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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 7/1/2012, 23:14 by: Leia
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Chapitre 5 - 2ème et 3ème partie



Terry se regarda dans le miroir de son cabinet de toilette et réajusta sa cravate. Ayant tout perdu pendant le naufrage, son père lui avait fait parvenir de nouveaux vêtements afin qu’il puisse s’habiller décemment dès que son état le lui permettrait. Cela faisait trois jours qu’il s’était réveillé dans la chambre du South Devon Hospital de Plymouth, et bien que son corps fût encore tout endolori, il se rétablissait doucement. Il n’avait gardé qu’un souvenir partiel de l’accident et ce qu’il retenait de la suite des évènements était issu du récit que lui avait fait le Duc, qu’il tenait à son tour de l’équipage survivant.

Il se rappelait qu’au moment où il avait pénétré dans la chaufferie, il avait été surpris par l’épaisse fumée noire qui l’empêchait de voir distinctement autour de lui. Mais rapidement, les émanations de pétrole en combustion avaient rendu l’air irrespirable, si bien qu’il lui fallait retrouver Cookie au plus vite et s’échapper de là. Il l’avait appelé à plusieurs reprises sans aucune réponse en retour tout en cherchant à tâtons la présence de son ami. L’eau qui s’était infiltrée dans la brèche montait dangereusement et menaçait de provoquer une nouvelle explosion. D’autre part, l’oxygène commençait à lui manquer et la tête lui tournait. S’il ne le retrouvait pas rapidement, il allait certainement perdre conscience et tous les deux périraient dans les flammes ou asphyxiés. Alors qu’il était en train de perdre espoir, il avait senti qu’il butait sur quelque chose. Il s’était baissé, bras tendus, et avait découvert une forme allongée inanimée : Cookie ! Sans plus attendre, il avait entrepris de soulever le corps, mais les forces lui manquaient à cause du manque d’air. La tempête continuait à secouer le bateau dans tous les sens, et l’envoyait cogner brutalement contre les machines et lui faisait perdre l’équilibre. A plusieurs reprises, le choc avait manqué lui faire perdre Cookie, si bien qu’il s’accrochait désespérément à lui car il savait que s’il le lâchait, il serait incapable de le retrouver. Ses poumons lui brulaient douloureusement. Il devait agir vite. Réunissant le peu de force qu’il lui restait, il avait recommencé à traîner Cookie vers la sortie qu’il devinait à peine, loin derrière lui. Il progressait lentement en partie à cause de l’eau qui le freinait, mais surtout à cause de la fumée épaisse qui l’empêchait de respirer. A bout de souffle, les poumons à la limite de l’explosion, il était enfin parvenu à sortir de la fournaise entrainant avec lui son ami, toujours inconscient. Puis, il avait perdu à son tour connaissance et ne s’était réveillé que deux jours plus tard dans cette chambre d’hôpital. On lui avait raconté qu’un bateau canadien avait capté leur message de détresse et était venu à leur rescousse. Il s’était ensuite dirigé vers le port de Plymouth, ville d’Angleterre la plus proche susceptible d’avoir un hôpital. En arrivant aux urgences, Terry avait été enregistré sous le nom de Baker car c’était sous ce pseudonyme que l’équipage le connaissait. C’est en remarquant la chevalière en or qu’il portait à la main droite, que le médecin qui était venu l'examiner, avait deviné qu’il n’avait pas affaire à un marin ordinaire. Il lui avait ôté la bague pour la regarder plus en détail, et avait remarqué des armoiries gravées sur le chaton plat, tandis qu’à l’intérieur, il découvrait une inscription du nom de Grandchester. Il n’avait pas eu de difficulté à faire le lien avec l’aristocratique famille du même nom, très connue et respectée en Angleterre et s’était empressé d’entrer en contact avec le Duc. En apprenant la nouvelle, ce dernier s’était précipité au chevet de son fils, ne quittant sa chambre que pour interroger les médecins sur son état de santé. Dans son malheur, Terry avait eu beaucoup de chance. Le gaz des fumées n’avait que légèrement endommagé ses bronches. Il devait cependant supporter une toux désagréable qui disparaîtrait rapidement mais son état était en rien comparable avec celui du pauvre Cookie, qui souffrait de nombreuses brulures et de plusieurs fractures qui nécessiteraient son immobilisation pendant de longs mois. Cookie allait certainement se languir de ne pas pouvoir repartir en bateau avant un long moment, mais il était vivant, il allait s’en remettre et c’était ce qui importait.

Terry passa la main sur les points qu’on lui avait cousus au dessus de l’arcade sourcilière gauche. A cause des nombreux chocs que son corps avait subi pendant le naufrage, il ne pouvait dire dans quelles conditions il avait eu cette blessure, mais il savait qu’elle lui rappellerait toute sa vie ce tragique évènement. Loin de le défigurer, elle accentuait le mystère qui se dégageait de lui, et il se dit que cela pourrait être un atout pour l’aider dans l’interprétation de rôles plus graves dans le futur. Il n’avait pas l’intention de jouer indéfiniment les jeunes premiers, rôles qu’on avait tendance à lui attribuer facilement. Mais l’épreuve qu’il venait de traverser, éclairait sous un angle nouveau son métier. Il était temps qu’il s’engage dans des personnages plus complexes, et si on ne les lui proposait pas, il ne tiendrait qu’à lui de les créer !

Mais pour l’instant, l’heure n’était pas à s’interroger sur son avenir artistique. Il avait un plus grand souci en tête : Candy. Contrairement à l’exaltation qui l’avait habité depuis leurs retrouvailles sur le port de New-York, il éprouvait à présent un profond sentiment de désolation et d’abattement. Depuis qu’il avait repris ses esprits, une question lancinante le hantait :

Devait-il vraiment la retrouver ? A quoi cela pourrait aboutir, si ce n’est à un drame, tant le côtoyer devenait source de malheurs pour son entourage ? Déjà à Saint-Paul, sa relation avec Candy avait entraîné son enfermement au cachot et son renvoi du collège. Puis Suzanne avait perdu l’usage de ses jambes en essayant de le sauver, et aujourd’hui, Cookie, qui l’avait aidé à quitter l’Amérique, souffrait milles maux dans un lit d’hôpital. Non, il ne voulait pas faire courir ce risque à Candy. Il portait trop malchance à tous ceux qui l’approchaient. Mieux valait pour elle qu’elle restât loin de lui. Il en serait malheureux toute sa vie, mais au moins, elle serait hors de danger.

Il alla s’assoir sur le bord de son lit et plongea son visage dans le creux de ses mains en soupirant. Prendre cette décision lui transperçait le cœur, mais il savait au fond de lui-même que c’était la bonne. Malgré tout, elle restait une des plus douloureuses qu’il ait eue à prendre de toute sa vie.

On toqua à la porte et il releva la tête, la gorge serrée. Son père se tenait debout devant lui. Malgré les années, Terry restait toujours très impressionné par ce dernier qui le regardait sans laisser échapper la moindre émotion. Pourtant, il lui avait semblé distinguer une certaine inquiétude sur son visage quand il s’était réveillé à l’hôpital, démonstration de fragilité qu’il avait rapidement contrôlée et dissimulée dès qu’on l’avait rassuré sur son état. Le jeune homme savait aussi par une infirmière indiscrète que le duc s'était fait aménager une chambre dans l'hôpital pour rester près de lui mais il s’était bien gardé de lui en parler. Il n’était pas surpris de cette absence de communication entre eux. Cela avait toujours été ainsi et il s’y était habitué. Les rares échanges qu’ils avaient eus au cours de sa vie avaient principalement tourné autour de son éducation. Quant à la dernière conversation qu’ils avaient eue quelques années auparavant, elle s’était particulièrement mal terminée puisqu’elle concernait sa décision de renoncer au nom des Grandchester.

- Tu peux renier tes origines, Terrence, mais quoi que tu fasses, tu resteras un Grandchester ! – s’était écrié le duc en tapant rageusement du poing sur son bureau en bois précieux - Mon sang coule dans tes veines que tu le veuilles ou non, un sang noble, héritage de guerriers courageux et valeureux à l’esprit chevaleresque, qui ont bâti la réputation de notre famille ! Nos ancêtres doivent être en train de se retourner dans leur tombe !
- Est-ce donc cela qui vous importe, père ? La réputation de la famille alors que vous n’avez jamais rien fait pour me donner, ne serait-ce l’illusion, que j’en faisais partie ?
- Je t’ai donné un nom, une éducation…
- En effet, mais au fond de votre cœur, je suis toujours resté à vos yeux votre enfant illégitime, votre bâtard, que vous avez pourtant arraché à sa mère !!!
- Tu n’en restais pas moins mon fils, Terrence… Tu devais venir vivre avec moi. Contrairement à ce que tu penses, ce ne fut pas une décision aisée à prendre, crois-moi…
- Cela fait longtemps que je ne crois rien de vous père, ni que j’attends quoi que ce soit… Je vous ai appelé désespérément à l’aide un jour. Ce fut la seule et unique fois, et par votre refus, ma vie s’en est trouvée bouleversée à jamais… J’aurais pu tout vous pardonner, père, mais pas d’avoir abandonné votre fils alors qu’il vous suppliait de le secourir. Un seul geste de vous et vous auriez pu, à tout jamais, donner un tout autre sens à mon existence. Du sang bleu coule dans nos veines, nous portons tous deux le nom de Grandchester, mais cela n’a pas pour autant fait de vous un bon père. Alors, je vous en prie, ne me demandez pas d’avoir un soupçon de reconnaissance envers cette famille qui ne représente rien pour moi, si ce n’est du mépris pour ces conventions d’un autre temps. Adieu !

Terry s’en était allé sans se retourner, bien déterminé à oublier tout ce qui le reliait à sa famille. Il avait pris le nom de Graham, son deuxième prénom, et jeté aux oubliettes le patronyme de Grandchester. Depuis ce jour, il n’avait plus donné signe de vie à son père, ni même songé à lui rendre visite, convaincu que la prochaine fois qu’ils se rencontreraient, ce serait pour les funérailles de l’un d’eux. Mais à présent qu’ils se tenaient une nouvelle fois face à face, il se demanda ce que le destin avait en tête le concernant, pour avoir si vaillamment forcé ces retrouvailles. Elles manquaient cruellement d’enthousiasme en effet, mais ce qu’il avait lu brièvement à son réveil dans le regard de son père, laissait à penser à que ce dernier pouvait peut-être éprouver de l’affection pour son fils. En le regardant, Terry eut pour la première fois l’impression que son cœur se réchauffait et une étrange sensation, à la fois étonnante et déstabilisante, l’envahit.

- Je suis venu te chercher, Terrence. Es-tu prêt ?

Terry acquiesça, prenant sa veste qui se trouvait sur le bord du lit et la faisant basculer sur son épaule. Le médecin l’avait autorisé à quitter l’hôpital mais il devait rester quelques jours dans la demeure familiale afin de se rétablir définitivement. Il s’était bien gardé de dire à son père qu’il avait l’intention de repartir en Amérique dès le lendemain.

- Je souhaiterais rendre visite à Cookie avant de partir, si vous le permettez, Père.
- Bien entendu. Je t’accompagne à sa chambre. Elle est au fond du couloir.

Les deux hommes longèrent silencieusement le hall et ne se séparèrent qu’à l’entrée de la chambre du jeune marin. Une infirmière, d’allure voluptueuse, était en train de finir de nouer ses bandages et se redressa en souriant en apercevant le séduisant et élégant jeune homme qui entrait dans la pièce.

- Oh monsieur Grandchester ! Prêt pour le départ ?
- Comme vous le voyez, mademoiselle…
- Quelle tristesse de nous quitter si rapidement ! J’aurais très bien pu prendre soin de vous. Vous allez nous manquer !... – fit-elle en lui adressant un regard langoureux des plus éloquents.

Embarrassé, Terry bredouilla quelques mots de remerciements et baissa les yeux quand elle le frôla de sa démarche chaloupée, pour repartir vers un autre malade. Une fois éloignée, il soupira de soulagement et courut s’assoir à côté de son ami qui gloussait de rire en grimaçant de douleur. Une jambe et un bras emprisonnés dans un plâtre, la moitié du corps enveloppée de bandages, il ressemblait à une momie au milieu de confortables oreillers. Mais l’œil malicieux qui brillait sous les pansements rassura Terry sur son état moral.

- J’ai bien cru qu’elle allait te sauter dessus, canaille ! Heureusement que j’étais là !…
- Je ne voudrais pas paraître présomptueux, mon pauvre Cookie, mais je crois que tu n’aurais pas été d’un grand secours pour moi – répondit Terry avec un sourire moqueur.
- Détrompe-toi ! J’ai conservé une puissante voix !

A ces mots, il s’essaya à quelques braillements qui n’eurent pour effet que de le faire tousser violemment. Il gémit de douleur sous les assauts saccadés de sa toux sur son corps meurtri.

- Je crois qu’il faudra que tu modères ton enthousiasme pendant un certain temps, mon ami - fit Terry en essayant de dédramatiser la situation. Il découvrait horrifié la gravité de l’état de Cookie et réalisa qu’il lui faudrait bien des mois pour se remettre de ses blessures. Il n’avait pas idée de l’état de ses brûlures, mais il comptait le remettre entre les mains des meilleurs spécialistes avant son départ. Un voile de tristesse passa devant ses yeux, et il baissa la tête pour dissimuler son émoi. Il ne voulait pas que Cookie lise dans son regard son inquiétude.
- Fichue toux qui me laboure les poumons !!! – s’écria le jeune blessé entre deux quintes - Les docteurs disent que j’ai eu de la chance, que j’aurais pu mourir asphyxié ou finir ma vie dans un sanatorium. Je veux bien les croire, mais quand elle s’empare de moi, j’ai l’impression qu’on veut m’arracher la poitrine !
- Cela passera avec le temps. Tes bronches ont été endommagées par les gaz toxiques et ont besoin de se reconstituer. Mais cela ne se fera pas en quelques jours. Tu devras être patient.
- Oui, je sais... Des jours et des semaines de patience… - soupira-t-il.
- Tu vas te rétablir peu à peu et les progrès que tu feras t’aideront durant cette longue attente…
- Mais comment vais-je faire immobilisé dans ce lit, Terry ? Sans bateau, sans la mer tout autour de moi ???
- Tu t’y habitueras par la force des choses. Tu n’as pas d’autres choix que de guérir, et cela demande du temps. Mais je ne me fais pas de souci pour toi. Je m’assurerai que les infirmières soient aux petits soins avec toi !
- Haha !!! Dès que tu seras parti, elles n’auront d’yeux que pour moi ! Je suis pas mal, moi non plus, dans mon genre !
- C’est vrai que tu as encore de beaux restes ! – répondit Terry en riant.
- Tu ne crois pas si bien dire ! Un corps d’athlète se cache sous tous ces bandages !
- Hahaha !!! Sacré Cookie ! Je crois bien qu’elles ne vont pas s’ennuyer avec toi ! Je suis heureux que tu gardes le moral.

Cookie se contenta d’opiner silencieusement et sourit tristement. A quoi bon s’étendre sur ses angoisses et ses craintes, sur l’avenir incertain qui s’ouvrait à lui ? Il espérait que sa convalescence lui mettrait du plomb dans la cervelle car il payait très cher le risque inconsidéré qu’il avait pris en se jetant dans la fournaise alors que le dernier machiniste, comprenant la gravité de la situation, avait fui son poste. Il regrettait amèrement son inconscience qui le clouait sur un lit d’hôpital pour un long moment. Il était souvent parti du principe que les erreurs formaient la jeunesse, et il s’en voulait de l’avoir appliqué une fois de trop. Il ne lui restait plus qu’à prendre son mal en patience, qualité qui lui était totalement inconnue et qu’il devrait apprivoiser s’il voulait rendre ces prochains mois supportables. Il regrettait que Terry l’abandonne déjà, mais il savait qu’il ne serait pas seul car ses compagnons d’infortune, coincés à quai en attendant de trouver du travail sur un autre bateau, venaient lui rendre visite régulièrement. Par chance, il n’y avait pas eu de victimes. Terry et lui étaient les seuls blessés du naufrage, et il n’avait de cesse de remercier le ciel de les avoir tous épargnés. Apaisé, il posa les yeux sur son ami qui, les mains croisées ballantes entre ses genoux, regardait d’un air rêveur vers la fenêtre.

- Tu es pressé de la retrouver, n’est-ce pas ? – demanda-t-il sur le ton de la bagatelle.

Terry baissa la tête, hésita un instant puis répondit tristement :

- J’ai décidé d’arrêter de la chercher. Je repars en Amérique…
- Quoi ???? Mais tu as perdu la tête ???
- Au contraire, j’ai eu trois jours pour réfléchir à tout cela. Je ne peux pas… Je… Je sais que si elle partage ma vie quelque chose de terrible lui arrivera. Chaque personne qui m’a approché a regretté par la suite de m’avoir rencontré. Je suis un oiseau de mauvais augure, je porte incontestablement malheur, et je veux lui éviter cela. Je ne pourrais pas supporter de la faire souffrir.

Bien qu’immobilisé, Cookie remuait dans son lit comme un possédé.

- Je crois bien que je n’ai jamais entendu de telles âneries de ma vie !!! Mais qu’est-ce qui te fait croire que tu attires le malheur ???
- De nombreux évènements au cours de mon existence me l’ont confirmé. Et aujourd’hui encore, te voir blessé dans ce lit m’en apporte la preuve édifiante. Si je n’avais pas été sur ce bateau, il n’y aurait certainement pas eu d’incendie et tu n’aurais pas été accidenté.
- Attends… Si je comprends bien, tu t’es imaginé que, par je ne sais quel pouvoir surnaturel en ta possession, tu pouvais attirer une tempête capable de faire chavirer un bateau et de faire exploser la chaufferie. C’est bien ça ???
- O… Oui… Enfin, en quelque sorte… - bredouilla le jeune anglais qui réalisait le grotesque de sa pensée.
- Dans ce cas, « Jésus-Christ, mon sauveur », applique tout de suite tes mains sur mon corps car je suis certain de guérir à l’instant !
- Ne te moque pas de moi…
- Mais qui se moque de l’autre ici ??? Comment as-tu pu te convaincre de quelque chose d’aussi ridicule alors que… alors que si tu n’avais pas été là sur ce bateau, je ne serais pas en face de toi en train de te sermonner ! Que tu sois là ou pas, cet accident aurait eu lieu, mais sans toi, je serais bel et bien mort, en train de servir de nourriture aux petits poissons de notre bleu océan ! Tu as risqué ta vie pour moi Terry, et tu m’as sauvé. Je ne pourrai jamais assez te remercier pour cela. Je ne suis peut-être pas très en forme pour l’instant, mais je vais récupérer et bientôt, je pourrai inviter au bal une de ces jolies infirmières, et ceci, grâce à toi ! Alors cesse de te mettre en tête des choses qui n’existent pas et cours la retrouver, malheureux !!!!
- Je… Je ne sais pas si…
- Faut-il que je te mette à la porte d’un coup de pied dans ton illustre postérieur, espèce de grosse bourrique écossaise ??? Va, cours, vole à Venise ! Retrouve-là et reviens-moi le plus heureux des hommes !
- Cookie, je…
- Shuuut ! Plus un mot ! Laisse-moi à présent. Tu m'as épuisé avec tes bêtises ! J’ai grand besoin de repos avec toutes les émotions que tu viens de me faire vivre. Je veux me réveiller en te sachant loin d’ici, en route pour l’Italie. Promets-le-moi !
- Je te le promets, Cookie...

Cookie ferma les yeux et s'assoupit immédiatement, un sourire rêveur au coin des lèvres. Un peu décontenancé, troublé, Tery se leva et sortit de la chambre. Il sursauta en découvrant son père qui l’attendait dans le couloir obscur, adossé contre le mur. Ce dernier se redressa et s'approcha de lui, l’observant d’un air grave.

- Je pense que le chemin vers Londres ne sera pas de trop long car nous avons beaucoup de choses à nous dire, mon fils. Vraiment beaucoup de choses…


*************************




- Tu n’as pas l’air bien Patty. Tu es sûre que ça va ? – demanda Candy à son amie alors qu’elles buvaient une infusion, confortablement installées sur une des banquettes du wagon bar.
- Je ne sais pas trop… Depuis la fin du repas, je ne me sens pas très bien, comme barbouillée. Cela doit être le voyage en train qui m’a rendue malade. Je dois avoir besoin de marcher, de respirer. Malgré les quelques arrêts que nous avons fait, ces deux jours m’ont paru étouffants.
- Encore une nuit de patience et nous serons à destination. Tu iras bien mieux demain matin en découvrant Venise.
- Cela doit être magique ! Ne dit-on pas « Voir Venise et mourir » ?
- Si on le dit, cela doit être vrai. Mais je n’ai pas envie de mourir tout de suite ! – fit Candy en gloussant de rire.
- Haha ! Non, moi non plus ! De belles choses à vivre t’attendent encore, notamment ces retrouvailles avec un bel aristocrate anglais…

Candy sourit en rougissant. Elle tourna la tête vers un couple qui valsait non loin d’elles à côté du piano et se dit qu’un jour prochain, elle danserait elle aussi aux bras de Terry. Dieu qu’il lui manquait depuis qu’elle l’avait revu !!! Plus les jours s’écoulaient, plus cette attente devenait difficile à vivre. Paradoxalement, elle se sentait en état de béatitude constante et appréciait cette euphorie qui rendait légère son existence. Cela apportait une saveur épicée aux retrouvailles qu’elle rêvait dans son sommeil, et elle s’étonnait en rougissant de plus belle de la fécondité de son imagination.

Autour d’elles, les serveurs terminaient de débarrasser les tables et les dressaient pour le lendemain. Le bruit des verres en cristal qui s’entrechoquaient entre leurs mains habiles avec en musique de fond, la douce ballade qu’on jouait au piano, berçait les deux jeunes femmes dont les yeux commençaient à se fermer. Elles savaient qu’elles auraient pu rejoindre la petite fête qui était organisée dans la voiture suivante pour l’anniversaire d’une des passagères, mais les bâillements de Patty encouragèrent leur retour vers leur cabine. Elles longèrent le long couloir d’acajou et palissandre qui traversait plusieurs wagons bleutés, puis poussèrent la porte de leur suite. L’organisation de celle-ci était assez ingénieuse. Elle était composée de deux cabines doubles communicantes, permettant ainsi de doubler l’espace et de disposer dans la première cabine d’un petit salon avec banquette Pullman, table et tabouret, l’autre cabine étant transformée en chambre avec deux lits superposés pour la nuit. Véritable écrin, parée de fines marqueteries et de laitons étincelants, elle était équipée d’un lavabo avec eau chaude et froide, serviettes et nécessaire de toilette. Une sonnette permettait d’appeler le steward disponible nuit et jour. Quant aux WC, ils étaient situés à l’extrémité de chaque voiture-lit.

Les deux amies ne tardèrent pas à se coucher et à s’endormir rapidement. Mais au milieu de la nuit, alors que Candy dormait profondément, elle fut réveillée par d’étranges gémissements qui semblaient provenir de la couchette inférieure. Elle alluma sa veilleuse, passa la tête par-dessus le lit et aperçut Patty, couchée en chien de fusil, le visage crispé, qui se tenait douloureusement le ventre.

- Qu’est-ce qui t’arrive Patty ??? Cela ne va pas ??? – s’écria-t-elle en sautant de sa couche.
- Oh Candy, j’ai si mal, si mal !...
- Laisse-moi voir s’il te plait – dit-elle en passant la main sur la zone douloureuse qui eut pour effet, au simple contact, de faire hurler Patty.
- Ne t’inquiète pas. Je pense savoir ce que tu as… – fit-elle tout en tirant nerveusement sur la sonnette pour alerter le steward, qui arriva quelques minutes plus tard.
- Mesdemoiselles, que puis-je pour vous ? – demanda-t-il en baillant tout en fourrant maladroitement le fond de sa chemise dans son pantalon.
- Je vous en prie, trouvez-nous un docteur ! Je crois que mon amie a une crise d’appendicite !!!

Le visage alarmé de Candy eut pour effet immédiat de sortir de sa torpeur le jeune homme, qui lui répondit :

- Il y a un médecin anglais dans la voiture précédente. Je cours le chercher !
- Faites-vite, je vous en prie ! – s’écria-t-elle dans un trémolo tandis que Patty gémissait de plus belle.

Elle alla tremper une serviette de toilette au lavabo et la posa sur le front fiévreux de son amie. Le docteur arriva quelques instants plus tard, en tenue de nuit, et mallette à la main. Il examina Patty rapidement et confirma le diagnostic de Candy.

- Cela semble très enflammé. Il faut l’opérer au plus vite si on ne veut pas risquer une péritonite ! Malheureusement, je n’ai pas les ustensiles qu’il faut avec moi.

Visiblement soucieux, il se passait la main sur le front en déambulant dans la chambre.

- Quelle est la ville la plus proche ? – demanda-t-il soudain au steward qui restait tétanisé dans l’encadrement de la porte.
- Nous devrions arriver en gare de Vérone dans un peu plus d’une heure, monsieur…
- Dans ce cas, arrangez-vous pour prévenir l’hôpital de la ville pour que quelqu’un nous attende à la gare avec une ambulance. Demandez-leur aussi de préparer le bloc opératoire. Chaque minute compte !!!

Le steward opina et courut envoyer le télégramme. Quelques minutes plus tard, le directeur du train, qui s’était manifestement rhabillé à la hâte, fit son apparition. Il les informa que le message avait bel et bien été envoyé au chef de gare de Vérone afin qu’il transmette à son tour l’information. Il tenta autant que ce peut de les rassurer bien qu’il n’en menait pas large de son côté. Ce n’était pas la première fois qu’il avait un passager malade dans le train, mais c’était toujours pour lui une expérience angoissante, d’autant plus quand ce genre de situation pouvait devenir dramatique.

Le médecin tentait de réconforter Patty et de la rassurer. Il lui fit boire un médicament qui était supposé calmer sa douleur, mais cela entraîna des vomissements qui la firent souffrir de plus belle. De son côté, Candy s’était rapidement habillée et réunissait, d’une main tremblante, l’ensemble de leurs affaires car elle était consciente qu’elles ne repartiraient pas avec l’Orient-Express et que leur escale à Vérone serait plus longue que prévue. Quand elle eut finit de faire leurs valises, elle s’assit à côté de son amie, lui prit la main, et essaya de la rassurer du mieux qu’elle pouvait. Mais il n’était pas aisé de calmer quelqu’un qui souffrait, et c’est avec un immense soulagement qu’elle accueillit les cris stridents du train entrant en gare. Elle regarda par la fenêtre et aperçut l’ambulance qui les attendait en retrait du quai. Deux infirmiers en sortirent et pénétrèrent dans le wagon, munis d’une civière. On y installa Patty le plus délicatement possible et on la transporta dans l’ambulance. Candy se saisit de son sac à main qui contenait tous leurs papiers personnels et entreprit de les suivre. Au dernier moment, elle se retourna vers le steward qui, devant son trouble, la rassura immédiatement :

- Ne vous inquiétez pas mademoiselle. Vous pouvez partir sans crainte. Je m’occupe de tout. Bonne chance pour votre amie !

Candy le remercia d’une poignée de main chaleureuse et se précipita vers l’ambulance. Le médecin qui avait ausculté Patty se trouvait avec eux et leur donnait ses dernières recommandations, dans un italien approximatif mais qui suffit à le faire comprendre. Puis il leur expliqua que Candy, qui ne parlait malheureusement pas un mot d’italien, était amie avec la patiente et qu’ils devaient la laisser partir avec eux. Ceci fait, il salua la jeune américaine, usant de toute la courtoisie britannique qui le caractérisait, puis retourna vers son train, qui déjà crachait des nuages de vapeur, signes d’un départ imminent. Candy prit place à l’arrière de l’ambulance, serrant la main de Patty qui se tordait de douleur. Les portes se refermèrent sur elles en claquant et le véhicule démarra, traversant en trombe les rues désertes de Vérone, toutes sirènes hurlantes dans le silence de la nuit….

Fin de la troisième partie du chapitre 5



Edited by Leia - 19/6/2015, 14:16
 
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