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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 13/6/2018, 21:49 by: Leia
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Chapitre 21



Assis dans la pénombre sur un fauteuil à côté du lit, les yeux rougis par le manque de sommeil, il l'avait regardée dormir tout au long de la nuit. Il redressa la tête et aperçut par la fenêtre les lueurs rosées de l'aube naissante. C'était déjà le matin. Il avait perdu la notion du temps tant son esprit peinait à s'apaiser.

Quand ils étaient arrivés dans l'appartement de John, Candy avait immédiatement demandé à aller se coucher et s'était écroulée comme une masse sur le lit. Terry lui avait ôté ses chaussures, l'avait recouverte d'une couverture, et s'était assis à côté d'elle pour ne plus bouger, se contentant, à la lueur pâle d'une lampe de chevet, de l'observer dans son sommeil, guettant le moindre froncement de sourcil ou plissement du front.

Pensif, les coudes en appui sur les genoux, les mains jointes devant sa bouche, il soupira de découragement face à son incapacité à chasser les terribles images qui repassaient en boucle dans son esprit depuis l'insoutenable scène à laquelle il avait assisté au château.

En entrant dans la chambre, il avait tout d'abord poussé un soupir de soulagement en la découvrant vivante tant il avait craint le pire pendant qu'il courrait à sa rescousse. Elle était vivante, pour sûr, mais aussi à moitié dévêtue et toute échevelée, et pendant quelques secondes, il s'était trouvé incapable de réagir, trop choqué par ce qui se déroulait sous ses yeux. Son frère se tenait roulé en chien de fusil sur le sol, essayant tant bien que mal de se protéger tandis qu'elle le frappait de ses poings et de ses pieds avec des cris étranglés de rage. Pourtant, avec sa haute stature, Rodolphe aurait pu d'un seul geste la repousser, mais il semblait terrorisé par la fureur qui émanait d'elle, saisissant contraste avec son petit corps frêle qui, sans aucune pitié, s'acharnait sur lui. C'était quand elle s'était dirigée vers la cheminée et qu'elle avait saisi l'énorme chandelier qui trônait sur le manteau, que Terry s'était précipité vers elle pour la retenir. Elle avait levé la tête de surprise et ce qu'il avait lu alors dans ses yeux l'avait horrifié : un regard fou, empreint de colère mais aussi de terreur et de dégoût.

- Dieu du ciel ! - avait-il gémi en la prenant dans ses bras - Que t'a-t-il fait ? Que t'a-t-il fait ????

Il l'avait serrée fort contre lui, bredouillant à son oreille des mots qui se voulaient rassurants, mais emportée dans sa confusion, elle ne l'avait pas entendu et s'était débattue en geignant comme une bête apeurée. Finalement, sa voix, cette voix tendre et grave qu'elle chérissait tant, était parvenue à franchir les barrières de son esprit tourmenté, et elle s'était effondrée dans ses bras en sanglotant.

- Tu n'as rien ? Dis-moi que tu n'as rien ! - lui avait-il demandé, la voix brisée, tout en palpant ses épaules, ses bras, ses mains.

- Je... Je n'ai rien... - avait-elle répondu en hoquetant. Il lui semblait qu'elle émergeait d'un cauchemar. Mais cette fois, le monstre de ses rêves gisait à ses pieds, terrassé, et elle en éprouvait une véritable délivrance. Plus jamais, plus jamais elle ne laisserait quelqu'un poser ses mains ainsi sur elle !

Le bruit d'un frottement sur le sol avait alors interpellé Terry qui s'était retourné et avait aperçu son frère, qui, profitant de leur effusion, s'était redressé et avait entrepris de leur fausser compagnie. Ne pouvant plus refréner plus longuement l'envie furieuse de lui régler son compte, il s'était jeté sur lui et l'avait secoué sans aucun ménagement.

- Tu vas le payer, fumier !!!! - avait-il hurlé en le tirant par les cheveux, le déplaçant ainsi sur plusieurs mètres, sans aucune compassion pour ses cris de douleur. Puis sa furie s'était abattue sur lui, froidement, sans aucun mot, juste des coups. Il était dans un tel état second, qu'il était incapable à présent de se souvenir exactement du traitement qu'il lui avait infligé, ni du temps que cela avait duré. Il se rappelait seulement les supplications de Candy pour qu'il arrête de cogner sur ce pauvre diable qui ne représentait plus rien d'humain à ses yeux. Il n'avait alors qu'une idée en tête : éliminer cette vermine pour qu'elle ne fasse plus jamais de mal à la femme qu'il aimait ! Il l'aurait certainement tué si elle n'était pas parvenue à le ramener à la raison. Grâce à elle, il n'était pas devenu un assassin, mais il conservait ce goût d'inachevé qui l'empêchait d'être délivré de la culpabilité de n'avoir pas été là quand il le fallait. Il savait que désormais il ne pourrait s'empêcher de craindre pour elle à tout moment et cela l'angoissait terriblement.

Comment n'ai-je rien soupçonné de ce qu'il avait en tête... ? - n'avait-il de cesse de se demander. Il s'en voulait terriblement d'avoir sous-estimé son frère, ce frère qu'il n'avait pas vu depuis des années et dont il ignorait tout. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, il n'était qu'un jeune adolescent prétentieux et méprisant, dont le regard fourbe aurait dû l'alerter sur les démons intérieurs qui l'animaient déjà. Il le savait stupide et cruel, mais jamais il n'aurait imaginé qu'il puisse se comporter ainsi. Et pourtant, il semblait bien que ce n'était pas la première fois qu'il se montrait violent avec une femme car, alors que Candy et lui s'enfuyaient par les cuisines pour rejoindre John et son compagnon qui les attendaient dehors, il avait surpris une des domestiques dire à une autre :

- J'espère que nous n'entendrons plus jamais parler de monsieur Rodolphe ! Il a fallu qu'il s'attaque à mademoiselle Candy pour qu'enfin le maître réagisse ! Pourtant, ce n'est pas faute de l'avoir alerté sur la brutalité de son fils. Combien de fois n'avons-nous pas failli tomber dans les pièges qu'il nous tendait, combien de fois n'avons nous pas manqué d'être frappées ou violées ??? Je ne devrais pas dire ça mais c'est une bonne chose qu'il ait tenté de violenter mademoiselle Candy, sinon ce monstre aurait continué à faire ce qu'il voulait de nous !

A ces mots, Terry avait stoppé net devant elles. Les deux jeunes femmes avaient sursauté, paralysées de peur en réalisant qu'il les avait entendues.

- Ex... Excusez-moi My Lord, je ne voulais pas, je ne pensais pas... - avait bredouillé l'une d'elles en tremblant tandis que le regard glacial de ce dernier passait attentivement de l'une à l'autre. Elles allaient être renvoyées, c'était sûr ! Contre toute attente, son regard s'était adouci et il s'était adressé à elles en se courbant respectueusement.

- Veuillez excuser ma famille, et plus particulièrement mon frère pour tout ce qu'il vous a fait subir, mesdemoiselles. Je ne peux imaginer l'enfer que vous avez vécu en sa compagnie. Je puis vous promettre qu'il ne vous importunera plus désormais car je veillerai personnellement à ce qu'il ne ne vienne plus jamais souiller ces lieux de sa présence.

Les yeux ronds de stupéfaction, les deux jeunes femmes, pour toute réponse, avaient opiné de la tête. Elle s'attendaient à être renvoyées et recevaient en retour les excuses du jeune Duc ! Cette soirée là resterait gravée dans leur mémoire à tout jamais... et dans les esprits de tous !...

Ainsi, le caractère violent et pervers de Rodolphe n'était qu'un secret de Polichinelle... Comment son père avait-il pu rester sourd aux plaintes de son personnel ? Par son inaction, il avait laissé son frère croire qu'il pouvait tout se permettre et que rien ne pouvait lui arriver en retour. Combien de femmes avait-il agressé sous couvert de la « bénédiction » familiale ? Décidément, cette famille lui soulevait le coeur et il était plus qu'heureux de la quitter !

Des coups discrets à la porte l'interrompirent dans ses pensées et il tourna la tête. John se tenait dans l'entrebâillement, une tasse de thé à la main.

- Humphrey a préparé du thé. Tu viens nous rejoindre au salon ?

Le regard de Terry se promena de Candy à John avec hésitation.

- Elle est en sécurité ici... - lui dit ce dernier d'une voix rassurante - Allons, viens avec nous, cela te changera les idées plutôt que de rester dans cette chambre à te morfondre.

John avait raison. Candy dormait paisiblement et il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. De toute façon, il ne serait pas très loin d'elle, à quelques mètres tout au plus...

Rassuré, il accepta d'un signe de tête la proposition de John et se leva, non sans laisser la porte entrouverte pour plus de tranquillité. Ainsi, il pourrait l'entendre si elle venait à se réveiller...

L'appartement de John et Humphrey était situé dans un des quartiers les plus huppés de Londres, non loin de la galerie d'art que possédait Humphrey. Les œuvres de John y étaient exposées mais aussi nombre d'autres jeunes talents, comme un certain Christian Blake, dont les magnifiques nus commençaient à faire de l'ombre au frère de cœur de Candy. Contre toute attente, cette concurrence, loin de le démoraliser, stimulait le jeune artiste qui voyait dans cette rivalité une motivation nouvelle.

- J'ai connu le succès très vite - expliquait John à Terry alors qu'il contemplait une de ses œuvres - Et ce n'est pas très bon pour un artiste, surtout si jeune. J'ai rapidement cru que j'étais arrivé au sommet et que rien ne pourrait m'en faire redescendre. Heureusement que des petits nouveaux comme Blake m'ont ramené à la réalité sinon je ne me serais jamais remis en question et je serais vite devenu un peintre démodé. Je soupçonne d'ailleurs Humphrey d'avoir surexposé Blake pour me mettre à l'épreuve.

- Tu avais besoin d'un électrochoc, mon aimé - intervint Humphrey tout en tendant une tasse de thé à Terry - Et j'ai bien fait car tes derniers tableaux sont les plus beaux que tu aies jamais réalisés. Ils sont promis à connaître un grand succès.

- Espérons que tu dises vrai - fit John en levant sa tasse en guise de vœu de réussite. Terry leva la sienne à son tour puis la porta à ses lèvres, mais l'étrange tête qu'il fit à la première gorgée provoquèrent le rire bruyant de ses interlocuteurs.

- Hahaha !!! J'ai oublié de te préciser qu'Humphrey est écossais - gloussa John - Et que par conséquent, il a tendance à mettre du whisky un peu partout, et notamment dans le thé.

- Vous avez dû y tomber la bouteille, Humphrey !... - s'écria Terry en toussant bruyamment - Mais en tant qu'écossais moi-même, je ne peux que louer cette initiative... néanmoins surprenante !

- Vous m'en voyez ravi, Terrence ! - fit Humphrey en trinquant à son tour - Il n'y a pas mieux qu'un peu de whisky pour chasser les soucis.

- Puissiez-vous avoir raison... - fit Terry en soupirant tristement.

- Elle s'en remettra, ne t'inquiète pas - lui dit John en posant une main réconfortante sur son épaule - Il n'y a pas plus forte et courageuse que Candy, je peux en témoigner !

Devant l'air interrogateur que Terry lui renvoyait, il l'invita à s'asseoir sur le canapé et lui narra le jour où, alors qu'il vivait encore à la maison Pony, il était allé en cachette lui rendre visite chez les Legrand. Il avait fini par découvrir qu'elle vivait dans une étable, qu'elle était leur domestique et qu'ils la maltraitaient. Sa vie là-bas n'était pas facile et pourtant, elle n'avait rien perdu de sa bonne humeur ni de sa bienveillance.

- Elle a toujours été un modèle de courage et d'espoir pour moi. J'ai souvent pensé à elle quand ça n'allait pas dans ma vie et cela m'a beaucoup aidé. Je sais qu'elle se remettra de cette triste expérience avec Rodolphe, certainement plus rapidement que ce dernier, vu l'état dans lequel elle l'a laissé... Cet abruti ignorait à qui il avait affaire !

Terry ne répondit pas, se contentant de fixer d'un air perdu le contenu de sa tasse.

- Elle a beaucoup plus de ressources que tu ne l'imagines...

- A vrai dire... - fit Terry en soupirant - Je ne doute pas de la capacité de résilience de Candy. Je pense que celui qui aura le plus de mal à s'en remettre, c'est moi... Candy s'est défendue et a vaincu son assaillant. Alors que de mon côté, je garde une impression d'inachevé qui ne me laisse pas en paix...

- D'inachevé ?

- D'inachevé, oui. Et je sais que si je ne fais pas quelque chose cela me hantera jusqu'à la fin de mes jours.

A ces mots, il se leva et demanda à John.

- Puis-je te confier Candy quelques heures ?

- Bien entendu, mais... mais... Où vas-tu ?

- Finir ce que je n'ai pas pu terminer... - répondit-il en se dirigeant vers la porte d'entrée.

- Ne commets rien d'irréparable, Terry ! - s'écria John alors que le jeune comédien franchissait déjà le seuil de leur appartement - Candy a trop besoin de toi !

Terry lui répondit d'un vague signe de la main et disparut dans le couloir sombre. Les deux compères se tournèrent l'un vers l'autre d'un air ahuri et se laissèrent tomber sur le sofa avec lassitude. Qu'allaient-ils raconter à Candy si elle venait à se réveiller avant le retour de son fiancé ? Qu'ils l'avaient laissé partir achever son frère ? John secoua la tête pour chasser cette angoissante pensée qui avait toutes les chances malheureusement de se réaliser. Autant se préparer à la réponse adéquate qui éviterait de l'alarmer, réponse qu'il devait se hâter de trouver, son amie venant de faire son apparition au milieu du salon en baillant.

- John... Humphrey... Mais où est donc Terry ?...

*************************



Les couleurs ocres du soleil levant se déployaient lentement sur les façades des immeubles qui bordaient le port. Au loin, on apercevait les silhouettes des bateaux de retour de leur pêche nocturne, leurs filets gonflés de poissons et de crustacés pour être vendus à la criée. Il était tôt mais déjà beaucoup de gens s'affairaient sur les quais, ne portant que peu d'intérêt à la voiture de couleur sombre qui passait à côté d'eux en direction d'un bateau de marchandises amarré plus loin. La voiture s'arrêta devant le cargo. Le chauffeur sortit, contourna le véhicule et ouvrit la portière arrière, laissant apparaître la tête de Rodolphe Grandchester, dont le front soucieux témoignait de sa profonde contrariété. Il sembla hésiter quelques secondes, puis redressant fièrement le menton, il descendit de la voiture.

Il réajusta le revers de sa veste, et leva les yeux vers le paysage urbain qui s'étendait pour la dernière fois derrière lui. Encore sous le choc des événements de la soirée, il peinait à réaliser ce qu'il était en train de vivre. Le chauffeur venait de poser à côté de lui l'unique valise qu'il avait eu le droit de prendre et il la regarda avec consternation.

Banni comme un malpropre, lui, le fils du Duc de Grandchester ! Comment avait-il pu en arriver là ?... C'était la faute de cette fille, cette aguicheuse de Candice qui lui avait fait les yeux doux toute la journée pour ensuite se refuser à lui après l'avoir attiré dans sa chambre ! Sale garce d'Américaine ! Si elle ne s'était pas lâchement attaqué à lui, il n'aurait pas été pris par surprise et aurait pu lui montrer qui était le maître et elle aurait aimé cela, la bougresse ! Ses cris de plaisir auraient attiré cet abruti de Terrence qui l'aurait découverte en pleine jouissance entre les bras d'un homme, d'un vrai !... Comme il regrettait d'avoir été aussi naïf ! Il avait été trop bon avec elle, il aurait dû lui casser la mâchoire dès le début, cela l'aurait bien calmée, cette furie ! Et si cela n'avait pas suffi, il lui aurait aussi brisé le nez ! Il en avait maîtrisé des plus récalcitrantes, et elles ne s'étaient jamais plaintes en retour ! Encore une qui ne savait pas ce qu'elle voulait!...

- Il est temps que vous montiez dans ce bateau, monsieur Rodolphe... - intervint alors Carson d'une voix sans émotion. Le Duc lui avait demandé de s'occuper du départ de son abominable fils, départ qu'il souhaitait discret, et surtout, rapide ! Le majordome s'était plié à cette exigence avec un enthousiasme et une ardeur difficiles à dissimuler. Il n'avait jamais apprécié cet être odieux et méprisant, dont il n'ignorait point la perversité, et éprouvait un grand soulagement d'en être enfin débarrassé.

Tiré de ses sordides pensées, Rodolphe tourna son visage tuméfié vers lui et grimaça :

- Rassurez-vous, Carson, je vais le prendre ce fichu bateau ! Mais ne vous réjouissez pas trop vite tous autant que vous êtes ! Mon père n'est pas éternel, et le moment venu, je reviendrai, oui, je reviendrai ! Je serai le nouveau Duc et vous vous prosternerez à mes pieds !

- Tu devrais vraiment monter dans ce bateau avant que je ne puisse plus résister à l'envie de te jeter à l'eau !...

Rodolphe se retourna en sursaut et reconnut son frère dont la silhouette en ombre chinoise se découpait sous le soleil levant.

- T.... Terry ??? Mais que fais-tu ici ??? - s'écria-t-il en reculant prudemment.

- Je voulais m'assurer de ton départ... Tu es si lâche que tu es bien capable de t'enfuir ! Tu n'es pas à un déshonneur près !...

- Tu es bien mal placé pour parler de déshonneur, toi qui n'a pas hésité à molester ton propre frère !

- Mon... Frère ??? Mais de quel frère parles-tu ? - fit Terry en s'approchant de lui, si près que sa poitrine frôlait celle de ce dernier, qu'il sentait tremblotante, secouée d'une peur incontrolable - Je n'ai plus de frère depuis que j'ai découvert sa véritable nature... Nos ancêtres doivent se retourner dans leur tombe !

Rodolphe leva les yeux au ciel en haussant les épaules.

- Cesse donc ce ton moralisateur avec moi, frérot ! On sait bien qu'elles disent toutes « non » mais que c'est tout le contraire qu'elles veulent ! J'aurais pu te le prouver si tu ne nous avais pas interromp...

Un uppercut en pleine mâchoire le fit basculer violemment en arrière, l'entrainant vers le bord du quai. Cette fois, il n'allait pas y échapper ! Tandis qu'il se redressait lentement, Terry l'empoignait déjà par le col, et, sans autre forme de procès, le soulevait au dessus de l'eau noirâtre.

- Mais... Qu'est-ce qu'il te prend ??? Tu es malade ??? Nooooon ! Arrête !!! - hurla Rodolphe, penché en arriere, en équilibre sur la pointe des pieds. Paralysé de frayeur, il n'osait se débattre, jetant des regards inquiets vers l'eau profonde qui clapotait sous ses pieds.

Attirés par les cris, quelques marins occupés à finir de charger le fret, levèrent la tête dans leur direction, puis secouant la tête d'un air désabusé, retournèrent à leur travail en maugréant dans leur barbe.

Un règlement de comptes entre aristos, ici... On aura tout vu !...

- Pardon, Rodolphe, mais... - fit Terry, d'un air moqueur - Tu viens bien de dire « non » là, n'est-ce pas ? Dois-je alors interpréter cela comme un « oui » ? Parce que je n'ai pas très bien compris ton raisonnement de tout à l'heure. C'est donc un « non » qui veut dire « oui », ou un « non » qui veut dire « non » ? Sois plus explicite, « frérot » !

- Non, non, noooooon ! - gémit son frère en secouant la tête - Je t'en supplie Terry, ne me lâche pas !!! Je suis un... un très mauvais nageur, tu le sais bien ! Par pitié !!!

Pour une fois, Rodolphe disait vrai. Il avait manqué se noyer dans la rivière quand il était enfant et avait conservé depuis lors une peur maladive de l'eau. Il devait vraiment être effrayé, suspendu ainsi au dessus de l'eau. Tétanisé, il gémissait et couinait comme une bête apeurée. L'agresseur de femmes sans défense n'avait vraiment pas fière allure !

Terry hésita encore quelques secondes, puis, avec un soupir de lassitude, le tira sans ménagement vers lui, lequel expira de soulagement en touchant de plein pied la terre ferme.

- Tu n'es vraiment qu'une merde, mon pauvre Rodolphe !!! - fit Terry avec une moue de dégoût - Allez, déguerpis d'ici au plus vite avant que je ne change d'avis !!!!

Mais alors que son frère s'éxécutait, il le retint une dernière fois par le col, et ajouta sur un ton des plus menaçants.

- Tu n'auras pas de seconde chance, Rodolphe. Je ne veux plus jamais te revoir, plus JAMAIS entends-tu, sinon, sinon... JE TE TUE !!! - lui dit-il, la mâchoire serrée - M'as-tu bien compris ?

Rodolphe opina fébrilement de la tête, terrorisé par ce qu'il avait lu dans le regard de son frère qui ne laissait aucun doute sur sa détermination, et s'écarta de lui d'un air piteux.

- Va, maintenant ! Que l'on oublie jusqu'à ta misérable personne !...

Sans se laisser prier, il prit d'un geste vif sa valise et s'engagea sur la passerelle qui reliait le quai au bateau de marchandises. Mais parvenu de l'autre côté, il pivota sur ses talons, et levant le poing, s'adressa en hurlant à Terry et Carson :

- Je me vengerai ! Un jour vous regretterez la façon dont vous m'avez traité !

- File d'ici ou je mets tout de suite ma menace à exécution ! - s'écria Terry en s'approchant d'un pas vif vers la passerelle, déterminé à rosser une fois pour toute son couard de frère.

Courageux mais pas téméraire, le jeune homme courut s'abriter à l'intérieur du bateau pour ne plus, cette fois, réapparaître.... Terry et Carson guettèrent néanmoins avec inquiétude le départ du bateau et reprirent seulement leur souffle quand ce dernier disparut à l'horizon. Visiblement éprouvés, ils échangèrent un regard des plus éloquents et se dirigèrent en silence vers la voiture. Mais au moment où Terry allait monter dans le véhicule, il s'arrêta et se tourna vers Carson.

- Je suis désolé, Carson, que vous ayez dû assister à tout cela... J'ai tellement honte de ce qu'est ma famille...

- My Lord, ce que j'ai vu aujourd'hui n'a fait que confirmer la grande estime que vous m'inspirez. Vous auriez pu jeter à l'eau votre frère et l'humilier devant tous ces gens. Il n'aurait eu après tout que ce qu'il mérite. Mais vous ne vous êtes pas abaissé à cette médiocrité. Vous êtes noble de sang mais par dessus tout, vous êtes noble d'âme. Ceci, à mes yeux, symbolise la véritable noblesse que vous incarnez naturellement. Vous êtes un homme bien, Terrence et c'est pour moi un grand honneur et une immense fierté de pouvoir vous servir...

Le majordome porta immédiatement la main à sa bouche, horrifié par la familarité de ses paroles.

- Mille excuses, my Lord, je ne sais pas ce qu'il m'a pris de m'adresser à vous par votre prénom...

- Rassurez-vous, mon ami - répondit Terry en posant une main affectueuse sur son épaule - Je n'en suis point formalisé. Bien au contraire ! Et si vous le voulez bien, j'apprécierais grandement que vous continuiez à m'appeler ainsi quand nous sommes tous les deux...

- Je... Je veux bien essayer My Lord, pardon, Terrence... Mais je crois que je n'y parviendrai jamais vraiment...

- Hahaha ! C'est ce que nous verrons, Carson ! Comptez sur moi pour vous le rappeler !

A ces mots, il s'apprêtait à monter dans la voiture quand une voix féminine l'interpella.

- Terry ?

- Candy ! - s'écria-t-il, surpris, tandis qu'elle se jetait dans ses bras avec un soupir de soulagement.

- Oh mon dieu, Terry, j'ai eu tellement peur pour toi !!!

- Mais pourquoi donc, mon aimée ? - demanda-t-il tout en lui caressant tendrement la joue. Les rayons du soleil jouaient avec l'iris de ses yeux, les rendant translucides. Comme elle était belle et comme il mourrait d'envie de l'embrasser !

- Quand j'ai compris que tu serais ici - répondit-elle d'une voix troublée par l'émotion - j'ai eu si peur que tu commettes l'irréparable !

- Pour être honnête, je n'ai pas pu résister à lui mettre mon poing dans la figure...

- Et ? - s'enquit-elle d'un air inquiet en cherchant Rodolphe autour d'eux.

- Et rien de plus... Je l'ai regardé et je n'ai vu qu'un être pitoyable pour lequel je n'éprouvais que mépris. Je n'avais pas envie d'être atteint par sa souillure. Je me suis donc principalement assuré qu'il partait bel et bien, et qu'il avait bien compris qu'il ne devait plus jamais revenir... Il est loin maintenant, mon aimée. N'aie plus aucune crainte...

- Oh, Terry ! - s'écria-t-elle en se blotissant de plus belle dans ses bras - Ne disparais plus ainsi, je t'en prie. J'ai vraiment cru mourir d'angoisse !

- Je ne te quitterai plus jamais, Candy. Nos destins sont liés à tout jamais. Allons, rentrons preparer nos bagages et partons d'ici ! Je veux rentrer en Amérique au plus vite pour faire de toi ma femme !

- Tu ne pouvais pas me faire plus belle proposition ! - fit-elle en souriant malicieusement.

- Mais avant cela, me laisseras-tu ?...

- Quoi ?

- Me laisseras-tu t'embrasser une dernière fois sur le sol britannique, mademoiselle tâches de son ?

Candy fronça les sourcils en attendant ce surnom qu'elle détestait mais ne le repoussa point alors qu'il prenait son joli visage entre ses mains et posait ses lèvres contre les siennes. La chaleur de son souffle l'envahit toute entière et elle répondit à son baiser avec une tendre pudeur, les joues en feu de désir contenu. Dans quelques heures, dans quelques jours, ils seraient libres, loin de toutes entraves. Libres et plus forts à deux, pour l'éternité... Ce que Candy ignorait, c'est qu'elle aurait besoin de toute cette force pour surmonter les nouvelles épreuves qui l'attendaient à son retour...

Fin du chapitre 21

 
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59 replies since 22/11/2011, 18:57   34650 views
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