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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 26/10/2016, 13:30 by: Leia
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Ce soir là, Candy éprouva tout le mal du monde à trouver le sommeil tant l'excitation de ces retrouvailles avaient été intenses ! Revoir Petit John après toutes ces années l'avait bouleversée. Elle avait quitté un petit garçon et avait retrouvé un jeune homme qui avait perdu jusqu'à son accent du Michigan, s'exprimant dans un phrasé des plus British. Impatients de tout savoir l'un de l'autre, les questions avaient fusé dans une véritable cacophonie, les empêchant de comprendre ce qu'ils se disaient. Ils avaient fini par se calmer, riant de leur enthousiasme, et s'étaient assis face à face pour discuter à leur aise. Candy n'avait eu de cesse de le toucher comme pour s'assurer qu'elle n'était pas en train de rêver et que c'était bien son petit frère de cœur assis devant d'elle.

- Raconte-moi tout, John. Je savais que tu avais été adopté par un forgeron et que vous aviez quitté la région. Explique-moi donc ce qui vous a conduits à Londres !...

Le jeune homme avait acquiescé en soupirant, comme si le récit de sa vie n'était pas si aisé à livrer. Il avait levé les yeux vers elle, ses noires prunelles survolant son épaule pour se aller se perdre dans le jardin qu'on voyait à travers la grande fenêtre derrière elle. Il le contemplait sans vraiment le regarder, absorbé dans ses pensées qui s'agitaient dans son esprit.

- J'ai bien peur de te décevoir avec mon histoire, Candy...

- Pourquoi cela, John ?

- Parce-qu'elle n'a pas été aussi parfaite que j'ai bien voulu vous le faire croire...

- Mais, dans les lettres que tu envoyais à la Maison Pony, tu disais aimer ta nouvelle vie et être ravi des parents que tu avais...

- Je ne voulais pas que nos mères s'inquiètent. A quoi bon les tourmenter avec la triste réalité ?...

- Tu me fais peur, John! – avait fait Candy, d'un air alarmé – Que t'est-il donc arrivé après avoir été adopté ???

Elle avait saisi sa main et l'avait serrée très fort.

- A vrai dire... - avait-il fini par répondre - Tout allait bien au début. C'étaient les grandes vacances et je prenais plaisir à aider mon père à la forge en attendant la rentrée des classes. Mais à la fin de l'été, quand je demandai dans quelle école j'allais aller, mon père me fit bien comprendre que je n'y irais plus et que je travaillerais désormais avec lui... J'essayai bien de contester mais je reçus en retour une telle correction que plus jamais je n'osai réclamer quoi que ce soit.

- Ton père te battait ?!!!... – gémit Candy, d'un air horrifié - Mais, ta mère, ne te défendait-elle pas ???

- Si, bien sûr, mais il la frappait elle aussi, surtout quand il buvait, et comme il buvait souvent...

- Mon pauvre petit John... Je suis si triste pour toi! Je suis tellement désolée de n'avoir pu t'aider!

- Oh, détrompe-toi, tu m'as beaucoup aidé, Candy! Je n'avais pas oublié ce jour où je t'avais rendue visite chez les Legrand et où j'avais découvert la façon dont ils te traitaient. Tu avais gardé la tête haute malgré tout ce qu'ils te faisaient subir. Alors, je m'accrochais à ce souvenir, à cet exemple de force et de courage que tu m'avais donné, et j'ai essayé de faire comme toi, de tenir le coup en attendant un jour meilleur...

Les larmes coulaient sur le visage de Candy et elle avait commencé à palper sa robe en quête d'un mouchoir qui tardait à apparaître.

- Tiens ! – avait fait Petit John en lui tendant le sien qu'il avait sorti de la poche de sa veste. Il avait haussé les épaules d'un air gêné – Excuse-moi, il y a des taches de peinture dessus mais je n'ai pas mieux.

- Il fera très bien l'affaire... - avait-elle répondu avec un triste sourire. Elle avait baissé les yeux, la voix chevrotante – Si nous avions su, nous serions venues te rechercher. Ces gens ne méritaient pas d'être tes parents... J'ai tant de peine pour toi, John !

Cette fois, c'était le jeune homme qui lui avait pris la main qu'il avait calleuse, des mains de travailleur...

- Tu es bien placée pour savoir que nous apprenons de nos joies et surtout de nos peines... Peut-être que si je n'avais pas vécu tout cela, je n'aurais pas éprouvé cette soif de liberté qui m'a poussé à partir au décès de ma mère...

- Partir ??? Mais tu avais quel âge ???

- Tout juste quatorze ans !

- Ma parole, mais tu n'étais encore qu'un enfant !

- Je n'étais plus traité comme tel depuis bien longtemps... - avait-il soupiré - Je partis le jour même où ma mère fut enterrée. Plus rien ne me raccrochait à cette famille. Mon père s'était soulé plus que de coutume ce jour là, et je profitai de son inconscience pour lui emprunter de quoi payer mon billet de train pour New York. Je rassemblai le peu d'affaires que j'avais dans un maigre baluchon et je m'enfuis. Par chance, j'étais grand pour mon âge et je paraissais plus âgé. On ne me posa pas de questions et encore moins à New York quand je sollicitai du travail sur un bateau. J'embarquai le lendemain comme mousse sur un navire de marchandises qui faisait la liaison avec l'Afrique. Je bourlinguai ainsi pendant deux ans à transporter des sacs de café et de cacao. Et lors de mes temps libres, je dessinais ces paysages magnifiques qui s'offraient à mes yeux, ces peuples qu'on côtoyait dans les plantations. Le travail était dur mais ce fut de très belles années pour moi.

- Mais alors... Comment es-tu devenu peintre ?

- Un jour, j'en eus assez et je décidai d'aller à Paris, la capitale des artistes. J'avais un style un peu différent et je me fis rapidement remarquer par les peintres qui évoluaient à Montmartre. Contre toute attente, ils m'acceptèrent sans trop de problème au sein de leur communauté. J'appris énormément à leurs côtés. Retiens bien ces noms, Candy ! Matisse, Modigliani, Picasso. On s'arrachera leurs œuvres très bientôt !

- Je n'en reviens pas de tout ce que tu as traversé en quelques années ! C'est digne d'un roman !

- Mon histoire est bien banale comparée à celle de certains...

- Ne sois pas modeste, John. Tu peux être fier de ce que tu as accompli en si peu de temps. Tu es encore si jeune. Tu vas devenir un grand artiste à ton tour, j'en suis sûre ! J'ai vu ce que tu as réalisé avec la Maison Pony. C'est magnifique !!! Quand me montreras-tu toutes les autres choses que tu as faites?

- Tu peux passer à la galerie quand tu veux. Terry sait où elle se trouve. C'est là que nous nous sommes rencontrés il y a quelques années...

- Il ne l'a pas oublié visiblement puisqu'il a su où te retrouver, petit frère. Mais dis moi, pourquoi t'es-tu installé à Londres si tout se passait si bien à Paris ?

- En fait... J'avais rencontré quelqu'un... - avait-il dit en rougissant tout en baissant les yeux d'embarras – Quelqu'un qui avait une galerie d'art à Londres. Nous sommes tombés amoureux et je l'ai suivi ici...

- C'est merveilleux ! Comment s'appelle cette personne ? J'ai hâte de faire sa connaissance !

- Elle... Enfin, il s'appelle Humphry...

- Hum... Humphry ??? – avait-elle bredouillé en rougissant à son tour, gênée par le manque de naturel de sa réaction.

- Tu es choquée, peut-être ? Excuse-moi... - avait-il fait en risquant un regard coupable vers elle.

- Dieu du ciel, non ! – avait-elle répondu en s'empressant de reprendre sa main pour le rassurer – Peu m'importe que tu aimes un homme ou une femme, John. J'ai été un peu surprise, c'est tout. C'est moi qui devrais être gênée de t'avoir mis mal à l'aise. Ce n'était pas mon intention, je te prie de me croire. Je suis soulagée de savoir qu'après tout ce que tu as traversé, tu as trouvé une personne qui t'aime et qui prend soin de toi. Je voudrais d'ailleurs...

Elle avait jeté un œil vers Terry qui avait opiné, devinant ce qu'elle allait lui demander.

- Je voudrais t'inviter ainsi que ton compagnon à nos fiançailles. Nous n'allons pas rester ici très longtemps et je voudrais profiter de toi le plus possible. Et puis, cela me permettrait de faire la connaissance d'Humphry. J'imagine qu'il est très beau garçon !...

- Il l'est, en effet ! – avait ricané Petit John en rougissant de plus belle – Je suis certain qu'il te plaira.

- Je n'en doute pas une seule seconde !

L'après-midi s'était terminé ainsi dans la joie de ces retrouvailles et de cette révélation inattendue. Terry avait fini par se joindre à eux et ils avaient discuté tous trois encore un moment. Le chauffeur des Grandchester avait ensuite reconduit Petit John en ville avec l'heureuse promesse de se retrouver pour les fiançailles. Debouts dans la cour, ils l'avaient regardé s'éloigner jusqu'à ce qu'il disparaisse au détour d'un virage, puis elle s'était tournée vers son futur époux, un sourire extatique éclairant son visage.

- Merci pour cette belle surprise, mon amour... - avait-elle murmuré en passant ses bras autour de son cou – Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir. En revoyant Petit John, j'ai vraiment eu l'impression d'être transportée dans le passé, ce passé heureux avec lui, avec Annie et tous les autres enfants de la Maison Pony...

Il l'avait enlacée à son tour et avait posé un regard tendre sur elle empreint d'une certaine inquiétude. Comprenant son désarroi, elle s'était empressée d'ajouter :

- Mais ce bonheur n'est rien comparé à celui que j'éprouve en étant à tes côtés, Terry... Le seul fait d'être là, près de toi, à respirer le même air que le tien, m'apporte une joie incommensurable. Je pourrais me contenter que de cela, vois-tu. Te regarder vivre, uniquement cela, ferait de moi la plus heureuse des femmes...

Il était resté coi quelques secondes puis elle avait perçu une étincelle de malice briller dans ses yeux qui l'avait poussée à s'écarter légèrement, d'un air soupçonneux.

- Je ne peux pas en dire autant, malheureusement... - avait-il dit avec un demi-sourire alors que ses yeux à elle s'écarquillaient d'interrogation – Je ne pourrais jamais me contenter d'autant de retenue, mon aimée... J'ai trop besoin de pouvoir te...

Il s'était baissé vers elle pour lui chuchoter quelque chose. Sa réaction ne s'était pas faite attendre, et elle l'avait repoussée, avec un cri offusqué.

- Comment oses-tu dire cela avec tous les serviteurs qui nous regardent ??? – s'était-elle écriée, les oreilles rougissantes, cherchant nerveusement des yeux curieux derrière les fenêtres.

- Ils ne savent pas lire sur les lèvres que je sache... - avait-il rétorqué en se dandinant, les mains dans les poches de son pantalon, fier de ce qu'il avait provoqué en elle. Il adorait la taquiner, lui faire perdre ses moyens, et voir ses joues virer écarlates. C'était devenu un jeu dont il ne se lassait point.

- Cesse de me regarder avec cet triomphant !... – grommela-t-elle, vexée.

- Quel air triomphant ? J'aurais pensé que tu étais d'accord avec ce que je t'ai dit... - avait-il observé, son sourire malicieux s'élargissant.

- Oui...Non... Oui ! Enfin... - avait-elle répondu en rougissant de plus belle tout en le maudissant intérieurement pour l'émoi qu'il lui procurait – Mais... C'est juste que... Ce n'est ni le lieu ni le moment, voilà !

- Alors, nous en trouverons un autre... - avait-il ronronné tout en tentant de s'approcher d'elle, arquant des sourcils éloquents.

- Décidément ! Tu es... Tu es... irrécup...

Il l'avait enlacée. Elle avait essayé de lui résister mais n'avait pu tenir plus de quelques secondes, incapable de soutenir son sourire enjôleur et le contact de ses mains puissantes autour de sa taille. Elle aimait le sentir sa large poitrine contre la sienne, la douce chaleur de son corps qui enveloppait le sien, et sa voix, envoutante, qui, alors qu'il avait incliné la tête vers le creux de sa gorge, venait frôler son oreille en un irrésistible charme magique qui mollissait ses membres, la transformant en poupée de chiffons.

- Je vous aime, mademoiselle André... - avait-il murmuré en la serrant un peu plus fort contre lui. Elle s'était blottie en retour en soupirant de bonheur, la tête posée contre sa poitrine et avait fermé les yeux, savourant cet instant de douce et éphémère harmonie, refoulant cet étrange pressentiment qu'un orage se préparait dans les jours à venir...

**********



Candy s'était réveillée avec un sentiment d'angoisse que rien, pas même le délicieux petit-déjeuner en compagnie de Terry n'avait pu chasser. Ce dernier l'avait accueillie dans la salle à manger avec un chaleureux sourire qui témoignait de la joie de la retrouver comme si cela faisait des jours qu'il ne l'avait pas vue, alors qu'il avait discrètement quitté sa chambre au petit matin... Elle avait passé la nuit à le regarder dormir, le sommeil peinant à venir, l'esprit confus des évènements de la journée mais aussi de ceux qu'elle allait devoir affronter avec l'arrivée de la belle-mère de Terry. Elle avait à peine touché à sa salade de fruits et croqué dans ses toasts, se contentant d'un air perdu de boire une tasse de thé, seul aliment qui parvenait visiblement à passer dans sa gorge.

- Tout va bien se passer... - fit Terry en lui prenant la main, ayant remarqué la préoccupation sur son visage – Je serai avec toi. De toute façon, que pourrait-elle te reprocher ? Tu es tellement adorable !

- Disons que... - répondit Candy en faisant la moue – J'ai par expérience tendance à redouter ce genre de femmes qui aiment me rappeler mes origines. Non pas que j'en ai honte, mais j'ai toujours l'impression que dans leur bouche, je ne vaux pas mieux qu'une criminelle.

- Rassure-toi, je saurai l'en empêcher. Je ne la crains pas, et elle le sait. D'ailleurs, une petite joute verbale avec elle ne me déplairait pas !...

- Si on pouvait éviter les disputes... Déjà que j'angoisse à l'idée de rencontrer tous ces inconnus qui vont me toiser, m'observer comme un vulgaire animal de foire.

- Tssss, tsssss !... Tu t'inquiètes sans raison, mon aimée. Les gens vont t'adorer, et les hommes vont m'envier d'être le fiancé d'une si jolie jeune femme...

- L'amour t'aveugle, Terry ! – fit-elle en éclatant de rire.

- Au contraire... - fit-il en portant sa main à sa bouche pour y déposer un baiser – L'amour me rend encore plus conscient de l'être merveilleux que tu es et de la chance que j'ai d'être aimé de toi...

- Oh Dieu, oui, je t'aime Terry ! – murmura-t-elle, les larmes aux yeux – Je t'aime et ne cesserai de t'aimer, jusqu'à mon dernier souffle...

- N'oublie pas de répéter cela devant monsieur le curé ! – ricana-t-il pour cacher le trouble qui le submergeait.

- Je tacherai de m'en souvenir ! – répondit-elle en lui tirant la langue.

Tout en avalant une gorgée de café, le jeune homme avait arqué des sourcils d'un air dubitatif, ce qui lui avait valu un petit coup de coude dans les côtes. Cette divertissante querelle lui avait ouvert l'appétit, et elle était sur le point de planter avec gourmandise ses dents dans un toast, quand des cris provenant de l'extérieur la retirent dans son élan.

- Qu'est-ce que cela peut-être ? – demanda-t-elle en se levant et en se dirigeant vers la fenêtre. De son point de vue, elle distinguait un attroupement mais elle était trop mal placée pour en comprendre la raison.

- Allons voir ce qui se passe ! – fit Terry, piqué à son tour par la curiosité.

Arrivés dans le jardin, ils aperçurent en contre-bas de la vaste pelouse, Carson ainsi que trois autres membres du personnel, regroupés devant un arbre gigantesque, leur nez pointé vers le sommet. Mathilda, une des servantes, se tenait la tête entre les mains en gémissant :

- Comment allons nous faire ? Mademoiselle va me renvoyer sur le champ si nous ne parvenons pas à le faire descendre de là... - se désolait-elle.

- Que se passe-t-il ici ? – demanda Terry, ce qui eut pour effet de faire sursauter le petit groupe.

- Oh, My Lord, vous nous voyez bien ennuyés... - répondit Carson en soupirant – Le chat de mademoiselle votre sœur a croisé le chemin des chiens de monsieur le Duc alors qu'il rentrait de la chasse. Un des chiens a échappé à la surveillance du domestique en charge de les reconduire au chenil, et s'est mis à poursuivre le chat, lequel est venu se réfugier dans cet arbre auquel aucun d'entre nous n'est capable de grimper...

Le jeune couple leva la tête et aperçut l'animal en équilibre sur une des plus hautes branches qui se balançait dangereusement, menaçant de le faire tomber. Candy se dit à ce moment là que la bonne éducation anglaise mériterait quelques leçons d'escalade tant ils semblaient tous désarmés et désolés devant leur impuissance.

- Je peux peut-être essayer de le ramener ? – fit-elle en ôtant ses chaussures.

- Tu n'y penses pas ! – s'écria Terry en la retenant par le bras – Cet arbre fait au moins quinze mètres de haut ! Si tu tombes, tu pourrais te rompre le cou !

- Tu oublies que je sais monter aux arbres depuis ma plus tendre enfance et que j'excelle en la matière ! – rétorqua-t-elle en esquissant un geste du coude pour se libérer.

- Ne sois pas si présomptueuse ! Je t'ai vue chuter mémorablement plusieurs fois à Saint-Paul et les arbres étaient loin d'avoir cette taille !

- Je vais faire attention ! Ne t'inquiète pas ! – dit-elle tout en se dirigeant vers l'imposant tronc.

- Je t'interdis de grimper ! – rugit-il

- Mademoiselle Andrew, je vous en prie – gémit Carson – Ne prenez pas ce risque. Je vais faire appeler les pompiers et ils sauront le récupérer.

- Ce chat tient à peine sur la branche. Il peut tomber à tout moment ! – fit Candy en posant d'autorité un pied sur l'arbre – Faites-moi donc confiance. Je ne serai pas longue !

Sitôt dit, sitôt fait, la jeune blonde entreprit l'escalade de l'arbre, saisissant chaque branche avec agilité, prenant appui sur ses jambes et ses bras pour se hisser de plus en plus haut. Malgré son expérience, elle glissa à plusieurs reprises et se rattrapa de justesse, provoquant les cris d'horreur du petit attroupement qui s'était entre temps élargi, ayant attiré par son étrangeté de nouveaux curieux.

- Surtout, ne regarde pas en bas ! – se dit-elle, le cœur battant, tout en poursuivant son ascension. Ledit matou se tenait à présent à sa portée et elle se mit à l'appeler pour attirer son attention. Ce n'était pas le moment qu'elle l'attrape par surprise et qu'affolé, il la griffe ou tombe en tentant de s'échapper ! Il tourna la tête vers elle et poussa un miaulement désespéré, les pupilles dilatées par la peur – Me voilà, mon ami. Ne crains rien ! Je vais te sortir de là !

De son bras libre, elle se saisit du chat qui vint se lover contre elle en tremblant, et elle poussa un cri de douleur sous la pression des griffes qui s'étaient enfoncées dans sa chair sous le coup de la panique qui l'avait envahi. Tout le long de l'interminable chemin du retour, elle ne put s'empêcher de pester contre l'animal qui s'accrochait à elle douloureusement tout en l'assourdissant de ces miaulements.

- La prochaine fois – se dit-elle en grimaçant de douleur – Tu resteras là-haut, mon Coco, et tu te débrouilleras pour descendre !

Quand, elle eut, enfin, posé le pied sur la terre ferme, elle ne fit aucun cas des acclamations enthousiastes saluant sa prouesse, et s'empressa de se dégager de son instrument de torture qu'elle remit entre les mains de la servante Mathilda, laquelle la remercia d'une révérence avec un soupir de soulagement. Terry s'avança vers elle et la prit dans ses bras.

- Ne me fais plus jamais ça ! – lui dit-il, livide, en la serrant fort contre lui – Plus jamais !!!

Elle opina sans plus de fanfaronnade, ravie de se retrouver dans ses bras plutôt qu'en équilibre précaire dans l'arbre. Elle pouvait bien se l'avouer : elle n'avait plus l'âge pour ce genre de folie...

Un bruit étrange l'interpella alors, un genre de soupir réprobateur marqué de mépris, pareil à celui qu'elle avait régulièrement entendu à travers la bouche de Madame Legrand ou de la Grand-Tante Elroy.

- C'est donc vous, l'Américaine !

Candy se raidit, un frisson désagréable lui parcourant l'échine et s'écarta de son bien aimé dont le regard s'était subitement durci. Elle se retourna et croisa les yeux noirs d'une élégante Lady d'âge mûr, qui l'observait avec hauteur. Elle la toisait de haut en bas, la moue dédaigneuse, s'éternisant sur ses pieds nus et sa robe souillée de feuilles et de brindilles.

- Candy, permets moi de te présenter ma belle-mère, lady Beatrix... - fit Terry d'une voix glaciale – Beatrix, je vous présente, C....

- Je crois que les présentations peuvent attendre... – fit-elle, avec un sourire ironique - Je suis d'avis que votre "amie" a avant tout besoin de se nettoyer et de revêtir une tenue plus descente...

Elle tourna les talons en soupirant de désappointement, et marmonna, dissimulée derrière son ombrelle qu'elle faisait tournoyer.

- Décidément, cette attirance pour les femmes vulgaires est héréditaire...

Le jeune homme allait se précipter sur elle quand Candy le retint fermement par le bras. Luttant contre le regard implorant qu'elle lui adressait, il pesta, maugréa, puis ils repartirent en direction du château. Dans la cour, le véhicule qui avait transporté la duchesse et sa fille était en train d'être vidé, les domestiques s'affairant autour avec dextérité. Ils pénétrèrent dans le grand hall d'entrée et se dirigèrent vers l'escalier qui menait aux chambres. C'est à ce moment là qu'ils croisèrent Cookie, poussé par la jolie Lucille.

- Quel remue-ménage, ce matin ! – s'écria-t-il – J'ai cru m'être trompé de jour et me suis mis à croire que les fiançailles avaient commencé.

- On pourrait s'y méprendre en effet – grommela Terry – Mais ce ne sont que ma belle-mère et ma sœur qui viennent d'arriver... Elles ont tendance à monopoliser beaucoup de monde...

- On dirait qu'elles ont déménagé tout le château ! – observa-t-il, moqueur, devant la file de serviteurs chargés de paquets.

- Si elles pouvaient déménager définitivement !... – soupira Terry en levant les yeux au ciel.

Des bruits de voix féminines se rapprochaient dangereusement et le jeune aristocrate fit signe à Candy de commencer à monter les escaliers, mais elle ne fut pas assez rapide et se trouva nez à nez avec l'héritière des Grandchester, son illustre génitrice derrière elle...

- Vous aviez raison, mère. Elle est tout à fait ordinaire... - fit la jeune femme en la détaillant avec attention. Décontenancée, Candy recula d'un pas et buta contre la rampe de l'escalier.

- Bonjour Sybille – fit Terry sèchement en s'interposant entre elles deux - Les bains de Bath n'ont visiblement pas atténué le poison qui te sert de langue...

Cette dernière, vexée, fronça les sourcils et s'apprêtait à répondre quand sa mère l'interrompit, ayant remarqué Cookie :

- Qu... Qu'est ce donc ? – fit-elle à son attention, avec un léger mouvement de recul.

- Permettez-moi de me présenter, Milady – répondit-il, les yeux brillants d'insolence – Mon nom est Cookie, Cookie Dicks. Pour vous servir...

Devant son air interloqué, il poursuivit :

- Je suis un ami de longue date de Terrence. Je suis marin et il y a quelques semaines de cela, le bateau sur lequel je travaillais a sombré et j'ai été blessé. Votre fils m'a proposé de finir ma convalescence ici...

La duchesse resta sans parole quelques secondes devant le spectacle ahurissant qui s'offrait à ces yeux. Non seulement le fils bâtard de son époux était de retour, qui plus est avec une américaine dont le comportement tenait plus de l'acrobate de foire que de la lady, mais il était aussi accompagné d'un espèce de personnage dont le regard hardi et le sourire effronté la mettaient mal à l'aise. Elle sentait bien qu'elle n'aurait aucun ascendant sur lui et cela la déstabilisait.

- Seigneur !... – s'écria-t-elle avec un soupir de consternation – Il suffit que je m'absente quelques semaines pour que cette maison se transforme en cour des miracles ! J'ai grand besoin d'un peu de repos pour me remettre de tout cela !

Ceci dit, elle posa la main sur la rampe et commença à monter les marches de l'escalier, sa fille sur ses talons, laquelle se retourna une dernière fois pour les toiser d'un regard mêlé de haine et de mépris.

- Vivement que ces fiançailles soient passées car je crois que je ne pourrai pas tenir plus longtemps... - gémit Terry en serrant fort la main de Candy, tout en regardant les deux harpies s'éloigner.

- Je dois t'avouer que je partage ton impatience ! Tu ne m'avais pas menti. Elles sont vraiment... Vraiment...

- Odieuses ! – intervint Cookie en insistant sur chaque syllabe. Lucille, l'infirmière, avait porté la main à sa bouche pour étouffer un éclat de rire, ses yeux larmoyants de retenue.

- Le mot est bien trouvé, en effet, mon ami. Odieuses ! Voilà ce que sont les femmes de cette famille ! Pardonnez-moi, mais je vais aller prendre un peu l'air avant de ne pouvoir me retenir de casser quelque chose dans cette fichue bâtisse !

Sur ce, il partit à grandes enjambées en direction de la cour et croisa en chemin son père qui rentrait des écuries, encore vêtu de son costume de chasse.

- Elles sont arrivées... - fit-il d'un air abattu en remarquant la mine furieuse de son fils.

- En effet, père. Je me permets d'ailleurs d'insister pour que vous gériez au mieux leur attitude sinon, je crains que ce ne soient pas des fiançailles que nous célébrions après-demain, mais des funérailles !!!

Les yeux du Duc s'écarquillèrent de stupeur devant la mise en garde désespérée de son fils et les bras ballants, le laissa partir en direction des écuries pour une promenade libératrice. Il fronça les sourcils et pénétra dans le vaste hall d'entrée avec l'horrible impression que l'atmosphère paisible de ces derniers jours s'était évanouie, ayant cédé la place à un climat de tension palpable conforté par le regard perdu des serviteurs qu'il rencontrait. Pendant des années, il s'y était accoutumé, s'isolant dans son bureau ou désertant les lieux, abandonnant lâchement son fidèle Carson à la tyrannie de son épouse. Mais l'accident de Terry lui avait ouvert les yeux sur la médiocrité de sa vie, et il n'avait plus l'intention de se laisser manipuler par cette intrigante, même si elle en avait pris l'habitude en vingt-cinq ans de mariage ! Il poussa la porte de la chambre de sa femme et la découvrit assise devant sa coiffeuse. Au regard sévère qu'il lui adressa, la servante qui s'occupait de la coiffer, s'éclipsa dans une révérence et ferma la porte derrière elle précautionneusement.

- Vous voilà enfin, mon ami ! – fit-elle en tournant légèrement la tête vers lui – Et crotté à ce que je vois !...

- Je me passerai de vos observations désobligeantes, madame ! – répondit le Duc en serrant les poings – Ce que j'ai à vous dire ne pouvait attendre que je fasse un détour par ma chambre pour me changer...

- Tiens donc ? Qu'y a t'il de si urgent qui vous amène aussi négligé devant moi ?

- Un sujet qui mérite toute votre attention, Beatrix, croyez-moi...

Perplexe, la duchesse pivota sur son fauteuil et croisa le regard ferme et menaçant de son époux qui ne présageait rien de bon. Elle ne l'avait jamais vu dans cet état auparavant, et plissa le front d'inquiétude devant la détermination qui se lisait sur son visage, réalisant, en un instant, que son existence serait un peu plus compliquée dorénavant...

Fin du chapitre 17



Edited by Leia - 17/11/2016, 17:50
 
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