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Lettres à Juliette, (sans rapport avec une autre fanfic du nom de "les lettres à Juliette"...)

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Leia
view post Posted on 8/10/2012, 10:06 by: Leia
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Chapitre 6
Première et deuxième partie



Quand Patty s’éveilla, il faisait grand jour dans la chambre de l’hôpital militaire de Vérone. Candy, assise à côté d’elle, se redressa et ferma avec un claquement sec le livre dans lequel elle était plongée.

- Candy ?... – fit Patty en tendant faiblement la main dans sa direction.
- Je suis là, mon amie – répondit-elle en la lui prenant - Sois tranquille. Tout va bien maintenant. Repose-toi, c’est la seule chose que tu es autorisée à faire…
- Que… Que m’est-il arrivé ? J… Je me souviens d’avoir éprouvé une douleur atroce au ventre dans la nuit, puis il m’a semblé entendre une sirène d’ambulance. Mais j’ai du mal à me souvenir de ce qui s'est passé ensuite…
- Ah Patty ! Tu peux dire que tu m’as fichue une sacrée frousse !!! – fit Candy en gloussant nerveusement – Tu as eu une crise d’appendicite fulgurante ! Il fallait t'opérer d’urgence ! Alors, nous avons dû faire arrêter le train à Vérone car c’était la ville la plus proche qui disposait d’un hôpital. Tu as été opérée dans la nuit. Le chirurgien m’a confié par la suite que si on avait attendu un peu plus, tu aurais pu mourir d’une péritonite ! Tu as eu beaucoup de chance ! Un vrai miracle, si bien que j’en suis à allumer mon dixième cierge à la chapelle de l’hôpital !...
- C’est le curé qui doit être content de cette manne providentielle – fit remarquer Patty sur le ton de la plaisanterie. Malgré sa faiblesse, elle retrouvait sa drôlerie impertinente et cela ravit Candy.
- Peut-être bien ! Et je suis même toute disposée à en acheter des caisses entières en guise de remerciements ! – répliqua alors la jeune blonde en riant. Quelques secondes plus tard, prenant un air grave, elle ajouta, la voix tremblotante :
- Tu sais Patty, j’ai eu très peur, vraiment très peur de te perdre !... Tous les gens que j’ai aimés dans ma vie m’ont été enlevés, et j’ai bien cru, une fois encore, que cela allait se produire. Je suis tellement soulagée, si tu savais !

Une larme brulante vint s’écraser lourdement sur sa joue, et les yeux de Patty se mouillèrent en retour. Elle prit la main de Candy et la serra aussi fort qu'elle le pouvait. La gorge nouée par l’émotion, s’efforçant de maîtriser son trouble, elle parvint à prononcer :

- Tsss, tssss ! Bien essayé mais tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement, ma chère ! J’en ai vu d’autres, et n’aie pas de faux espoirs : je ne suis pas prête de te laisser tomber. Je vais tellement rester collée à toi que tu finiras par ne plus me supporter !
- Tu es vraiment impitoyable avec moi ! - fit Candy en riant tout en essuyant sa larme – Mais je veux bien tenter l’expérience.

Ces effusions mélodramatiques furent de courte durée, abrégées par un cognement bref à la porte de la chambre suivi de l’irruption d’un homme en blouse blanche que Candy reconnut tout de suite. C’était Alessandro Biazinni, le chirurgien qui avait opéré Patty.

- Mesdemoiselles, bonjour ! – fit-il en les saluant avec assurance.

Agé d’une trentaine d’années, ce grand brun élancé aux cheveux bouclés semblait bien différent du souvenir qu’en avait gardé Candy. Cette nuit là, trop préoccupée par l’état de son amie, elle n’avait pas du tout remarqué à quel point il était séduisant. Mais à présent qu’elle avait les idées claires, elle s’empressa de faire passer discrètement ses lunettes à Patty, laquelle, après les avoir chaussées, ne put que constater avec force, l’évidence. Troublée, elle sentit ses joues s’empourprer et ses lunettes se recouvrirent de buée. Le chirurgien se divertit intérieurement de la petite comédie qui se jouait devant lui mais ne laissa rien paraître. Il prit un document qui était suspendu au bout du lit et demanda, arquant du sourcil, dans un anglais presque parfait :

- Comment vous sentez-vous à présent, mademoiselle O’ Brien ? Je note que vous n’avez pas de fièvre, ce qui est très bon signe. Est-ce que vous avez mal ?
- Cela me tire un peu, mais c’est supportable. – bredouilla Patty, éprouvant de plus en plus de difficultés à dissimuler son trouble. Il avait d’autant plus un léger accent italien des plus charmants…
- Je vais vous prescrire quelques calmants supplémentaires que vous prendrez si nécessaire. Surtout reposez-vous et ne tentez pas de vous lever. Vous avez frôlé le pire cette nuit, alors il faut faire très attention à vous.
- Soyez sans crainte, docteur – répondit Patty en tournant la tête vers Candy – Mon amie à côté de moi est la personne toute indiquée pour veiller sur moi !
- Je suis infirmière… - précisa Candy en souriant devant l’air interrogatif du médecin.
- Intéressant, intéressant… – répondit le chirurgien en reposant la courbe de température sur le cadre du lit – Les infirmières américaines sont visiblement plus distinguées que je ne le croyais !...
- Ne vous fiez pas aux apparences, docteur ! – s’écria Candy en riant tout en admettant intérieurement que la robe haute-couture qu’elle portait tranchait indiscutablement avec la nature de sa profession – Je porte très bien l’uniforme, vous savez, et je lui fais honneur depuis une dizaine d’années déjà.
- Je vais donc être soumis à un contrôle rigoureux de votre part ? – fit-il, l’œil pétillant de malice.
- Vous pouvez en être certain ! Je souhaite ce qu’il y a de mieux pour ma chère Patricia !
- Dans ce cas, vous n’avez aucun souci à vous faire. Je porterai un soin tout particulier à votre amie… - dit-il en adressant un regard des plus éloquents à sa patiente qui sentit ses joues s’enflammer alors qu’il s’approchait d’elle pour contrôler le goutte-à-goutte qui était suspendu à côté de son lit. Il inclina la tête dans sa direction et lui dit sur un ton des plus solennels :
- Mademoiselle O’ Brien, vous devrez attendre le repas de ce soir pour manger. D’ici là, il vous est autorisé de boire, mais par petites gorgées. Votre corps doit d’abord éliminer les derniers effets de l’anesthésie.
- Bien entendu, docteur. Je suivrai à la lettre vos conseils – bredouilla-t-elle.
- A la bonne heure ! Si tous mes patients étaient aussi obéissants que vous l’êtes, mes journées seraient beaucoup plus reposantes !

Patty haussa les épaules en rougissant de plus belle et baissa la tête pour cacher son émoi. Un sourire amusé se dessina sur le visage du médecin qui ajouta, assenant le coup de grâce à la jeune malade :

- Je vois que vous reprenez des couleurs ! C’est très encourageant !

Patty devint alors écarlate, tentant vainement de s’enfoncer dans son lit pour se dérober au regard espiègle qu’il lui adressait. Le médecin émit un rire étouffé et se dirigea vers la porte. Parvenu sous le chambranle, il se retourna une dernière fois, décochant un sourire ravageur qui la décontenança complètement.

- Votre compagnie est bien agréable mesdemoiselles, mais je suis dans l’obligation de vous dire à plus tard. D’autres malades m’attendent et malheureusement, bien moins charmants que vous. Je repasserai à la fin de mon service pour m’assurer que tout va bien. Laissez-moi vous souhaiter d’ici là une bonne journée !

Sur ce, il les salua toutes deux et disparut. Médusées, Patty et Candy n’échangèrent aucun mot pendant quelques secondes. Cette dernière prit finalement l’initiative de briser le silence et se pencha vers son amie qui se mit à glousser en découvrant son air mutin.

- Je sais ce que tu vas me dire et je suis tout à fait d’accord avec toi. Il est i-rré-sis-ti-ble !!!

****************



Appuyé contre la barrière du vaporetto qui remontait le Grand Canal de Venise, Terry, les cheveux balayés par l’air marin, restait songeur. Les façades baroques de la cité des Doges resplendissaient encore de la lumière ocre de cette fin d’après-midi estivale. Il bénéficiait de quelques heures avant que la nuit tombe et cela le réconforta d’avoir suffisamment de temps devant lui pour trouver son chemin dans les ruelles étroites et sombres de la ville. Il déplia une nouvelle fois le morceau de papier sur lequel son père avait inscrit l’adresse où il devait se rendre : Palais Contarini Fasan, rue du Minotto.

- Le comte Contarini est un ami de longue date. Il t’accueillera avec grand plaisir. – lui avait-il dit en griffonnant l’adresse sur le bout de papier – Tu seras tout à ton aise pour te lancer dans la recherche de « qui-tu-sais ». Mais j’espère que la première chose que tu feras quand tu l’auras retrouvée, sera de venir me la présenter…
- N’ayez crainte, Père – avait répondu Terry en prenant d’une main tremblante le mot qu’il lui tendait - J’en serais très honoré et vous serez notre première halte avant notre retour à New-York.

Le Duc avait opiné en souriant de satisfaction. A travers ses yeux plissés de joie, il observait son fils qui affichait un visage mêlé d’angoisse et d’excitation. Ils venaient d’atterrir depuis quelques minutes sur le terrain vague qui servait d’aéroport de fortune à la ville de Venise. Comme la plupart des villes de cette époque, elle ne disposait que d’un simple champ à l’écart de l’agglomération pour accueillir, en ces temps d’aviation balbutiante, les quelques aéroplanes qui venaient s’y poser. Evidemment, il n’y avait pas vraiment de service de transport pour revenir en ville, et le jeune homme s’était trouvé bien chanceux qu’un des rares mécanos du site, sur le point de rentrer chez lui, lui proposât de le transporter jusqu’à l’entrée de la cité.

Il était à quelques heures de retrouver la femme qu’il aimait et cette perspective ramenait son père presque trente ans en arrière, à l’époque où il était lui aussi amoureux fou d’une jeune femme extraordinaire, à laquelle il avait stupidement renoncé par excès d’orgueil et souci des convenances. Il ignorait à ce moment là, qu’il souffrirait toute sa vie durant, de la plaie béante qu’avait laissée cette rupture, que cette blessure secrète qu’il avait dû taire transformerait l’être enthousiaste et épris de liberté qu’il était, en un homme sombre et aigri, cruel et impitoyable. Le bonheur de son fils le renvoyait vers ses propres échecs car il aurait pu connaître ce sentiment d’extase s’il avait été plus courageux. Mais tout cela à présent faisait parti d’un passé révolu. Une page se tournait avec l’avenir radieux qui s’annonçait pour son fils, et une chaleur réconfortante avait envahi son cœur blessé.

Terrence lui avait proposé de l’accompagner mais il avait refusé sous le faux prétexte que son avion avait besoin d’une bonne inspection avant de repartir le lendemain. En vérité, il ne voulait pas par sa présence perturber un peu plus l’état de fébrilité dans lequel son fils se trouvait. C’était à lui de prendre son destin en mains. Il lui avait prouvé depuis des années combien il en était capable, mais il constatait, par sa propre expérience, mais aussi en le regardant, que de trop aimer une femme pouvait vous rendre aussi faible qu’un petit enfant. C’est pourquoi, il ne voulait pas le déranger dans sa quête. Il voulait lui laisser le choix de ses décisions et de ses actions. Terry était un homme à présent. Il avait acquis une expérience de l’existence beaucoup plus mature que la sienne qu’il avait entretenue sous les lambris dorés d’un ministère. Plutôt que de lui donner des leçons, il avait tout à apprendre de lui, et bien que regrettant cette paradoxale situation, il éprouva un sentiment de fierté devant sa noblesse d’âme et sa bravoure qui faisaient honneur au nom des Grandchester. Il avait toujours soupiré devant la médiocrité de sa progéniture légitime : un fils paresseux et incompétent dans tout ce qu’il entreprenait, et une fille dont la bêtise égalait le peu de charme que la nature lui avait octroyé. Terry relevait le niveau sur tous les plans, et une nouvelle fois, la piqure du remord vint se planter dans son cœur. Il espérait qu’avec le temps, son fils arriverait à lui pardonner son attitude envers lui, même s’il savait qu’il ne pourrait se pardonner à lui-même tout ce qu’il lui avait fait subir. Il avait trop fait de mal, en toute conscience. Il ne pouvait malheureusement revenir en arrière mais à présent que leurs relations s’étaient assainies et prenaient un nouveau tournant, il était déterminé à ce que le fils soit à son tour fier du père. La tâche serait ardue mais il était bien décidé à faire tout son possible pour réparer ses erreurs du passé, à commencer par ne pas intervenir dans sa vie privée.

Au moment de la séparation, ils s’étaient serrés en une étreinte pudique mais empreinte d’une tendre affection qui les avait laissés muets d’émotion. Puis Terry s’était engouffré dans la fiat 509 du mécano qui avait démarré en pétaradant, soulevant sur son passage un nuage épais de poussière qui dissimula rapidement l’automobile à la vue de Richard Grandchester, dont le regard se perdait à l’horizon, le cœur gonflé d’espoir.

Sur la terre ferme, Terry n’eut pas trop de difficultés à trouver son chemin. Malgré un italien des plus rudimentaires, il parvint grâce à l’adresse sur le papier et moult gestuelle, à se faire indiquer le palais du comte Contarini, une étroite bâtisse à deux étages de style gothique flamboyant, construite au milieu du XVème siècle sur le bord du Grand Canal, juste en face de la célèbre basilique de la Madonna della Salute. Tout en toquant à la porte, il releva la tête pour admirer les magnifiques balcons en marbre aux motifs de roues ajourés qui donnaient une identité toute particulière à l’édifice. Quelques instants plus tard, la porte s’ouvrit et la tête austère d’un domestique apparut dans l’entrebâillement.

- Monsieur ?
- Mon nom est Terrence Grandchester – s’annonça Terry en saluant d’un signe de tête l’homme qui se trouvait devant lui - Mon père, le Duc de Grandchester, m’envoie présenter mes hommages au comte Contarini. Pouvez-vous l’informer de ma présence ?

Le domestique resta silencieux pendant un moment, occupé à dévisager le jeune anglais de pied en cap.

- Un moment s'il vous plait… - laissa-t-il finalement échapper, indifférent à l’impatience manifeste de son interlocuteur. Puis il referma la porte au nez du jeune homme, stupéfait. Ce dernier était sur le point de repartir quand la porte s’ouvrit de nouveau, cette fois tout en grand.
- Lord Grandchester, je vous prie d’entrer. Le comte vous attend.

Terry pénétra dans le vestibule qu’il trouva bien sombre et surchargé de trophées de chasse. Sur le côté, un escalier en bois de chêne menait aux étages supérieurs. C'était là que se trouvaient les pièces à vivre, le rez-de-chaussée étant par trop sujet aux inondations. L’homme qui semblait être le majordome invita Terry à le suivre jusqu’au premier étage. Plusieurs portes donnaient sur le palier carrelé de rouge et de noir. Le majordome alla frapper à celle qui se tenait le plus à droite. Une voix répondit, à demi étouffée par la cloison qui les séparait. Le domestique ouvrit la porte et d’un signe de la main, proposa à Terry d’entrer. C’était une pièce de taille moyenne, baignée par la lumière du soleil qui traversait glorieusement les fenêtres en forme d’ogives de la façade. Un peu reculé dans l’ombre, un vieil homme aux cheveux mi-longs, blancs et bouclés, vêtu d’une robe de chambre, était assis devant l’une des fenêtres, et observait, muni d’une lunette posée sur un trépied, les allées et venues des gondoles et des bateaux sur le canal.

- Vous me surprenez en plein divertissement, jeune homme – fit-il sans quitter son poste d’observation – Le trafic sur le canal est une vraie Comedia dell' Arte. C’est une source de grand amusement pour moi. Vous devriez voir ces deux gondoliers s’invectiver après avoir manqué entrer en collision - poursuivit-il, son corps rabougri secoué de rires.

Finalement, il repoussa sa lunette, quitta son siège et s’approcha de Terrence qui se tenait debout, immobile.

- Comme c’est étrange !... – dit-il en postant son visage ridé tout contre celui du jeune homme – Vous êtes un subtil mélange de votre père et de votre mère…
- Vous la connaissez ? – répliqua instantanément Terry, regrettant immédiatement son audace.
- En effet, jeune homme, et je puis vous confier qu'il fut un temps où j’étais moi aussi sur les rangs pour séduire la divine créature qu’elle était. Mais le charme britannique s’est montré plus convaincant… ou plus chanceux. J’opterais pour la seconde hypothèse.

Terry retint une moue dubitative devant la vantardise du vieux bonhomme, dont l’allure évoquait plutôt l’Avare de Molière que Rodrigue de Corneille. Mais l’œil pétillant de malice qu’il lui renvoyait ne pouvait mettre en doute l’être charmeur qu’il avait dû être dans sa jeunesse. Il chercha du regard sur les tableaux accrochés aux murs ce jeune visage qu’il aurait pu reconnaître et s’arrêta, surpris, sur un buste de marbre noir qui trônait au fond de la pièce, sur une commode, entre deux faisans empaillés.

- Shakespeare ? – demanda-t-il en faisant un pas vers la sculpture.
- Ma foi, c’est bien lui. Encore un fichu anglais ! – répondit le comte en gloussant de rire – Seriez-vous amateur de ces pièces, mon jeune ami ?
- A vrai dire… - fit Terry, un sourire timide aux lèvres – Je suis comédien de théâtre à Broadway, et les œuvres de Shakespeare occupent une part importante de mon registre, et de ma vie…
- Comme c’est cocasse! – s’écria le vieil homme, les yeux grand-ouverts de surprise – Savez-vous que cette maison a inspiré Shakespeare pour sa pièce Othello ? C’est ici qu’aurait vécu Desdémone, avant d’être tuée par son mari jaloux…
- Vraiment ???
- C’est ce que dit la légende, et il y a toujours un peu de vrai dans une légende, n’est-ce pas ?
- Celle-là ne me laisse pas indifférent, vous avez raison – répondit Terry en souriant – C’est un grand privilège pour moi d’être dans ces murs chargés d’histoire.
- Croyez-moi, trop d’histoire recèle certains inconvénients tels que… tels que certains ancêtres indésirables qui viennent nous importuner la nuit… - chuchota-t-il comme s’il ne voulait pas qu’on l’entende.
- Vous voulez dire des… des fantômes ? – demanda Terry, un frisson d’effroi lui parcourant l’échine.
- Si fait, mon jeune ami ! Oh, je vous en prie, ne faîtes pas cette mine déconfite ! Il n’y a pas qu’en Angleterre que l’on a de l’esprit ! – répondit le comte en ricanant.

Faisant fi du jeu de mots qui se voulait humoristique, Terry rétorqua :

- Pour être honnête, j’aurai trouvé très appréciable que vous n’en ayez pas. J’ai gardé de bien mauvais souvenirs de mes nuits passées dans le manoir familial en Ecosse, où les bruits de chaînes et de pas troublaient quotidiennement mon sommeil.
- Oh, rassurez-vous, ici, vous n’aurez pas de bruit. Ils ont plutôt tendance à tirer votre couverture ou à vous chatouiller les pieds !...
- Pardon ??? – gémit Terry, l’air visiblement terrorisé.
- Ahahaha !!! Je plaisantais !!! – s’écria le comte en donnant une franche tape dans le dos de son invité, dont le visage avait perdu toute couleur – Vous n’allez pas me dire qu’à votre âge, vous croyez encore aux fantômes !
- Non, bien sûr !... – bredouilla Terry, embarrassé de paraître si ridicule.
- Rassurez-vous, les seules choses qui vous réveilleront dans la nuit seront les cloches des églises qui nous entourent, et à Venise, elles ne manquent pas ! C’est un concert très animé !!!

Tout en reprenant des couleurs, Terry n’en restait pas moins sceptique car persistait sur les lèvres de son interlocuteur, un sourire ironique qui ne l’encourageait pas à la confiance. Ce dernier se dirigea alors vers la cheminée face aux fenêtres, sur laquelle était posé un miroir de taille imposante. Puis il tira sur le cordon qui se trouvait à côté de celui-ci, pour appeler un domestique.

- J’imagine qu’après ce long voyage, vous avez envie de vous reposer… Mon serviteur va vous conduire à votre chambre où vous pourrez vous débarbouiller et vous changer. J’ai toujours des vêtements de rechange pour mes invités. Usez-en à votre guise. Le repas sera servi dans une heure dans la salle à manger qui se trouve de l’autre côté du palier. Aurais-je le plaisir de vous avoir à ma table, monsieur Grandchester ?
- Bien entendu, comte Contarini. Je vous remercie très sincèrement de l’hospitalité que vous m’accordez. C’est très aimable à vous.
- Croyez-moi, mon ami, ce n’est pas la qualité qui me caractérise le plus – répondit le vieil homme sur un ton mystérieux tout en raccompagnant Terry vers la porte – A mon âge, rares sont les élus qui peuvent pénétrer dans ma demeure. Remerciez plutôt votre père ! Si vous n’aviez pas été son fils, mon majordome avait ordre de vous jeter à l’eau !

Encore une fois, Terry se demanda si le vieil homme malgré le sérieux qu’il affichait, ne jouait pas avec ses nerfs. Mais il n’eut pas le temps de réagir, car fit irruption à ce moment là, le domestique qu’il s’empressa de suivre pour fuir l’étrange et angoissant maitre de maison. Décidément, son père avait de drôles de relations !!! Cette constatation ne le rassura point, d’autant plus quand, au moment où il pénétrait dans sa chambre, une énorme tête d’élan l'accueillit (trophée d’une probable chasse dans les contrées nordiques) suspendue au-dessus de son lit, le fixant de son regard sans vie. Une chose était sûre : les fantômes ne se hasarderaient jamais à venir ici. Cependant, cela ne le soustrairait pas aux cauchemars qu’il était assuré de faire dans cet asile de fous !!!


Fin de la première et deuxième partie du chapitre 6



Edited by Leia - 19/6/2015, 15:04
 
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