très étonné d'apprendre qu'Albert était ton Grand-Oncle William… - reprit-il en se raclant la gorge d'émotion - Je n'aurais jamais imaginé que cet aventurier aux centres d'intérêts si éloignés des affaires était en fait à la tête d'une des plus riches familles des Etats-Unis !
- Tu ne crois pas si bien dire ! Je ne m'y attendais pas du tout moi non plus ! Je me revois encore dans son bureau, toute tremblante, avec l'espoir qu'il accepterait d'annuler ce stupide mariage avec Daniel…
- Pardon ? – intervint Terry d'une voix blanche – Un mariage avec Daniel ???

Candy opina en baissant les yeux.

- C'était horrible !!! J'ai eu la bêtise un soir de le sauver des griffes de voyous qui en voulaient à son argent, et dès lors, il a jeté son dévolu sur moi, m'offrant des fleurs, des cadeaux, me rendant visite. Je l'ai repoussé à chaque fois, tu penses ! L'idée même qu'il m'approche m'était insupportable… Et puis un jour il a usé d'un perfide stratagème : il m'a tendu un piège en me faisant croire que tu me donnais un rendez-vous secret dans une demeure à la sortie de Chicago. J'étais si heureuse de te revoir que je me suis jetée sans réfléchir dans la gueule du loup !...

Le regard de Terry changea subitement de couleur, celle de la fureur quand celle-ci s'emparait de lui. Un frisson de peur secoua la jeune femme.

- Il… Il ne t'a rien fait au moins ? – parvint-il à articuler.
- Rassure-toi… - répondit-elle en secouant négativement la tête – Son entrejambe a gardé un souvenir cuisant de ma venue dans cette maison…

Il essayait de paraître détaché mais le poing qu'il serrait à s'en faire pâlir les jointures témoignait de la rage sourde qu'il peinait à contenir.

- J'ai hâte de lui laisser à mon tour un souvenir à ma façon… Vivement que nous soyons de retour en Amérique ! – siffla-t-il entre ses dents.
- Il a été bien humilié tu sais ! Après mon refus, il est parvenu à convaincre sa famille de m'épouser. Même la Grand-Tante Elroy a accepté ! J'étais acculée ! C'est là que j'ai demandé une entrevue avec le Grand-Oncle William pour le supplier de tout annuler. Et c'est là là que j'ai découvert sa véritable identité…
- C'est vraiment une histoire incroyable !
- Si tu avais vu leur tête à tous quand Albert est entré dans la salle de réception où devait se dérouler la cérémonie des fiançailles ! La Grand-Tante n'en menait pas large ! Les gens étaient vraiment surpris quand il a révélé qui il était vraiment. Tout comme moi, ils avaient toujours cru que le Grand-Oncle William était un vieux bonhomme souffreteux et ils découvraient un splendide trentenaire ! A l'annonce de l'annulation, Daniel s'est comporté comme un sale gamin capricieux et s'est enfui en chouinant de la pièce.
- Il vit toujours à Chicago ? – demanda Terry, projetant secrètement de lui rendre une petite visite dès qu'il aurait posé un pied sur le sol américain.
- Non, il s'est établi en Floride où il construit des hôtels… Je ne l'ai que très rarement revu depuis ce triste épisode et il m'évite comme la peste.
- Il a au moins un peu de bon sens…

Elle arqua un sourcil réprobateur.

- Je veux dire que malgré sa cervelle creuse, il lui reste assez d'intelligence pour ne pas chercher à se ridiculiser une nouvelle fois en te faisant la cour… - gloussa-t-il.
- C'était peine perdue, le pauvre idiot ! Brrrr ! Rien que de penser à lui me fait frissonner de dégoût !
- Lui, je veux bien te croire, mais les autres…?
- Les autres ???
- Oui, les autres. Ceux qui ont voulu te séduire. Ne me fais pas croire qu'aucun homme ne t'a tourné autour durant toutes ces années ?

Il avait dit cela sur un ton badin, mais l'aiguillon de la jalousie prenait un plaisir sournois à le pincer. Candy prit un air songeur. Elle se remémora les quelques prétendants auxquels elle avait concédé un rendez-vous et répondit par une grimace dédaigneuse.

- Cela n'a aucune importance…

Oui, ils n'avaient aucune importance... A chaque rendez-vous, je ne pouvais m'empêcher de les comparer à toi, Terry. Tu avais placé la barre si haut !... Même ce baiser échangé avec ce médecin que m'avait présenté Annie, me paraît d'une fadeur affligeante en comparaison de ce que je peux ressentir ne serait-ce que lorsque tes doigts effleurent ma peau… Je crois que j'aurais pu finir ma vie seule si je ne t'avais pas retrouvé. J'étais en bon chemin, mais je préférais cela plutôt que de partager une existence médiocre et vide de passion avec un autre….

- Et toi ? – demanda-t-elle en penchant la tête sur le côté, sourire en coin.

- Cela n'a pas d'importance non plus…

Le sourire entendu qu'il lui adressa était suffisamment éloquent pour qu'elle ne cherche pas à en savoir plus. Elle savait qu'il n'avait jamais épousé Suzanne et qu'il ne l'avait jamais aimée. S'occuper d'elle l'avait-il néanmoins empêché de céder aux attraits des jeunes et belles actrices qui orbitaient quotidiennement autour de lui ? La seule pensée de Terry enlaçant une autre femme lui tourneboulait l'estomac. Elle secoua la tête pour chasser cette insupportable image et fut prise d'une irrépressible envie de se venger.

- Te rappelles-tu ce que je t'avais promis le jour où nous nous sommes revus ? - fit-elle, l'œil brillant de malice.
- Non, pas du tout… - répondit-il avec un léger mouvement de recul. Ce qu'il lisait dans le regard de Candy ne lui disait rien de bon… Elle farfouilla dans son sac qu'elle avait posé derrière elle et en sortit une paire de ciseaux très fin et une pince.
- Je t'avais promis d'ôter ces fichus points de suture qui te défigurent !… - dit-elle en brandissant ses outils fièrement.
- Il me semble t'avoir répondu que je ne voulais pas prendre le risque de l'être encore plus… - gémit-il en déglutissant avec peine.

Elle avançait vers lui en rampant, comme une bête prête à bondir sur sa proie.

- Ne m'approche pas ! – hurla-t-il en reculant. Il buta contre le canapé et chercha de la tête une issue mais elle était déjà sur lui, assise à califourchon, arborant un sourire sadique et effrayant.
- Ne me dis pas que tu as peur quand même…
- Je suis très douillet, arrête !!!

Il se débattait comme un forcené. Elle laissa tomber ses ustensiles et empoigna ses mains pour le maîtriser. Le corps à corps s'annonçait féroce.

- Fichtre ! Elle a de la force ! – se dit-il tandis qu'il s'évertuait à se dégager. Soudain, il parvint à la faire basculer sur le côté. Cette fois, c'était lui qui la dominait, plaquant ses bras au sol avec un cri de victoire.

- Alors, on fait moins la maline, mademoiselle Taches de Son !

Elle gigotait comme une malheureuse mais Terry était le plus fort et elle dut bien se résoudre au bout d'un moment à s'avouer vaincue. Penché au-dessus d'elle, il se délectait de cette délicieuse vision qu'elle lui renvoyait, soumise entre ses bras, la poitrine haletante, ses yeux brillants d'un provocant éclat. Irrémédiablement attiré, il se pencha un peu plus vers elle, ses lèvres tremblantes effleurant les siennes…

- Embrasse-moi… - semblait-elle le supplier en s'arquant vers lui.

Il savait que s'il l'embrassait, il perdrait toute maîtrise de lui-même et qu'il les entrainerait tous deux dans un monde sans limite où ils pourraient sombrer. A contrecœur, il s'arracha d'elle, la laissant pantoise. Fuyant son regard empli d'incompréhension, il se releva, laissant dans l'élan tomber la petite boite qu'il tenait cachée dans sa poche et qui avait dû se déplacer durant la lutte. Elle roula vers Candy qui se redressa, intriguée.

- Qu'est-ce donc ? – fit-elle en la prenant entre ses mains.
- C'est… - bredouilla-t-il, embarrassé – Enfin… Je cherchais le bon moment pour… Enfin, tu vois, non ?

Candy souleva le couvercle de l'écrin et découvrit un magnifique anneau en or blanc serti de diamants : une petite merveille qui devait valoir une fortune ! Elle dirigea vers lui des yeux écarquillés de stupeur.

- C'est Patty qui m'a aidé à choisir… Tu comprends, je n'ai pas trop l'habitude de… - dit-il, gêné, en se frottant la nuque.

Candy se rappela que la veille Patty s'était absentée un petit moment du club, prétextant une course à faire. Elle était revenue une heure plus tard sans plus d'explication et Candy en avait conclu qu'elle avait eu un rendez-vous galant avec son beau chirurgien et qu'elle voulait rester discrète sur le sujet. Elle n'aurait jamais imaginé qu'elle était avec Terry en train de l'aider à choisir une bague !

Elle restait sans voix admirant le précieux bijou qui scintillait de mille lumières.

- Candy… - murmura-t-il. Il avait posé un genou à terre et lui avait pris la main. Son cœur battait à tout rompre ! – Je ne suis pas très doué pour ce genre chose… Toute la journée j'ai attendu le meilleur moment pour te faire… enfin… tu vois… te faire ma demande… et…. Ce n'était jamais le bon, du moins à mes yeux… Le hasard a précipité les choses et me voilà donc devant toi, bégayant ces mots que j'ai répété pourtant tant de fois dans ma tête et qui me font défaut à présent tant l'émotion me submerge ! Candy… Peut-être aurais-tu souhaité une demande plus conventionnelle, formulée devant Albert et tes mères d'adoption de la Maison Pony ?

Elle secoua la tête négativement et il soupira de soulagement.

- Candy… Te rencontrer a été la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie... et me séparer de toi fut la plus terrible expérience qui soit… J'ai bien cru t'avoir perdue à jamais une fois et je ne veux plus revivre cela… Je ne pourrais plus vivre sans toi. Oh Seigneur, Candy !...

Il s'interrompit et se passa la main dans les cheveux en ricanant d'un air songeur.

- Pourquoi ris-tu ? – lui demanda Candy, perplexe.
- Ce n'est rien – gloussa-t-il - C'est juste que je viens de réaliser que si Patty ne m'avait pas obligé à t'écrire, tu n'aurais pas lu ma lettre, tu n'aurais pas cherché à me revoir à New-York, je n'aurais pas traversé l'atlantique pour te retrouver et je ne serais pas là en train de te demander ta main. C'est fou ce que cela tient à peu… de… choses

A l'instant même où il prononça ces mots, il sut que qu'il venait de faire et de dire la plus grosse bêtise de sa vie. Quel idiot il était !!!!

- Obligé ? Patty t'a o-bli-gé ???

La réaction de Candy ne se fit pas attendre. Rouge de colère, elle lui jeta à la figure le coffret qui contenait la bague, se leva d'un bond et se dirigea vers la porte sans un regard pour lui.

- Candy, attends ! – s'écria-t-il tout en tâtonnant à quatre pattes à la recherche de la bague qui avait roulé sous le canapé – Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je t'en prie, attends !

Mais elle avait déjà disparu. La rage aidant, elle n'eut aucune difficulté cette fois pour descendre à l'échelle et rejoignit le sol en quelques secondes. Terry surgit sur le balcon et l'interpella :

- Candy ! Laisse-moi t'expliquer ! Je t'en supplie, attends-moi !

Mais elle ne l'écoutait point et poursuivait son chemin à grandes enjambées, poings serrés, raide comme un piquet. Les mauvais souvenirs lui revenaient à l'esprit et ne faisaient qu'accentuer sa fureur : l'accident de Suzanne qu'elle avait découvert par hasard et dont il n'avait jamais osé lui parler, leur séparation sur les marches de l'hôpital Jacob, la vie sans lui à laquelle elle avait dû se résigner, le vide, l'attente, l'espoir d'avoir de ses nouvelles après le décès de Suzanne, nouvelles qui n'arrivaient jamais et enfin cette lettre que Patty lui avait confiée, mais qu'il n'avait écrite que sur l'insistance de celle-ci… Pourquoi l'envie n'était-elle pas venue de lui ? L'avait-il un jour vraiment aimée ? Elle, qui lui avait écrit des dizaines de lettres quand il débutait, et auxquelles il n'avait que rarement répondu. Elle avait toujours pensé que c'était parce qu'il était trop occupé. Grrrrrr ! Il aimait la torturer, souffler sur elle le chaud et le froid, comme ce soir-là dans la tour, pour l'ignorer le jour suivant et la faire culpabiliser ! Quel mufle !

Elle approchait de la maison et hâta le pas. Elle voulait s'échapper de cet endroit au plus vite ! Elle se retourna et vit que Terry était sur ses talons. Il la rattrapa, tout essoufflé, alors qu'elle atteignait la terrasse.

- Mais quelle mouche t'a piquée, voyons ??? – rugit-il en lui prenant le bras, l'obligeant à le regarder.

Elle ne lui répondit pas et se détourna de lui, le menton pointé vers le ciel.

- Candy !!! Je t'en prie, écoute-moi ! Je me suis mal exprimé ! Je n'avais pas l'intention de te blesser. Je t'en prie, regarde-moi !...

Elle finit par tourner la tête vers lui, des éclairs de colère dans les yeux.

- Pourquoi n'as-tu jamais répondu à mes lettres ? – lui lança-t-elle, fulminante.
- Tes lettres ?
- Oui, des dizaines de lettres que je t'ai envoyées quand tu débutais à New-York !!! Pourquoi n'y répondais-tu pas, hein ? Parce qu'il n'y avait personne pour t'obliger à le faire peut-être !!!
- Tes lettres, Candy… - fit-il tristement en baissant la tête - Je les ai découvertes après la mort de Suzanne, cachées au fond d'un tiroir de son bureau…
- Cachées ???
- Oui, cachées… Pendant toutes ces années, elle les avait gardées secrètement, jalousement… Comme si elle ne m'avait pas assez fait de mal comme cela…
- Oh Terry…

A travers le voile de larmes qui lui brouillait la vue, elle remarqua le visage dévasté du jeune comédien et sa colère s'évanouit...

- Je les ai lues et relues pendant des jours - poursuivit-il en secouant la tête - Je pourrais te les réciter tant elles sont ancrées dans ma mémoire. Pendant quelques instants, je revivais le temps de ces jours heureux, où le jeune comédien que j'étais projetait avec insouciance de te faire venir à lui pour ne plus jamais te laisser repartir… Et puis, j'ai malheureusement réalisé que dix années s'étaient écoulées, que tu avais une nouvelle vie, sans moi, et que je n'avais pas le droit de venir briser la tranquillité de ton existence. Maintes fois j'ai voulu t'écrire et maintes fois j'y ai renoncé. J'avais peur Candy, peux-tu le comprendre ? J'avais si peur que… que tu me repousses…
- Oh mon dieu, Terry, je ne t'aurais jamais repoussé… Je t'attendais, je t'ai toujours attendu !… Quand Suzanne est morte, j'ai très égoïstement espéré que tu reviendrais et puis…

Elle sanglotait. Lentement et avec une infinie tendresse, la main de Terry vint se poser contre sa joue et elle releva la tête. Sa beauté l'étourdit – elle ne s'y habituerait jamais - et elle chancela. Il la regardait d'une façon qui ne laissait aucun doute. Il se livrait entièrement à elle, sans aucune équivoque. Il n'était plus arrogant ni moqueur, il était redevenu ce Terry qu'elle avait rencontré un soir sur un bateau, habité de souffrances et de désespoir. Et son cœur se brisa d'avoir pu raviver ces sentiments en lui.

- Peux-tu comprendre Candy, que je… que je t'aime ! Je t'aime comme un fou ! Je t'aime tellement que quand il s'agit de toi, je perds toute assurance, toute certitude ! Je ne t'ai pas écrit parce que je ne me suis jamais cru assez bien pour toi. Tu es si… si parfaite à mes yeux que je ne pouvais pas revenir vers toi. J'avais trop honte. Je ne pouvais pas pardonner au pauvre abruti que j'étais de t'avoir laissée partir ce soir-là alors que je t'aimais passionnément et que je savais que cela allait me détruire de devoir renoncer à toi. Parce que... Parce que j'ai continué à t'aimer, que je ne l'ai jamais cessé, et que je t'aime encore ! Oh oui, je t'aime, je t'…. !

Il ne pouvait plus lutter...

Renonçant à ses bonnes résolutions, il l'attira contre lui, prit son visage entre ses mains, presque brutalement, et l'embrassa avec fouge. Saisie de surprise, Candy s'abandonna dans ses bras, subissant ses assauts avec incrédulité. Tout était allé si vite qu'elle avait du mal à réaliser ce qui était en train de se passer. Il l'aimait, il venait de le lui dire, à plusieurs reprises ! Jamais auparavant elle n'avait entendu ces mots sortir de sa bouche, qui se répétaient à présent en écho dans son esprit tandis qu'il embrassait ses yeux, ses joues, ses lèvres… Peu à peu, son rythme cardiaque s'affola, son sang se mit à bouillonner dans ses veines. Elle s'écarta une seconde pour retrouver son souffle. Un éclat sauvage, celui du tigre de ses pensées, illuminait ses yeux à lui aux couleurs des plaines d'Ecosse. Sa mâchoire était crispée et elle frissonna de désir devant la sensualité extrême qu'il dégageait. Debout sur la pointe des pieds, elle enroula ses bras autour de sa nuque, s'agrippa à ses cheveux et entrouvrit les lèvres pour accueillir les siennes qui revinrent se plaquer sur sa bouche avec une telle intensité qu'elle laissa échapper un gémissement. Il resserra son étreinte et sentit son corps frémir contre le sien. Leurs langues se nouèrent l'une à l'autre, avides de se retrouver jusqu'à leur faire oublier où ils se trouvaient. D'un bond, elle enlaça sa taille de ses jambes tout en continuant à l'assaillir de baisers. Leurs regards se croisèrent, brillants de fièvre, et ils comprirent qu'il était trop tard pour reculer, car le feu dévorant qui était en train de les consumer ne pourrait s'éteindre que sous les plaintes mourantes de leur désir comblé. Il enfouit son nez dans le creux de son cou en grognant, et l'emporta en titubant à l'intérieur de la maison, sous le regard fasciné de Dame Rosa qui, au son des cris qui l'avaient alertée, s'était approchée de la fenêtre de sa cuisine qui donnait sur le jardin des Russo. Elle n'avait pas manqué une miette du spectacle.

- Et bien… - se dit-elle, une moue polissonne étirant le coin de ses lèvres – Voilà des petits qui ne vont pas tarder à en faire à leur tour…


Fin du chapitre 13 :Demon09: :Demon09: :Demon09:



Edited by Leia - 17/4/2014, 18:31
 
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