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Il était une fois... toi et moi, 1ère fic de Fanfan2604

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view post Posted on 11/9/2023, 12:46
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Qui adore Candy et Terry

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IL ÉTAIT UNE FOIS... TOI ET MOI




Par Fanfan2604




Bonjour à tous les fans de Candy!
Tout d’abord un grand merci à toi Nolwenn pour le temps que tu as passé à corriger et apporter « ta touche » à cette fic et en retravaillant certains passages, c’est un grand privilège pour moi que d’avoir pu bénéficier de ton aide si précieuse… alors encore merci…
Ensuite, je souhaite remercier Fifi pour le super montage qu'elle a realisé pour ma fic, c'est magnifique alors merci encore....
Je voudrais dédier ma toute première fic à vous tous auteurs, lecteurs et lectrices. Sans vous, les fics ne seraient rien ou pas grand chose, alors merci à vous de les lire. J'ai lu nombre de fics, ici, d'auteurs aussi, plus différentes les unes que les autres, depuis que je suis sur ce forum, depuis maintenant plus d'un an, j'en ai adoré la plupart, et de fait c'est en grande majorité vous qui m'avez inspiré de par vos fics, et au fur et à mesure de vous lire. Je trouve cela vraiment extraordinaire de pouvoir recommencer, à chaque fois que l'on arrive à la fin, la lecture d'une autre fiction et de pouvoir voir à nouveau la fin en changer... Et ce de toutes les manières possibles et inimaginables, car dans Candy que ce soit dans le DA ou dans le manga, personnellement la fin ne m'a jamais convenu... Comment se contenter d'une fin si peu enviable pour elle alors que Candy mérite tellement mieux que cela après s'être tant dévoué envers tout le monde ! Donc j'ai décidé de vous donner ma version de l'histoire et de fait d'en améliorer la fin, de la façon dont moi je vois tout ça et cela commence 3 ans après la fin du DA... En revanche, et dans un souci de cohérence, j'ai préféré garder une différence d'âge de 11 ans entre Albert et Candy. J'ai également pris la liberté de donner des prénoms à certains membres de la famille qui n'en avait pas, en tout cas après moultes recherches je n'ai rien trouvé. Ainsi Mr Legrand s'appelle dorénavant Walter Legrand, et Mr Briand (mari décédé d'Elroy André Briand et père de Sarah Briand André Legrand) se nomme John Briand, (J.B.).



Voici la chronologie de ma fanfiction basée sur les événements du dessin animé et du manga:

- 28.06.1887 : Naissance de William Albert André, frère de Rosemary.


- 30.09.1895 : Naissance d'Anthony Brown, fils de Monsieur Brown et Rosemary André Brown.


- 28.01.1897 : Naissance de Terrence Graham Grandchester, fils de Richard Grandchester et d'Éléonore Baker.


- Hiver (début d'année) 1898 : Candy Neige trouvée dans la neige... Anniversaire fêté le 7 mai depuis 1910.



- Printemps 1904 : Rencontre d'Albert sur la colline.



- Printemps 1910 : Emménagement de Candy chez les Legrand comme demoiselle de compagnie d'Eliza, puis Domestique. Sarah Legrand (a été adoptée par les André après la mort de son père) est la mère d'Elisa et Neil Legrand (jumeaux) et est mariée à Walter Legrand.



- Printemps 1912 : Adoption par les André.



- Septembre 1912 : Décès d'Anthony Brown, fils de Rosemary André Brown.



- 01.01.1913 : Candy a 14 ans - rencontre avec Terry sur le Mauretania ; arrivée au Collège Royal de Saint-Paul.



- Été 1913 : Collège d'été en Écosse près d'Édimbourg ; résidence d'été des Grandchester et des André.



- Automne 1913 : Terry quitte le collège pour l'Amérique, suivi de peu par Candy

- Printemps 1914 : Candy commence ses études d'infirmière à l'école de Mary-Jane.


- Été 1914 : Candy part terminer ses études à Chicago avec Flanny et deux autres camarades et suit une spécialisation comme infirmière de guerre.



- Août 1914 : Entrée en guerre de l'Europe.



- Décembre 1914 : Alistair s'engage comme pilote pour aller se battre en Europe. Accident de Suzanne.

Séparation entre Terry et Candy à New-York.



- Janvier 1915 : Décès d'Alistair.



- Printemps 1915 : Candy découvre qu'Albert est l'oncle William André.



Ne soyez pas surprises également, pour le développement de ma fic, j'y ai introduit de nouveaux personnages, qui je l'espère vous plairont... J'ai effectué notamment de très longues et nombreuses recherches sur cette époque dans un grand souci de cohérence et pour corroborer à mon histoire et pour être au plus proche de la réalité de cette époque-là... J'espère vraiment que vous apprécierez cette première fic où j'y ai vraiment mis tout mon coeur et toute mon âme, et surtout j'y ai passé beaucoup de temps 😉...



Bonne lecture à vous, et si vous souhaitez me laisser un commentaire c'est par ici :



Commentaires pour "Il était une fois... toi et moi" de Fanfan :


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Merci,





Fanfan2604





PROLOGUE

New-York,

Jeudi 14 novembre 1918,


Elle y était. Elle n’avait pas perdu de temps et s’était rendue, sitôt après son arrivée à la gare, à l'endroit indiqué. La nouvelle, aussi horrible qu’ahurissante, sonnait encore comme un gros choc à son esprit. Mais elle ne voulait encore y croire et resta plantée devant la porte, n’osant la franchir, ni même l’ouvrir, de peur d’avoir à affronter ce qu’il y avait derrière…

Albert l’avait prévenue, lorsqu'il était venu la chercher à la gare pour la conduire jusqu'ici : cela risquait d’être très éprouvant pour elle, le choc pouvant être brutal ! D’autant que remuer ce passé douloureux qui l’avait déjà tant fait souffrir ne serait pas bon pour elle. Il avait d’ailleurs même tenté de la dissuader de s’y rendre, mais sans succès…
Candy n’écoutant que son cœur, s’était hâtée avant qu’il ne fût trop tard… Une décision qui l’avait conduite ici, dans cet endroit lugubre mais pourtant bien trop familier à son goût. Elle caressait encore le fol espoir que la réalité elle-même ne serait pas aussi dramatique que ce qu’on lui avait raconté : il eut été impensable que la fatalité la frappât à nouveau de plein fouet ! Et pourtant elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer les scénarios les plus défavorables, auquel cas elle n’aurait d’autre choix que d’accepter la funeste destinée qui s’acharnait à nouveau contre elle, alors même qu’elle avait fait tant d’efforts pour s’en relever ces dernières années.
Était-il possible que ce qu’on lui avait annoncé fût conforme à l’actuelle situation ? Elle ne pouvait, ne voulait y croire. Et même si elle savait que la vérité se cachait derrière cette porte, aurait-elle le courage de franchir le pas et de faire face à la réalité qui en découlerait ? Et de peut-être, sans doute, endurer ensuite mille souffrances ? Probablement bien pires encore et bien plus effroyables que tout ce qu’elle avait déjà vécu auparavant.
Pourtant, après avoir fait le trajet jusqu’ici, il aurait été absurde de rebrousser chemin. Elle devait faire front, elle le lui devait bien après tout, même si cela devait être la dernière fois ? Rassemblant tout le courage dont elle disposait et puisant en elle la force nécessaire, elle tourna la poignée de la porte et entra dans la pièce.
Son regard fut immédiatement aspiré par celui dont elle ne put réussir à prononcer le nom, assaillie par toutes les fulgurantes émotions trop longtemps refoulées… Il était là, mais elle n’eut pas le temps de s’imprégner de toute la scène qu’elle sentit son cœur pulvérisé en un millier de fragments, lui arrachant un cri de douleur. Elle s’effondra à genoux devant lui en larmes : hélas, elle arrivait trop tard…









CHAPITRE I



Trois mois plus tôt…

Chicago,
Jeudi 15 août 1918,


Archibald admirait par la baie vitrée la splendide vue qu'il avait sur les rues Adams et Lasalle depuis le bureau du chef de famille, situé au dernier étage de cet unique immeuble qui surplombait toute la ville et abritait les bureaux de la "Real Estate Company André" (Compagnie Immobilière André). Il soupira. Albert se faisait attendre, alors qu’ils devaient se retrouver au plus vite pour régler les détails de ce potentiel partenariat McCormick/André. Une affaire qui serait très lucrative pour les deux parties, à n'en pas douter, mais qu'il faudrait voir aboutir très rapidement... Bien que revenu de son voyage de noces depuis peu, Archibald avait pris le temps de s'affranchir des détails du dossier auprès de Georges, la veille, alors qu’Albert était encore en voyage pour un autre négoce à Los Angeles. Le chef du clan connaissait très bien leur éventuel futur associé, une providence pour l’avancement de leur projet. Albert avait en effet admis qu'Edward McCormick et lui-même avaient étudié au même endroit durant leur jeunesse et de fait, étaient restés très amis depuis... Quelle n'avait pas été la surprise d'Archibald quand il avait appris que son oncle avait fait ses études au collège Royal de St-Paul à Londres une quinzaine d'années auparavant ! Ce même établissement scolaire, où lui-même avait été envoyé avec Candy et Alistair, à peine quelques années auparavant, par ce mystérieux oncle William à l'identité inconnue à l'époque. Ces heureuses et tendres années, il les chérirait à jamais... Alistair, Candy, les amitiés naissantes et indéfectibles avec Patty, puis sa chère Annie. Là où tout avait commencé entre eux…
Depuis les choses avaient bien changé ; son frère n’était hélas plus présent dans sa vie, ayant choisi de s’enrôler dans cette fichue guerre au péril de sa propre vie. Candy était, grâce au ciel, toujours là, avec sa joie de vivre, sa vivacité, sa fidélité sans borne, et cet altruisme inégalable qui l’englobait lui et ses amis mais également tous ceux avec qui elle était en contact, de près ou de loin. Archibald sourit en repensant à la façon exubérante et un peu enfantine avec laquelle elle avait accepté d’être la demoiselle d’honneur d’Annie à leur mariage, après avoir accueilli avec une joie non moins débordante l'annonce de leurs fiançailles. Annie et Archibald étaient à présent de jeunes mariés, depuis un mois et demi à peine, et plus de deux ans après leur promesse solennelle. Deux ans durant lesquels leur amour avait mûri, s’était solidifié grâce à leur mutuelle patience et en était ressorti grandi.

Archibald tenait en effet à s’assurer une situation stable avant de s’engager durablement avec Annie. Il avait donc d’abord terminé ses études de finances à l’université de Chicago, avant d’entamer une « formation accélérée » auprès de Georges qui lui avait lui-même enseigné tous les rouages du métier. Il avait ensuite commencé son apprentissage avec Albert, pour pouvoir l’assister dans ses affaires, et pourquoi pas un jour reprendre les rênes de l’entreprise familiale, si aucun autre héritier ne se présentait et si Albert le lui accordait.

La porte s’ouvrit et interrompit les pensées du jeune homme. Accompagné de Georges, Albert pénétra dans le bureau. Le trentenaire blond n’avait pas changé d’un iota et posa son regard bleu, toujours aussi incisif sur son neveu. Archibald avait à peine hésité avant de se décider à saluer tout d’abord Georges. Il y mit les formes, car malgré le temps passé ensemble, il ne se sentait pas encore tout à fait à l’aise avec lui, le considérant plus comme un mentor que comme un simple associé de son oncle. Puis il se tourna vers ce dernier.

— Bonjour Albert, je suis content de te revoir, j’espère que ton voyage s’est bien passé à Los Angeles ? Il n’y a pas eu de complications ? demanda le jeune homme avec un vif intérêt en se pressant vers lui.

— Bonjour Archibald, ravi de te retrouver également, affirma Albert en s’approchant de lui pour lui donner une accolade. J’ai fait bon voyage et tout s’est très bien passé, je te remercie, ces Californiens savent reconnaître une affaire juteuse quand ils en voient une… et toi ? Raconte-moi, ce voyage de noces s’est-il bien passé ? Comment va Annie ?

— C’était fabuleux ! Annie a beaucoup aimé les Chutes du Niagara que nous avons pris le temps de visiter sur trois jours, c’était à la fois splendide et féerique ! Nous avons ensuite continué notre périple vers le Canada. C’est particulièrement beau à cette époque de l’année avec un climat chaud et agréable. Nous avons ensuite sillonné Ottawa, Montréal et Québec où il y a une très belle réserve faunique, celle des Laurentides qui t'aurait beaucoup plu, Albert, j’en suis sûr ! Mes parents nous ont vraiment offerts un superbe cadeau de mariage. C’était une extraordinaire lune de miel ! Je suis plus amoureux que jamais de ma femme et elle me le rend bien, si tu savais ! D’ailleurs dès que cette maudite guerre sera terminée, je l'emmènerai en Europe : elle rêve de faire du shopping sur la plus belle avenue du monde, celle des Champs-Élysées !

— À la bonne heure, je suis ravi de l’apprendre, Georges m’a dit que vous étiez rentré avant-hier, avez-vous eu le temps de déposer vos valises à La Palmer Mansion ?

— Oui, nous l’avons fait dès notre arrivée, fit le jeune marié. Les employés, que tu as si gentiment engagés, étaient déjà là, à pied d'œuvre, pour nous accueillir. Je ne sais vraiment pas comment te remercier pour ce magnifique cadeau de mariage.

— Tu n’as pas à me remercier, je te l’ai déjà dit, je voulais que toi et ta femme puissiez vous sentir chez vous dans un lieu où vous pourrez fonder une famille un jour, et bien sûr pas trop éloigné de la Compagnie André…

La Palmer Mansion, construite entre 1882 et 1885 au 1350 Lake Shore Drive, était l'une des plus grandes résidences privées de Chicago. Située dans le quartier de Near North Side, elle faisait face au lac Michigan. Elle avait été dessinée par les architectes Henry Ives Cobb et Charles Sumner Frost, mandatés par Bertha et Potter Palmer. Palmer était un important homme d'affaires de Chicago, et paradoxalement un concurrent direct de la Compagnie André. Il avait notamment initié le développement de State Street. La construction de la Palmer Mansion sur Lake Shore Drive avait marqué le début du développement du Gold Coast Historic District, l'un des quartiers les plus riches de la cité. Quand Albert avait appris que Palmer vendait sa maison, il l’avait contacté à titre privé, puis était allé visiter l’endroit en compagnie de Candy. Sa fille adoptive connaissait en effet les goûts d'Archibald et d'Annie, sa sœur de cœur, en matière d’architecture, et comme il s’agissait d’une surprise pour leur mariage, il lui fallait rester discret. La blonde avait été conquise par ce lieu empreint d'un goût sculptural exquis et Albert avait définitivement arrêté son choix sur ce bien immobilier, présentant à son propriétaire une offre des plus alléchantes que celui-ci ne pouvait refuser. Le jour des noces venu, il avait invité les jeunes mariés à le suivre après la réception, pour leur faire découvrir et leur offrir ce somptueux présent. Quelle n’avait pas été leur surprise et leur joie de découvrir cette majestueuse maison emplie de charme.... Ils avaient, en effet, pensé rester, faute de mieux, à Lakewood après leur mariage, le temps qu'Archibald leur trouve une maison décente. De fait, le problème ne se posait plus, et ils allaient (et surtout Annie) avoir tout le loisir d’agencer les lieux selon leurs envies...

Archibald gratifia Albert d'un regard plein de reconnaissance et reprit :

— En tout cas, il faut reconnaître que tu as bon goût ! Mais après tout l'immobilier, est une affaire de famille chez les André, n'est-ce pas ?

— Tout à fait ! Et à propos d'affaires, si nous nous y mettions ? proposa Albert. Georges pourriez-vous nous faire un retour sur l'affaire en cours s'il vous plaît ?

— Bien sûr Monsieur, répondit Georges en fouillant dans son porte-document, mais il faut que vous sachiez que je me suis déjà entretenu à ce sujet avec Monsieur Archibald hier.

Albert acquiesça et lui fit signe de continuer tout en s'asseyant sur son fauteuil derrière son bureau.

— Monsieur Edward John McCormick est un homme d'affaires reconnu à l’échelle mondiale dans l’industrie pétrolière et ce grâce à son père, expliqua Georges.

Il jeta un bref regard sur les documents qu’il avait en main avant de relever la tête et de détailler :

— John David McCormick, père, parti de rien, monte sa propre compagnie pétrolière. En partenariat avec deux autres acolytes au départ, il lance " l’Excelsior Oil Works". Les relations entre les trois hommes se détériorent très vite et à la fin de la guerre civile américaine en 1865, John David McCormick conserve seul la tête de l’entreprise qui devient la Standard Oil Company McCormick et assoit encore un peu plus son influence dans l’industrie pétrolière et sa mainmise sur la phase de raffinage. Et puisqu’il maîtrise désormais un échelon de la production, on a une concentration horizontale. En 1882, le magnat de l'or noir décide de transformer son entreprise en trust. À cette époque, son patrimoine s’élève déjà à plus de 150 millions de dollars. Parallèlement, sa femme Laura lui donne un premier fils en 1887, Edward John McCormick. À la fin des années 1890, la Standard Oil Company McCormick contrôle près de 80% du secteur pétrolier américain.

Georges reprit sa respiration avant de poursuivre :

— En 1898, sa femme donne naissance à son deuxième enfant, Sarah Laura McCormick mais la pauvre Laura meurt des suites de couches. C'est une tragédie pour John, elle était tout pour lui... Il se plonge à corps perdu dans le travail et parallèlement à ses affaires, se tourne vers d'autres activités telle que l'immobilier et la philanthropie et lance, à la fin de l'année 1900, la Fondation McCormick pour la santé et l’éducation. Il achète également des parts dans l'hôpital Bellevue de New-York. En 1905, après avoir fini ses études, son fils Edward vient travailler avec lui et apprend tous les rouages du métier et de la Compagnie pétrolière. Il est aussi doué que son père et celui-ci espère le voir lui succéder un jour. À eux deux, ils érigent un empire pétrolier monopolistique qui fait de McCormick le premier milliardaire américain en 1911. Malheureusement, John décède en 1912, lors du voyage inaugural du Titanic.
Ses deux enfants Edward et Sarah, âgés respectivement de vingt-cinq et quatorze ans, à l'époque, héritent d'une fortune colossale, d'un empire pétrolier titanesque et d'un patrimoine phénoménal. Edward prend les choses en main, reprend les rênes de l'affaire familiale et en vient à contrôler d'une main de maître l'entreprise. Il gère aussi l'héritage familial et s'occupe de sa sœur, encore au collège Royal de St-Paul à Londres à cette époque-là... Aujourd'hui, Sarah s'occupe de la fondation McCormick et gère les parts administratives qu'ils possèdent à l'hôpital Bellevue, et elle ne démérite pas, car il y a fort à faire !
Edward John McCormick se décide à se diversifier davantage, comme son père avant lui, il envisage ainsi de construire un grand complexe de bâtiments à New York dans Midtown, son quartier. Il réside en effet sur la 54e rue et souhaite dynamiser le quartier en développant de nouvelles activités économiques dont la création d'un opéra notamment. En effet, il souhaite investir une partie de sa fortune dans des projets immobiliers, comme son père l'avait fait jadis, en 1892, finançant la construction de la Riverside Church à Morningside Heights. D'autre part, ses intérêts rencontrent directement ceux de la "Real Estate Company André". Donc si nous proposons un partenariat économique à McCormick, avec un investissement à parts égales, ce serait pour nous une aubaine, que dis-je ? La plus grande transaction jamais réalisée pour le compte de notre société. Le bénéfice engrangé serait exceptionnel et inespéré pour nous !

— Félicitations Georges, vous êtes un vrai puits de sciences à vous tout seul, s'amusa Albert, non sérieusement c'est de l'excellent travail, bravo, vous n'avez négligé aucun détail.

— Je vous remercie, Monsieur, mais je ne fais que mon travail, répliqua celui-ci avec simplicité.

— Archibald, donne-nous ton avis, s'il te plaît ? Quémanda Albert.

— Je ne peux qu'abonder dans le sens de Georges, c'est une magnifique opportunité pour la Compagnie André, confirma Archibald, si nous la manquons, une autre entreprise nous devancera, et nous nous en voudrons à coup sûr. Nous pouvons non seulement apporter nos propres fonds d'investissement, mais qui plus est tous nos partenaires existants à la construction de ce grand complexe immobilier !

— Je suis complètement d'accord avec vous deux, opina Albert, mais reste une question à régler : si ce partenariat se fait, il faudra superviser la quasi-totalité des opérations depuis New-York. Archibald, tu viens de te marier, tu ne peux donc t’en charger. Je ne peux vous le demander à vous, non plus, Georges, vous êtes bien trop efficace pour gérer nos affaires ici. Le mieux ce serait que je m’y colle : nous avons déjà des appartements sur New-York, sans compter que je connais très bien Edward : nous avons partagé une partie de notre adolescence ensemble, ainsi que nos études, et il sera bien plus en confiance si c'est moi qui supervise les opérations ! C'est décidé ! Nous allons décrocher ce marché et puis cela me permettra de passer du temps avec lui, comme à la bonne vieille époque et de pouvoir m'évader un peu de Chicago... J'avais un grand besoin de changement, ces derniers temps, ça tombe bien !

— J'approuve à cent pour cent ta décision Albert, s'exclama Archibald.

— Moi aussi Monsieur, renchérit Georges, et ne vous en faites pas, à nous deux nous arriverons très bien à gérer toutes nos autres affaires d'ici...

— Je n'en attendais pas moins de votre part à tous deux, fit Albert, mais il nous faut nous dépêcher avant que cette belle affaire nous passe sous le nez. Pour ce faire, et par anticipation, durant mon séjour à Los Angeles, j'ai d'ores et déjà contacté mon ami Edward par télégramme à destination de New-York. Il se trouve que mon message lui a été transmis, via sa localisation actuelle... En effet, il est en voyage pour ses affaires pétrolières à Pittsburgh, là où il avait ouvert, la première station essence de ce pays en 1913. Il envisage une chaîne de stations essence dans tout le pays, il a beaucoup d'ambition ce garçon, rien ne l'arrête, son père serait très fier de lui, je pense. Bref, toujours est-il qu'il m'a répondu et qu'il accepte de faire un crochet par Chicago avant de rentrer. Il sera là demain matin les amis.

— Bravo Albert, reprit joyeusement Archibald.

— Félicitations Monsieur, c'est un joli coup, le congratula Georges avec entrain.

— Je vais l'inviter à séjourner quelques jours à Lakewood s'il est d'accord, cela nous permettra de régler au plus vite les détails de cette affaire. Georges faites préparer des appartements pour mon ami au manoir s'il vous plaît, et je vais prévenir Candy dès ce soir que nous aurons un invité de marque demain soir...

— Oui Monsieur, mais n'oubliez pas le dîner prévu demain soir. Ce sera, hormis la réception de mariage de Monsieur Archibald, le premier repas familial, depuis le décès de cette pauvre Elroy, voilà déjà six mois, dit Georges la mine subitement attristée.

Albert qui gardait une profonde affection pour sa tante, acquiesça :

— Oui Georges, je sais, mais nous devons continuer à vivre à présent, tel aurait été son désir...


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Edited by Fanfan 2604 - 11/9/2023, 14:07
 
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view post Posted on 11/9/2023, 13:19
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La Palmer Mansion,


Candy venait d’achever sa garde à l'hôpital, et au volant de sa Benz Coupé Chauffeur de 1918, toute rutilante, offerte par son père adoptif pour son dernier anniversaire, elle se disait qu'il était encore trop tôt, en cette chaude après-midi d'été, pour rentrer et se décida à s'arrêter à La Palmer Mansion voir Annie. Les deux amies n'avaient en effet guère eu le temps d'échanger deux mots la veille au soir lors de la visite éclair à Lakewood du nouveau couple marié, venu les avertir de leur retour, afin qu'Archibald eût le temps de s'entretenir avec Georges des dernières affaires en cours pour la Compagnie André.

Quelques minutes plus tard, elle arriva devant le sublime manoir. « La Palmer Mansion », se dressait dans toute sa splendeur un peu en retrait de la rue et elle se dit qu’il serait stupide de continuer à l’appeler ainsi. Ne valait-il pas mieux la renommer « La Cornwell Mansion » ? Ce serait tellement plus logique ! Après tout c'était leur foyer maintenant. Elle en toucherait un mot à Annie et Archibald... Malgré tout, elle n'en revenait pas qu'un tel palace puisse désormais leur appartenir.
Cette résidence était une innovation dans l'architecture américaine, rien de tel n'ayant encore été construit dans le pays. Un peu trop extravagant à son goût, elle qui préférait les choses simples, mais tout à fait dans celui d’Annie. Le style se voulait gothique normand à créneaux, quelque peu atténué pour se conformer aux idées modernes de l'époque, mais conservant à coup sûr, tout le charme de la période médiévale. La finition extérieure était en pierre brune de taille brute brisée ; tandis que l'intérieur, de style gothique, était sculpté dans le bois... Le bâtiment se dressait sur un large terrain de toute beauté donnant sur la promenade du Lac Michigan. Il s'étalait sur pas moins de trois étages avec ses tourelles et ses tours, s'élevant au-dessus du toit de dix à quinze pieds, et une grande tour carrée, surmontée d'une tour ronde. À l'extrémité sud, on pouvait discerner un gigantesque jardin d'hiver, dont les fenêtres étaient ouvertes depuis la bibliothèque, le salon et les salles à manger. La tour principale s’élevait sur deux étages au-dessus du toit, chacun abritant une pièce, tandis qu'à sa base, un balcon pouvait accueillir pas moins de quarante personnes. Idéal pour les jours de grande réception, il offrait une vue remarquable sur le lac. Du haut de la maison par un temps clair comme celui-ci, on pouvait même apercevoir l'autre côté de la rive du Michigan. L'entrée principale et la chaussée étaient à l'angle nord-est de la maison.
D'un côté du vestibule, il y avait une entrée directe vers l'ascenseur, tandis que de l'autre côté, se trouvait un escalier pour les invités, menant directement à la partie supérieure de la maison.
Candy emprunta cet escalier et sonna à la porte. Quand le majordome vint lui ouvrir, elle demanda à voir la maîtresse de maison et il la fit entrer dans un majestueux hall, puis l'invita à le suivre au premier étage où se trouvait une grande antichambre donnant sur un salon, une salle à manger, un petit salon, une salle de réception et une grande bibliothèque. Le domestique lui demanda d’y patienter quelques minutes.

Pour l'avoir déjà visité avec Albert, Candy savait que le deuxième étage abritait les chambres à coucher et d'autres pièces encore, tandis qu'au troisième étage se trouvaient un fumoir ainsi qu'une une salle de billard. Elle s’étonna une fois de plus : quoique somptueux au-delà du raisonnable, l’endroit restait étrangement chaleureux et comme chargé d'ondes positives, et la jeune femme imaginait sans peine le jeune couple s'y épanouir et y vieillir en parfaite harmonie.

Annie interrompit ses pensées. Heureuse de la retrouver, elle la serra dans ses bras et lui dit :

— Oh, Candy comme je suis contente de te revoir, hier fut trop court, et qui plus est, je peux te recevoir dans mon nouveau chez moi.

— Moi aussi je suis ravie de te retrouver, s’exclama Candy. Tu resplendis de bonheur, c'est vraiment merveilleux de te voir ainsi, tu le mérites tellement !

— Oh ! Si tu savais à quel point je suis heureuse, répliqua la jeune mariée en l'invitant à la suivre dans le petit salon, où une domestique vint leur servir du thé. Je t'ai dit hier que mon voyage de noces était fantastique et inoubliable, mais ce que je n'ai pas eu le temps de te dire c'est qu'Archibald est un mari attentionné, tendre, amoureux, je ne pourrais rêver meilleur mari... Depuis nos fiançailles, il a fait de nombreux efforts pour que notre couple fonctionne. Tu sais, Candy, je n'ignore pas que durant longtemps, c'est toi qui occupais ses pensées et que ses sentiments pour toi allaient bien au-delà de l'amitié…

— Annie, ne dis pas ça, protesta la jeune femme blonde.

— Je t'arrête tout de suite, la coupa son interlocutrice, je suis au courant de tout figure-toi, nous en avons discuté, avec Archie et il a fini par me faire comprendre que tout ça, c’est du passé, que les sentiments qu'il te portait se sont mués en une amitié forte et solide. Et depuis nos fiançailles, il n’a eu de cesse de me montrer combien je compte pour lui et j’ai vraiment l’impression que notre amour ne cesse de s'intensifier ! Il me prouve jour après jour qu'il m'aime davantage, ce que j’essaie de lui rendre au centuple. Et sans entrer dans les détails, je peux te dire que nous nous sommes encore rapprochés, après notre mariage, à un point qu’il m’aurait été bien difficile d’imaginer. Donc pour résumer, tout va merveilleusement bien. Ajoute ce grand et beau manoir offert en cadeau de mariage par notre Albert et notre bonheur est au complet !

— Je savais que cette maison te plairait. Après tout je suis ta sœur de cœur, et je peux me vanter de connaître parfaitement tes goûts ainsi que ceux d'Archibald, Albert m'a fait confiance sur ce coup-là et… voilà le travail...

— Merci Candy, tu as eu raison, fit Annie en avalant un peu de thé, tu me connais vraiment bien, et Archie aussi est ravi. Tu sais que les employés étaient déjà là à notre arrivée pour nous accueillir ? Albert nous a vraiment gâtés ! Il ne nous manque plus qu'à y rajouter notre touche personnelle… J'ai déjà des tonnes d'idées.

— Ça ne m’étonne pas de toi, s’esclaffa la jeune célibataire.

— Je t'aurais bien demandé de m'accompagner faire du shopping, mais je sais que tu travailles beaucoup en ce moment, entre tes gardes à l'hôpital et ton nouvel investissement au sein de la fondation André, alors tant pis. Quant à Patty, elle est déjà repartie poursuivre ses études de médecine en Floride, après sa visite éclair pour notre mariage. Impossible donc de l’embaucher dans mon entreprise de décoration…

— Tu n'as qu'à demander à ta mère, Annie, lui conseilla Candy. Je suis persuadée qu'elle sera ravie de t'aider à embellir cette immense maison à ton goût !

— Tu as raison, c'est ce que je vais faire, elle en sera enchantée ! acquiesça Annie radieuse. Qui plus est, je n'ai même pas eu le temps de la voir depuis notre retour… J'irai la voir demain pour lui en faire part. Bon, maintenant donne-moi des nouvelles de toi et de tout le monde, que s'est-il passé en notre absence ?

— Pas grand-chose, tu sais, répondit la blonde. Comme tu le disais si bien tout à l'heure, je partage mon temps entre mes gardes à l'hôpital et mon investissement pour la fondation André, ce qui ne me laisse guère que les soirs et week-ends, que je passe à Lakewood. Albert et moi aimons nous y retrouver l’été avant de devoir retourner au manoir de Chicago. Ça me fait tellement de bien d'être là-bas, et de profiter du parfum de la roseraie d'Anthony ! Et quand Albert n'est pas en voyage, nous dînons le soir ensemble sur la terrasse. Mon "grand frère" me manque quand il n'est pas là mais on fait avec ! Euh, ah oui, j'ai passé le week-end dernier à La Porte, je suis allée me ressourcer à la maison Pony. Quel bonheur de revoir Mademoiselle Pony et Sœur Maria et tous les enfants biensure!

— Raconte-moi Candy, comment vont-elles ? Et les enfants ?

— Tout le monde va bien, la rassura-t-elle, les enfants aussi. Jimmy gère maintenant très bien tout seul le ranch depuis que Monsieur Cartright nous a quittés il y a trois mois. Tom nous a appris que sa femme Laura attend un bébé, c'est merveilleux après six mois de mariage, déjà ! Le prochain sera sûrement le tien avec Archibald, je serai tellement contente pour vous...

— Moi aussi, mais chaque chose en son temps, déclara la brune, concentrons-nous d'abord sur le repas familial de demain soir, les Legrand seront présents mais pas mes beaux-parents, ils ne pourront pas être là...

— Oui le premier repas depuis que cette pauvre tante Elroy nous a quittés, dit Candy la mine attristée.

Cela faisait déjà six mois que la grand Tante avait succombé des suites d'une grave méningite, à l'hôpital Sainte-Joanna, où Candy travaillait à nouveau, après son renvoi dû aux viles manœuvres orchestrées par Daniel et sa sœur Eliza, quelques années auparavant. Le soutien d’Albert, dont on venait d’apprendre à l’époque qu’il était en fait William Albert André, avait été crucial et lui avait permis de retrouver rapidement son ancien poste. Candy en avait été soulagée car elle affectionnait particulièrement cet hôpital qui lui rappelait tant de souvenirs. Plus tard, quand on apprit qu'Elroy était malade, ce fut bien entendu dans cet établissement qu’on la transporta et Candy, n’écoutant que son cœur fit abstraction du reste de rancœur qu'elle éprouvait encore envers sa grand-tante, et demanda à s'occuper d’elle, l’assistant et lui tenant compagnie dès qu’elle le pouvait. Les sentiments que les deux femmes se portaient évoluèrent soudainement et dans le bon sens. Lorsque le diagnostic final tomba, Elroy remercia Candy du fond de son cœur et elle lui demanda de bien vouloir lui pardonner pour toutes les fois, où elle n’avait pas été tendre envers elle, ni même pris sa défense, comme elle aurait dû le faire, face aux ignominies répétées des enfants Legrand. Elle se repentit une dernière fois de toute la malveillance que Candy avait pu subir jadis par sa faute et dans un dernier souffle, implora son pardon. L'infirmière, le regard bienveillant et sans l'ombre de la moindre animosité, lui accorda l'absolution.

— Candy, je t'en prie, ne sois pas triste, reprit Annie, j'aimerais tellement que tu sois aussi heureuse que moi… Son décès nous a tous attristés mais il est temps de recommencer à vivre et ça vaut pour toi aussi ! Et puisque nous en parlons, et si tu es d'accord, j'aimerais te faire rencontrer des amis d'Archie de l'université, ce sont des gentlemen tout à fait convenables et très beaux pour ne rien gâcher...

Candy sentit son cœur se serrer, et une très grande tristesse la gagner. La douleur lancinante qu’elle avait réussi à museler refit surface, une douleur physique qui lui étreignait la poitrine et la gorge tandis qu’une question tout aussi lancinante lui torturait l’esprit : avait-elle vraiment pris la bonne décision ce jour-là ? Elle se revoyait, ce sombre soir d'hiver de 1914, dans l'escalier de cet hôpital de New-York, dire adieu à l'amour de sa vie, à son âme sœur, elle ressentait encore l’insoutenable souffrance qui lui déchirait les entrailles alors qu’elle réalisait l’imminence de cette perte. Le seul instant fugace de bonheur qu'elle conservait en elle comme un trésor, avait été cette dernière étreinte délicieuse qu'il lui avait offerte, ses larmes roulant dans son cou, reflet des siennes alors qu’elle priait Dieu de lui donner la force et le courage nécessaires de le quitter. Avait suivi cette promesse saugrenue qu'il lui avait réclamée de continuer à être heureuse sans lui… Et elle lui avait même fait prêter un serment identique en retour… Mais comment tenir un tel engagement ? Pourtant elle avait cherché à y mettre toute la conviction possible et imaginable, car elle se devait d’abandonner Terry, même s’il était le seul et unique amour de sa vie. Elle ne voyait pas d’alternative. Suzanne avait bien plus besoin de lui qu’elle. Elle avait tout de même sauvé la vie du jeune acteur au péril de la sienne et perdu sa jambe dans le processus. Candy savait que l'ultime sacrifice de se retirer de l'équation n'était rien en comparaison de la détresse physique et psychologique que pouvait endurer Suzanne, c'était en tout cas ce qu'elle croyait à cette époque-là. Aujourd'hui, elle n'en était plus aussi sûre. Il ne s'était pas passé une seule journée sans qu'elle ne regrette ce choix irréversible, sans qu'elle ne pense à lui, ou n'espère un jour son retour dans sa vie et dans son cœur. Car celui-ci, elle en était certaine, avait été broyé dans sa poitrine, cette nuit-là, et ne serait plus en mesure de fonctionner ou de battre pour quiconque… Mais cela, elle aurait du mal à le faire comprendre aux autres. Surtout qu’elle n'avait pas ménagé ses efforts pour cacher la sombre vérité, à savoir qu'elle n'était plus qu'une épave sans celui qu'elle continuerait à aimer toute sa vie, malgré la séparation et même, elle en était persuadée, par delà la mort.
Annie aperçut l’ombre de tristesse et d'abattement sur le visage de son amie, et s’enquit :

— Candy, que se passe-t-il ? Ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Tu as le même visage que lorsqu'Archie t'a trouvé dans ce train à ton retour de New-York, il y a bientôt quatre ans...

Elle s'interrompit en constatant la mine déconfite et atterrée de sa sœur de cœur.

— Tu penses toujours à lui, n'est-ce pas ? Je pensais qu'avec le temps, tu finirais par l'oublier, mais je m’aperçois que je me suis trompée... Je suis là, si jamais tu éprouves le besoin d'en parler, sans jugement, ne l'oublie pas... dit-elle, tout en lui serrant la main dans un geste affectueux.

La jeune femme blonde, le regard mélancolique et abattu, eut bien du mal à cacher ses émotions. Avec toute la peine du monde, elle releva la tête, et les larmes aux yeux, parvint à trouver dans les prunelles de sa meilleure amie le courage de se confier :

— Ne t'inquiète pas Annie, c'est juste que l'évoquer est encore trop douloureux pour moi. Non, je ne l'ai pas oublié, et je doute encore d'y arriver un jour, ni même de réussir à tourner la page pour accueillir quelqu'un d'autre dans mon cœur. Il n'y a pas de place à prendre ! Tu comprends, il a promis de veiller sur elle et de rester avec elle ! C'est trop tard ! J'ai tant souffert, d'abord Anthony puis Terry ! Non, je pense sérieusement à finir vieille fille, c'est ce qui me conviendrait le mieux et je ne veux pas qu'on essaye de s'immiscer dans ma vie ou de me faire changer d'avis !

— Oh, chérie, je suis tellement désolée pour toi, mais je vais quand même te donner mon avis car dans ton cas je n’entrevois que deux possibilités. La première, tu te jettes dans le premier train pour New-York et après avoir trouvé Terry, tu lui révèles tes sentiments, après tout comme je te l’ai déjà dit, par le passé, les dés sont loin d’être jetés, et ce malgré la promesse stupide et intenable que vous vous êtes faits tous les deux ce soir-là, alors même que ça crève les yeux que vous vous aimez ! Un amour aussi fort que le vôtre ne s’éteint pas comme ça. Puis tu sais, aucune annonce de fiançailles n’est encore parue dans les journaux, alors que cela fait déjà longtemps maintenant. On entend régulièrement parler de lui en tant qu’acteur dans la presse mais aucune noce de prévue à l’horizon !
Ou deuxième possibilité pour toi, tu te décides enfin à essayer de l’oublier, j’ai bien dit essayer, de passer à autre chose, malgré toute la difficulté que cela représente aujourd’hui pour toi. Si tu n’as pas envie de sortir pour le moment, je le conçois, je l’accepte et te soutiendrai mais ne refuse pas s’il te plaît d’avancer, de rencontrer de nouveaux gens, de te faire un nouveau cercle d’amis. J’ai dit « amis », il n’y a pas de mal à te faire de nouveaux amis. Et sache que quelle que soit ta décision, Archibald et moi te soutiendrons car tout ce que nous voulons pour toi c’est ton bonheur, un bonheur que tu mérites de trouver même si tu n’en es pas persuadée pour le moment. Je te demande juste de me faire confiance et d’avancer pas à pas peu importe ce que tu décideras…

Le visage de Candy s’éclaira un peu et avec un soupçon d’espoir et de confiance dans le regard, timidement elle dit :

— Oh Annie, je ne sais comment te remercier d’être là pour moi, alors que tu es encore en lune de miel, mais je ne suis pas en mesure de me décider pour le moment, les deux solutions me semblent pour l’instant inaccessibles, je me sens dans le flou total et j'ai besoin de temps pour y voir clair.

— Personnellement, je pense que du temps tu en as eu suffisamment depuis toutes ces années, mais je n'insiste pas et je respecte ton choix d'attendre. Mais je te le redis, je suis là si tu as besoin de moi ma chérie, précisa Annie en la prenant dans ses bras.

Candy était quelque peu stupéfaite de voir sa meilleure amie se comporter ainsi. D'ordinaire, les rôles étaient inversés. Cela avait toujours été la responsabilité de la blonde de remonter le moral de la brune car celle-ci avait toujours été si fragile, et ce depuis leur plus tendre enfance, au sein même du foyer Pony. Alors de découvrir une nouvelle facette d'Annie qui se voulait protectrice, rassurante, était très surprenant. À n'en pas douter, le mariage l'avait littéralement et incontestablement changée.

— Je te remercie beaucoup Annie, d'être là pour moi, reprit Candy, ça me fait bizarre tout de même que les rôles soient inversés mais je suis ravie.

— Après tout, c'est un juste retour des choses, toi tu as toujours été là pour moi, c'est à mon tour maintenant, et je ne bouderai pas mon plaisir de te venir en aide, tu pourras toujours compter sur moi ! Fit Annie, réjouie d'avoir pu être là pour réconforter son amie.

— Bon ce n’est pas le tout, mais il commence à se faire tard, et j'ai un peu de route à faire jusqu'à Lakewood, je vais te laisser, dit la jeune héritière en se levant pour donner une accolade à son amie de cœur, on se voit demain soir, et encore merci.

— À demain Candy, et repose-toi bien, la nuit porte conseil, tu y verras plus clair dans tout cela demain !

Annie la regarda partir, de plus en plus convaincue qu'elle trouverait le bonheur, et ce même s'il fallait pour cela donner un petit coup de pouce au destin pour l'y aider...




Fin du Chapitre I

CHAPITRE II





Domaine de Lakewood,



Eliza et Daniel venaient d'arriver à Lakewood. Eliza avait préféré arriver une journée avant leurs parents pour pouvoir se renseigner à propos des derniers cancans qui traînaient au manoir voire dans tout Chicago. C'était un rite qui l'amusait, ô combien, et qui pourrait sans nul doute lui servir à un moment donné ou un autre...

À vingt ans, elle et son frère, étaient toujours célibataires. Daniel n’avait pas eu de chance. Il avait essuyé une déconvenue en voulant épouser Candy trois ans plus tôt. Celle-ci ayant refusé, on avait tenté de lui forcer la main en faisant passer la demande de mariage pour un ordre de l'oncle William, dont l'identité était encore inconnue à l'époque. Malheureusement pour eux, Albert était venu à la rescousse de sa fille adoptive en révélant au monde son statut de chef de la famille André. Les fiançailles étaient bien entendu tombées à l’eau. Ensuite son frère s’était fait tout petit, boudant un temps les dîners et réunions de famille dans le but évident d'éviter Candy et très vite on n’avait plus évoqué cette pénible affaire. Pour Eliza, par contre, il en était tout autrement, elle était courtisée de temps à autre par des gentlemen de bonne famille, mais son caractère bien trempé et sournois les faisait fuir à un moment donné ou à un autre… Et elle estimait que de toute façon, elle était trop bien pour eux...

Des employés vinrent les accueillir et récupérer leurs bagages. La rouquine demanda à l’un des domestiques si l'oncle William ou Candy étaient présents au manoir. Celui-ci répondit par la négative mais que l'un comme l'autre ne devraient plus tarder à rentrer.

De fait, Eliza et Daniel décidèrent de s'installer dans le grand salon en attendant, pendant que la gouvernante faisait porter leurs affaires dans leurs chambres.

Le jeune homme aux cheveux roux s'adressa à sa sœur :

— Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu as tenu à venir si tôt !

— Tu ne comprends pas ? Tu es vraiment trop bête mon cher frère ! souffla celle-ci. Je me devais d'être là en avance. Il faut que je sache s'il se trame quelque chose en ce moment que ce soit ici ou dans la bonne société de Chicago...

— Si tu veux mon avis, il n'y a rien eu de nouveau à part le mariage d'Annie et d'Archibald le mois dernier, je crains que tu n'aies rien à te mettre sous la dent sœurette cette fois-ci, ricana-t-il d'un air condescendant.

— Mais bien sûr que si, tu verras, je te donnerai tort, répliqua la rouquine d'un ton vexé.

Tout à coup, le bruit de la porte d'entrée résonna jusqu'au salon.

On entendait très bien, au loin, une voix échangeant avec un domestique, c'était certainement l'oncle William qui rentrait.

Albert franchit le seuil du salon et découvrit, surpris, les jumeaux rouquins, assis sur son sofa et s'exclama :

— Bonjour Eliza, Daniel ! À ma connaissance, la réception familiale est prévue pour demain et non aujourd'hui. Vous seriez-vous trompé de jour par hasard ? Ironisa-t-il.

— Bonjour oncle William, salua Daniel.

— Bonjour mon oncle, reprit sa sœur, nous avons pris la liberté de venir une journée plus tôt afin de vous proposer notre aide et notre savoir-faire quant à l'organisation de la dite fête.

Albert restait sur ses gardes : c’était bien la première fois qu'ils les voyaient proposer leur aide pour quoique ce soit ! Dissimulant ses doutes sous un air affable, il continua :

— C'est vraiment très attentionné de votre part mes chers cousins, néanmoins tout a déjà été préparé et organisé à cet effet, il n'y a donc rien que vous puissiez faire pour aider aux préparatifs. D'autre part, vous n'êtes pas sans savoir que ce sera un dîner de famille assez simple nous réunissant tous depuis le décès de la tante Elroy.

— Oui, nous savons, mon cher oncle, assura la rouquine, comprenez-nous cette pauvre tante Elroy nous manque tellement que nous pensions pouvoir apporter notre participation afin d'honorer sa mémoire...



Albert afficha un sourire subtil, il était loin d'être dupe quant aux intentions éventuelles de ces diables de cousins mais entendait bien retourner la situation à son avantage...

— Eh bien, c'est tout à votre honneur mes enfants. Mais j'ai une autre idée si vous souhaitez rendre hommage à notre tante bien-aimée. J'ai à vous parler à tous deux, je comptais le faire demain soir mais puisque vous êtes là, parlons-en tout de suite !

— De quoi s'agit-il mon oncle ? S’enquit la jeune femme.

— Tout d'abord, continua-t-il, je dois vous avertir que nous aurons, demain soir, un invité de marque qui n'était pas prévu au programme, il s'agit de mon ami Edward McCormick.

— Mon oncle, demanda Eliza avec un soudain enthousiasme déconcertant, faites-vous allusion au grand homme d'affaires, celui qu'on surnomme "le roi du pétrole "?

— Oui Eliza, répondit-il, c'est bien lui. Figurez-vous qu'il est de passage dans la région, et je vais l'inviter à séjourner ici quelques temps pour régler les quelques affaires communes en cours. C'est un vieil ami, nous avons étudié ensemble durant notre jeunesse. Bref, je compte sur votre politesse et votre bienséance à tous deux pour le mettre à l'aise !

Une lueur malicieuse brilla dans le regard de la jeune femme : elle avait bien dit à son frère, qu'il fallait qu'elle arrive plus tôt. Et maintenant elle en connaissait la raison : Edward McCormick serait là le lendemain et rien que pour elle ! Elle devait être en train de rêver...

— Vous savez très bien, affirma celle-ci, mon cher oncle que vous pouvez compter sur nous.

— Je suis ravi de l'entendre, reprit Albert, mais Eliza, je tiens à faire une mise au point avec toi : je ne veux pas de remarques désobligeantes, quelles qu’elles soient, vis à vis de Candy, tu te comporteras avec la plus grande bienveillance envers elle et ce devant tout le monde ! Je me suis bien fait comprendre ? Elle est ma fille adoptive et tu dois l'accepter et la respecter. Et ça vaut bien sûr aussi pour toi, Daniel...

Celui-ci répondit :

— Il n'y a de souci pour moi oncle William.

Eliza fulminait, cette petite intrigante lui valait encore et toujours des reproches, alors même que c'était elle l'orpheline, une pauvre fille d'écurie. Elle ne comprenait vraiment pas comment lui, l'oncle William avait pu adopter une fille perdue comme elle ! Elle aurait sa vengeance un jour contre cette chipie, ça elle s'en assurerait. En attendant, il valait mieux faire profil bas vis à vis de l'oncle William.

—Mon oncle, vous savez très bien que vous pouvez compter sur moi, mentit-elle. Ces vieilles querelles sont de l'histoire ancienne, nous sommes de bonnes amies maintenant !

Albert n'était pas né de la dernière pluie, et il se méfiait d'elle comme de la peste, il saurait la garder à l'œil. Il n'ignorait pas toutes les abjections qu'avait connues sa fille à cause de ces diables de Legrand notamment du temps où elle n'était encore que simple demoiselle de compagnie pour Eliza. Cela n'avait d'ailleurs point duré, elle avait vite été exploitée et avait fini par dormir dans l'écurie... Albert en était malade quand il y repensait. Quels personnages odieux ! Heureusement tout cela avait changé le jour où il l'avait adoptée. Il n'en restait pas moins qu'il gardait une rancune tenace vis-à-vis d'eux. D'ailleurs, si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait déshérité toute cette partie de la famille. Mais sa tante, sur son lit de mort lui avait fait promettre de ne pas le faire. Sans compter que Candy elle-même avait abondé dans ce sens et préféré ne pas leur tenir rancune, croyant toujours dur comme fer à leur possible rédemption.

— L'important est que nous soyons tous d'accord, répliqua le chef de famille. Maintenant passons à l'autre sujet que je souhaitais aborder avec vous. Vous me disiez tout à l'heure que vous souhaitiez rendre hommage à notre chère tante, c'est bien cela ?

— Oui, mon oncle, répondirent en chœur les jumeaux.

— Bien, je suis ravi de l'entendre, et je pense avoir trouvé le moyen idéal pour vous y aider, s'amusa-t-il. Vous savez que cela fait six mois qu'elle nous a quittés, Dieu ait son âme. Mais tout ce qu'elle possédait, ses affaires, sa garde-robe, ses bijoux, toutes les babioles et bibelots qu'elle conservait, sont toujours là-haut dans ses appartements. Donc j'aurais besoin de quelqu'un pour faire l'inventaire et le tri dans tout ça. Le mois dernier, au mariage d'Archibald et Annie, j'ai pu discuter avec votre père qui m'a dit que vous n'étiez pas vraiment bousculé en ce moment. Daniel tu ne sembles toujours pas décidé à le rejoindre pour travailler avec lui, d'après ce que j'ai compris, quant à toi Eliza, tu passerais ton temps à éconduire des gentlemen... Donc j'ai pensé que du fait de votre vaste temps libre et de votre présence anticipée ici, vous auriez le temps de faire du tri dans les affaires de la tante. Bien entendu vous pourrez rester aussi longtemps que cela sera nécessaire pour le faire. Qu'en dites-vous ?

Les jumeaux se regardèrent, à la fois surpris, choqués et désabusés, ils ne s'attendaient pas à cela, à devoir jouer les femmes de ménage en triant et rangeant les affaires de leur tante.

Eliza reprit malgré tout :

— Mais mon oncle, ce n'est pas à nous de faire cela, c'est le travail d'une domestique, voyons...

— Ah non Eliza, ce n'est pas une tâche ordinaire que je pourrais confier à un simple serviteur, étranger à notre famille ! Il s'agit de l'héritage de notre tante tout de même... J'aimerais éviter les vols, vous comprenez, tandis que vous, vous faites partie de notre famille à part entière et j'ai toute confiance en vous ! D’autre part, je vous sais capable d'y mettre bon ordre et de me rapporter les éventuels éléments importants que vous trouverez...

— Mon oncle, s'énerva Eliza, vous ne pouvez pas nous demander de nous abaisser à une si basse besogne ! C'est incroyablement injuste ! Je m'y refuse ! Et pourquoi Candy ne s'y colle pas, elle ? Après tout, elle a l'habitude de faire ce genre de choses, elle, a été fille d'écurie avant que vous ne l'adoptiez...

Là, sa nièce dépassait vraiment les bornes et Albert comptait bien y remettre bon ordre sans plus attendre. Une lueur colérique dans le regard, il durcit le ton très sévèrement, et continua :

— C'en est trop Eliza ! Je t'ai déjà dit que je ne veux pas que tu parles ainsi de ma fille. Et je te rappelle que d’une part, elle travaille, elle, et que d'autre part, elle s'investit énormément au sein de la Fondation André au profit des enfants malades de l'hôpital Sainte-Joanna... De fait, elle n'aurait guère de temps à consacrer à ce genre d’activité en ce moment. Mais puisque vous m'obligez à mettre les points sur les "i", je vais me faire un malin plaisir d’éclaircir la situation, je pense que vous ne m'avez pas bien compris ! Faire l'inventaire et le tri dans les affaires de votre tante n'est pas une requête, c'est un ordre que je vous donne en tant que chef de famille, et vous auriez tout intérêt à vous y plier, que ça vous plaise ou non. Me suis-je bien fait comprendre cette fois-ci ?

Eliza fulminait, elle ne s'était jamais sentie aussi humiliée de sa vie. Elle se vengerait de lui tôt ou tard, de ça, elle en était certaine. En attendant, elle n'avait guère le choix et dut ravaler sa fierté et faire bonne figure.

Daniel se décida à calmer un peu le jeu. Sa sœur ne cessait d'attiser le feu depuis un moment et il ne voulait pas se retrouver impliqué dans ses conflits avec le chef de famille, oh ça non ! Il intervint :

— Oncle William, calmez-vous, nous ferons comme bon vous semble et nous y passerons le temps nécessaire, n'ayez aucune inquiétude à ce sujet !

— Daniel, cracha sa sœur, c’est…

Faire bonne figure c’était une chose, mais se rabaisser de la sorte était inimaginable pour Eliza et elle était sur le point de le faire savoir à son frère. Cependant l’air furibond qu’il affichait l’avait prise de court et elle s’était interrompue, déconcertée par ce qu’elle avait lu dans son regard. Mieux valait sans doute laisser tomber face à l'oncle William et serrant les poings, elle laissa échapper un « Bien, mon oncle » entre ses dents.

— À la bonne heure, je suis ravi de l’entendre. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai à faire avant de dîner, je serai dans mon bureau.

— Bien sûr oncle William, à tout à l'heure, fit Daniel.

Une fois seuls dans la pièce, Eliza se tourna vers son frère, le fusilla du regard et s'écria :

— Comment as-tu pu me faire ça, sale traître ? Moi, m'abaisser à faire ça ?

— Tu te fiches de moi j'espère ? Rétorqua-t-il. Je l'ai fait pour nous deux, j'ai calmé le jeu... N'as-tu pas remarqué son air furibard ?? Tu tiens vraiment à te mettre le chef de famille à dos ? Maman n'apprécierait pas tu sais ?

— D'accord, dit-elle d'une voix redevenue raisonnable, fais comme bon te semble, mais je te préviens que tu le feras tout seul ton inventaire...

— Tu te moques de moi, n'est-ce pas ?

— Absolument pas mon cher frère, s'agaça-t-elle, c'est de ta faute si on en est là. Si tu m'avais laissé tenir tête face à ce vagabond reconverti, nous serions déchargés de cette corvée !

— Oh mais non, c'est parfaitement injuste et tu le sais ! Il n'en est pas question ! Je refuse de faire ça tout seul ! Il a ordonné que ce soit toi et moi ! S'énerva-t-il à son tour.

— Je ne te laisse pas le choix ! Précisa Eliza. De toute façon, sache que je n'ai pas le temps, j'aurai bien plus important à faire, figure-toi !

— Ah oui, et on peut savoir quoi exactement ? fulmina-t-il.

— Tu es idiot ? Reprit-elle, ou alors c'est que tu n'as rien écouté de ce que l'oncle William nous a dit tout à l'heure !? À propos de son invité de marque qui sera là demain soir !

— Ah oui et alors, qu'est-ce ça peut bien te faire ? S'étonna-t-il.

— Tu ne comprends pas ? s’enquit-t-elle effarée. Tu sais qui c'est ?

— Ah non alors, répondit-il, il pourrait être le pape, je m'en fiche bien !

— Je dois rêver, s'exclama-t-elle, tu ne peux pas être mon frère... Tu ne te rends pas compte ? Tu ne lis jamais les journaux ou quoi ? On parle d'Edward McCormick, le magnat du pétrole, il a hérité, avec sa sœur, de toute la fortune de son père. Il est milliardaire, à seulement 31 ans et toujours célibataire. Et il est très beau pour ne rien gâcher !

— Et alors ? Tu comptes te mettre sur les rangs ? Demanda-t-il d'un ton sarcastique. Tu crois vraiment que tu as tes chances ? Laisse-moi rire ! Un milliardaire de sa trempe ne lèvera jamais les yeux sur une pauvre fille comme toi !

— Pfft, si, tu verras, je te donnerai tort comme à chaque fois ! répliqua-t-elle d'un air revêche, il tombera à mes pieds, en tout cas je vais tout faire pour ! Donc je vais être très occupée demain, il faut que je m'achète une robe, des chaussures, des bijoux, dignes de son rang ! Donc tu te débrouilleras tout seul pour les affaires de la tante !

— Tu me le paieras Eliza, la menaça son frère, ça je te le garantis.

Daniel s’interrompit en apercevant Candy dans la pièce. Les deux jeunes Legrands avaient été tellement occupés à se disputer qu'ils n'avaient pas entendu le claquement sonore de la porte d'entrée principale.

— Bonjour Daniel, bonjour Eliza. Que faites-vous ici ? Demanda la blonde intriguée, vous n'étiez pas censés ne venir que demain soir pour le dîner ?

— Ah Candy, tu as déjà terminé ta journée insipide avec tes malades ? Demanda la rouquine sur un ton vindicatif.

Son interlocutrice ne prêta guère attention à ses paroles. Depuis le temps, elle avait pris l'habitude d’ignorer son attitude désagréable et estimait qu’elle ne valait même plus la peine qu'on lui répondît...

— Bonjour Candy, oui bien sûr, nous avons pris un peu d'avance c'est tout. Vois-tu, nous risquons même de devoir rester plusieurs jours, l'oncle William nous a chargé de faire du tri dans les affaires de la tante Elroy, déclara Daniel d'un ton des plus ravis.

Il reluquait la nouvelle venue avec concupiscence. Elle n’avait jamais quitté ses pensées et il était toujours amoureux d'elle, même après leurs fiançailles avortées, et l'éloignement qu'il s'était sciemment imposé, pour calmer le jeu tout d'abord, mais aussi ensuite dans l’espoir qu’il finirait par lui manquer. Espoir qui avait bien évidemment été déçu. Depuis, il avait compris qu’il était inutile de lui dévoiler les sentiments qu’il avait encore pour elle et tentait de ne rien laisser paraître : il ne s’agissait pas de réitérer le désastre de la fois précédente. Il lui fallait absolument attendre patiemment qu'elle vienne jusqu'à lui, et il était convaincu que cela arriverait tôt ou tard ! Mais c’était si difficile : elle était de jour en jour plus belle, une vraie femme maintenant. Et il devait faire des efforts surhumains pour ne pas afficher un sourire béat en s’extasiant sur sa beauté, chaque fois qu'il la voyait.

Au final, cette corvée imposée par l’oncle William était un mal pour un bien. Il allait pouvoir croiser Candy plus souvent et peut-être même passer du temps avec elle...

— Je vois, reprit celle-ci, c'est une très bonne idée car personne n'a encore pris le temps de le faire, et est-ce qu'Albert est rentré ?

— Oui, tu le trouveras dans son bureau, répondit-il d'un ton des plus gentils et doux.

— Je vais aller le voir, merci Daniel.



Candy emprunta l'escalier qui menait à l'étage. Elle se disait en montant l'escalier que Daniel avait bien changé depuis l'époque où il la harcelait pour pouvoir l'épouser. Depuis un certain temps déjà, elle avait remarqué, lors de dîners et réceptions de famille, qu'il était toujours très cordial et gentil envers elle, sans pour autant manifester les sentiments grotesques de l'époque, que ce fût sous forme de déclaration ou de manipulation comme jadis. Elle en était venue à la conclusion qu'il regrettait son comportement passé, qu'il essayait tant bien que mal de s'amender et de passer à autre chose. Peut-être que tout ce qu'il voulait pour Candy c'était son bonheur ce qui expliquerait son attitude auprès d'elle. Elle s'en était convaincue car elle avait une foi inébranlable en la rédemption de l'homme...

Elle arriva devant le bureau d'Albert et frappa à la porte. Elle entendit la voix de son père qui l’invitait à entrer.

— Bonjour Candy, dit-il en s’approchant d'elle pour la prendre dans ses bras, tu m'as manqué ma chérie.

— Bonjour Bert, répliqua-t-elle en l'étreignant également, toi aussi tu m'as manqué ! Comment était ton voyage ?

Une profonde affection s'était installée entre eux depuis que Candy avait découvert que son père adoptif et Albert était la même personne et elle éprouvait une très grande gratitude envers lui. Il avait toujours œuvré dans l'ombre pour tenter de faire son bonheur, et elle ne pouvait lui en être que plus reconnaissante encore.
Quant à lui, il n'oubliait pas tout ce qu'elle avait fait pour lui. Elle avait fait preuve d'un tel dévouement à son égard et lui avait prodigué les soins dont il avait besoin à l'époque, après son accident en Italie ayant pour grave conséquence de lui faire oublier tout son passé jusqu'à sa propre identité. À l'époque, Albert était juste un ami dont elle ne connaissait que le prénom, et qu’elle avait retrouvé en tant que patient amnésique à l'hôpital Sainte-Joanna à Chicago où elle était élève infirmière et où lui, avait été envoyé d'Europe blessé. Elle ne l'avait pas revu depuis les jours heureux où elle étudiait au collège Royal de St-Paul à Londres, et où il travaillait au zoo et avait notamment aidé Terry avec ses nombreux déboires, tout comme Candy ce qui avait créé un lien indéfectible.

Sa mémoire avait été longue à revenir, l'infirmière blonde avait alors décidé de louer un appartement en colocation avec Albert pour continuer à l'aider malgré le fait que cela pût porter atteinte à sa réputation : une jeune femme célibataire vivant avec un homme au passé inconnu pouvait faire jaser dans le mauvais sens. Mais elle avait osé prendre ce risque et braver les obstacles sur sa route, tout ça dans le but de venir en aide à son ami, et cela il lui en était tellement redevable que les mots ne seraient jamais assez forts pour lui prouver sa reconnaissance... Quand les souvenirs avaient refait surface avec son identité, il avait compris qu'il n'avait d'autre choix que d'abandonner Candy du jour au lendemain, sans mot et sans explication... Même si c'était un crève-cœur pour lui, il s'était habitué à sa présence, l'aimait et la considérait comme sa sœur, mais cela valait mieux avant qu'un scandale n'éclate à propos du chef de la famille André et de sa fille adoptive. Il avait contacté Georges et repris sa place dans l'ombre, jusqu'à la date fatidique où il pourrait enfin dévoiler aux yeux de tous qui il était vraiment surtout auprès de sa très chère Candy. Une fois ce secret révélé auprès de sa fille notamment, ils avaient pu enfin retrouver leur complicité et leur amitié d'antan et avaient développé une profonde affection l'un pour l'autre.

Même après que celui-ci avait révélé à la jeune femme qu'il était également le fameux "prince des collines" qu'elle avait rencontré à l'âge de six ans sur la colline de Pony, cela n'avait rien changé, au contraire cela avait renforcé l'impression de Candy qui le voyait comme son prince qui était venu l'enlever d'une vie misérable de chez les Legrand. C'était son héros !

Il n'y avait par conséquent, jamais eu aucune ambiguïté sexuelle ou amoureuse entre eux, c'était de l'amour platonique entre un "père" et sa "fille" ou entre un "frère" et une "sœur" pour l'un comme pour l'autre. Les mots étaient inutiles, ils se comprenaient tellement bien en se regardant dans les yeux, c'était comme s'ils arrivaient à lire dans les pensées l'un de l'autre, ils étaient "connectés " et étaient simplement heureux de pouvoir passer du temps ensemble. Candy avait toujours rêvé d'avoir une famille, et là elle avait à la fois, un père, un frère, un protecteur, et un meilleur ami, à qui elle faisait toute confiance pour veiller sur elle. William avait souffert, très jeune, de la perte de ses parents puis beaucoup plus tard de celle de sa sœur, il n'avait qu’un peu plus de dix ans à cette époque-là mais Rosemary lui manquait tellement... En Candy, il retrouvait vraiment sa sœur tant elle lui ressemblait avec ses yeux verts, ses cheveux blonds ondulés, le portrait craché de sa sœur qui n'était forcément dû qu'au fruit du hasard...

Candy demanda à Albert si son voyage s'était bien passé.

— Très bien je te remercie, et la prochaine fois, je t'emmène avec moi à Los Angeles, après tout nous avons des appartements là-bas et le climat chaud te ferait beaucoup de bien ma chérie, dit-il en déposant un baiser sur son front et en gardant ses mains pour les caresser affectueusement.

— Oh Albert, reprit-elle, c'est très gentil à toi mais j'ai tellement de boulot en ce moment, entre mon travail à l'hôpital et à la Fondation...

— Si ce n'est que ça, ajouta-t-il, je me débrouillerai pour te libérer du temps, tu n'as qu'à demander...

Candy fit les gros yeux, elle n'aimait pas qu'on interfère dans sa vie privée.

— Je te l'interdis Bert ! protesta-t-elle.

— D'accord, je plaisantais, je sais que tu ne supportes pas que l'on s'immisce dans ta vie professionnelle, assura-t-il.

— Je suis ravie de l'entendre !

— Candy, assieds-toi, il faut que je te parle! S'exclama-t-il en lui faisant signe de prendre place dans un fauteuil, lui-même s'installant dans son siège derrière son bureau.

— Oui, de quoi s'agit-il ? s’enquit-elle.

— D'affaires et bien plus... commença-t-il. En fait, il faut que tu saches qu'avec Archibald et Georges, nous travaillons en ce moment sur une potentielle affaire de grand complexe immobilier qui pourrait être la plus rentable de toute l'histoire de la Compagnie André. Je te passe les détails mais nous voudrions réaliser un partenariat économique pour notre société avec l'un des plus grands magnats de notre temps : il est surnommé "le roi du pétrole", il a hérité de la fortune et de l'entreprise familiale et a su l'étendre à son paroxysme : il devient milliardaire à seulement 31 ans ! Si je te parle de lui, c'est pour deux raisons : la première c'est que je compte l'inviter à séjourner quelques jours ici, puisqu’il est de passage dans la région, au moins le temps que nous réglions cette affaire. De fait, il sera là également demain soir pour notre dîner familial, je voulais être sûr que cela ne te dérange pas d'avoir un invité de son standing ici ?

— Non, bien sûr que non Bert, ça ne me dérange pas le moins du monde, lui assura Candy.

— Très bien ! Et la deuxième raison c'est que si l'affaire se concrétise, comme ledit projet sera réalisé à New-York, il nous faudra une personne de la Compagnie pour nous représenter et tout superviser de là-bas et ce durant plusieurs mois voire plus. Je ne peux décemment pas demander à Archibald qui vient de se marier avec Annie, quant à Georges, il est bien trop efficace ici pour que je l'assigne ailleurs… En conséquence de quoi, il ne reste que moi! Mais cela m'ennuie de te laisser seule comme ça pendant des mois !

— Bert, intervint la jeune femme blonde, je t'arrête tout de suite, je suis bien assez grande pour m'occuper de moi toute seule je te signale. Qui plus est, tu pourras toujours revenir certains week-ends ou alors je viendrais te voir, ça me fera des vacances !

— Tu serais prête à venir me voir ? Demanda le jeune trentenaire d'un air dubitatif. Je t'ai dit que c'était à New-York ? Cela ne te gêne pas ? Tu es bien sûre ? Après tout ce que tu as vécu là-bas ?

Candy repensa à son Terry, et à leur terrible séparation à New-York, à leur amour inavoué... Et si Annie avait raison après tout ? Si les dés n'étaient pas encore jetés ? Et si elle se précipitait là-bas, lui avouait ses sentiments et que ceux-ci fussent réciproques ? Elle ne pensait pas pouvoir goûter à nouveau au bonheur, elle y avait renoncé depuis fort longtemps maintenant... Mais Annie avait raison sur un point, il était vrai qu'aucune annonce de fiançailles n'était parue dans la presse alors même que cela faisait déjà presque quatre ans... Elle ne voulait pas que son père s'aperçût qu'elle était encore et toujours bouleversée par celui qui monopolisait trop souvent ses pensées. Elle s'empressa de réagir pour éviter un trouble plus gênant encore...

— Albert, je t'en prie si nous pouvions éviter de faire allusion à "lui"... Dit-elle en tentant de museler son désarroi. D'autre part, je ne t'apprends rien si je te dis que la ville de New-York est grande, et que les chances que je le croise sont terriblement minces donc oui je te rassure, signe ce contrat qui m'a l'air très juteux pour toi, et pars là-bas travailler, ça ne me dérange pas, et je te promets que je viendrai te voir !

Albert n'était pas dupe, il savait et sentait que sa fille était perturbée. Manifestement, elle n'avait pas réglé le problème "Terry" et semblait toujours très éprise de lui. Qu’en était-il du jeune acteur ? L'avait-il oubliée ? Peut-être que non après tout, vu que rien n'était paru dans la presse. Fallait-il qu'il s'en mêle pour aider sa fille ? Après tout, s'il allait à New-York, et s'il venait à croiser Terry par hasard au théâtre, endroit qu'Albert aimait beaucoup fréquenter, il se ferait de fait, un malin plaisir d'aller parler à ce vieil ami et voir où il en était dans sa vie sentimentale... Pourquoi pas ? Oui, c’était une option qu'il avait bel et bien envie d'explorer : pour sa fille chérie, il était prêt à tout, même à l'impossible ! En attendant, il préférait ne pas la troubler davantage et feignant de ne rien avoir perçu ni compris, il reprit :

— Alors si tu viens me voir dans la grande ville de New-York ma fille chérie, je ne peux qu’être satisfait ! Qui plus est on pourra se promener, faire du shopping et pourquoi ne pas visiter le Musée d’Art Métropolitain ? Qu'en dis-tu ? D'autre part, je ne crois pas t'avoir fait visiter notre grand appartement là-bas ? Il est situé à Manhattan sur Washington Street, j'espère tu apprécieras...

— Oui je suis sûre que je vais aimer passer du temps là-bas avec toi et comme je le devine, chez les André, le pied-à-terre doit être somptueux... Mais dis-moi ton riche milliardaire et potentiel et futur partenaire en affaire ira-t-il aussi là-bas ? Et comment s'appelle-t-il d'abord ? Demanda sa fille.

— Figure-toi ma chérie qu'il vit déjà à New-York. Il s'appelle Edward McCormick, et sais-tu que c'était mon meilleur ami quand j'étudiais à Londres dans ma jeunesse, au collège Royal de St-Paul ?

— Pardon ? S'étonna-t-elle. Tu as toi aussi étudié au collège Royal de St-Paul à Londres ? Tu m'en fais des cachotteries !

— En fait, je dois t'avouer que ce n'était pas le fruit du hasard si l'oncle William, je veux dire moi, à l'époque vous ai expédiés là-bas, toi, Alistair et Archibald. J'y ai passé toute mon adolescence mais j'en ai gardé un très bon souvenir et j'y ai beaucoup appris, notamment ce qu'était l'amitié avec Edward, j'ai pensé qu'après la mort d'Anthony, c'est ce dont tu aurais besoin, pour pouvoir passer à autre chose...

— Et tu as eu parfaitement raison Bert, répliqua Candy, mais attends, tu m'as dit que ton ami s'appelait McCormick, c'est ça ?

— Oui, dit-il, pourquoi ?

— Ce nom ne m'est pas inconnu... Réfléchit-elle. McCormick !? Ah oui, je sais. Quand j'étudiais à St-Paul moi aussi, il y avait une fille de mon âge qui s'appelait Sarah McCormick, elle ne s'agglutinait jamais à Eliza et sa clique, je me souviens qu'elle était très discrète, assez solitaire mais très gentille et très intelligente. Je me souviens de son courage pour son âge, son père était décédé un an plus tôt sur le Titanic, elle avait déjà perdu sa mère à la naissance, et son grand frère jouait le rôle de tuteur auprès d'elle visiblement. Dis-moi Albert, s'agit-il du même McCormick ?

— Oui, confirma-t-il, c'est bien lui, nous nous sommes perdus de vue pendant plusieurs années mais dès lors que j'ai pu prendre mes fonctions en tant que William Albert André, nous nous sommes croisés brièvement lors de diverses réceptions mais j'ai l'impression qu'il n'a pas changé, il est resté humble...

— Vous avez beaucoup de points communs alors Bert, constata Candy, vous êtes tous deux issus d'une famille très aisée et avez eu à affronter de lourdes responsabilités très jeunes.

— Oui tu as tout compris, répliqua-t-il, c'est ce qui nous a rapprochés, et c'est aussi pour cela que nous nous sommes très bien entendus dès le départ. Nous étions inséparables par la suite...

Albert et Edward s'étaient ainsi connus, près de 17 ans auparavant, à l'époque de leurs années d'études au collège Royal de St-Paul à Londres, lorsque sa tante Elroy, l’y avait envoyé à l'âge de 14 ans afin de parfaire son éducation dans un établissement reconnu. Elle espérait qu'il pourrait, une fois ses études achevées, prendre les affaires André et de la famille en main. De plus, la distance permettrait de le cacher et le soustraire aux manigances de certains membres de la famille, en le faisant passer pour un vieil original qui ne se montrait jamais. Seuls Elroy, le conseil des Anciens et Georges étaient complices de ce stratagème qu'il fallait conserver secret, le temps qu'Albert fût en âge d'être reconnu et intronisé. Il pourrait alors révéler son identité à savoir que c'était lui le fameux oncle William.
C'est ainsi qu'Albert avait rencontré Edward McCormick. Ils s'étaient tous deux très bien entendus immédiatement, de même âge, partageant la même chambre au pensionnat, les mêmes cours ainsi que les mêmes amis, les mêmes passions pour la nature et les animaux, issus du même milieu aisé et surtout sentant planer au-dessus de leur tête, la même lourde responsabilité en tant qu’héritier sur le point de prendre la relève.

Ce n'est qu'une fois leurs études achevées que leurs chemins s’étaient séparés. Edward était rentré chez lui à New-York quant à William, il était retourné à Chicago. Mais il était encore trop tôt, à l’âge de dix-sept ans, pour reprendre la suite ou même révéler à quiconque "son vrai visage". Il avait donc continué de rester caché dans l'ombre, ce qui lui avait permis de voyager de-ci de-là, et de laisser s’épanouir sa passion pour les animaux et la nature, passant parfois même pour un vagabond ce qui ne l’empêchait pas de garder un œil sur sa famille et sur Candy. Il l'avait sauvée de la noyade, un jour où il était passé près d'un rapide et il l'avait reconnue. C'était elle la petite fille blonde aux cheveux bouclés et aux yeux verts de la Colline qu'il avait jadis consolée alors qu'elle était encore très jeune et vivait dans cet orphelinat " La Maison Pony". Elle lui rappelait tant sa sœur ! Plus tard, alors qu'il n'était âgé que de 23 ans, il avait reçu pas moins de trois courriers émanant de chacun de ceux qu’il appelait ses neveux, même si Archibald et Alistair, fils de sa cousine, ne l’étaient pas vraiment. Seul Anthony fils de la pauvre Rosemary l’était... Il avait alors appris que Candy, déjà maltraitée par les Legrand, devait être envoyée au Mexique, il avait pris alors la meilleure décision de sa vie, celle de l'adopter sans pour autant sortir de l’anonymat. Quand sa tante Elroy l'avait appris, elle avait été très contrariée et voulu en contester la décision mais il était bien trop tard déjà, Georges ayant réglé rapidement les formalités d'adoption à sa demande. De fait, elle n'eut d'autre choix que d'accepter, bien à contrecœur, la jeune fille au sein de la famille.

Mais William continuait à garder un œil sur elle, et quand il l'avait envoyé au collège Royal de St-Paul à Londres, il l’y avait suivie mais toujours sans dévoiler sa véritable identité. Et il y avait envoyé Archibald et Alistair, pour que ceux-ci puissent aider Candy à se remettre de la mort tragique d'Anthony.

Candy sourit à Albert, heureuse qu'il se soit confié à elle, à propos de sa jeunesse notamment. Elle comprenait mieux maintenant la pression qu'il avait subie, si jeune, et lui était infiniment reconnaissante de l’avoir adoptée. Et elle était plus que ravie d’avoir pu apporter un semblant de bonheur dans la vie du père exceptionnel qu’il était.



Fin du Chapitre II

CHAPITRE III




Chicago,



Vendredi 16 août 1918,

Albert admirait la vue du haut de la tour de la Compagnie André, tranquillement installé sur le fauteuil de son bureau, pendant qu'Archibald et Georges faisaient les cent pas dans son bureau, nerveux et très impatients de la venue du fameux McCormick.

Archibald était le plus agité des deux. Après tout il s'agissait de sa première transaction significative depuis qu'il avait rejoint les rangs de la compagnie. Qui plus est avec un homme d’une puissance et d’une influence sans égale dans le milieu pétrolier, à tel point qu’on l’avait surnommé le « Roi du Pétrole ». La réussite de ce rendez-vous était donc d’une importance capitale. Le jeune Cornwell se rongeait les sangs : arriveraient-ils à un accord ? Là était la question. Et pourquoi n’était-il toujours pas là alors qu’il était déjà 11 heures passées ? Une demi-heure, c’était pourtant largement suffisant pour venir de la gare, puisque cet homme était censé les rejoindre directement à la compagnie. Or, il se faisait attendre...

Tout à coup, quelqu'un toqua à la porte, et après qu’Albert ait signifié d'entrer, sa secrétaire pointa le bout de son nez pour l'informer que Monsieur McCormick était arrivé. William se leva et lui demanda de le faire rentrer avant de s'avancer jusque vers la porte pour accueillir son invité.

Il n'avait pas changé, se dit Albert. Toujours aussi grand, les yeux noisette, et les cheveux d’un brun caramel coupés courts, une tenue distinguée en accord avec sa condition d’homme richissime fréquentant la haute société et ce charme indéniable qu'il dégageait déjà durant leur jeunesse : à l'époque, les jeunes filles étaient toutes en pâmoison devant lui. Qu’en était-il aujourd'hui ? D’après ce qu'il avait entendu à son sujet, il était toujours célibataire. Pourtant il ne devait avoir aucun mal à séduire quiconque l’aurait intéressé… Albert eut un soupir intérieur de dérision en constatant le train qu’avaient pris ses pensées. Il tendit une main chaleureuse à son ami et d’une amicale bourrade sur l’épaule le salua, avant de lui présenter Georges et Archibald. Ce dernier semblait si impressionné par sa présence que pour alléger un peu l’atmosphère, leur prestigieux visiteur l’invita à l’appeler simplement Edward. Après tout, ils avaient fréquenté le même collège…

Mais il était temps de parler affaire… Edward s'assit en face de William, qui prit place derrière son bureau tandis que Georges et Archibald restaient debout sur le côté de part et d’autre du milliardaire.

— Je me suis permis de t'envoyer ce télégramme, mon cher Eddie, car nous avons une proposition qui t’agréera je l'espère.

— Tu as éveillé ma curiosité, mon cher Liam, je suis tout ouïe.

Les diminutifs qu’ils avaient pris l’habitude d’utiliser dans leur jeunesse, leur étaient revenus comme par réflexe et ils se sourirent, leur solide amitié d’antan renouvelée.

Albert se mit à exposer leur projet :

— Nous savons que tu résides sur la 54ème rue à New-York et que tu souhaites redynamiser le quartier en développant de nouvelles activités économiques sous la forme d'un grand complexe immobilier qui regrouperait divers magasins, des restaurants et un opéra entre autres choses. Nous avons également connaissance de ton acquisition récente de terrains dans ce quartier et de ton désir d'investir dans des projets immobiliers comme la construction d'immeubles locatifs près de ce complexe. Il faut que tu saches que tes intérêts convergent parfaitement avec ceux de la "Real Estate Company André". Donc nous aimerions te proposer un partenariat économique, à savoir un investissement à parts égales. Archibald continue je t'en prie.

— Merci Albert, fit son neveu.

Il prit une longue inspiration pour museler l’appréhension qu’il sentait monter en lui, avant de se lancer :

— Nous pouvons non seulement apporter nos propres fonds, comme Albert l'a expliqué, mais également mettre à votre disposition l’ensemble de nos partenaires pour la construction de ce grand complexe immobilier ! Comme vous le savez déjà sûrement, la Compagnie André est connue et reconnue, bon nombre de bâtiments, immeubles, maisons et commerces de cette ville et bien d'autres encore ont été développés et construits par nos soins ! Nous travaillons avec un atelier d'architectes de renom qui nous suivra dans ce projet... D'ailleurs, nous avons anticipé notre rencontre d'aujourd'hui, et à l'heure où je vous parle, notre équipe est en route pour New-York, considérer ces terrains et nous proposer rapidement quelques ébauches. Vous l'avez compris, nous aimerions beaucoup collaborer avec vous sur ce projet et être à vos côtés dans cette formidable aventure...


—Georges, reprit Albert, quelque chose à ajouter avant de ne céder la parole à notre ami ?

— Oui, fit le bras droit à son tour, merci Monsieur. Au niveau investissement, il faut que vous sachiez que nous sommes parfaitement en mesure d'apporter la moitié de la somme d'engagement. La Compagnie André a fait d'énormes bénéfices ces dernières années, surtout depuis que Monsieur André a repris l'affaire familiale... Donc vous n'avez aucune inquiétude à avoir.

— Qui plus est, les retombées économiques vont être très importantes pour chacune des parties engagées, ajouta le blond trentenaire, je suis prêt à m'installer pour quelques mois à New-York afin de superviser les opérations avec toi ! C'est un projet tellement ambitieux et lucratif que je ne prendrai aucun risque ! Alors dis-moi qu'en penses-tu ?

Edward se demanda comment ils avaient eu accès à autant d'informations sur son projet, qui n'en était qu'à ses balbutiements. Aucun architecte ni partenaire commercial n'avait encore été approché… Mais il appréciait qu'on se renseigne à l'avance avant de s'engager dans quoi que ce fût, c’était la première règle que son père lui avait enseignée. Le point positif supplémentaire était que Liam était aux commandes, il avait toujours eu toute confiance en lui au temps du collège Royal de St-Paul, et il l'avait suivi de loin, par la presse notamment, dans ses exploits et succès immobiliers quand il avait repris officiellement les rênes de la Compagnie André. Lui aussi s'était renseigné avant de venir à ce dit rendez-vous et savait que la Real Estate Company André affichait un très joli bénéfice pour les précédentes années, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Ce pourrait effectivement être une très belle collaboration, sans compter qu’il appréciait par-dessus tout travailler avec des gens compétents, ce qui était clairement le cas ici... De surcroît, il aurait l'occasion de renouer avec son meilleur ami, s'il venait à New-York. Depuis la mort de son père, il avait tellement travaillé, veillé aux intérêts familiaux puis sur sa sœur qui était devenue la prunelle de ses yeux, qu'il ne sortait plus beaucoup à part pour des dîners ou des galas de charité. Cela faisait trop longtemps qu'il ne s'était pas amusé… Liam pourrait peut-être, sans doute, l'y aider ?

Un silence inconfortable s’installa, alors que leur invité affichait un air abscons qui ne laissait rien filtrer de son humeur ou de son éventuelle décision. Il finit pourtant par s’exprimer :

— Je vous ai tous écoutés consciencieusement et je dois d'abord vous avouer que je suis ébahi d’entendre tout ce que vous savez sur ce projet qui n'en était encore qu'à l'état d'ébauche. Je dois admettre que j'apprécie beaucoup votre esprit d'initiative, même si avoir envoyé votre équipe sur place était un peu prétentieux. Cela reste malgré tout une idée brillante. De fait, je n'aurais qu'une seule question, où est-ce que je signe ?

Les trois autres hommes se regardèrent à la fois surpris et réjouis : ils n’avaient pas prévu que ce serait si simple. Et si Georges et Albert avaient l'habitude de se battre et de remporter des marchés, c'était bien différent pour Archibald. Il était heureux de ce qu'il avait accompli et qui avait visiblement porté ses fruits. Il n'en avait pas espéré autant pour une première affaire ! Non seulement il était comblé dans sa vie privée mais maintenant il l’était aussi dans sa vie professionnelle, et c’était presque magique...

Albert, encore stupéfait, retrouva sa voix :

— Ah Eddie, merci, je te promets que tu n'auras pas à le regretter ! J'aurais simplement une faveur à te demander : cela t'embêterait de retarder ton départ de quelques jours ? Même si Georges a déjà tout préparé pour la signature du contrat, nous aimerions aussi te montrer les plans, et cela ne pourra se faire qu’en début de semaine prochaine. Bien entendu, je t'invite à séjourner à Lakewood durant ces quelques jours. Et si ça ne t'ennuie pas d'être convié au dîner familial de ce soir, je te promets une belle balade à cheval dans mon parc privé, comme à l'époque. Alors ?

— Ce sera avec le plus grand plaisir, s'enthousiasma Edward qui retrouvait tout à coup l’insouciance de ses 15 ans.

— Formidable, continua Albert. En attendant je vous invite tous à déjeuner au restaurant, et ensuite si tu es d'accord Eddie, nous reviendrons ici signer ce contrat et ensuite je t'emmènerai au manoir de Lakewood, tu verras, c'est splendide !

— Je suis d'accord, répondit son interlocuteur, et j'ai hâte de voir ça !






******************







Domaine de Lakewood,



Cela faisait deux bonnes heures que Daniel se trouvait dans les appartements de la défunte tante Elroy. Il avait commencé l'inventaire et le tri qui allaient probablement lui demander bien plus de temps que prévu au départ, vu la quantité de vieilleries amassée par la tante. Sans compter que sa traîtresse de sœur était bien entendu partout sauf ici, avec lui à ranger et inventorier comme l'oncle William le leur avait demandé à tous les deux. La garce s'était éclipsée aux aurores, certainement pour ne pas le croiser mais probablement aussi pour réaliser son soi-disant shopping. Mais cela n'était pas pour lui déplaire : ce matin, il avait pu prendre son petit-déjeuner en la seule compagnie de Candy, un tête-à-tête en quelque sorte. Elle était encore plus splendide que d'habitude, vêtue d'une magnifique robe verte émeraude assortie à la couleur de ses yeux, ses mèches blondes et bouclées retombant sur ses épaules. Et ce sourire ravageur qu’elle n’affichait rien que pour lui ! Elle était divine et éveillait en lui un désir comme il n'en avait jamais ressenti pour aucune femme. Il savait qu'un jour il pourrait assouvir tous ses fantasmes avec elle, ce n'était qu'une question de temps, il saurait être patient, elle en valait vraiment la peine. D’ailleurs, aujourd’hui, avant de partir travailler à la Fondation, ne lui avait-elle pas souhaité bon courage pour le tri ? Cela ne voulait-il pas dire qu'elle s'inquiétait pour lui ? Qu'elle commençait à le voir autrement ? Il en était sûr ! Et plus ils passeraient de temps tous les deux, plus ils se rapprocheraient naturellement, cela était une évidence pour lui. Plus que quelques heures à patienter avant de la revoir...

Il repensa à sa sœur qui espérait éblouir son fameux milliardaire avec la tenue du siècle… Un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres : jamais elle n'arriverait à ne serait-ce que l'approcher. En tout cas, il allait lui faire payer d’une manière ou d’une autre le fait de l’avoir laissé se débrouiller seul face aux affaires de la tante... Pour le moment, il avait dénombré pas moins d'une centaine de robes et de fanfreluches, quatre-vingt paires de chaussures et tout autant de sous-vêtements et divers corsets, et bien d'autres accessoires encore comme une panoplie de gants qu'il avait remisés dans plusieurs malles. Fallait-il donner toute cette garde-robe à une œuvre de charité ? Il faudrait qu'il demande à son oncle. Il restait encore les milliers de livres dans la bibliothèque qui s’étalait sur tout un pan de mur. Cela lui prendrait énormément de temps, et qu'allait-il en faire ? Il ne savait pas du tout.

Mieux valait commencer par quelque chose de plus simple, comme les boîtes à bijoux posées sur la coiffeuse : il n’y en avait que trois et ce serait certainement rapide. Il décida d'ouvrir tout d'abord celle dont la clef avait été laissée dans la serrure. C’était un joli coffret en bois ancien, qui reposait sur quatre petits pieds et dont le couvercle à charnière s’ornait d’un médaillon ovale, gravé d’un décor en relief de feuilles de chêne et de glands et des lettres E. A. Les initiales de sa tante Elroy André... Aux quatre angles, des feuillages ciselés étaient sculptés et le pourtour était garni de rainures. Daniel tourna la clef dans la serrure. La vieille tante aimait les bijoux et elle avait tendance à en abuser, aussi ne fut-il pas surpris en découvrant ce que recelait le coffret : l'intérieur habillé de velours était couvert de bijoux dont certains lui rappelaient des souvenirs plus ou moins anciens. Il inscrivit méticuleusement le nombre de bagues, bracelets, colliers, boucles d’oreilles et autres colifichets, ainsi que leur description. Il n’y connaissait pas grand-chose, mais supposait, vu la richesse de la famille, que tous ces bijoux étaient en pierres et métaux précieux. Il ouvrit un gros médaillon doré et y découvrit la photo d’un homme qu’il supposa être l'ex-mari de la tante Elroy... Il poursuivit le recensement de la boîte et nota la présence d’une alliance en or, certainement la sienne, ainsi que d’une chevalière ornée des initiales J.B.

John Briand, songea Daniel. Son grand-père maternel… Après la disparition tragique de son épouse, morte en couches, il s’était remarié avec Elroy. Celle-ci n’avait pas eu d’enfant avec lui et avait reporté toute sa tendresse sur la petite Sarah qu’elle avait rapidement considérée comme sa propre fille. Et au décès de son mari quelques années plus tard, elle avait adopté l’enfant, devenue alors officiellement une André. Et quand Eliza et lui étaient nés, elle leur avait montré une grande affection et les avait traités comme ses petits-enfants même si eux-mêmes ne l'appelaient pas grand-mère.

Le jeune homme avait fini l'inventaire de la boîte. Il se disait qu'il y en avait certainement pour une petite fortune, mais peu importait, il fallait qu'il en rapporte le contenu à l'oncle William. Peut-être serait-il d’accord pour en donner une partie à sa mère, comme par exemple l'alliance ou le médaillon où après tout figurait le portrait de son père. Elle serait sans doute contente de les récupérer, il en toucherait un mot au chef de famille...

Il souleva l'autre coffret, une boîte à bijoux en argent assez lourd, de forme allongée, et dont le pourtour était décoré de rainures très rapprochées, ainsi que le couvercle. Celui-ci comportait en outre, deux champs carrés, estampillés chacun du portrait d’une fille portant dans les cheveux, un ornement floral. La serrure était également encadrée par des bouquets de fleurs. Par contre, il n'y avait pas de clé, et Daniel ne put soulever le couvercle. Frustré, il faillit renoncer puis eut une idée. Il rouvrit le coffret en bois et en libéra le contenu pour voir s'il n'y avait rien au fond. Une pression involontaire de ses doigts, souleva le revêtement en velours, découvrant un double-fond dans lequel était logées deux petites clés. Pourraient-elles ouvrir les deux autres coffrets ? Et pourquoi la tante aurait-elle caché ces deux clés alors que la première était déjà présente sur la serrure ? C'était un mystère... La vieille tante avait-elle voulu cacher certains bijoux ? Si oui, pourquoi ? Il entendait bien résoudre cette énigme. Il entreprit d'essayer les deux petites clés sur la boîte en argent, et au deuxième essai, l’ouvrit, très content de lui. Il observa son contenu avec perplexité : elle contenait juste de nombreux bijoux, tout comme la première boîte… C'était idiot, pourquoi avoir caché la clé ? L'intérieur doublé de feutre ne recelait que trois bagues de plus que dans la première, trois broches en or massif, une belle montre à gousset en or également avec sa chaîne avec des initiales gravées à l'intérieur W.C.A., ce devait donc être celle du frère décédé d'Elroy, l'ancien chef de famille, et le père de William et Rosemary.

L'oncle William serait certainement content de récupérer la montre de son père. Pour finir, il compta six colliers dont deux en or et quatre en perles, et un autre médaillon de forme ovale, avec sa chaîne. Après l’avoir ouvert, il découvrit la photographie de Rosemary à l'intérieur. C'était curieux, pourquoi la tante Elroy avait-elle gardé ce bijou ? N’aurait-il pas dû revenir plutôt à son frère William ou à son mari Vincent Brown ? Daniel fronça davantage les sourcils en remarquant soudain l’inscription gravée sur l'autre côté intérieur du médaillon :

« POUR CANDIDE,
A TOI POUR TOUJOURS,
AVEC TOUT MON AMOUR,
ROSEMARY »

C’était vraiment très bizarre : Rosemary aurait-elle connu un autre homme avant d'épouser Vincent Brown ? Cela ne faisait aucun sens puisque ce portrait était identique à celui qui trônait dans la grande salle de Lakewood, salle qui était plus un mémorial où tous les portraits des André décédés étaient représentés également. Il s’en souvenait parfaitement, car l'année précédente une cérémonie familiale y avait eu lieu en la mémoire d'Alistair. Il avait été frappé par le portrait de Rosemary qui présentait de nombreux traits communs avec Candy, notamment sa chevelure dorée et ses yeux vert émeraude. Un portrait peint en janvier 1897 si ses souvenirs étaient exacts. Ce qui voudrait dire que… que… Rosemary aurait eu un amant ? Cela lui paraissait incongru...

Il vida la boîte pour vérifier s'il n'y avait pas un fond caché, et après une légère pression il put soulever l'étoffe et y trouva une vieille photographie : il s'agissait d'un jeune homme qu'il n'avait jamais vu auparavant. Au dos de la photo se trouvait un mot :


« 31 mars 1897,

Rosemary,

Tu me manques tellement mon amour,
Les nuits sont longues sans toi,
Je sais que c'est impossible entre nous,
Tu es mariée je le sais mais c'est plus fort que moi
Tu es et resteras l'amour de ma vie,
Je t'aime pour toujours

Ton Candide »



Il n'y avait plus aucun doute maintenant Rosemary de ce "Candide "avaient entretenu une liaison. La tante avait dû le découvrir d'où le fait que la clé était bien cachée : elle ne voulait probablement pas que quelqu'un l'apprenne, Rosemary avait-elle emporté ce secret dans sa tombe ? Se pouvait-il que son frère soit au courant ? Ou quelqu’un d’autre ? Cela lui paraissait tout de même improbable. Une telle liaison aurait vite fait le tour de la famille et de toute la ville et il n’avait jamais entendu de rumeur à ce sujet.

Il continua son inventaire qui ressemblait plus à un mystère à résoudre, maintenant. Il prit la troisième clé et ouvrit la troisième boîte. Elle paraissait très ancienne, peut-être du siècle dernier, elle était en or et émail, de forme rectangulaire aux angles légèrement arrondis, toutes les faces joliment gravées d'un décor guilloché et de bordures ornées de feuilles de laurier, se terminant par de petites fleurs en or blanc. Elle était poinçonnée d'or et d'un fabricant russe, s'il s'en référait au nom qui figurait sous la boîte.

Quelle ne fut pas la surprise de Daniel : pas de bijoux, dans celle-ci, juste un gros de tas de ce qui ressemblait à des lettres.

C'était encore plus étrange : pourquoi vouloir cacher ces lettres ? Il prit la première de la pile. Elle émanait de Rosemary Brown mais l’enveloppe portait le tampon d'une clinique à St-Louis ! Pourquoi avait-elle été aussi loin pour se faire soigner ? Il y avait également des cliniques et hôpitaux très bien dans les environs. Il la déplia, et en commença la lecture.

St-Louis, le 15 janvier 1898,

Chère Tante Elroy,

Nous nous étions mises toutes les deux d'accord pour conserver ce secret mais il devient malheureusement beaucoup trop lourd à porter pour moi.

Je le regrette, mais pourrions-nous en reparler et peut-être trouver une issue plus favorable ? Je vous en conjure, réfléchissez-y encore...

Comptez-vous me rejoindre ?

Les médecins sont de plus en plus inquiets à mon sujet, ils ont peur que la suite me soit fatale... Ils me trouvent trop faible pour aller jusqu'au bout ! Mais je crois que cela, vous le savez puisqu'ils vous rendent régulièrement des comptes à mon sujet...

Mais ils ont tort, j'ai confiance en moi, je saurai démontrer que je dispose d'un grand courage et d'une force inébranlable...

Mais je n'en peux plus d'être ici, je vous en prie, venez me retrouver, je n'ai personne à qui parler, personne ne sait que je suis ici, mis à part vous. Vous interdisez de toute façon que l'on me rende visite jusqu'à ce que tout cela soit terminé, je ne reçois aucune lettre, je ne peux en envoyer à personne hormis à vous. Tout est contrôlé ici et sur votre ordre. La solitude me pèse. Pourriez-vous au moins me donner des nouvelles de mon fils ? Il est encore si petit... Cette chère petite tête blonde me manque tellement, mais vous m'avez promis de veiller sur Anthony, et je vous fais confiance. Mais j'aimerais savoir s'il va bien ? Est-ce qu'il grandit bien ? Me réclame-t-il ? Et comment va mon petit William adoré ? Le futur chef de famille est-il à la hauteur de vos attentes ? Il me manque tellement aussi, s'inquiète-t-il de mon absence ? Lui avez-vous servi la même excuse qu'à mon mari ? Dites-lui bien que je pense à lui, que je l'aime et qu'il me manque. Quant à Vincent, il doit être comme toujours à l'étranger, et ne se doute de rien. Je suppose que vous lui avez écrit comme convenu pour lui annoncer que j'étais à Caledonia Springs, en train de me reposer, comme le médecin me l'a ordonné ? Alors que nous savons très bien vous et moi que tout ceci n'est qu'une mascarade. Néanmoins cette clinique, ici, à St-Louis, c'est sans doute le mieux pour moi.

Je voudrais savoir si vous avez eu des nouvelles de Candide ? Il est étrange qu'il ne m'ait pas donné de ses nouvelles… Vous m'aviez dit que la dernière fois qu'il était venu vous voir pour vous signifier qu'il quittait la ville pour mon bien, pour que je n'ai pas à choisir entre lui et Vincent. J'ai du mal à croire qu'il soit parti comme ça, l’amour que nous partagions était si spécial ! Comme je vous l'avais expliqué, peu après que vous nous avez surpris ensemble en mauvaise posture, je l'aime. Et oui je l'admets, j'ai fauté en trompant mon mari, je n'ai guère d'excuses. Je croyais pourtant sincèrement l'aimer, mais il était si souvent parti pour ses affaires en Europe et je me sentais tellement seule que lorsque j'ai rencontré Candide, par votre biais, j'ai succombé, il faut que vous compreniez que je n'avais jamais éprouvé cela auparavant même pour Vincent, j'ai découvert ce qu'aimer avec passion voulait dire. Et je sais que c'était réciproque ! Il a simplement voulu m'éviter d'avoir à choisir et quitter ma famille... Sauf que vous devez comprendre qu'il faut que je le retrouve, vous savez très bien pourquoi, je l'aime, je pense à lui tous les jours que Dieu fait. Je sais que je vous en demande beaucoup après tout ce que vous avez fait pour moi et pour préserver ce secret et éviter un scandale dans notre famille, je ne pourrais jamais assez vous en remercier...

Mais je n'en peux plus d'être ici toute seule, je vous en prie, venez me rejoindre !

Affectueusement,

Rosemary






Daniel n'en revenait pas de ce qu'il venait de lire ! Avec cette lettre qui avait dû rester cachée durant près de vingt ans, le doute n'était plus permis, Rosemary avait eu un amant qui s'appelait Candide et seule la tante était au courant ! La suite était peut-être dans cette boîte et cette pile de lettres. Il regarda l'heure sur l'horloge de la cheminée : déjà ? Peut-être valait-il mieux remettre tout ça à une autre fois ? D'autant qu'Albert et Candy pouvaient rentrer d’un moment à l’autre. Il ne voulait parler de sa découverte à personne, pas tant qu'il n'aurait pas tout résolu et compris, il y avait encore trop de mystère autour de cette liaison, il faudrait se montrer discret surtout auprès de sa sœur. Il pourrait très bien, en attendant, rapporter à l'oncle ce qu'il avait déjà répertorié : vêtements, bijoux et boîtes en omettant bien sûr le médaillon, la photo et cette lettre... Oui c'est ce qu'il ferait. Il fourra le médaillon de Rosemary ainsi que la photographie de l'homme dans sa poche discrètement, et glissa la lettre de Rosemary dans la poche intérieure de sa veste. Et après réflexion, il y rajouta les autres lettres. Il pourrait ainsi les lire plus tard tranquillement dans sa chambre quand il serait seul... Il vérifia qu'il n'y avait pas aussi un compartiment secret dans cette boîte-là, puis se décida à répartir quelques bijoux du premier et du deuxième coffret dans le troisième, au cas où quelqu'un viendrait à mettre son nez là-dedans, et s'étonnerait qu'un des coffrets soit vide mais pas les deux autres. Il se dit que c'était juste en attendant de savoir ce qu'il allait faire de cette découverte scandaleuse. Tout à coup, il eut un éclair de génie. Et si cela devenait sa monnaie d'échange auprès de son oncle ? Tout ce qu'il avait toujours voulu c'était se marier avec Candy, mais à l'époque William avait écouté sa fille et avait purement et simplement annulé ses fiançailles... Mais si la donne changeait parce que Daniel avait toutes les cartes en main pour éviter un déshonneur à la famille, alors William Albert André lui accorderait la main de sa fille. Il se dit qu'il était un génie. Néanmoins, il fallait marcher sur des œufs en attendant d'en savoir plus sur cette histoire pour éviter que cela ne se retourne contre lui. Il quitta la pièce avec son butin et se dirigea dans sa chambre pour dissimuler les objets...




Fin du Chapitre III

CHAPITRE IV






New-York,
Vendredi 16 août 1918,



Après sept longues heures de répétition, Terrence pouvait enfin goûter à un repos bien mérité. Il franchit le seuil de son appartement et se servit deux traits d'un très bon whisky, puis se dirigea, le journal à la main, vers son bureau pour s'installer dans le fauteuil d’où il pouvait admirer la vue sur la rue Horatio. Il avala une gorgée du liquide ambré avant de reposer ses bras sur les accoudoirs et d’incliner la tête en arrière. Il voulait simplement se détendre, c'était tout ce à quoi il aspirait. Il songea à l’époque, désormais révolue, où il était devenu dépendant à l'alcool. Il s'était heureusement repris et maîtrisait parfaitement sa consommation depuis. Il ne buvait plus que de temps en temps pour décompresser après une longue journée de répétition éreintante au théâtre ou après ses visites journalières à Suzanne Marlow. Certes, il ne s'y était pas rendu aujourd’hui, mais ce n’était pas si grave après tout, il y passerait le lendemain matin avant d'aller au théâtre. Ce soir il se sentait trop las pour surmonter son manque d’enthousiasme à la perspective de la voir. Même si elle s’était un peu calmée ces derniers temps, il craignait qu’elle ne recommence avec ses sempiternelles rengaines sur des fiançailles soi-disant de plus en plus pressantes. Combien de fois avait-il répété à la jeune infirme qu'il ne voulait pas se fiancer et encore moins se marier ? Il ne les comptait plus… Peut-être avait-elle enfin compris, puisque depuis quelques jours elle n’y avait plus fait allusion… Seule Madame Marlow avait continué à insister à ce sujet. Beaucoup trop à son goût. Les bonnes mœurs et la société avaient bon dos… Il soupira.

Il n’existait qu’une seule et unique personne à qui il aurait voulu demander la main. Terry songea à ses cheveux blonds bouclés, à ses yeux vert émeraude et les souvenirs remontèrent en foule dans son esprit. Il la revit au collège Royal de St Paul à Londres. Déjà à cette époque, c’était une jeune fille renversante et l’adolescent qu’il était, en était tombé fou amoureux, d'un amour, le vrai, l'unique, qui avait également tout dévasté sur son passage... Le destin n'avait eu de cesse de les séparer depuis lors...

Il serra les poings en se remémorant du piège, tendu par cette chipie d'Eliza Legrand et qui avait eu pour conséquence son départ précipité pour l'Amérique. Il n'avait, de fait, guère pu prendre le temps d'avouer ses sentiments à Candy à cette époque-là. Puis le sort ne leur avait pas été des plus favorables par la suite. Ils s'étaient entr’aperçus brièvement à la gare de Chicago, et avait ensuite renoué contact par courrier avant que Terry ne l'invite à la première de Roméo et Juliette en cette fin d'année 1914, à New-York. Il avait été tellement heureux qu'elle accepte son invitation, il avait tout prévu avant que tout ne tourne au cauchemar ! Il avait escompté des retrouvailles heureuses et romantiques après avoir dévoilé ses sentiments qu’il espérait réciproques, il lui avait aussi acheté une bague de fiançailles qu'il projetait de lui offrir après l'avoir demandée en mariage le soir de la première. Il avait prévu de lui déclarer tout ce qu'il ressentait pour elle, et ce depuis leur première rencontre, des sentiments qui n'avaient fait que croître au fil du temps. Jamais il n'avait autant aimé quelqu'un ! Ensuite il lui aurait demandé de rester avec lui pour toujours. il ne lui avait d’ailleurs envoyé qu’un aller simple pour New-York... Malheureusement, cette bague, il n'avait jamais pu la lui offrir... La fatalité s'en était mêlée, encore, la veille de la première. Il avait suffi d'un accident lors des répétitions et tous ses projets, ses rêves, avaient volé en éclat. Il aurait préféré que Suzanne ne s'interpose pas entre lui et le projecteur mal fixé qui avait gravement blessée la jeune actrice dans sa chute. Il lui en était redevable maintenant, et il n’aimait pas ce sentiment. Il aurait mieux valu qu'il fût blessé à sa place ou même mort…

Et lorsque Candy avait découvert l’accident, elle s’était rendue à l'hôpital pour voir Suzanne, la sauvant de justesse du suicide. Elle avait pris alors la pire décision, mais la seule qui s'imposait à elle : le quitter et le laisser à Suzanne. Terry avait bien essayé de la retenir mais en vain. Il ne lui restait que ce souvenir doux-amer d'avoir pu la prendre dans ses bras, en cette nuit d'adieu. Son cœur se gonfla de regret en repensant à ce moment qu’il n’oublierait jamais : il sentait encore l’odeur aux senteurs de violettes et de fleurs des champs de la femme qu’il aimait tant, la chaleur de son corps alors qu’il la retenait au milieu de la volée de marches... Avec le recul il ne comprenait plus : comment avait-il pu, ce soir-là, lui faire promettre d'être heureuse sans lui ? Rien que d’y penser le faisait grincer des dents. Et comment avait-il pu lui-même s’engager, alors qu’elle lui demandait la même chose en retour, dans une promesse aussi intenable ?

Depuis il vérifiait régulièrement son statut par le biais de la presse. Ainsi, environ six mois auparavant, il avait appris le décès d'Elroy André, la matriarche de la famille André. L'article relayait une interview de William Albert André qui expliquait qu'il avait repris les rênes de la Compagnie André depuis déjà près de trois ans maintenant et qu'il avait à cœur de servir les intérêts de la famille. Ainsi William était Albert, il avait été très étonné de l'apprendre à l'époque mais était également heureux pour Candy que ce soit lui son père adoptif : elle avait besoin d'une personne qui prenne soin d'elle, au moins il n'aurait plus à s'inquiéter pour elle...

Plus loin, l'article parlait aussi justement de sa fille adoptive Candice Neige André, qui était toujours célibataire : l'heureux élu serait très chanceux de partager la vie d'une si riche héritière. Il y avait une photo d'elle dans l'article avec Albert, à un gala de charité, et il n’avait pu s'empêcher de découper la photo. Candy était si belle, avec ses boucles qui lui retombaient sur les épaules, et la robe, qui lui seyait à merveille, laissait entrevoir son décolleté et deviner ses formes généreuses. Malgré son côté garçon manqué, il avait toujours pensé qu’elle deviendrait ce genre de beauté féminine… Il s'étonnait d'autant plus de lire qu'elle était toujours célibataire. Mais il devait avouer qu’il se sentait partagé : une part de lui voulait qu’elle trouve l’âme sœur. Mais d’un autre côté, il ne pouvait pas l’imaginer avec un autre que lui. Cela aurait été trop douloureux de la voir dans les bras d'un autre. C'était lui et personne d'autre qui aurait dû faire son bonheur et il aurait réussi, il n'avait nul doute là-dessus. Le temps n'avait pas eu d'emprise sur l'amour qu'il éprouvait pour elle, bien au contraire, au fil des années depuis leur séparation, il avait l'impression que ses sentiments n'avaient fait que s’intensifier : pas un seul jour ne passait sans qu'il ne pensait à elle.

Il avait d'ailleurs commencé à écrire un journal intime où il couchait tout ce qu'il ressentait, tout le chagrin emmagasiné. C'était devenu un recueil de pensées et paradoxalement, cela l'avait aidé à remonter un peu la pente même s'il se sentait toujours aussi seul. Après sa séparation qu’il avait eu beaucoup de mal à accepter, il avait cherché à l'effacer de sa mémoire, avec de l’alcool, beaucoup d’alcool, trop sans doute. Il se saoulait souvent pour ne plus ressentir ce désespoir qui l’anéantissait encore et toujours... C'était Albert, à l'époque qui l’avait trouvé dans un bar de Chicago, où il s'était rendu dans l'espoir de revoir son amour perdu. Après avoir discuté, son ami lui avait montré la clinique où Candy travaillait : elle avait su aller de l'avant, elle, et il fallait qu'il en fasse autant.

Il avait alors rebroussé chemin jusqu'à New-York, sans oser la retrouver, puis avait fait des pieds et des mains auprès de Robert Hataway pour être réintégré dans la troupe, et s'était excusé auprès de Suzanne pour ne pas avoir été présent pour elle quand elle en avait besoin. Depuis, il brillait dans toutes les pièces de théâtre où il jouait. Sa vie d'acteur était devenue sa seule raison de vivre. Et s’il prenait soin de Suzanne pour l’aider à surmonter son handicap, c’était juste en tant qu’ami. Comme il le lui avait souvent répété, il ne pourrait lui offrir davantage qu’une affection fraternelle. Il espérait qu’elle avait enfin compris, mais n’en n’était pas persuadé.

Il soupira et reprit une gorgée de son excellent whisky, puis se plongea dans la lecture du journal qu'il n'avait pas eu le temps de parcourir dans la matinée. Les nouvelles étaient toujours aussi mauvaises concernant cette fichue guerre en Europe. Quand cela cesserait-il ? Il ne pouvait même pas imaginer la souffrance endurée par tous ces soldats sur le front. Tout à coup, un article attira son attention, il se mit à le lire.


New-York Times Vendredi 16 août 1918

Une nouvelle grippe venue d'Europe qui inquiète...

Il y a quelques semaines, nous vous parlions d'une étrange et nouvelle épidémie qui balayait la Chine du Nord, soit près de 20 000 cas recensés en peu de temps dans la ville de Tianjin.

Aujourd'hui, cette grippe s'est étendue sérieusement à l'Europe et principalement en Espagne, où l'on dénombre un nombre considérable de malade jour après jour. Les symptômes sont les suivants : fièvre, toux, difficultés respiratoires pouvant entraîner la mort.

Ce nouveau virus affaiblirait dangereusement les défenses immunitaires. D'après notre correspondant en Espagne, nombre de contaminés ne survivent pas à cette nouvelle grippe, une véritable épidémie dont il faut se méfier. On ne sait que très peu de choses sur cette maladie pour le moment mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas de traitement à l'heure actuelle.

Le pic de mortalité constatée pour l'instant, en Europe, se situerait principalement entre 20 et 40 ans. Une surmortalité sur cette tranche d'âge qui s'expliquerait par une moindre immunisation à ce virus et surtout à des réactions inflammatoires démesurées, telles que de très fortes bronchites.

D'où vient cette nouvelle grippe ?

D'après une source à la défense, et une information qui serait classée confidentielle, cette nouvelle grippe serait apparue mystérieusement en mars dernier dans des bases militaires du Kansas. À partir d'avril, le virus se serait étendu en Europe avec l'arrivée de troupes militaires américaines alliées. Très vite, la maladie qui est extrêmement contagieuse aurait gagné l'Europe, soit l'ensemble du territoire français, puis l'Angleterre, avant d'atteindre l'Espagne, l'Italie et les autres pays limitrophes voire la Chine. Toutefois, la grippe qui commence à être surnommée "grippe espagnole" affaiblirait beaucoup les personnes contaminées mais en moyenne ne tuerait pas tant que cela. L'été devrait marquer la fin de la première vague de cette épidémie.

En revanche, il est à craindre une seconde vague plus importante encore et dans notre pays également, ce virus étant, nous vous le rappelons, très contagieux. La prudence est donc de mise. Nous vous conseillons d'être très prudent durant les semaines et les mois à venir une grave épidémie est à craindre...

James Pickworth




Terry était effaré. Cette nouvelle grippe semblait être très contagieuse. Il fallait espérer qu’elle n’arrive pas jusqu'à New-York. Le risque semblait tout de même relativement limité : il n'avait rien entendu de ce genre dans la région et puis la mortalité n’était pas si élevée… Il n'y avait donc pas vraiment d'inquiétude à se faire...

Ses réflexions furent perturbées par un bruit : quelqu'un toquait à la porte d'entrée. C'était bizarre… Qui cela pouvait-il être ? Il n'attendait personne. Il se leva, un peu frustré d'être dérangé lors du seul moment de détente de sa trop longue journée.

Quelle ne fut pas sa surprise et sa consternation de découvrir à sa porte Suzanne Marlow qui s'était certainement mis en tête de le voir coûte que coûte aujourd’hui...

— Bonsoir Suzanne, je ne m'attendais pas à te voir ce soir.
— Bonsoir mon chéri, je m'inquiétais pour toi, tu n'es pas venu me voir aujourd'hui. J'ai appelé au théâtre, on m'a dit que tu étais déjà parti, alors comme tu n'as pas le téléphone, maman a appelé une voiture et m'a accompagnée jusqu'ici. J'ai pris l'ascenseur toute seule jusqu'à ton étage, elle m'attend en bas.
— Je comprends mais comme tu peux le constater je vais bien, dit-il d’un air contrarié. Mais puisque tu es là, entre je t'en prie !

Il réprima l’agacement qu’il sentait monter en lui et l'invita d’un geste à entrer, tout en s'écartant pour la laisser passer avec sa chaise roulante.

— Merci Terry, reprit Suzanne en avançant son fauteuil jusqu'au centre de la pièce.
— Veux-tu que je te serve quelque chose à boire ? s’enquit-il en reprenant son rôle de galant homme.
— Non merci, répliqua-t-elle, je n'ai pas soif. Comme je te l'ai dit, je suis venue car je m'inquiétais pour toi, d'habitude, tu passes me voir tous les jours, et j'attends ta visite avec impatience tu sais ?
— Oui, je sais Suzanne, soupira Terry. Et pardonne-moi d'ailleurs… mais les répétitions sont très longues en ce moment pour la nouvelle pièce "Le songe d'une nuit d'été ", et avec la première dans un mois, on enchaîne constamment les scènes. Aujourd'hui j'étais particulièrement fatigué et je n'avais pas la force de venir te voir ensuite, excuse-moi encore.
— Mais bien sûr que je te pardonne mon amour, lui assura-t-elle, je ne vais pas te déranger bien longtemps alors, je voulais juste te parler de quelque chose.
— Oui, de quoi s'agit-il ?
— Tout d'abord, nous te sommes très reconnaissantes maman et moi car, je te l’ai déjà dit, mais je te le répète à nouveau, cela fait maintenant plus de trois ans que tu nous verses une rente mensuelle pour m'aider avec mes soins médicaux mais également pour subvenir à nos besoins... Mais, il est temps que nous allions de l'avant et que nous te rendions la vie un peu plus aisée... Avec maman, on a pensé que nous pourrions déménager... Et aujourd'hui nous avons visité une très belle maison, elle est vraiment magnifique, puis il y a plusieurs chambres, et sera plus accessible pour moi, dans ma condition, tu comprends ?
— Oui, Suzanne, je comprends parfaitement que cela puisse être compliqué pour toi : vous habitez au deuxième étage, et tu as besoin du gardien pour t'aider à descendre ou monter, étant donné qu'il n'y a pas d'ascenseur. Oui, c'est une excellente idée, si vous avez besoin d'aide pour déménager vos affaires, n'hésitez pas à me le dire, je me ferai un plaisir de vous rendre service...
— Terry, c'est très gentil de ta part mais ne souhaites-tu pas la visiter d'abord, avant que nous prenions une décision définitive ?
— Non, pourquoi ferais-je une chose pareille ? Ce sera votre maison donc je n'ai pas mon mot à dire...
— Mon chéri, minauda-t-elle, je crois que tu ne m'as pas bien comprise, cette maison dont je te parle serait pour nous trois, maman, toi et moi !

Terry se sentit blêmir. Non ce n'était pas possible ! Il avait dû mal comprendre ce qu'elle venait de dire. Pourtant, non… Elle s'était exprimée avec la plus grande des clartés. Mais alors, cela voulait-il dire qu'elle n’avait toujours pas abandonné son idée aberrante de vivre avec lui ? Il ne pouvait y croire, pas après lui avoir répété à maintes reprises qu'il ne le souhaitait pas et qu'il ne changerait pas d'avis... De plus, il y aurait sa mère ! Non, jamais il ne supporterait de vivre avec Madame Marlowe... Moins il la voyait, mieux il se portait, c’était une femme et une mère manipulatrice et vénale il s'en était rendu compte avec le temps. Il ne la supportait pas et ne la supporterait jamais... Il était hors de question d’accepter ce ménage à trois et quand bien même il n'y aurait que sa fille, ce serait non, de la même façon. Il ne souhaitait pas vivre avec Suzanne, et juste imaginer la toucher le rebutait, non parce qu'elle était unijambiste mais parce qu'il ne se voyait pas le faire avec quelqu’un dont il n’était pas amoureux et s’y contraindre lui semblait absurde et irréalisable…

Qu'on lui force ainsi la main était inadmissible ! Il eut du mal à contenir la colère qui l’envahissait lorsqu’il tenta à nouveau de mettre les points sur les "i" à cette femme trop prétentieuse.

— Suzanne, comment as-tu pu imaginer que je viendrais vivre avec toi ? Et qui plus est avec ta mère ? Que je déteste par-dessus tout, tu le sais ! Et après que nous en avons parlé, je ne sais combien de fois !? Alors je vais te le redire à nouveau, je ne veux pas vivre avec toi, je ne t'aime pas Suzanne, et je ne t'aimerai jamais, je n'ai que de l'affection pour toi, comme pour une petite sœur, et rien d'autre. Est-ce que tu m'as compris ?
— Oh mais Terry, moi je t'aime et tu le sais et je suis capable de t'aimer pour deux.

Suzanne était au bord des larmes, mais ce n’étaient que des larmes de crocodile qu’elle versait pour l'apitoyer afin qu'il cède enfin. Elle avait compris qu'il ne l'aimait pas : elle n’était pas dupe et savait qu’il pensait toujours à l’autre garce. Mais elle se fichait bien de ses sentiments à lui, tout ce qui comptait c'était que Terry lui revienne corps et âme à elle et non à cette peste de Candy. Et pour ce faire, une seule solution : qu'ils se fiancent et se marient au plus vite. Et puisque la manière douce et gentille avait échoué —elle avait été terriblement patiente au début, attendant qu'il se décide enfin ou change d'avis à son égard— que les perfides accusations de sa mère n’avaient guère eu plus d’effet, elle devait changer de tactique. Il était trop buté et certainement encore trop attaché à la pimbêche blonde malgré la distance et la séparation. Elle réfléchit. Après tout Terry était un homme avec des besoins... Dès qu'il aurait goûté aux plaisirs de la chair avec elle, il ne pourrait plus se passer d'elle et commencerait alors à l'aimer elle et à oublier l'autre définitivement. Pour cela, elle était prête à s’offrir à lui immédiatement, et peu importe si cela allait à l'encontre des codes de la bonne société… Que ne ferait-elle pour lui et surtout pour le garder ? Elle était inexpérime
ntée en la matière mais elle avait lu des livres d'un genre particulier. Au cas où Terry se déciderait enfin à l'épouser, elle voulait être prête. Ces bouquins lui avaient appris comment faire pour donner du plaisir à un homme mais il fallait la jouer fine, sinon tout pourrait capoter...

Le jeune homme brun s’était un peu calmé et voulait lui faire comprendre son point de vue sans la blesser. Il prit la parole avec plus de douceur :

— Suzanne, je ne doute pas que tu m'aimes mais ça n'est pas réciproque, comprends-le.
— Mon chéri, je t'en supplie, ne me repousse pas, implora-t-elle en s'approchant au plus près de lui, tu penses encore à elle c'est ça ? Mais moi, je ferai tout ce qu'il faudra pour combler tous tes désirs et t’apporter le bonheur... Je sais que tu es un homme et qu'en tant que tel, tu as, disons certains besoins, et je veux que tu saches que je suis prête à les assouvir : laisse-moi au moins essayer...

Elle lui frôla la cuisse de sa main, avant de la diriger lentement vers son entrecuisse. Elle était tellement sûre que cela fonctionnerait, qu'elle s'imaginait déjà vivre avec lui, être sa femme et pourquoi pas porter son enfant… D’un simple geste, tout ce qu'elle avait toujours souhaité serait à elle. Mais, d’un mouvement brutal, il s’arracha à son emprise, et se recula à bonne distance d'elle, stoppant net sa progression.

— Non mais enfin Suzanne, pour qui est-ce que tu me prends ? S'écria-t-il écœuré. Je ne suis pas celui que tu crois.
— Mon amour, se défendit-elle, je veux juste te montrer à quel point je t'aime et t'apporter tout le plaisir que tu mérites et que jamais tu n’aurais eu avec cette Candy...

Alors qu’elle tentait de s'approcher de lui à nouveau, il l’esquiva et sortit de ses gonds.

— Tu sais que ça n'a rien à voir avec elle, gronda-t-il. Je ne peux pas être avec quelqu'un pour qui je n'éprouve pas de sentiments. Et là, bien que je t’aie dit tant de fois non, tu insistes et tu oses même…

Il était dans une colère noire et prit une longue inspiration avant de reprendre :

— J'ai été plus que patient avec toi. Si tu ne souhaites pas être seulement mon amie, et bien soit, sors de ma vie ! En attendant, je ne veux plus te voir. Pas tant que tu adopteras un tel comportement vis à vis de moi. Je ne te retire pas mon aide financière, rassure-toi, mais mon soutien moral, tu ne l'auras plus, puisque tes réactions semblent démesurées alors même que j'ai toujours été honnête avec toi sur mes intentions.

Il se dirigea vers la porte d'entrée, l'ouvrit et lui fit signe de sortir.

— Terry, insista-t-elle, excuse-moi, j'ai été trop loin, je t'en supplie, pardonne-moi. Je t'aime Terry, s'il te plaît.
— Bonne soirée et au revoir Suzanne, lui dit-il une dernière fois.

Il n'était pas encore prêt, se dit la jeune infirme, j’aurais dû encore attendre. Pour l'instant, il valait mieux faire profil bas et s'en aller pour ne pas risquer de franchir la zone de non-retour, elle saurait plus tard se faire pardonner et revenir d'une façon ou d'une autre dans sa vie.

Elle orienta les roues de son fauteuil vers la porte d'entrée, la franchit et prononça une dernière parole avant de disparaître :

— Excuse-moi encore Terry, à bientôt.

Il enclencha le verrou de sécurité dès qu’il eut refermé la porte, puis s’y adossa, totalement éberlué, n'arrivant pas à croire ce dont elle aurait été capable pour avoir ce qu'elle voulait, s’il l’avait laissé faire ! Il frémit… Rien que la sensation de son toucher l'avait littéralement révulsé. Cette fille n'avait aucun amour propre, aucune dignité. Elle s'était changée avec les années en Perséphone, reine des enfers, sauf qu'elle était devenue celle de son enfer personnel... Mais il n'en pouvait plus, il n'en supporterait plus davantage !

Il avait besoin de se changer les idées et retourna vers son bureau, dont il ouvrit le premier tiroir pour en sortir un cadre avec la fameuse photo de Candy, celle qu'il avait jadis découpée dans le journal. Il se mit à la contempler à nouveau, avec adoration et amour. Ce serait toujours elle l'amour de sa vie, la femme avec laquelle il voulait partager chacun de ses moments… Mais aurait-il le courage de retourner vers elle et comment réagirait-elle ?








Fin du Chapitre IV





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Edited by Fanfan 2604 - 7/11/2023, 14:53
 
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CHAPITRE V



Chicago, (La Palmer Mansion),

Vendredi 16 août 1918



Archibald revint du bureau et arriva à « La Palmer Mansion ». Il avait peu de temps pour se préparer, car Annie et lui étaient conviés au grand dîner familial à Lakewood. Il était ravi de l’affaire qu’ils avaient rondement menée mais il se sentait surtout très fier de lui après cette première négociation.
En effet, après le déjeuner, ils avaient fait signer un contrat à Edward. Celui-ci l’avait étudié de près, mais tout semblait en règle. Il ne restait plus qu’à transmettre le contrat aux avocats pour authentification et validation. Albert avait ensuite emmené le milliardaire au Domaine de Lakewood, afin qu’il puisse se reposer et se rafraîchir dans les appartements qu’il lui avait fait préparer…

Archibald ne croyait toujours pas en sa chance… Tout d’abord, un nouveau travail qui l’épanouissait plus qu’il n’aurait jamais pu l'espérer, puis cette nouvelle et somptueuse demeure qui était dorénavant la sienne. Il fallait qu’il s’y fasse… Mais plus encore sa merveilleuse épouse qui l’y attendait et dont il était fou amoureux. Il se sentait heureux juste à cette pensée. Il sortit de sa voiture, rentra dans le manoir et demanda à son majordome venu l’accueillir où était son épouse. Elle était dans sa chambre en train de se préparer… Il monta et ressentit une bouffée de bien-être tant il était heureux à l’idée de la retrouver. Elle lui avait tellement manqué aujourd’hui durant cette trop longue journée sans elle. Il ne revenait bien évidemment pas les mains vides… Depuis qu’ils étaient revenus de leur lune de miel, chaque jour, il lui offrait un cadeau. La veille, il lui avait rapporté un parfum « Après l’ondée » de Guerlain, un créateur français, Annie en raffolait… Que ne ferait-il pas pour elle ? Et aujourd’hui, il s’était arrêté dans la boutique d’un joaillier, puis chez un fleuriste, pour lui prendre pas moins de 41 roses rouges, 41 comme le nombre de jours depuis leur mariage… Et chaque jour, il se sentait un peu plus comblé par sa femme. Jamais il n’aurait pu penser pouvoir être aussi heureux et il avait besoin, chaque jour, de lui montrer à quel point il l’aimait. Tout en cachant les fleurs derrière son dos, il ouvrit la porte et la referma derrière lui. Son adorable épouse, apprêtée dans une sublime robe bleue pailletée était face à sa coiffeuse, en train de se brosser les cheveux. Il s'approcha d'elle et lui murmura :

—Bonsoir mon amour. Tu m'as tellement manqué aujourd'hui.

Il l'embrassa dans le cou. Elle tourna légèrement la tête et rencontra les lèvres de son doux et tendre mari qui en retour lui offrit le baiser passionné qu’il rêvait de lui donner depuis le début de cette trop longue journée. Après ce baiser fougueux, il lui présenta les fleurs cachées derrière son dos en lui disant :

— Tiens, c'est pour toi mon amour pour la plus merveilleuse des roses.
— Oh merci mon chéri, tu n'aurais pas dû, tu me gâtes trop !

Elle les prit et s'aperçût qu'il y avait une carte. Elle l'ouvrit et y lut :

Mon amour,

Voici 41 roses pour toi car nous avons déjà vécu 41 jours de mariage. J’ai ainsi l’immense bonheur et privilège de pouvoir partager tes nuits et tes jours. Tu es la plus belle et la plus magnifique des épouses. Tu me rends tellement heureux que les mots ne sont pas assez forts pour te prouver mon amour pour toi…. Qui lui est infini…
Je t’aime pour la vie et à jamais…
Ton mari


Annie en eut les larmes aux yeux. Depuis qu'elle était mariée, elle n'en revenait pas que son mari puisse être si romantique, attentionné et démonstratif, elle posa les roses sur sa coiffeuse, se leva, lui fit face et reprit :

— Oh Archie, mon chéri, je ne sais pas comment te remercier.

Il la prit dans ses bras et lut dans ses yeux tout l'amour qu'elle avait pour lui. Il l'embrassa à nouveau mais cette fois avec plus de passion encore. Elle l’accueillit avec toute la chaleur et la tendresse qu'elle possédait. C'est lui qui interrompit ce baiser torride au bout d'un moment, avant que cela ne devienne trop difficile d'arrêter…
Archibald avait trouvé en Annie une amante qui savait combler tous ses désirs les plus fous, il ne l'en aimait que davantage.
Pour elle aussi, leur intimité était à la fois magique et charnelle, jamais elle n'aurait pu imaginer que ce puisse être aussi agréable et qu'elle puisse y prendre autant de plaisir. Elle ajouta :

— Moi aussi je t'aime et tu m'as beaucoup manqué et merci encore pour les roses.
— Mais ça n'est pas fini mon amour, dit-il en sortant de l'intérieur de sa veste un coffret en velours qu’il lui tendit.
— Archie, mais qu'est-ce c'est ?
— Ouvre et tu verras.

Annie l'ouvrit et y découvrit un magnifique collier rivière de diamants sertis avec un pendant, un saphir bleu. Il était d'une beauté qui coupa le souffle à la jeune mariée.

— Archie, il est somptueux...
— Pas autant que toi mon amour, et rien n'est trop beau pour toi, répliqua son mari. Il t'ira à merveille, j'ai pensé que peut-être tu pourrais le porter ce soir, sans compter qu'il s'accordera parfaitement à cette magnifique robe bleue, tu es vraiment superbe ma chérie. Souhaites-tu le mettre ce soir ?
— Cela me ferait très plaisir oui, merci mon amour, s'extasia la jeune femme brune, merci Archie, peux-tu m'aider à le mettre, s'il te plaît ?

Elle se tourna et se rassit sur le tabouret face à sa coiffeuse. Son mari lui attacha cette belle parure autour du cou. À travers le miroir, il la fixait, époustouflé. Il n'arrivait pas à croire que cette femme était sienne. Il lui fit la remarque :

— Je t'ai déjà dit mon amour que tu es ravissante et que je suis fou de toi ?

Il la regardait avec des yeux amoureux et avec concupiscence.

— Oui, à peu près tous les jours depuis que nous sommes mariés, mais je ne me lasse pas de l’entendre… Continue autant que tu veux.

Il lui donna un baiser dans le cou et remonta jusqu'à son oreille pour la lui mordiller avant de murmurer :

— Si nous avions le temps, je te montrerais à quel point je t'aime mon amour.
— Alors disons mon chéri que ce n'est que partie remise. J'attends avec impatience que tu me le montres, ce soir, quand nous rentrerons, s'exclama-t-elle, une lueur pleine de promesses dans les yeux.
— J'ai hâte d'y être, mon amour… Oh fait, comment s'est passée ta journée ?
— Très bien, je suis allée voir maman ce matin, et elle est d'accord pour m'aider à apporter notre touche de décoration à ce manoir. Nous avons été faire les boutiques dans ce but et nous avons trouvé certaines choses qui pourraient s'accorder avec notre maison, souhaites-tu voir ou donner ton avis ?
— Je te laisse carte blanche ma chérie, j'ai confiance en ton jugement et tu as toujours eu un goût exquis en matière de décoration.
— Merci mon chéri, et toi ta journée ? Comment ça s'est passé avec ce milliardaire ?
— Ça y est, nous avons signé le contrat, cet après-midi ! S’exclama-t-il, le regard rempli d'une grande fierté. Nous sommes partenaires et avons réussi le plus gros coup de l'histoire de notre Compagnie, cela va énormément nous rapporter, et si tu savais à quel point je suis fier d'y avoir contribué...
— Bravo, je suis tellement fière de toi mon amour ! Et en plus c'est ta première affaire… Tu as beaucoup de mérite, car je sais que tu as passé beaucoup de temps à travailler dessus...
— Georges et Albert ne sont pas en reste, tu sais… Bon il se fait tard, je te laisse finir de te préparer, je vais m'apprêter, à tout de suite ma chérie, conclut-il en l'embrassant sur le front.

Annie restait pantoise. Comment arrivait-il à conjuguer sa vie maritale et professionnelle avec un tel brio ? Elle s'en émerveillait. Et comment s'y prenait-il pour lui faire un effet pareil chaque fois qu'il posait sur elle son regard ? Il n'avait de cesse de lui démontrer chaque jour à quel point il l’aimait, dans tous les sens du terme, autant dans leur chambre, que dans les gestes du quotidien, jusqu'aux cadeaux si attentionnés. Elle en venait presque à regretter d'être obligée d'aller à cette soirée au lieu de la passer en tête-à-tête avec son mari. Mais elle lui montrerait, plus tard, à quel point elle aussi l'aimait sans l'ombre d'un doute...





******************



Domaine de Lakewood,


Daniel était content de découvrir que, comme dans les autres chambres réservées aux invités, sa penderie dissimulait un coffre-fort à clé. Il s'était empressé d'y déposer son butin, trouvé une heure plus tôt, avant de bien le verrouiller, puis il avait fourré la clé dans la poche intérieure de sa veste, bien à l'abri. Il voulait attendre d'en savoir plus avant de décider quoi en faire...
Il s'était déjà apprêté pour la soirée, et avait entendu les employés dans le couloir murmurer que Monsieur André était rentré avec un invité de marque, qui s'était retiré pour se reposer dans ses appartements, certainement le fameux milliardaire. Cela signifiait donc que l'oncle William était tout seul probablement dans son bureau, et que c'était le moment idéal pour aller le retrouver afin de lui faire un rapport sur ce qu’il avait déjà inventorié, avant que celui-ci ne commence à poser d’éventuelles questions auxquelles il préférait ne pas avoir à répondre... Il savait exactement ce qu'il devait lui dire et ce qu’il devait omettre… Il sortit de sa chambre et tomba nez à nez sur sa sœur. Que faisait-elle là, celle-là ? Il faudrait être prudent surtout avec elle, elle arrivait toujours à connaître tous les secrets de son frangin…
L’air surpris, il lui dit :

— Tiens ma chère sœur, que fais-tu là ? Je ne t'ai pas vue de la journée, c'est normal ?
— Tu es vraiment idiot mon pauvre frère ! Répliqua-t-elle en le bousculant pour rentrer dans sa chambre, avant de la refermer derrière elle. Je te signale que j'ai été occupée toute la journée, moi. Ce matin, je suis allée chez le coiffeur, puis j'ai fait je ne sais combien de boutiques dans l'espoir de trouver la robe parfaite, ainsi que les chaussures qui iraient avec. Ensuite il a fallu que je trouve un joaillier qui possède un collier et des boucles d'oreilles de grande classe et de grande valeur, assortis à ma tenue. Je ne pouvais décemment pas me présenter devant Edward McCormick habillée en pauvresse... Tu ne te rends pas compte, c'était éreintant, ça m'a pris toute la journée… Heureusement que j'avais pris la voiture sinon je ne sais pas comment j'aurais fait avec tous ces paquets ! J'ai tout déposé dans ma chambre, et je dois encore m'apprêter. Je suis juste passée te voir deux minutes pour te parler. Je voulais savoir comment s'est déroulé l’inventaire avec les affaires de la tante ? As-tu trouvé des choses intéressantes ?

— Alors là, t’es vraiment gonflé ma chère, s’indigna-t-il, cela ne te regarde pas, c'est toi qui as abandonné le navire, il me semble !
— Daniel, s'il te plaît, ne dis pas à l'oncle William que je ne t'ai pas aidé.
— Et pourquoi ferai-je ça ? Après tout c'est bien la réalité, non ?
— Parce que je suis ta sœur, et que si j'épouse Edward McCormick, je deviendrais encore plus riche que cet oncle de pacotille... Et je ne t'oublierai pas, mon frère, je te le promets !
— Pfft, fais-moi rire, ricana-t-il, toi épouser ce type... Mais t'as gagné, je ne dirai rien, pas parce que tu crois que tu deviendras milliardaire, ça tu rêves ma pauvre. Non, parce que si l'oncle l'apprend, je n'ai pas envie de me retrouver au beau milieu de ton conflit avec lui, oh ça non !

La vérité était toute autre. Daniel se disait que plus Eliza s'intéresserait à son milliardaire de pacotille, plus elle lui ficherait la paix et ne chercherait pas à savoir ce qu’il avait pu trouver chez la tante. Oui, finalement tout cela était bien pratique et il ne pouvait que s’en réjouir.

— Merci mon frère, je te le revaudrais, dit-elle d’un ton mielleux avec une pointe de reconnaissance. Par contre, les jours prochains, tu devras également te passer de moi.
— Ah bon, pourquoi ? maugréa-t-il en feignant la contrariété.
— Oui, tu comprends, Edward va séjourner ici plusieurs jours, selon l'oncle, alors je vais tout faire pour qu'il passe un maximum de temps avec moi ! Donc je n'aurai guère de temps à t’accorder pour de vilaines corvées, qui plus est... S'il te plaît, Daniel, je t'en serai redevable…
— Ben voyons, s'énerva-t-il, mais tu ne me laisses pas le choix ! Je vais donc devoir continuer tout seul.

Finalement, la situation s’arrangeait au mieux pour lui. Personne ne viendrait le déranger dans son entreprise de recherche d'autres indices éventuels.

— Comme je te l'ai dit tout à l'heure, je ne dirai rien, car je ne veux pas me retrouver dans un conflit entre toi et le grand manitou, comme cela a failli arriver hier, lui fit-il remarquer.
— Oh merci, Daniel, en l’étreignant en signe de remerciement. Bon maintenant, je te laisse, je dois me préparer.

Elle sortit de sa chambre en trombe. Le problème Eliza semblait réglé pour le moment, il fallait maintenant qu’il aille voir son oncle pour lui faire son rapport falsifié. Il avait préparé une petite liste de ce qu’il avait répertorié bien entendu amputée de ce qu'il avait gardé pour lui.
Il sortit de sa chambre et se hâta jusqu'au bureau de son oncle. Il frappa deux coups à la porte attendit le signal et entra.

— Daniel, je t'en prie, entre, et assieds-toi. Je vois que toi aussi tu as revêtu ton costume de soirée... Que puis-je faire pour toi ? s’enquit son oncle vêtu lui-même d'un superbe costume noir trois pièces et d'une chemise d'un blanc immaculé.

Daniel pensa qu’il était plus élégant que d’habitude.

— Merci oncle William, répondit-il en prenant place dans le siège en face du chef de famille. Je voulais vous faire part de tout ce que nous avons pu répertorier aujourd'hui dans les affaires de la tante Elroy. J'ai d'ailleurs rédigé une liste à cet effet, il lui tendit la note qu’Albert prit et lut avant de le féliciter :

— C'est du très bon travail Daniel tout ça.
— Merci beaucoup ! Bien entendu nous sommes très loin d'avoir terminé, tous les vêtements ont été mis en malle mais il reste encore beaucoup de choses à inventorier surtout dans la bibliothèque qui contient énormément de livres. Mais pour ce qui est des bijoux déjà répertoriés, je voulais attirer votre attention sur la boîte en bois : j'y ai trouvé ce médaillon avec la photo de l'ex-mari de la tante, donc le père de ma mère, ainsi que son alliance de mariage et une chevalière avec les initiales de son mari décédé. Je me demandais si tout cela ne pourrait pas revenir à ma mère ? Elle serait certainement ravie de récupérer des souvenirs de son père décédé que je n'ai d’ailleurs guère eu la chance de connaître.
— J'approuve entièrement cette requête, acquiesça Albert, il est normal que tous ces bijoux de famille reviennent à Sarah.
— Je vous remercie mon oncle, je pense qu'elle en sera ravie. Dans la boîte en argent, j'ai également trouvé une montre à gousset avec les initiales W.C.A. Je pense qu'elle appartenait à votre père, vous serez probablement ravi de la récupérer.
— Oui, sans conteste, confirma d’un air satisfait le chef de famille, je serai heureux d'avoir la montre de mon père que je n'ai que très peu connu. Pour ce qui est de la garde-robe de la tante, je pense que je vais tout donner à une œuvre de charité, demain tu demanderas au majordome de faire livrer toutes les malles à un organisme de bienfaisance.
— Oui oncle William.
— Pour ce qui est des boîtes à bijoux, je pense que nous pourrions les répartir entre les trois branches de la famille. La boîte en bois gravée des initiales de la tante Elroy pourrait revenir à ta mère, soit elle décide de la garder, soit de l'offrir à sa fille Eliza, celle en argent à Archibald qui pourrait l'offrir à Annie. Et la dernière boîte en or serait pour moi, je l'offrirai à Candy, elle en sera ravie. Quant aux bijoux de la tante, je pense que nous pourrions les répartir équitablement entre les trois jeunes femmes de la famille, Eliza, Candy et Annie. Et j’espère que ces objets seront ensuite transmis de génération en génération. Je suis sûr que la tante Elroy en serait heureuse. Qu'en penses-tu ?

Daniel trouvait étrange d'offrir la boîte en bois, qui avait probablement le moins de valeur à sa famille, celle en argent à Annie, puis bien sûr celle en or avec le plus de valeur à sa fille, sa précieuse Candy. Cependant, peu lui importait finalement, car quand cette beauté époustouflante serait sienne, c'est à ses héritiers à lui que ce précieux coffret en or reviendrait alors, tout comme l'héritage des André. En fin de compte, il serait gagnant sur tous les fronts... Avec sa récente découverte, il entendait bien gagner le cœur de Candy d'une manière ou d'une autre. Restait à déterminer exactement par quel moyen, mais il serait fixé très bientôt...

— Oui, je trouve aussi que c'est une excellente idée.
— Parfait, s'exclama William, je convoquerai Sarah, Eliza, Candy, Archibald et Annie dans mon bureau plus tard dans la soirée, après le repas pour leur offrir ces boîtes et bijoux. Remonte aux appartements de la tante, récupère les boîtes, et pose les dans mon bureau s'il te plaît. Merci Daniel. Et pour le moment toi et ta sœur n'avez rien trouvé de particulier ?
— Non, mon oncle, pas pour l'instant, mais je ne manquerai pas de vous en informer si tel était le cas.

Mentir était comme une seconde nature pour lui, cela ne lui posait aucun problème.

—C'est parfait donc, conclut Albert, tu peux disposer.

Daniel se leva et sortit, très satisfait de sa petite prestation : son oncle n’y avait vu que du feu et son secret était bien à l’abri pour le moment. Il se dirigea vers les appartements de la tante Elroy pour exécuter la tâche qu’on venait de lui donner et se dit qu’au final, il avait eu bien raison de dissimuler ce qui l’intéressait, et de répartir le contenu des deux boîtes dans la troisième. Et quelle géniale idée d’avoir ensuite tout retranscrit sur papier : pour une fois, il avait toutes les cartes en main et il en était ravi…

Albert, lui, était assez stupéfait de ce que Daniel et sa sœur avaient accompli en si peu de temps, même s’il soupçonnait Eliza de n’avoir pas participé plus que cela au dit inventaire. Ses pensées furent interrompues par quelqu'un qui frappait à la porte. C'était Georges.

— Bonsoir Monsieur, pardonnez-moi de vous déranger, s'excusa le bras droit du chef de famille, mais les invités commencent à arriver : Monsieur et Madame Legrand sont déjà là.
— Je vous remercie Georges, j'arrive dans un instant pour les saluer. Dites-moi, ma fille est-elle prête ?
— Je crois qu'elle finit de se préparer dans sa chambre, elle ne devrait donc plus tarder à descendre.




Fin du Chapitre V





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CHAPITRE VI





Albert avait fait mettre les petits plats dans les grands. Tout avait été minutieusement préparé à sa demande. Des compositions florales somptueuses constituées en partie de roses fraichement cueillies dans la roseraie d'Anthony, mais aussi d'autres fleurs, agrémentées de très jolis nœuds artistiquement répartis ici et là, avait été disposées dans le hall d'entrée, le salon principal et jusqu'à la salle à la manger, sans oublier la rampe de l'escalier principal menant aux appartements privés et aux chambres. Albert espérait que son invité apprécierait. Il entra dans le salon principal, suivi de Georges, et y trouva les Legrand qu’il s'empressa d’aller saluer.

— Bonjour Walter, comment allez-vous ?
— Bonjour William, répondit celui-ci en acceptant la main tendue par le chef de famille. Je vais bien et vous-même ?
— Merveilleusement bien, sourit-il. Et Sarah, ma chère cousine, j'espère que tout va bien ?
— Oui bien sûr, tout va pour le mieux. J'ose espérer que nos enfants ne vous ont pas trop dérangé en venant une journée plus tôt. Eliza avait tellement insisté...
— Non, pas de problème, répliqua Albert l’air plus que satisfait. Bien au contraire même… je leur ai demandé leur aide pour effectuer l'inventaire des effets personnels de la tante Elroy. Ils devront probablement rester plusieurs jours supplémentaires dans ce but, il ne faudra pas vous en inquiéter. Mais pour le moment, je dois bien admettre qu'ils se débrouillent plutôt bien.
— C'est une excellente idée mon cher, se réjouit Monsieur Legrand, j'essaie désespérément de les intégrer à la vie active, surtout Daniel, mais pour le moment, c'est un échec cuisant, alors si vous, vous y parvenez en empruntant d’autres chemins que moi, je vous suis.
— Eh bien ma foi, il n'est pas impossible que Daniel ait de sérieuses capacités. Les mettre en valeur, lui ferait prendre confiance en lui voire éveiller sa curiosité pour le monde des affaires. Justement, j'ai un invité spécial ce soir qui ne devrait pas tarder à nous rejoindre. C'est un ami et un homme reconnu dans le monde du pétrole et avec qui je suis en affaires en ce moment. Je serai certainement obligé de me rendre à New-York durant plusieurs semaines, voire même quelques mois, pour les mener à bien... Si vous le souhaitez Walter, je peux proposer à Daniel de m'accompagner et lui montrer les rouages du métier ?

Albert se disait que c'était un véritable défi de convertir un jeune homme pourri gâté, comme Daniel, mais il aimait relever les défis, et s’il l’éloignait de sa sœur et de ses parents, il arriverait certainement à en tirer quelque chose. Qui plus est, la discipline dont il avait fait preuve aujourd’hui et son efficacité pour réaliser l’inventaire demandé était de bon augure. Oui, on pourrait peut-être faire quelque chose de ce jeune qui jadis lui avait causé tant de fil à retordre lorsqu’il s’était épris de sa fille. De plus, même si cela l’obligeait d’avoir son neveu à l’œil, cela lui ferait une compagnie dans son appartement à New-York. Lui qui avait toujours aimé la solitude s’était maintenant habitué à vivre avec Candy. La voir tous les jours, lui parler de tout et de rien allait lui manquer... Et Daniel serait, il l’espérait, un substitut convenable.

— William, c'est une grande idée ! approuva le père de famille. Je ne peux qu'abonder dans votre sens. N'hésitez pas à me tenir informé de la suite des opérations.
— Bien entendu Walter, je n'y manquerai pas. D'ailleurs Daniel a trouvé dans les effets personnels de la tante des objets qui pourraient bien vous revenir ma chère cousine. Donc, si vous êtes d'accord, vous pourrez tous venir plus tard dans la soirée dans mon bureau pour que je vous les montre...
— Oui bien sûr avec grand plaisir, répondit Sarah alors que son fils pénétrait dans le salon.

— Bonsoir mère, père.
— Bonsoir Daniel, répondirent-ils en chœur.

Eliza fit sensation en entrant peu après dans la pièce, elle était vêtue d'une tenue somptueuse. En soie sur laquelle courait de la dentelle recouverte d’une myriade de cristaux chatoyants visiblement cousus à la main, sa robe était pourvue d’une traîne, toute aussi parsemée de cristaux noirs et son corsage composé de tulle noir doux, de taffetas bordeaux était doublé sur les épaules de satin noir, et orné de perles pendantes, de lacets noirs et de paillettes noires. La jeune femme avait assorti sa tenue d'un très beau collier de diamants avec un pendant en saphir blanc et de boucles d'oreilles tombantes ornées de joyaux. Elle avait revêtu des gants blancs qui se mariaient parfaitement avec l'ensemble. Ses cheveux roux étaient retenus en chignon par de magnifiques épingles diamantées. Eliza s’était apprêtée comme une jeune femme de la haute société. C'était en tout cas l'effet escompté, non pas pour en mettre plein la vue à sa famille, non de ce côté-là elle avait l'habitude d'être admirée et considérée comme la plus belle. Son dessein, ce soir, était d'éblouir le beau milliardaire Edward McCormick, qui… n'était pas encore là. Elle s'avança, un peu déçue, vers ses parents et son oncle et les salua :

— Bonsoir, père, mère, mon oncle.
— Bonsoir Eliza, tu es éblouissante aujourd’hui, remarqua son oncle William.
— Je vous remercie mon oncle, répondit-elle.
— Bonsoir ma chérie, tu es ravissante, s'émerveilla Sarah éberluée par la transformation physique de sa fille.

Certes, d'ordinaire elle aimait les jolies toilettes et les dernières tendances à la mode mais jamais elle n'avait pris autant de soin pour s'apprêter. C'était étrange, que manigançait-elle ?
Son père comprit tout de suite qu'il y avait certainement un homme là-dessous. Jamais elle n'aurait fait autant d'efforts pour épater sa propre famille... Il ne se gêna pas pour lui dire le fond de sa pensée :

— Bonsoir ma fille, il est vrai que tu es très en beauté ce soir… Dis-moi pour qui as-tu fait tant d’efforts ?
— Oh mais père, vous vous méprenez, je voulais simplement rendre un hommage à notre chère tante Elroy, prétendit-elle déstabilisée malgré tout. Vous savez très bien qu'elle aimait beaucoup s'apprêter, choisir les plus jolies robes, être à la pointe de la mode...

Personne n'était dupe mais ne dit mot.

William s'excusa auprès des Legrand. Il avait aperçu son invité et alla le rejoindre en bas des escaliers.
Edward était comme à son habitude très élégant, notamment dans ce superbe frac de soirée.

— Eddie, content de te voir ! s'exclama Albert en lui donnant une bourrade amicale sur l'épaule. T'es-tu bien reposé ? Tes appartements privés te conviennent ? Tu as tout ce qu'il te faut ?
— Tout est parfait Liam, rit le milliardaire. Mis à part ce que tu m'as promis... La promenade à cheval !? Ça te dit quelque chose ?
— Non Eddie, je n'ai pas oublié, je te promets que demain à la première heure, nous irons la faire, cette balade à cheval. Je te montrerai les coins les plus magnifiques de ma propriété, où j'allais souvent dans ma jeunesse...
— J'en ai l'eau à la bouche, dit Edward, en affichant un grand sourire. Et vais-je avoir enfin l'honneur de rencontrer cette fille adoptive dont tu m'as tant parlé au déjeuner ?
— Oui, ne t'en fais pas, elle va bientôt descendre. Autrement, j'espère que tu as une faim de loup ? s’enquit Albert. Car j'ai fait préparer un repas gargantuesque pour mes convives. En attendant, suis-moi, je vais te présenter une partie de la famille, les autres ne sont pas encore arrivés.

Arrivé au salon William fit les présentations :

— Je vous présente mon ami et partenaire en affaire Edward McCormick.
Edward, je te présente Sarah, une cousine par alliance, son mari Walter Legrand. Puis voici, leur fille Eliza, et leur fils Daniel. Et tu connais déjà Georges bien sûr.

Edward les salua tous d'un signe de tête, puis commença par s’approcher de Sarah et lui fit un baise-main avant de lui présenter ses hommages, comme il était d'usage pour une femme mariée.
Elle lui fit à son tour une révérence, le rouge aux joues. Après tout il était ce fameux milliardaire qu'elle voyait régulièrement dans les journaux. Elle ne put s’empêcher de se dire qu’il était bien dommage qu'elle fût déjà mariée, et plus âgée car il était bien bâti, riche à millions et possédait un savoir-vivre et une éducation exceptionnelle.

Edward se tourna ensuite vers les deux hommes de la famille Legrand :

— Messieurs, déclara-t-il en leur serrant tour à tour la main.

S’adressant enfin à Eliza, il lui sourit :

— Mademoiselle Legrand, je suis enchanté de vous rencontrer, permettez-moi de souligner à quel point vous êtes ravissante.

La jeune rouquine lui fit à son tour une révérence, pour lui montrer sa bonne éducation. Elle le regardait avec des yeux énamourés et n'arrivait pas à croire en sa chance. Se trouver devant cet homme, le plus puissant, le plus riche des États-Unis, célibataire de surcroît, et pour ne rien gâcher, beau comme un Dieu, l’avait confortée dans ses pensées : à n'en pas douter, il était fait pour elle. Et qui plus est, il venait de la complimenter. Elle devait donc être à son goût et saurait lui montrer que sa future femme se trouvait en face de lui... Ses lèvres s’étirèrent en un délicieux sourire qui lui montait jusqu'aux oreilles.

Walter avait compris ce qui se passait en observant le comportement et le regard de sa fille, sans compter cette tenue vestimentaire un peu trop recherchée. Elle devait savoir que ce McCormick serait présent ce soir. D'après ce qu'il avait entendu dire, il n'était pas marié. Voilà pourquoi elle avait fait tant d’efforts… L’idée d’un possible mariage le séduisait lui aussi. Elle deviendrait la femme d'un milliardaire, ce qui financièrement l’enchantait d’avance. Il ferait donc tout ce qu’il pourrait pour l'aider.
De son côté, Sarah, qui contemplait elle aussi sa fille, avait deviné juste à son regard qu'elle était en admiration devant cet homme séduisant et richissime. Ce n’était pas une surprise, cet homme était vraiment attirant et elle comprenait à présent la raison de la toilette soignée d’Eliza.
Quant à Daniel, il connaissait déjà les intentions de sa sœur pour en avoir personnellement entendu parler, mais il se fichait comme d'une guigne de tout cela.

Pour Edward, toutes ces civilités étaient monnaie courante. Il était habitué à se plier à cette courtoisie convenue, et s’était à peine intéressé à cette rouquine plutôt insignifiante, bien qu'élégante qui lui avait fait les yeux doux, accoutumé qu’il était à être la convoitise de tant de jeunes femmes. Mais il ne s'en laissait jamais compter pour autant. Il s'était toujours dit que lorsqu’il épouserait une femme, un jour, ce serait un mariage d'amour avant tout, et non pas une union arrangée. Mais il attendrait sans doute encore longtemps, le coup de cœur qui le pousserait vers une femme, bien trop occupé par son travail et sa précieuse petite sœur…

Albert s'excusa et entraîna Edward plus loin car il voulait saluer Archibald et lui présenter sa femme, ravi de retrouver le couple qui venait de faire son entrée et semblait si uni. C'était plaisant à voir.

— Bonsoir Archibald… Annie, s’exclama-t-il. Tu es ravissante ma chère, le mariage a l'air de te réussir à merveille. Eddie, je voudrai te présenter Annie Cornwell, la femme d'Archibald. Annie, voici Edward McCormick mon ami et maintenant associé.

Edward s'inclina légèrement pour effectuer un baise-main à la fameuse jeune épouse dont il avait aussi tant entendu parler au déjeuner et lui dit :

— Madame Cornwell, je vous présente mes hommages et suis ravi de faire votre connaissance. Votre mari ne tarit pas d'éloges à propos de son adorable épouse. Bonsoir Archibald, je suis heureux de vous revoir.

Archie salua Edward à son tour avant qu’Annie n’ose intervenir, un sourire aux lèvres :

— Bonsoir Monsieur McCormick, je suis enchantée de vous rencontrer. Mon mari est très admiratif de tout le travail que vous avez accompli.
— Et moi, répondit-il, je suis impressionné par ses compétences et les méthodes anticipatives qu'il a su me démontrer, alors qu'il n'est dans l'entreprise familiale que depuis très peu de temps si j'ai bien compris...
— Je vous remercie Edward, c'est vraiment très gentil de votre part, répliqua le jeune homme qui était aux anges de recevoir de telles louanges d'une personne telle que lui.

Une voix les tira de leur échange, c'était le maître de maison qui s'exprimait :

— Votre attention s'il vous plaît, les parents d'Archibald étant retenus ce soir, et tout le monde étant là, à part Candy qui ne devrait plus tarder à nous rejoindre, nous allons pouvoir passer à la salle à manger si vous le voulez bien, le repas va nous être servi.

Sur ces entrefaites, une très jolie jeune femme blonde aux cheveux ondulés et détachés, descendit les marches et fit une entrée très remarquée, attirant tous les regards vers elle.

Candy portait une robe d’une pureté raffinée, intégralement confectionnée dans un satin de haute qualité d’un délicieux vert mousse qui faisait ressortir ses yeux verts. Un peu d’une précieuse dentelle ornait le corsage, et le tout était retenu par une large ceinture rouge, agrémentée d’une rose de soie carmin.

La douceur du tissu soulignait avec fluidité chacun des gestes de la jeune femme et le style à la fois simple et intemporel exaltait la grâce et l’innocence à la fois naturelle et unique qui se dégageait d’elle. Les notes de couleur opposée de la garniture florale et broderie assorties donnaient à la tenue une touche supplémentaire de raffinement. La jeune femme portait également une fine chaîne en or où pendait un saphir vert, ainsi que des boucles d'oreilles en or simples et discrètes.

Edward tomba immédiatement sous son charme. Jamais il n'avait vu une femme avec une telle aura, un tel style à la fois simple et raffiné. Il avait eu un coup de cœur instantané pour ce regard vert si envoûtant, ces cheveux blonds qui flottaient librement autour d’elle, lui donnant ce côté naturel qu'il appréciait tant. Liam lui avait dit que sa fille était encore célibataire. Comment une femme aussi merveilleuse pouvait-elle l’être ? Il se le demandait... En tout cas, il avait hâte de faire sa connaissance. Et si elle était aussi intelligente que jolie, ce serait une perle rare dont il vaudrait la peine de prendre soin...

Le regard que posait Edward sur Candy n'échappa pas à Eliza. Elle était furieuse : non seulement cette petite prétentieuse semblait lui voler la vedette, mais en plus, son Edward paraissait n'avoir plus d'yeux que pour elle alors que pas même cinq minutes plus tôt, c’était elle et nulle autre qu’il admirait. Le compliment qu’il lui avait offert ne pouvait tromper... Non c'était impossible que le sort tourne encore en sa défaveur, à cause d'une petite orpheline de malheur qui n'avait de cesse de s'accrocher aux basques de sa famille, faute de mieux. Candy lui avait déjà pris Anthony allant jusqu'à causer sa mort, ensuite elle lui avait pris Terry au collège Royal de St-Paul. Non cela ne recommencerait pas avec Edward. Il était à elle et ce serait elle, la prochaine Madame McCormick. Et s'il fallait qu'elle ridiculise en public cette pauvresse pour faire comprendre à cet homme qu'elle n'était pas une dame du monde, elle n’hésiterait pas une seconde à le faire. Elle allait lui faire payer, de toute façon, le fait de lui avoir volé la vedette ce soir...

— Bonsoir tout le monde, dit Candy.
— Bonsoir ma chérie, fit Albert en l'embrassant sur le front, tu es ravissante ! Nous étions sur le point de passer à table, le dîner va être servi. Mais avant, permets-moi de te présenter mon meilleur ami au collège et maintenant mon partenaire dans les affaires : Edward McCormick. Edward, je te présente ma fille adoptive Candice Neige André.
— Bonsoir Mademoiselle André, je suis enchanté de faire votre connaissance, la salua-t-il en s'inclinant devant elle pour lui faire une révérence, William m'a beaucoup parlé de vous. Puis-je me permettre de vous complimenter ? Vous êtes ravissante et cette robe vous sied à merveille.

Tout à coup, il se sentait revivre et avait retrouvé son âme de séducteur et de charmeur comme lorsqu’il était adolescent.

— Bonsoir Monsieur McCormick, répondit la blonde, je suis ravie de vous connaître, également, et je vous remercie beaucoup pour ce compliment. Mais, je vous en prie, vous pouvez m’appeler Candy si vous le souhaitez.
— À condition que vous m'appeliez Edward, répliqua celui-ci, de plus en plus conquis par la déesse qu'il avait en face de lui.
— Puisque les présentations sont faites, intervint le chef de famille, je vous propose à tous de rejoindre la salle à manger. Le dîner va nous être servi.

Chacun fut agréablement surpris en découvrant la table, somptueusement dressée et décorée, digne d'une grande réception. La nappe d'un blanc immaculé accueillait un magnifique chemin de table en soie doré. Le service réservé aux repas d’exception était de sortie, montrant combien le maître des lieux tenait son invité en estime : assiettes en porcelaine blanche frappées en leur centre du monogramme des André et dont le pourtour était décoré de filets d'or, argenterie et verres en cristal de Baccarat, serviettes de table en lin brodées là aussi du monogramme, emblème de la famille, et retenues par un rond de serviette en bois doré. Trois beaux bouquets de roses complétaient le tout. Des chandeliers en or disposés harmonieusement, illuminaient l’ensemble.

Les fauteuils étaient recouverts d'une housse en soie dorée avec un joli nœud sur l'arrière. Le chef de famille s'installa à l'extrémité de la table, Candy à sa gauche, et Edward à sa droite. Le nouveau venu pourrait ainsi admirer à loisir la belle jeune femme qu'il avait en face de lui.
Juste à côté du jeune milliardaire se trouvait Archibald, ravi de se retrouver en face de sa femme. Annie à côté de sa meilleure amie, se serait sans doute passée de sa voisine de gauche Eliza. Celle-ci face à son frère et à côté de sa mère, boudait. Pourquoi se retrouvait-elle si loin de sa cible, alors que Candy… Elle serra ses poings, dissimulés sur ses genoux et détournant le regard, vit Daniel se pencher vers son père pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. Elle se demanda un instant de quoi il parlait avant de reporter son attention sur ce qui lui importait. Une grimace lui échappa lorsqu’elle vit que son prince n’avait d’yeux que pour sa cousine. Georges en bout de table à l’instar d’Albert, observait sans rien dire sa voisine de droite, Sarah, qui semblait presque aussi fascinée par le jeune Mc Cormick, que sa fille laquelle se trémoussait fort inélégamment à côté d’elle.

Le majordome vint leur servir du Chablis pendant que les valets de pied servaient des canapés à l'amiral ainsi que des huîtres à la Russe. Le chef de famille en profita pour se lever et prendre la parole :

— Votre attention, s'il vous plaît. Tout d'abord, je vous remercie d'avoir tous répondu présent pour ce dîner. Je voudrais porter un toast en l'honneur de notre chère tante Elroy, malheureusement décédée en février dernier. Sa disparition nous a tous affectés et nous la regrettons. Et c’est pour commémorer sa mémoire que j’ai prévu cette réunion. Puisse-t-elle reposer en paix ! Je voudrais aussi en profiter pour féliciter nos jeunes mariés Annie et Archibald, qui rentrent tout juste de leur lune de miel et qui je l'espère se plaisent à la Palmer Mansion, qu’on devrait rebaptiser la Cornwell Mansion.

Il fit rire et sourire ses convives.

— D'autre part, reprit-il, je désire également souhaiter à nouveau et officiellement la bienvenue à mon vieil ami et tout nouveau partenaire en affaire : Edward McCormick. Mon cher Eddie, bienvenue au sein de la famille André.

Celui-ci lui fit un signe de tête en guise de réponse, assorti d'un large sourire.

— Je souhaite enfin, poursuivit le chef du clan André, vous annoncer que très bientôt, je vais devoir m'éclipser quelques temps car mes affaires requièrent ma présence permanente sur New-York, au minimum quelques semaines, sans doute quelques mois... Mais, n'ayez crainte, je resterai joignable là-bas, que ce soit par courrier, télégramme ou bien encore par téléphone, et puis Georges et Archibald géreront toutes nos affaires d’ici. Donc si vous rencontrez le moindre problème, n'hésitez pas à vous tourner vers eux, ils seront à même de vous aider... J'ai assez monopolisé la parole à présent, et vous souhaite à tous un bon appétit !

Tout le monde répondit en chœur et chacun commença à déguster les hors d'œuvres et les huîtres.

Même s’il se trouvait un peu loin d’elle, Eliza se décida à attaquer de front son objectif :

— Monsieur McCormick, racontez-nous votre vie trépidante à New-York, vous ne devez pas vous ennuyer....
— Mais je vous en prie, appelez-moi Edward. Non la vie à New-York n'est pas si mouvementée que cela, vous savez, Mademoiselle...
— Eliza, l’interrompit-elle. Appelez-moi Eliza, je vous en prie mon cher Edward.
— Très bien, Eliza, reprit celui-ci, non ma vie n'a rien d’exceptionnel, vous savez, je voyage beaucoup pour mes affaires, mais sinon, en dehors des galas de charité, je ne sors que très rarement...
— Vous êtes bien trop modeste, mon cher Edward, répliqua la rouquine. Vous semblez avoir un très beau parcours ?
— Je n'ai fait que suivre la ligne que mon père avait déjà tracée pour moi, rétorqua-t-il un peu ennuyé.

Il n'aimait pas cette fille. Elle semblait d'une telle prétention… et il la trouvait envahissante. Il se décida à reprendre la parole, mais pour en savoir plus sur la femme éblouissante qu'il avait en face de lui.

— Ces huîtres sont délicieuses et ces hors d'œuvres excellents. Félicitations au chef ! Tu sais t'entourer des meilleurs, décidément, mon cher ami, dit-il en se tournant vers lui avant de poursuivre sans transition : Candy, Liam m'a dit que vous étiez infirmière dans un hôpital ?
— Oui Edward, c'est exact. Je travaille à l'hôpital Sainte-Joanna à Chicago, ce n'est pas simple tous les jours car nous avons encore de nombreux blessés de guerre qui arrivent régulièrement. Je sais que je ne devrais pas me plaindre car la situation sur le front est bien pire, d'après ce que l'on nous rapporte...
— Je ne te l’ai pas dit, intervint Albert, mais elle ne se cantonne pas à son travail à l'hôpital. Elle travaille aussi au sein de la Fondation André au profit des enfants malades de l'hôpital Sainte-Joanna.
— Il est vrai que c'est une cause qui me tient énormément à cœur, acquiesça sa fille, un peu embarrassée.

Le jeune homme était de plus en plus fasciné par la jolie blonde. Sa renversante beauté allait donc de pair avec des qualités qu’il appréciait plus que tout : altruisme tout comme sa chère sœur, intelligence et humilité. Il était réellement en train de tomber sous son charme. Comment cela était-il possible ? Jamais il n'aurait cru que ça lui arriverait et surtout pas avec la fille adoptive de son meilleur ami... Il fut interrompu dans ses réflexions par la déclaration d’Albert :

— Et encore, ma fille est trop modeste pour avouer que l'année dernière, elle a consacré une majeure partie de son temps à lever des fonds pour l'orphelinat de la Maison Pony à La Porte dans l'Illinois...
— Je dois effectivement l’avouer, mais ce n’était qu’un juste retour des choses, dans la mesure où c'est là que j'ai été trouvée et que j'ai grandi...
— Je suis très impressionné par tout ce que vous accomplissez Candy, s'exclama le brun, les yeux remplis d'admiration.

Edward se perdit dans ses pensées, épaté par cette incroyable femme, qui lui rappelait tant sa sœur. Elle aussi possédait ce charme indéfinissable et tout comme Candice, elle était toujours célibataire... Elle aussi s’était lancée à corps perdu dans toutes sortes d’actions humanitaires.

Eliza commençait à s'énerver, elle ne supportait plus les yeux doux que son prétendant faisait à cette petite peste. Il était temps de la remettre à sa place et de montrer à cet homme de la haute société, qui Candy était vraiment.

— Il est vrai qu'elle nous a tous impressionnés, intervint la rouquine, sortir de son orphelinat et venir travailler chez nous, les Legrand, comme fille d'écurie, il fallait oser le faire...
— Eliza, gronda Albert, je te prie de te taire !
— Mais mon oncle, insista-t-elle, c'est juste la réalité. Et comme votre ami semble intéressé par les origines de notre chère Candy, je ne fais que me montrer polie envers lui en le renseignant…
— Ça suffit Eliza, s'énerva le chef de famille, je te prie de rester à ta place, et je ne le répéterai pas une troisième fois, c'est compris ?

Eliza se tut, humiliée et furibonde d’avoir été ainsi remise à sa place. Et le pire était qu’Edward en avait été témoin. Comment allait-elle renverser la situation ? Elle trouverait… En attendant, mieux valait faire profil bas pour laisser l'oncle William se calmer même si celui-ci ne perdait rien pour attendre…

Albert craignait qu'Eliza ne se comporte de la sorte, c'est pour cela que la veille, il l'avait avertie et lui avait recommandé de n’en rien faire. Mais il lui était apparemment impossible de s'en empêcher, il avait fallu qu'elle s’attaque à nouveau à sa fille et devant son meilleur ami en plus... Il lui expliquerait la situation quand ils seraient seuls et il comprendrait… Mais en ce qui concernait Eliza, il n’était pas sûr d’être capable de lui faire voir où était son intérêt. Il n’était même plus sûr d’en avoir encore envie, malgré sa promesse à la tante Elroy. Si Eliza ne se calmait pas rapidement, il était prêt à l’expulser définitivement de la famille.

Candy, elle, se sentait une fois de plus humiliée par la faute d'Eliza Legrand. Même si ce qu’avait dit sa cousine était la vérité et qu’elle-même n'avait pas honte de ses origines ou de tout ce dont elle avait pu accomplir dans sa vie, la façon dont Eliza avait présenté la situation était blessante et Candy avait peur d'avoir sali l'honneur de son père face à son meilleur ami et nouveau partenaire.

Edward, lui, était contrarié. Ce dîner avait si bien commencé : faire la connaissance de la famille de son meilleur ami était rafraîchissant. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas assisté à un dîner de famille et cela lui avait plus manqué qu’il ne le pensait… Mais cette diablesse de rouquine avait tout gâché avec ses manières grotesques et déplacées. Il ne supportait pas ce genre de personne, capable de dénigrer quelqu’un en public. D’autant que le passé de cette jeune femme ne regardait personne, même s’il était finalement heureux de le connaître. Il eut un soupir de dérision : si Eliza espérait le détourner de Candy, elle avait complètement raté son objectif. Il était au contraire touché par le parcours difficile que la jeune blonde avait connu. Cela la rendait plus attendrissante et faisait d'elle une merveilleuse battante, dotée de nombreuses qualités. C'était peut-être elle, la femme de sa vie…

On vint débarrasser les plats de hors d'œuvres pour servir à chacun un consommé Olga accompagnée d'une petite crème d'orge, le tout servi avec un verre de Sherry.

Edward se décida à rompre le pesant silence qui s'était installé et s'éclaircit la voix :

— Ce consommé m'a l'air délicieux... commença-t-il, avant de continuer l’air de rien : Candy, je dois vous dire que je suis subjugué tout d'abord par vos nombreuses qualités et talents mais encore plus par tout le chemin que vous avez parcouru pour en arriver là... Vous devez être une personne combative et acharnée. J’admire cela et je comprends pourquoi William vous a adoptée. Vous me faites beaucoup penser à ma sœur Sarah, vous savez ?
— Je vous remercie beaucoup, fit Candy soulagée qu’Edward prenne si bien les remarques perfides d’Eliza. Vous dites que votre sœur s'appelle Sarah ? Sarah McCormick donc ?
— Oui, vous la connaissez ?
— Nous étions ensemble au collège Royal de St-Paul, expliqua-t-elle, cela doit faire 6 ans. Il y avait Annie, Patricia une amie, Archibald, Alistair et moi.
— Alistair est mon regretté frère, précisa Archibald à l'intention de leur invité de marque. Il est décédé après s'être engagé dans cette fichue guerre, cela fait plus de 3 ans maintenant.
— Je suis navré Archibald, se désola Edward, toutes mes condoléances pour votre frère. Je sais ce que cela fait de perdre un être cher. J'ai perdu ma mère à l'âge de 11 ans et mon père il y a quelques années, j'avoue que cela n'a pas été facile.
— Je vous remercie pour votre sollicitude Edward, murmura Archibald. Et pour revenir à votre sœur, je crois me souvenir d'elle notamment les jours de messes car vous devez savoir si vous y avez étudié, que filles et garçons n'étaient pas mélangés, même si cela n'a jamais dérangé Candy.

Il lui fit un clin d'œil.

— Le monde est petit. Donc vous connaissiez ma sœur ? s’étonna Edward.
— Bien entendu ! Nous étions dans la même classe et nous étions de très bonnes amies, prétendit Eliza. Oui, à cette époque-là, mon frère et moi avions aussi été envoyé dans ce collège pour parfaire notre éducation.

Edward comprit que Candy et son groupe d'amis n'avaient clairement jamais été en bons termes avec cette rouquine, durant leurs études alors même qu'ils étaient de la même famille. Il sentit également qu'Eliza mentait, il était impossible que sa sœur eût été amie avec une peste comme elle. Sarah était si douce, si généreuse, si altruiste, si souriante, si discrète, si sérieuse et studieuse, évitant les conflits, le portrait craché de sa défunte mère. Il commençait à comprendre le genre de femme qu’était cette Eliza, il espérait juste qu'elle ne s'en était pas prise à sa sœur au collège, car il saurait lui rendre la monnaie de sa pièce.

— D'accord, je comprends, reprit Edward, et dites-moi Candy, étiez-vous amie avec ma sœur ?
— Je dois vous avouer que nous n'avons jamais été vraiment proches, même si elle a toujours été très gentille envers Annie et moi-même. Mais je me souviens aussi qu'elle était assez timide et discrète...
— Oui tu as raison Candy, approuva Annie, je me souviens d'elle, moi aussi, et elle était exactement comme tu le dis. Je me souviens qu'une fois, en salle d'études, alors qu'elle était assise sur le rang à côté du mien et avait vu que je peinais à m'en sortir avec mon exercice d'arithmétique, elle m'a gentiment aidé. Elle n'aimait pas voir les autres en difficulté. Je suis certaine que Patty se souvient d'elle aussi.
— Je reconnais parfaitement ma sœur, dans la description que vous m'en faites, dit-il ému à cette évocation. Vous savez elle n'a pas changé, elle est toujours comme ça. Elle s'est investie dans notre fondation, la fondation McCormick, qui œuvre depuis des années pour offrir aux plus démunis une chance d’être soigné correctement, et nous œuvrons également pour que des enfants issus de classes défavorisées bénéficient de bourses pour aller à l'école, voire continuer leurs études quelles qu'elles soient. Nous leur apportons un soutien financier et moral et notre aide est la bienvenue pour beaucoup de familles qui peinent à s'en sortir. J'aide ma sœur, dès que je le peux, mais je suis très occupé moi-même par mes affaires, comme vous le savez. Par bonheur, elle a su s'entourer de personnes exceptionnelles comme elle. Il y a tant à faire et tant de nécessiteux. Nous faisons chaque année, des dons colossaux à notre fondation mais Sarah aime chercher de nouveaux donateurs, elle y consacre beaucoup de temps et organise régulièrement des galas de charité... Je crois me souvenir que le prochain se tiendra à l’automne. Elle a énormément de mérite car qui plus est, elle gère aussi les parts que nous possédons dans l'hôpital Bellevue à New-York.

— Votre sœur m'impressionne beaucoup Edward, s’enthousiasma la jeune héritière des André, je l'admire beaucoup. J'aimerais réussir à apporter autant à la Fondation André et à nos pauvres petits enfants malades. Ils sont eux aussi issus de milieux défavorisés. Tout comme vous, Albert fait aussi chaque année un don considérable à notre fondation mais il y a tant d'enfants à soigner que je dois moi-même m'investir également pour trouver des donateurs et j'organise moi aussi une fois par an un gala de charité pour recueillir le maximum de dons, le dernier, il y a six mois. Donc je comprends parfaitement le travail qu'accomplit votre sœur, et si Sarah a besoin d'une aide supplémentaire pour son prochain gala de charité, je serai ravie de venir l'aider...

Edward était aux anges. Si elle venait à New-York aider sa sœur, il aurait sans doute l'occasion de la revoir également. Il pourrait l'inviter à diner voire être sa cavalière à ce gala de charité et avoir ainsi l'occasion de danser avec cette beauté envoûtante... Il en serait comblé... Oui, il l'inviterait.

— Je vous propose aussi mon aide Edward, si vous le souhaitez, c'est une noble cause que celle que défend votre sœur, je voudrais y participer également...

Eliza venait d'offrir son aide au milliardaire. Elle en avait plus qu'assez que Candy retienne toute son attention, il fallait qu'elle redirige la lumière sur elle-même, qu'Edward puisse comprendre qu'elle aussi était à la hauteur.

— Toute aide sera la bienvenue, je vous en remercie Eliza, lui sourit-il poliment, je lui en ferai part mais ce sera très certainement un peu avant le grand gala, en octobre ou novembre qu’elle aura le plus besoin d'aide.
— Eliza a raison, renchérit Albert, nous devrions tous aller donner de notre temps pour cette louable cause que je soutiendrai. Je peux d'ores et déjà te dire que je ferai un don conséquent à votre fondation et je proposerai personnellement mon aide à ta sœur, que je n'ai pas encore eu l'honneur de rencontrer.
— Ne t'en fais pas, rit son ami, nous corrigerons cela très vite, dès que tu seras à New-York. Merci Liam pour ton prochain don, Sarah en sera ravie.

Les valets vinrent débarrasser et leur servir un poisson : Saumon Poché et sa sauce mousseline. Le majordome versa aux convives un délicieux verre de vin blanc sec originaire de Moselle.

Archibald et Annie échangèrent un regard, se comprirent et d'un hochement de tête tombèrent d'accord.

— Edward, intervint Archibald, nous souhaiterions ma femme et moi-même faire également un don pour votre fondation si cela vous agrée.
— Bien évidemment, répondit-il, Sarah en sera enchantée.
— Et je voudrais également, ajouta Annie, apporter mon temps et mon aide à Sarah si elle en a besoin pour ce prochain gala de charité.
— Je vous en remercie beaucoup, dit Edward, c'est réellement très gentil de votre part, je lui en parlerai et reviendrai vers vous si nécessaire. Ce poisson est onctueux mon cher Liam et ce vin d'une grande finesse, c'est un vin français qui accompagne à merveille ce saumon et sa sauce si savoureuse. Mes compliments au chef.
— Je suis parfaitement d'accord avec vous Edward, approuva Candy avec gourmandise, il est délicieux.
— Je vois, Candy, que vous êtes une amoureuse de la gastronomie, se félicita le jeune homme en face d'elle, vous m'en voyez ravi. Je dois vous avouer, à mon tour, que je suis un grand amateur de l'art culinaire.
— Candy est surtout une très grande gourmande, s’amusa son père adoptif, elle a toujours un grand appétit qui fait plaisir à voir.
— Albert, tu me gènes un peu en disant cela, répliqua la jeune femme.
— Ne vous inquiétez pas ma chère, s'amusa Edward, je dois dire que je possède le même défaut.

Il n'avait pas passé un si bon moment depuis longtemps et, il en était persuadé, c’était grâce à cette divine femme. Il se reconnaissait de plus en plus en elle, alors même qu'il ne la connaissait que depuis quelques heures à peine. Ils avaient pas mal de points communs à commencer par la gourmandise… Il l'appréciait elle, ses qualités et son parcours de vie. Comment ne pas tomber amoureux d'une femme pareille ? Et quel bonheur qu’elle soit encore célibataire, même s’il continuait à se demander comment pareille chose était possible… Avec un peu de chance, elle ne le serait plus d'ici quelques temps si elle lui accordait la possibilité de lui montrer qu'il était un homme bien, qui saurait prendre soin d'elle, la protéger, l'aimer comme elle le méritait. Il affichait un sourire béat sans s'en rendre compte, perdu dans ses pensées.

— Edward ? Demanda Albert. Tout va bien ? Tu sembles ailleurs...
— Oui, oui, tout va bien, je me disais que je n'avais pas passé un si bon moment depuis longtemps.

Son regard se fixa sur Candy à qui il souriait de tout son être...

— Alors, si tu es content, rétorqua Albert, j'en suis heureux, c'est que la soirée est réussie. Pendant que j'y pense, je souhaiterais qu'Archibald, Annie, Candy ainsi que Sarah et Eliza me rejoignent dans mon bureau après le dîner, j'ai en ma possession quelques objets qui appartenaient à notre tante et qui pourraient vous intéresser.

Les personnes intéressées acquiescèrent.

On vint desservir et apporter la suite, soit l’Entrée : un Filet Mignon Lili et sa courgette farcie, avec un Bordeaux rouge pour compléter le tout.

— Tu as une excellente cave, mon ami, se délecta Edward, celui-ci est à la fois chaleureux et charpenté.
—Je te remercie Eddie, se réjouit Albert, c’est également un vin français, importé avant cette maudite guerre.
— Oui, je comprends très bien, j'ai également une belle réserve de cave à vins en provenance de France aussi : un véritable trésor. Je suis un grand amateur de vins. Et vous Candy, appréciez-vous le bon vin ?
— Oui Edward, j'apprécie le bon vin. D'ailleurs, j'ai une anecdote à vous raconter si cela vous intéresse...

Il hocha la tête en affichant un large sourire.

— Je devais avoir 6 ans, et à cette époque-là j'étais encore chez Mademoiselle Pony, c'est l'orphelinat dans lequel Annie et moi avons grandi. J'avais décidé de l'emmener pique-niquer pour lui remonter le moral qui n'était pas au beau fixe. J'avais embarqué avec moi la bouteille de vin de Sœur Maria, j'avais en effet remarqué qu'elle en buvait un verre tous les soirs, je me suis donc dit que ce devait être bon. Pour être bon, c'était délicieux, j'en ai bu, pour ma part, plusieurs verres et j'ai dû un petit peu m'enivrer ce jour-là ...

Elle se mit à rire de bon cœur.

— Mais cela ne m'a pas empêché de vivre un tas d'aventures ce jour-là, tu te rappelles Annie ? Nous sommes tombées dans la rivière après avoir essayé de la traverser, nous avons été emportées par le courant et sauvées par Monsieur Brighton qui nous a invitées chez lui à un barbecue. Peu de temps après, c'est lui qui t'a adoptée Annie, et nous avons été séparées...

Elle disait cela avec une pointe d'amertume et de regret…

— Oui Candy, fit son amie après avoir terminé sa bouchée, je me rappelle de toute cette journée ! Tu avais simplement voulu me remonter le moral et ça avait marché.

Edward se délectait d'en apprendre davantage sur Candy et son enfance, et s'amusait beaucoup à découvrir ses aventures passées. Elle était pétillante et d'une telle fraîcheur qu'il en était ravi.

— Vous semblez avoir vécu nombre d'aventures très divertissantes chez cette Mademoiselle Pony, s'amusa-t-il après avoir bu une gorgée de son vin.
— Si vous saviez, Edward, répliqua-t-elle, j'y ai passé les meilleures années de ma vie. Mademoiselle Pony et Soeur Maria m'ont tant appris, et m'ont inculqué des valeurs comme la tolérance, le respect, l'honnêteté et la bonté. J'aime y retourner de temps en temps pour m’y ressourcer, et puis il y a mon arbre de la Colline, je m'y sens en sécurité quand j'y monte au sommet.
— Vous montez aux arbres ? s’étonna Edward les yeux écarquillés.
— Figure-toi mon cher Eddie, intervint Albert, que ma fille chérie a toujours adoré grimper aux arbres.

Décidément cette femme ne cessait de l'émerveiller, elle était d'une telle simplicité et d'un tel naturel qu'elle lui rappelait comment il était lui-même, plus jeune, à l'époque où avec Albert ils aimaient faire de longues promenades dans le parc du collège Royal de St-Paul, le seul moment où il pouvait être proche de la nature, sa passion jadis, qu'il avait peu à peu abandonnée pour remplir ses obligations auprès de son père au départ, puis tout seul par la suite. Il n'avait pas cessé de travailler depuis, voulant privilégier l'entreprise familiale afin que son père soit fier de lui, là-haut.
Mais il regrettait cette insouciance et cette passion qu'il possédait avant. Et cette femme venait de les lui rappeler.

— Je vous admire Candy, vous semblez aimer l'essence même de la vie, et ne pas vous inquiéter du "qu'en dira-t-on" à grimper dans un arbre… Vous me rappelez tant ma jeunesse avec votre père. Nous faisions de grandes balades à pied ensemble à St-Paul, tout en observant les oiseaux, les chevreuils, les hérissons, les blaireaux...

Candy et Albert se regardèrent, se comprirent et se sourirent.

— Fut un temps, reprit Albert, où j'avais comme ami et compagnon de voyage, une mouffette que j'avais nommé Bupe.
— Et lorsque j'étais enfant à la maison Pony, ajouta la blonde, avec Annie, nous avions adopté et apprivoisé un raton laveur que nous avions appelé Capucin. Après le départ d'Annie, il est devenu mon plus fidèle ami, il m'a même accompagné jusqu'au collège en Angleterre, bien entendu il s'était réfugié et caché dans un des arbres du parc...
— Candy, intervint Eliza, tu devais savoir que c'était interdit d'avoir un animal ?! Je l'aurais su, je t'aurais dénoncée à la mère supérieure !
— Vous auriez fait cela Eliza ? s’étonna son beau milliardaire. Mais c'est très cruel de faire une chose pareille, vous n'avez donc pas de cœur ?

Il fallait qu'elle se sorte de cette mélasse, les choses étaient déjà assez mal engagées entre eux, il était nécessaire de redresser la situation quitte à lui faire croire qu'elle avait du cœur, qu'elle était sincère et qu'elle ne l'aurait jamais dénoncée même si cela n'était pas vrai.

— Oh mais non Edward, s'empressa de corriger la rouquine, ce n'est pas ce que je voulais dire, voyons... J'insinuais simplement que le règlement était très strict et qu'il ne fallait surtout pas contrarier la mère supérieure…

Edward n'était pas dupe, et voyait très bien qu'elle était en train de ramer pour éviter de s'enfoncer encore plus dans ses mensonges. Il se décida à répliquer :

— Inutile de me le préciser. Je vous rappelle que j'ai également fait mes études à St Paul, je connais le règlement et la mère supérieure s’y trouvait déjà à l’époque...

Les serviteurs vinrent desservir et apporter la suite, le Relevé : du Gigot d'Agneau, sa Sauce à la Menthe et ses Pommes de Terre Nouvelles à l'Anglaise accompagné d'un vin rouge, un Beaujolais français.

— Cette viande m'a l'air délicieuse... Nous parlions de promenades tout à l'heure, reprit Albert, figure-toi Candy que demain matin je vais emmener Edward faire une promenade à cheval dans le parc, je vais lui faire visiter le domaine.
— C'est une très bonne idée, approuva-t-elle avec un large sourire, Edward vous allez adorer, le paysage est vraiment magnifique par ici.

Celui-ci ne pouvait pas s'empêcher de lui sourire en retour, c'était une déesse enchanteresse qui se tenait en face de lui, il avait de plus en plus de mal à rester concentré sur le sujet évoqué.

— Si tu le souhaites ma chérie, ajouta son père, tu peux nous accompagner.
— Non, il n'en est pas question, rétorqua la blonde d'un ton très léger, c'est un moment qui vous est réservé. Vous ne vous êtes pas vus depuis longtemps, vous avez certainement des milliers de choses à vous raconter. Peut-être une autre fois...
— C'est très attentionné de votre part Candy, remarqua Edward en face d'elle, mais je vous prends au mot pour une prochaine promenade ensemble, ce sera un vrai plaisir pour moi que d'avoir une aussi belle cavalière que vous à mes côtés.
— Je vous remercie beaucoup Edward, dit-elle en s'empourprant.

Il avait remarqué qu'elle avait rougi à son compliment, peut-être n'était-elle pas insensible à son charme ? Ce serait merveilleux, si tel était le cas mais il se demandait comment réagirait son ami qui était avant tout un père protecteur pour cette jeune femme …

Eliza fulminait intérieurement, elle n'en pouvait plus, il n'y en avait plus que pour cette petite chipie, elle allait le lui payer, elle s'en faisait la promesse. Elle avait toujours un atout dans sa manche, mais elle ne pouvait se permettre de le sortir ici, devant l'oncle William où elle risquait de trop gros ennuis, non. Elle sortirait son joker une fois qu'elle serait seule avec Edward. Après cela, plus jamais il ne voudrait entendre parler de Candy...
En attendant, elle devait faire quelque chose pour calmer l'engouement croissant de son prince pour cette pauvresse... Elle eut une idée et voulut la mettre en œuvre immédiatement. Heureusement qu'elle avait les oreilles partout ! Cette information entendue plus tôt dans la matinée alors qu'elle partait à son shopping allait finalement lui servir et elle enchaîna :

— Candy, mon frère avait une idée à te suggérer pour demain mais il n'osait pas t'en parler de peur de t'embêter.
— De quoi s'agit-il ? s’étonna la blonde.

Daniel fixa sa sœur, les yeux ronds. Qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'était-elle encore en train de manigancer ?

— Voilà, il avait entendu par le jardinier que tu allais tailler certains rosiers demain matin et il a pensé qu'il pourrait te soulager en te donnant un coup de main mais il est trop timide pour te le proposer directement, alors je me permets de te proposer son aide.

Mais qu'était-elle en train de faire ? Daniel se disait qu’il devait être en train de rêver ! Il n'avait pas besoin qu'elle se mêle de sa vie amoureuse et il n’en avait d’ailleurs aucune envie. Il avait parfaitement géré la situation jusqu'ici. Et la dernière fois qu'elle s'en était mêlée, en demandant à la tante de prétendre que c’était l'oncle William qui exigeait ce mariage entre Candy et lui, cela s'était retourné contre lui. Il était hors de question que cela recommence. Cependant il n'était pas dupe : elle ne cherchait qu’à servir son propre intérêt dans cette histoire. Il avait remarqué que Candy avait tapé dans l'œil de ce milliardaire, et de fait comme sa sœur le voulait pour elle, écarter sa rivale devenait nécessaire d’où, sans doute, ce stratagème. Qu'allait-il faire maintenant ? Il était trop tard pour faire marche arrière.

— Ma foi, répondit Candy, c'est une bonne idée, et vu que le jardinier est en repos demain, j'imagine qu'on ne sera pas trop de deux. C'est avec grand plaisir que j'accepte ta proposition Daniel, je te remercie beaucoup.

Daniel était en fin de compte satisfait du résultat, il allait pouvoir passer du temps avec sa belle blonde, pouvoir l'admirer de près et à loisir, sous toutes ses formes. Sans compter que l'éloigner de ce milliardaire qui lui faisait du charme depuis le début de la soirée, n'était pour lui déplaire, il n'avait clairement pas besoin d'un rival. En revanche, cela l’obligeait à remettre à plus tard ses recherches à propos des secrets inavouables de la tante Elroy. Mais ce n'était pas grave. Il pourrait lire dès ce soir, dans son lit, les fameuses lettres qu'il avait découvertes plus tôt dans la journée et qu'il n'avait pas encore pu lire. Peut-être y découvrirait-il quelque chose ? Il l’espérait en tout cas…

— De rien Candy, sourit Daniel, c'est tout à fait normal.

Eliza était on ne peut plus satisfaite d'elle-même, coller Candy avec son frère était une idée de génie. D'une, elle l'écartait d'Edward, de deux elle aurait tout le loisir de simuler une rencontre fortuite avec l’homme de sa vie, le lendemain matin dans le parc. Elle rêvait d'une balade à cheval, elle aussi, et pourrait alors dégainer sa dernière carte. De trois, son frère lui serait éternellement reconnaissant si un rapprochement entre Candy et lui en résultait. Certes, par le passé, son stratagème avait échoué mais elle savait que son frère était toujours amoureux de cette blonde. Il faudrait qu'il se montre le plus séducteur possible. Puis cette chipie avait aussi changé, elle était peut-être prête à l'épouser maintenant. Elle ferait tout pour que cela arrive, car Edward était à elle et non pas à Candy.

Edward était perplexe, pourquoi cette peste avait-elle fait une telle proposition de la part de son frère ? Jusqu'à présent, il n'avait pas entendu ce Daniel de toute la soirée. Y avait-il quelque chose entre Candy et lui ? Devait-il s’en méfier ? Il lui avait été présenté comme un neveu de William. Pourtant le regard qu'il avait porté sur elle, quand il l'avait regardée ne trompait pas : il était amoureux d'elle. Qu’en était-il pour elle ? Il le découvrirait tôt ou tard...

Albert pensait qu'il était temps de changer de sujet, il reprit la parole :

— Annie, je voudrais savoir si toi et Archibald vous plaisez à la Palmer Mansion ?
— Oh Albert, s’enthousiasma-t-elle, je crois pouvoir parler en nos deux noms, mais c'est un endroit magnifique, qui a une histoire, et oui, la réponse est oui, nous adorons. D’ailleurs ma mère va m'aider à y mettre notre touche personnelle. Nous avons fait déjà quelques achats dans ce but. J'ai plein d'idées de décoration.
— Je savais que ce manoir vous plairait, continua-t-il, mais j’ai quand même préféré emmener Candy le visiter avec moi pour me donner son avis, elle a un goût très sûr, elle aussi...
— Nous en sommes ravis, ajouta Archibald, cette maison était faite pour nous et nous avons hâte de pouvoir y élever nos enfants.

Il regarda sa femme avec tellement d'amour, qu'elle ne put que confirmer ce que celui-ci venait de dire.

On vint débarrasser et servir à la place un Punch à la Romaine, puis quelques temps plus tard le Rôt : soit un Pigeonneau Rôti sur Lit de Cresson Cuit accompagné d'un verre de Bourgogne rouge.
Un mets qui fût dégusté avec appétit. Tout le monde s'accordait à dire combien tout était délicieux, ce qui ravit le chef de famille.
Georges félicita Albert pour avoir su s'entourer des meilleurs afin d’organiser ce repas somptueux qui était une pure réussite. Sarah et Walter se joignirent à lui pour exprimer leur enthousiasme. Le chef de famille en profita pour rappeler que Georges était un membre à part entière de cette famille, comme son père l'aurait souhaité, et qu'il l'estimait beaucoup.

Les valets vinrent desservir et apporter une Salade Froide d'Asperges et sa Vinaigrette Safranée au Champagne avant de revenir quelques minutes plus tard pour débarrasser et servir une viande froide : un Pâté de Foie Gras et son Céleri accompagné d'un petit Sauternes. Ce qui régala les papilles des invités.
L'ambiance était conviviale, détendue et joyeuse, Albert promit de remettre un dîner familial comme celui-ci à l'agenda.
Puis vint le moment de servir l'Entremets : un Éclair au Chocolat avec Crème Glacée Vanille à la Française assorti d'un petit vin doux, un Moscatel.
Candy se délectait, la pâtisserie étant son péché mignon, cela n'échappa à l'œil d'Edward qui la trouvait délicieuse avec son vice de gourmandise, lui-même ne résistant pas à la tentation de cette friandise. Il se promit de l'inviter, quand elle viendrait à New-York, dans un restaurant ou un salon de thé pour qu'elle puisse y déguster les meilleures pâtisseries. Il avait l'impression d'être seul au monde avec elle et aurait tout donné à cet instant pour que ce soit effectivement le cas. Il se demanda quand avait-il eu, pour la dernière fois, cette sensation de légèreté ? Il était heureux et avait le sentiment de goûter au bonheur pour la première fois depuis bien longtemps, et c'était en grande partie à elle qui le devait. C’était étrange comme sentiment alors qu’il venait à peine de la rencontrer…

Le dessert sonnait la fin du repas. On apporta aux convives un Assortiments de Fruits Frais et de Fromages servis avec un délicieux champagne.
Albert porta un toast afin de remercier une nouvelle fois tous ses invités.
Après le dîner, le chef de famille invita tout le monde à se rendre dans le salon, où leur serait servi café, cigares pour certains, digestifs pour d'autres. De la musique fut diffusée dans la pièce grâce au tourne-disque.

Puis William invita Candy, Archibald, Annie, Sarah et Eliza à le suivre dans son bureau afin qu'ils se partagent l'héritage précieux de leur tante décédée.





Fin du Chapitre VI


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Edited by Fanfan 2604 - 15/11/2023, 06:32
 
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view post Posted on 21/12/2023, 14:49
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CHAPITRE VII




Toutes les personnes concernées étaient réunies autour d’Albert attendant ses instructions. Daniel avait, comme prévu, déposé les boîtes à bijoux sur son bureau.

Albert les ouvrit une par une et en déversa le contenu à côté sur le bureau.



— Voici tous les objets précieux de notre chère tante Elroy. Beaucoup de bijoux, comme vous pouvez le constater que j’aimerais partager équitablement entre chacune des branches de la famille, c’est-à-dire pour vous Sarah qui jugerez si vous les gardez ou en faites don à votre fille Eliza, à toi Archibald, étant donné que tu es le dernier descendant de Janet André, ma regrettée tante. Et pour finir à moi-même. Mais je compte de mon côté te léguer à toi Candy, ma fille, tous les bijoux censés me revenir, ils te seront bien plus utiles qu’à moi, s’amusa-t-il. À l’exception de cette montre à gousset qui appartenait à mon père et que j'aimerais récupérer.



Il la saisit et, une lueur nostalgique dans les yeux, y aperçut les initiales gravées de son défunt père W.C.A. Il était encore petit alors, mais il se souvenait que son paternel la portait et l’utilisait très souvent. Maintenant, elle était à lui. Avec une grande émotion, il la glissa dans la poche avant de sa veste et en ressentit une immense fierté.



— Daniel m’a également rapporté, qu’il y avait un médaillon en or renfermant le portrait de John Briand, le défunt mari de la tante Elroy, votre père Sarah, et une chevalière gravée à ses initiales. Je pense, ma chère cousine, qu’il serait juste qu’ils vous reviennent. Il s’approcha, prit le médaillon en or et la bague gravée et les offrit avec solennité à Sarah qui le remercia, ravie d’entrer en possession d’objets ayant appartenus à son père et sa belle-mère qu’elle avait toujours considéré comme sa véritable mère.



Albert demanda aux femmes de s’avancer, afin qu’elles choisissent et se répartissent les bijoux restants. Candy décida d’en laisser davantage à Sarah et Eliza en précisant que la tante Elroy aurait aimé que nombre de ces bijoux leur reviennent et le partage put se dérouler sans heurts.

Puis Albert décida d’attribuer les trois coffrets à leurs nouveaux propriétaires. La boîte en bois ancien avec les initiales de E.A. revint à Sarah et sa fille. Celle en argent à Archibald qui, ravi, l’offrit à sa femme.

Et pour finir Albert tendit la boîte en or à sa fille.

Eliza en fut verte de jalousie. Pourquoi fallait-il que celle en or revienne à Candy ? Son regard se remplit de haine, elle se demandait encore comment cette intrigante avait réussi à s’introduire au sein de sa famille et ainsi lui voler son héritage.

Mais ce n’était pas grave, Candy n’avait qu’à profiter de ces instants car sa chute n’en serait que plus longue et douloureuse, et elle, Eliza Legrand, serait aux premières loges pour assister à ce spectacle grandiose ! Oui, ce n'était qu'une question de temps… Il fallait savoir être patiente !



L’affaire étant réglé, Albert demanda à chacun de rejoindre les autres invités au salon. Alors qu’il ne restait plus qu’elles deux dans le bureau, Annie attrapa le bras de Candy juste avant qu’elle ne sorte.



— Pas si vite jeune fille, l’arrêta la brune, j’aimerais te dire deux mots si tu le veux bien.

— Annie, cela ne peut pas attendre ? demanda Candy. Tout le monde va se demander ce qu’on fabrique.


— Je ne serais pas longue, promit Annie. Je veux juste savoir si tu as réfléchi à ce dont je t’ai parlé hier. Qu’as-tu décidé pour Terry ? Souhaites-tu le rejoindre ? Ou encore attendre ?

— Je suis navrée Annie, je n’ai pas envie d’en parler, il est encore trop tôt pour que je me décide…


—Je suis étonnée de ta réponse, je pensais que tu avais enfin décidé de choisir l’option de t’ouvrir enfin aux autres !? Il m’a semblé que tu t’étais amusée ce soir et que la compagnie de cet Edward t’enchantait…

—Mais enfin Annie, où vas-tu chercher tout ça ? J’ai seulement essayé de me montrer polie avec l’hôte d’Albert, rien de plus. Il m’a paru sympathique mais c’est tout…

—Je vois. En tout cas, lui semble avoir eu un coup de cœur pour toi, il n’avait d’yeux que pour toi… Je ne m’étonnerais pas qu’il t’invite à dîner un soir… Si cela arrivait, accepterais-tu ?

—Annie, je pense que tu te trompes et quand bien même… Je te l’ai dit : je ne suis pas prête pour qui que ce soit y compris pour cet Edward… J’ai toujours ce trou béant dans ma poitrine.

—Oh chérie, j’en ai assez de te voir souffrir, prends donc ce train, va le retrouver et avoue-lui que tu l’aimes encore.



Candy en avait tellement envie, elle rêvait de le faire, mais c’était utopique. Elle ne pouvait décemment pas écarter Susanna au profit de son propre bonheur, pas après ce que la jeune actrice avait souffert pour sauver la vie de son amour… Elle ne pouvait suivre son cœur malgré ce qu’Annie affirmait…









*******************







Il était tard et Daniel était tranquillement installé. Depuis plus d’une heure maintenant, il épluchait scrupuleusement le courrier de la tante. Il était, en outre, soulagé que cette soirée fût enfin terminée. Une fois les invités partis, il avait pu regagner sa chambre et après s’être mis à l’aise, il s’était emparé des lettres volées précédemment dans les boîtes.

Jusqu’ici, il n’avait rien trouvé d’intéressant, et il n’en restait plus que deux. Il doutait encore de trouver quelque chose qui se rapporte aux trouvailles de l’après-midi. Puis un en-tête sur l’avant-dernière lettre attira son attention. Elle provenait d’un certain docteur Brown de la clinique de… St-Louis ? À nouveau cette clinique de St-Louis… et la missive était justement datée de quelques jours après celle de Rosemary, ce devait être lié. Il l’ouvrit et la lut.



St-Louis,

Le 10 février 1898



Madame Elroy,

Comme convenu, je respecte à la lettre les souhaits que vous avez émis concernant votre nièce Rosemary Brown ainsi que son état que je trouve néanmoins de plus en plus préoccupant…

Quand vous m’avez contacté, à l’automne dernier, afin que j’admette votre nièce le plus rapidement possible, et dans le but principal qu’elle se repose et puisse accoucher, dans le plus grand secret, j’ai accepté sans poser la moindre question. Je ne pensais qu’il y aurait la moindre difficulté. Je dois hélas, me raviser car comme je vous l’ai dit il y a quelques temps, par téléphone, la grossesse de votre nièce se complique et engendre de nombreuses pathologies ainsi qu’un grand état de faiblesse. Elle est sujette à de graves maux de têtes, sa vision s’en trouve déformée, elle a de fortes douleurs au niveau du foie, sans compter la gêne respiratoire qui survient parfois ainsi que nausées et vomissements. Elle est du reste très affaiblie et de plus en plus fatiguée… Je suis de plus en plus inquiet quant à son état de santé qui se détériore jour après jour. Aucun traitement ne peut malheureusement être administré à cause du danger pour le bébé. J’ignore la cause de ces dérèglements que je n’ai eu pourtant de cesse de chercher. Le terme est proche et je crains que nous ne puissions sauver votre nièce.

Quand arrivera le jour de la délivrance, pour elle, nous respecterons vos souhaits. J’ai d’ores et déjà trouvé une mère nourricière, qui est d’accord pour prendre le bébé, le temps que celui-ci trouve des forces, elle le confiera, par la suite, à l’adoption, comme convenu. Votre identité sera maintenue secrète, ainsi que celle de la mère naturelle, auprès de cette nourricière.

Bien entendu, je vous tiendrai au-courant de tout nouvel élément concernant votre nièce, certainement par télégramme ou téléphone, je pense au vu de l’état de santé qui s’aggrave de jour en jour.

Je vous prie d’accepter mes respectueux hommages.



Dr BROWN Emmett





Daniel était éberlué par ce qu’il venait de lire. C’était incroyable ! Ainsi, Rosemary avait non seulement eu une liaison avec un autre homme que Vincent Brown, mais elle était visiblement tombée enceinte, et sa tante Elroy, avait tout fait pour étouffer l’affaire, quitte à mentir à tout le monde et faire interner sa nièce dans une clinique, dans le plus grand anonymat possible. Ainsi, elle avait eu un autre enfant qui avait été adopté dans le plus grand secret. Rosemary, elle, avait certainement dû mourir en couches, rapport à ce que ce médecin avait écrit à la tante Elroy au sujet de sa maladie…

Mais alors où était passé cet enfant ? Il se décida à regarder et ouvrir la dernière lettre mais hélas, elle ne recelait rien d’important…

Il ne pensait pas trouver autre chose dans les affaires restantes de la tante, mis à part, peut-être dans la bibliothèque qu’il n’avait pas encore explorée. Il le ferait dans un souci d’objectivité mais il était probable que rien n’en ressortirait.

En attendant, il devait maintenir tout ceci secret… Peut-être, pourrait-il engager un détective privé pour remonter jusqu’aux origines de cette histoire et jusqu’à l’enfant abandonné ? Oui, s’il ne trouvait rien, c’est ce qu’il ferait clairement…

En attendant, il était fatigué et voulait dormir pour être en forme le lendemain et profiter pleinement de la compagnie de Candy. Une opportunité en or gagnée grâce à sa perfide de sœur.





*******************





Domaine de Lakewood

Samedi 17 août 1918






Albert avait tenu sa promesse et cela faisait déjà deux bonnes heures qu’Edward et lui sillonnaient ensemble à cheval les moindres recoins du Domaine de Lakewood.
Ils décidèrent de faire une halte et de s’arrêter quelques minutes pour profiter du magnifique paysage d’été qui leur était offert sous les rayons du soleil.
Après avoir échangé quelques souvenirs d’antan et de leurs belles années au collège, ils en arrivèrent tous deux à la conclusion que leur amitié et leur complicité, loin d’avoir disparu, étaient au contraire restées intactes. Ils étaient très heureux du temps que leur partenariat leur permettrait de passer ensemble. Edward fit part à son ami de son admiration : avoir adopté Candice et l’avoir sortie de l’enfer dans lequel elle semblait se trouver était tout simplement formidable.
Albert lui raconta alors toute son histoire et comment il avait été présent dès le départ pour elle, surtout lorsque ces Legrand s’en étaient pris à elle et l’avaient accusée lâchement de vol avant de tenter de l’expédier au Mexique, puis comment l’idée de l’adopter lui était venue, ainsi que la mort brutale et accidentelle de son neveu Anthony qu’il avait dû gérer dans l’ombre, le chagrin et la solitude, sans pouvoir aider Candy alors qu’il la savait tant attachée à lui, d’où son idée de l’envoyer faire ses études en Angleterre…
Edward répondit qu’il était fier du rôle de père qu’avait tenu son ami auprès de cette jeune fille mais qu’à sa place, il aurait déjà banni ces perfides Legrand de la famille, ce à quoi Albert répondit qu’il avait promis à sa tante de les y garder…
Albert était également impressionné du rôle de parent qu’Edward avait dû jouer à la mort de son père, auprès de sa sœur, et le lui fit savoir.
Ils en vinrent à la conclusion qu’ils avaient plus que les quelques points communs qu’ils s’étaient jadis découverts tous les deux : ils avaient vécu les mêmes choses à quelques années de différence.
Albert avait également bien remarqué la veille que son ami avait eu un véritable coup de foudre pour sa fille et se décida à aborder le sujet avec lui…
—Dis-moi Eddie, j’ai bien remarqué hier soir que tu regardais ma fille disons comme si elle t’intéressait et que tu voulais la charmer ?
— Ah, j’ai été si transparent que cela dans mes intentions ? demanda son ami.
— Je dois reconnaître que tu n’as pas été très discret… reconnut le chef de famille.
— Liam, je dois l’admettre auprès de toi mon ami, mais avant tout, toi son père. Oui, j’ai littéralement eu un coup de foudre pour elle… Elle est belle, tellement mais tellement naturelle, charmante, altruiste, téméraire, elle possède des traits de caractère que je n’aurais jamais cru pouvoir voir chez une seule et même personne, mis à part ma chère sœur… Je suis conquis, c’est la première fois que ça m’arrive, je me sens à la fois perdu et euphorique à l’idée de la revoir. Mais, notre amitié qui m’avait tant manqué, prévaut sur tout le reste, et si tu ne souhaites pas que j’aille plus loin avec elle, je le respecterai…
— Ah Eddie, notre amitié m’avait manqué à moi aussi, répondit Albert, et le fait que tu puisses avoir un début de sentiments pour ma fille ne me gêne pas, je te rassure. Tu peux tenter ta chance. Par contre, je te préviens : par le passé, elle a énormément souffert et en souffre encore je pense. Elle a aimé un jeune homme, il y a quelques années, qui était également mon ami… Malheureusement le destin les a cruellement séparés… Bref, je n’entrerai pas dans les détails mais sache qu’elle ne l’a toujours pas oublié, même si elle n’est pas du genre à s’épancher sur ses problèmes… Mais à présent, tout ce que je souhaite pour elle, c’est son bonheur avant tout alors si ça doit être avec toi, je ne peux que m’en réjouir… Mais attention, sois sincère dans tes intentions, et surtout ne la fais pas souffrir auquel cas je ne te le pardonnerai jamais !
Edward était soulagé d’entendre ces mots de la bouche de son meilleur ami et ajouta :
— Je te le promets Liam, si elle veut de moi, jamais je ne la ferai souffrir. Je pense que je vais l’inviter à dîner alors…
Il affichait un sourire radieux, son ami et père de la jeune fille, soutenait ses intentions. Il ne manquait plus qu’elle à convaincre et à séduire, il s’en réjouissait d’avance. Il avait eu raison d’accepter de venir pour cette affaire en fin de compte car il avait enfin trouvé l’amour de sa vie…
Ils se décidèrent à reprendre leur balade et remontèrent à cheval…

De son côté, Eliza, n’avait pas renoncé à devenir la future Madame McCormick et s’il le fallait, elle tenterait tout pour le séduire, quitte à évincer cette chipie de Candy, comme elle l’avait déjà fait jadis pour la séparer de Terry à l’époque du collège. Elle devait l’admettre, le coup du piège dans l’écurie avait été une idée de génie qui avait fonctionné à la perfection, la mère supérieure ayant gobé tous ses mensonges…
Terry était parti, ça, elle ne l’avait pas prévu, hélas, mais au moins Candy n’avait pas pu l’avoir, non plus…
Oui… S’il le fallait, elle n’hésiterait pas à recommencer et employer les mêmes méthodes. Elle avait donc décidé de se lever aux aurores afin de ne pas rater Edward qui devait partir en promenade avec l’oncle William. Elle avait malgré tout raté leur départ. Mais comme elle s’était déjà apprêtée pour faire de l’équitation, elle n’avait plus eu qu’à demander au palefrenier de lui seller un cheval, et après avoir sillonné pas moins de trois fois Lakewood, elle aperçut enfin au loin, l’homme qu’elle convoitait, accompagné de l’oncle William qui arrivaient au galop. Il fallait qu’elle trouve quelque chose pour éloigner ce vagabond de bas étage, mais elle avait déjà son idée… Elle devait impérativement se retrouver seule avec Edward pour l’apprivoiser, se rapprocher de lui voire l’aguicher. Elle fit ralentir son cheval, s’arrêta et s’assit par terre et se tint la cheville avec une grimace suggestive. Elle s’étonnait elle-même d’avoir un tel génie…
De fait, en voyant Eliza dans une position qui laissait penser qu’elle était tombée voire s’était blessée, ils firent ralentir leurs chevaux et s’arrêtèrent à a hauteur avant de descendre vérifier qu’elle allait bien.

— Oh Edward, mon oncle ! Enfin quelqu’un… J’ai cru que personne n’allait me trouver et que j’allais mourir sur place, fit la rouquine qui voulait en rajouter des tonnes.
— Eliza ! dit Albert, surpris de la trouver là et s’approchant d’elle tout comme son ami. Que fais-tu ici ?
— Je dois admettre que j’ai fait plusieurs fois le tour de la propriété avant de réussir à vous trouver. Je voulais vous faire la surprise de ma présence à votre promenade et ainsi pouvoir me montrer une hôtesse correcte afin de montrer à Edward les coins les plus magnifiques de Lakewood, dit-elle en lui adressant un sourire charmeur, mais malheureusement ce cheval m’a surprise avec sa réaction étrange et j’ai chuté…

Albert fulminait. Comment osait-elle vouloir les déranger dans leur sortie ? Elle exagérait sur tous les points, il entendait bien la remettre à sa place plus tard. En attendant, il devait se montrer gentleman et l’aider. Mais il était loin d’être dupe, et avait bien remarqué pendant le dîner de la veille, les manières finaudes de sa nièce et sa tenue bien trop excentrique pour un simple dîner de famille. Il était clair qu’elle cherchait à l’impressionner voire à lui mettre le grappin dessus. Il ne manquait plus que ça !
— C’était inutile de nous rejoindre Eliza, répondit Albert, nous prenions le temps Edward et moi de nous retrouver, cela faisait si longtemps… Mais qu’as-tu à la cheville ? Tu t’es fait mal ?
— Oui, j’ai très mal, je ne peux ni me lever ni marcher je crois… Aidez-moi, ajouta-t-elle, le visage marqué par la douleur.
— Je vois, dit Edward dans un souci de bienséance, je vais vous porter jusqu’à la maison, on n’est pas très loin à pied après tout… Liam, tu peux ramener mon cheval et celui d’Eliza à l’écurie, s’il te plaît ? On se retrouve à la maison ?
— Et notre balade ? s’agaça Albert.
— Ne t’en fais pas, on remettra ça cet après-midi si tu veux… ajouta Edward avec un clin d’œil à l’attention de son ami.
Albert s’exécuta à contrecœur, il attrapa les rênes du cheval de sa nièce, celles de l’autre cheval puis les siennes et entreprit de rentrer à pied aux écuries…
Edward se baissa et souleva Eliza dans ses bras et commença à marcher en la portant en direction du château. Ce n’était pas très loin, peut-être dix minutes à pied, mais avec cette jeune gourde dans les bras, cela représenterait des heures, des heures à la supporter… Et il lui fallut chercher en lui, le courage nécessaire pour affronter tout ce chemin en sa compagnie. Quelle idée avait-il eu de se porter volontaire ? Il se le demandait…
Elle au contraire, était au comble du bonheur… Son plan avait marché à la perfection et elle se retrouvait dans les bras du milliardaire le plus prisé des États-Unis et certainement futur mari. De plus près, elle pouvait le reluquer à loisir et ainsi admirer son corps qui se dessinait à travers sa chemise immaculée. Il était encore plus beau et sexy qu’elle ne l’avait imaginé… C’était le moment de jouer son rôle, de lui sortir son numéro de séduction et surtout d’éliminer une bonne fois pour toute sa rivale de l’équation. Après cela, le bel Edward McCormick serait tout à elle… Elle s’en réjouissait d’avance.
—Je vous remercie Edward, vous êtes un vrai gentleman, croyez-moi, fit-elle.
— Merci Eliza, mais j’applique simplement les règles de bonne éducation qu’on m’a apprises, rien de plus.
— Et vous êtes modeste par-dessus le marché. Vous feriez le mari idéal… Personne ne vous l’a jamais dit ? Vous êtes certainement l’objet de nombreuses convoitises ?
— Je dois en effet reconnaître que je reçois régulièrement nombre d’invitations à des galas de charité de la part de mères de bonnes familles désireuses de marier leurs filles, mais les plus importantes sont pour des bals de débutantes. La bonne société apprécierait beaucoup en effet qu’un homme de la haute société tel que moi choisisse une jeune femme de son rang…
— Je vois… Peut-être une jeune femme telle que moi alors ? Proposa-t-elle l’air de rien. Issue d’une très bonne famille, que vous connaissez d’ailleurs très bien, de part votre belle amitié avec mon oncle. Une jeune femme qui, croyez-moi, vous ferait honneur à tous ces dîners mondains, soyez en sûr ! Et qui saurait satisfaire tous vos désirs et dans tous les domaines… ajouta-t-elle avec un clin d’œil pas très subtil.
— Je comprends hélas, où vous voulez en venir. Et je dois malheureusement vous arrêter dans votre entreprise de séduction à mon égard, s’expliqua Edward la mine de plus en plus contrariée. Je ne suis pas intéressé par le genre de personne que vous êtes… Je préfère être franc Eliza. Je n’ai pas apprécié votre attitude, hier soir au dîner, vis-à-vis de votre cousine. C’était déplacé… Jamais je ne pourrais tolérer que ma femme puisse humilier en public une personne aussi gentille que Candy… Je suis navré.

Eliza était sous le choc, il en pinçait donc tellement pour cette garce, qu’il était prêt à la défendre… Ça ne se passerait pas comme ça, il en était hors de question ! Il était temps qu’elle dégaine son joker…
— Oh, Edward, je suis navrée que vous ayez une aussi piètre opinion de moi dès le départ… Mais je vous assure que je ne suis pas comme cela. En revanche, je pense qu’il est de mon devoir de vous avertir que celle que vous prenez pour une sainte est loin d’en être une… Certes, et depuis longtemps et à mon grand regret, mon oncle l’a pris sous son aile en allant jusqu’à l’adopter mais c’est parce qu’il ne dispose pas de toutes les informations la concernant… Je n’ai pas souhaité, ni même ma mère ou mon frère, entacher le nom de la famille avec ces histoires, surtout qu’elle est une André à présent mais vous, vous devez savoir qui elle est vraiment avant d’essayer d’entreprendre quoi que ce soit avec elle…
— Je suis tout ouïe, répondit-il, tout en restant sur ses gardes…
— A l’époque où elle travaillait à notre service chez nous les Legrand, et où elle logeait aux écuries, on a retrouvé nombre d’objets et de bijoux qu’elle nous avait volés, c’est pour cela que nous avons pris la décision d’étouffer l’affaire et de l’expédier au Mexique… lui raconta-t-elle, un sourire aux lèvres. Mais ce n’est pas tout : après son adoption par l’oncle William, lors d’une chasse à courre organisée pour elle et pour sa présentation officielle à la famille, elle a causé la mort d’Anthony, le neveu direct d’Albert. Elle était jalouse de la relation amoureuse qu’il y avait entre lui et moi… Il a eu ce terrible accident de cheval et je la soupçonne d’en être responsable et de n’avoir rien fait pour le sauver. Je n’ai pas de preuve bien sûr, mais… Oui et plus tard, quand nous étions au collège, elle était éprise du même garçon que moi et alors que nous étions officiellement ensemble Terry et moi, elle lui a tendu un piège, par jalousie, en le faisant venir à une heure tardive dans une écurie. C’était interdit, bien sûr, mais ce garçon était tellement galant qu’il s’est sacrifié et est parti pour ne pas qu’elle soit virée. À cause d’elle, nous nous sommes perdus de vue… Oh je l’aimais tellement ! À chaque fois que j’ai été amoureuse d’un garçon, elle a tout fait pour gâcher mon bonheur ! Croyez-moi Edward ! Cette fille est un monstre caché sous un visage d’ange…
Après toutes ces explications, il allait mordre à l’hameçon, elle en était certaine…

— Eliza, merci de me raconter tout cela et en version longue qui plus est… Mais je suis au regret de vous annoncer que je ne puis croire à ce mensonge éhonté, car votre oncle m’a déjà raconté cette histoire de vol, ce matin même… Puis également comment est mort Anthony… Et je préfère croire un ami de longue date, en qui j’ai entièrement confiance, plutôt qu’une personne telle que vous. Navrée ma chère…
C’en était trop ! Tout son plan était en train de lui revenir en pleine figure… Et comment lui, osait-il lui parler ainsi ? C’était inadmissible ! Il fallait qu’elle redresse à tout prix la barre à son avantage… Mais là elle séchait…
— Edward, vous vous méprenez, je ne remets pas en cause ce qu’a dit mon oncle, juste que celui-ci ne possède pas toutes les informations sur cette affaire.
— Vous vous enfoncez Eliza… Je vous en prie cessez donc d’écorner l’image de cette belle jeune femme… De toute façon, les absents ont toujours torts non ? Et nous arrivons…
Eliza ne savait plus où se mettre… Ils franchirent le portail et passèrent devant la haie d’Anthony puis virent Candy et Daniel en train de tailler des rosiers…
Edward les salua, et ils les saluèrent à leur tour.
— Eliza ? Que t’arrive-t-il ? Tu es blessée ? Tu veux que je jette un œil ? proposa gentiment Candy en constatant que sa cousine était dans les bras du milliardaire.
— Je pense que ce ne sera pas la peine Candy, répondit Edward à la place de la rouquine. Elle est juste tombée de cheval et prétend avoir mal à sa cheville, mais je pense qu’un peu de glace et de repos devraient suffire, ne vous en faites pas… Dites-moi Candy seriez-vous libre cet après-midi pour m’accompagner avec votre père pour faire une balade à cheval ? Je n’ai pas eu le temps de terminer celle-ci…
— Avec joie Edward, sourit la jeune femme, cela fait bien longtemps que je n’ai pas fait le tour de la propriété avec mon père.
— Vous m’en voyez ravi, Candy, j’ai hâte d’y être, précisa-t-il avec un large sourire. Si vous voulez bien m’excuser, je vais déposer cette jeune femme sur le sofa dans le salon…
— Bien sûr, Edward…
Il continua son chemin puis arrivé au salon, il déposa Eliza sur le sofa avant d’appeler un domestique pour prendre la relève et s’occuper de sa dite cheville blessée.
— Et voilà ma chère, je vous laisse entre de bonnes mains… Et je voulais ajouter qu’il vaudrait mieux que ce que vous m’avez raconté tout à l’heure, reste entre nous. À moins que vous ne souhaitiez attirer les foudres de votre oncle ?
— Oui bien sûr Edward. Je vous rassure, je ne parlerai plus dans le dos de Candy et me montrerai une hôte charmante à l’avenir surtout à vos côtés, je puis vous l’assurer…
— Vous m’en voyez ravi ma chère. Bonne continuation ! ajouta-t-il avant de la laisser définitivement…
Eliza s’était littéralement fourvoyé sur ce coup-là… Il avait lu en elle, comme dans un livre ouvert et compris toute sa manœuvre…
Mais ce n’était pas grave, elle se vengerait de Candy et trouverait sûrement et rapidement comment. Et elle n’abandonnerait pas son objectif… Elle serait la future femme de ce milliardaire quitte à utiliser ses « charmes » s’il le fallait… Elle s’en assurerait.



Fin du chapitre VII



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CHAPITRE VIII


CHAPITRE VIII






New-York,
Samedi 17 août 1918,




Il était moins une… C’était de justesse que Terry put attraper son train avant que celui-ci ne parte… Le Vingtième-Siècle (train réputé le plus rapide à cette époque-là) quitta la gare du Grand Central Terminal de New York à minuit exactement et était censé arriver à Chicago à treize heures. Mais Terry avait perdu du temps cette soirée-là… Après le départ de Suzanne, il avait tergiversé pas moins d’une heure, sur son fauteuil, en se demandant ce qu’il devait faire… Suivre son cœur ? Ou pardonner les faiblesses ou les maigres tentatives de séduction de Suzanne ? Non cela était impossible ! Elle était allée trop loin cette fois-ci. Il avait alors réfléchi à sa première option… Suivre son cœur et aller faire ce qu’il aurait déjà dû faire depuis bien longtemps déjà… À savoir aller dévoiler tous ses sentiments à la seule femme qu’il ait jamais aimé… Et qui devait se trouver non loin de Chicago, à Lakewood exactement, là où résidait Albert les trois quarts de l’année, comme indiqué dans un des nombreux articles de presse qu’il avait pu lire. Il en avait déduit que sa fille adoptive y était aussi…
Ainsi, après avoir rapidement rassemblé quelques affaires dans un sac de voyage, il avait regagné sa voiture et avait foncé droit chez son mentor et patron, Robert Hathaway. Celui-ci avait été surpris de le voir arriver à une heure aussi tardive mais l’avait tout de même laissé entrer et s’expliquer sur le motif visiblement urgent de sa présence… Ce à quoi, il avait répondu qu’il avait une affaire urgente et personnelle à régler à Chicago et qu’il lui demandait la permission de s’absenter au moins deux jours. Robert qui avait toujours considéré Terry comme le fils qu’il n’avait jamais eu, avait accepté sans l’ombre d’une hésitation et sans trop poser de question. Après cela, il s’était rendu à la gare du Grand Central Terminal de New-York, et après avoir vérifié les prochaines correspondances, il avait appris que le dernier train en partance pour Chicago partait dans moins de dix minutes. C’était un signe du destin. Il avait rapidement acheté un billet et après avoir couru pour grimper dans son train qui était sur le départ.
Il se trouva une place, à l’intérieur, dans un coin tranquille, s'installa et put enfin se détendre. Il regarda les quais défiler lentement puis de plus en plus vite… Cette gare lui rappelait tant de souvenirs avec… elle ! La dernière fois, il y avait trouvé sa Candy qui l’attendait et le cherchait, perdue dans la foule dense… Il l’avait ensuite attrapée, tel un kidnappeur professionnel et la pauvre n’avait pas compris qu’il s’agissait de lui. Mais lui l’aurait reconnue entre mille… À ce moment-là, il avait tellement eu envie de la prendre dans ses bras pour ne plus jamais la lâcher… Dommage que les choses aient dérapé. Mais après ce qui lui était arrivé avec Suzanne, plus tôt dans la soirée, il prenait cela comme un signe du destin, tout comme le fait que sa Candy était toujours célibataire… Cette fois c’était décidé, la prochaine fois qu’il reviendrait ici à New-York, il ne serait plus seul mais accompagné de son amour de toujours… Oui, il allait lui exprimer tout ce qu’il ressentait pour elle et depuis leur première rencontre sur ce bateau. Il lui expliquerait qu’ils s’étaient fourvoyés tous deux et que jamais il ne pourrait aimer Suzanne ou qui que ce soit d’autre. Et pour finir, il lui demanderait sa main ! Il ne repartirait pas sans elle. Il vérifia dans son baluchon s’il avait bien emporté son bien le plus précieux : son journal intime. Oui, fort heureusement ! Il le prit, l’ouvrit à la dernière page où se trouvait une petite enveloppe… Il en ouvrit le contenu… Ouf, elle était toujours là et n’avait pas bougé. Elle était son porte-bonheur, dès qu’il n’allait pas bien, le simple fait de la prendre dans ses doigts lui faisait se sentir mieux, il imaginait alors une autre vie… Une vie merveilleuse où lui et Candy seraient ensemble et mariés et où elle porterait cette magnifique bague qu’il avait tant rêvé lui offrir en lui demandant sa main le soir de cette première… Certes, elle n’avait pas une très grande valeur car à l’époque il venait juste de se lancer dans sa carrière d’acteur et n’était pas très riche mais Candy aurait compris, elle aurait même adoré : elle aimait les choses simples de la vie et c’était pour ça qu’il l’aimait avant tout…
Oui, ça se passerait ainsi, Candice Neige André serait bientôt Madame Grandchester… Il avait hâte…
Il était éreinté après cette longue journée et s’endormit rapidement…


**************************

Un bruit de clochettes et une annonce de la prochaine gare d’arrivée le fit sursauter …
— Prochaine gare : Chicago, arrivée dans dix minutes.
Quoi ? Déjà ? Avait-il dormi si longtemps ? Il ne s’en était pas rendu compte… Mais il avait été tellement fatigué par sa journée de la veille qu’il avait certainement eu besoin de récupérer… Peu importait, il ne devait pas en oublier son objectif premier, celui qui l’amenait ici. Il rassembla ses affaires, et une fois le train en gare, en descendit et se hâta d’abord de trouver un café. Il avait besoin de se restaurer et de reprendre des forces pour pouvoir jouer avec brio le rôle le plus important de sa vie… Il fit une halte aux toilettes et vérifia dans le miroir de quoi il avait l’air… Il avait conservé ses cheveux longs et cela plairait sans doute à Candy… Il avait tout de même changé et était devenu un homme plus mûr. Il espérait qu’elle le trouve à son goût... Après avoir appelé un taxi, il était enfin en route pour Lakewood…
Et après un long temps de trajet, il arriva enfin à destination. Il sortit de son taxi et admira le domaine… C’était ici que résidait, de temps à autre, l’amour de sa vie… Il espérait qu’elle y soit bien, en ce moment… Il arriva jusqu’à la porte d’entrée et après un instant d’hésitation, il sonna… Un domestique vint lui ouvrir et il demanda à voir William Albert André ou sa fille si elle était disponible. On lui demanda de la part de qui et il donna son nom. Il attendit quelques minutes à la porte et on revint ensuite pour lui annoncer que Monsieur André allait le recevoir immédiatement.
Il entra et suivit le domestique jusqu’au salon…. Il reconnut tout de suite son vieil ami.
— Bonjour Albert, comment vas-tu mon ami ? Cela fait si longtemps… déclara Terry, ému de le retrouver.
— Bonjour Terry, répondit Albert en s’avançant vers lui pour lui offrir sa main avant de la lui serrer. Quelle surprise ! Je suis ravi de te revoir. Oui ça fait longtemps mais j’ai l’impression que c’était hier la dernière fois que nous nous sommes vus, fit-il avec un clin d’œil. Quel bon vent t’amène ici dis-moi ?
— Je ne vais pas y aller par quatre chemins… annonça-t-il. Je voudrais voir Candy. J’ai ouï dire, par les journaux, qu’elle vit avec toi… Est-elle ici ?
— Eh bien mon ami… Il t’en aura fallu du temps pour te rendre compte qu’elle est la seule femme sans qui tu ne pourras jamais vivre, s’amusa Albert. J’imagine que tu es venu lui déclarer ta flamme ?
— Euh… Comment as-tu deviné ? demanda Terry. Je suis si transparent que cela ?
— Disons, mon cher ami que je m’y attendais… Je ne savais simplement pas quand cela se produirait. J’imagine que Suzanne n’est plus dans ta vie, autrement tu ne serais pas là ?
— Non, enfin je resterai présent financièrement mais c’est tout. Je ne pourrais définitivement jamais être avec elle comme Candy me l’avait demandé. Ta fille, oui j’ai été surpris en l’apprenant dans le journal… Ta fille est la seule femme que j’aime. Je veux la voir. Est-elle ici ? Comment va-t-elle, dis-moi ? questionna Terry empressé de la voir.
— Doucement, doucement… répliqua son ami. Alors oui, elle est ici, elle se prépare, nous devions faire une balade à cheval. Et elle va bien… Enfin, je dois te prévenir, j’espère que tu es sincère dans tes intentions, elle a déjà tant souffert à cause de toi… Je préfère ne pas te mentir. Elle garde encore beaucoup de séquelles de votre séparation même si elle tente vainement de me le cacher.
— Je comprends, déclara-t-il, je veux juste lui parler.
— Pas de problème, répondit Albert, souhaites-tu que je te fasse annoncer ?
— Je crois que ce serait mieux que je lui fasse la surprise. Qu’en penses-tu ? demanda Terry.
— Je suis d’accord avec toi. Mon majordome va te conduire jusqu’à la porte de sa chambre. Après ce sera à toi de jouer… répliqua le maître des lieux avec un nouveau clin d’œil.
Il appela un domestique avec l’ordre de montrer le chemin à son invité jusqu’à l’appartement de Candy sans l’annoncer. Terry exprima sa gratitude envers son ami et suivit le majordome. Arrivé devant la chambre de sa belle, il remercia le domestique et se retrouva bientôt seul face à la porte. Il avait le trac. Et si Candy le rejetait ? Non, il n’avait pas fait tout ce chemin pour rien. Après un dernier instant d’hésitation, il frappa.
— Oui, entre, répondit-elle.
Terry entra et referma vite la porte derrière lui. Il balaya la pièce du regard et la vit, elle, assise devant sa coiffeuse, plus blonde et plus resplendissante qu’il ne l’avait jamais vue… Elle se leva d’un bond et fit volte-face après avoir vu dans le miroir le reflet de son visiteur, visiblement surprise. Elle était magnifique dans sa tenue d’équitation. Cet ensemble constitué d’une veste blanche à bordures rouges et d’un pantalon d’équitation blanc lui seyait à merveille… Les bottes noires qu’elle portait allongeaient sa silhouette et son chemisier blanc presque transparent laissait deviner les très belles formes qu’elle avait maintenant. Sa chevelure longue, blonde et bouclée, retombait en cascade sur ses épaules, et elle avait toujours ce regard vert émeraude dont il était tombé raide dingue amoureux sur ce bateau. Il plongea ses yeux dans les siens avec l’impression de la retrouver enfin… Il savait qu’elle changerait et s’épanouirait avec le temps mais pas à ce point… Elle était devenue une très belle jeune femme avec un physique des plus attrayant, il jalousait déjà le moindre homme qui pouvait l’approcher…
Elle, bien sûr, semblait toujours aussi choquée et stupéfaite de le voir ici, incapable d’en croire ses yeux. Mais paraissait contente de le revoir malgré tout…
Terry se décida, au bout de quelques secondes à rompre le silence qui s’était installé entre eux.
—Bonjour Candy. Tu as changé… Tu es encore plus belle que la dernière fois que je t’ai vue, j’en perds mes mots…
Elle rougit et mit un certain temps avant de répondre :
—Bonjour Terry, cela fait si longtemps… Mais que fais-tu ici ? Est-ce que Suzanne t’accompagne ?
— Non, Candy. Écoute-moi attentivement, s’il te plaît et ne m’interromps pas, dit-il en reprenant sa respiration. J’ai tenu la promesse grotesque que je t’ai faite ce soir-là… Je me suis occupé de Suzanne du mieux que j’ai pu. Je l’ai aidée financièrement ainsi que sa mère, je suis allé la voir tous les jours pour vérifier qu’elle allait bien, je me suis assuré que le médecin qui la suivait était le meilleur… Mais je n’ai pas pu aller plus loin avec elle, je ne peux pas l’épouser… Je veux dire que je ne l’aime pas, je ne l’ai jamais aimée et ne l’aimerai jamais ! Je la considère comme ma sœur donc c’est impossible ! D’ailleurs, il n’y a jamais rien eu entre nous et il n’y aura jamais rien, pas même un baiser. Je continuerai à l’aider financièrement, bien sûr, mais c’est tout ! Mais la raison principale pour laquelle je ne peux plus tenir cette promesse que je t’ai faite, c’est toi ! C’est toi Candy ! Ma « Taches de son »… Je ne pourrai jamais être heureux sans toi…

Il s’approcha d’elle et dans un geste tendre lui caressa la joue et lui déclara :

— Ne vois-tu pas et ne comprends-tu pas que tu es la seule femme que j’aie jamais aimé et que j’aimerais jamais ? Mon amour, je t’aime ! Veux-tu m’épouser ?

Il mit un genou au sol, sortit la bague de fiançailles et la lui tendit.

— Oh mon dieu Terry ! répondit-elle les larmes aux yeux. Je ne peux pas y croire… Terry tu es sûr de toi ?
— À jamais, mon amour ! Voici la bague que je projetais de t’offrir le soir de la première de « Roméo et Juliette »… Les événements qui ont suivi m’ont empêché de le faire, ajouta-t-il très ému, pourtant j’en avais tellement envie, je m’en réjouissais à l’avance, ça et te garder avec moi pour toujours… Mais on a une deuxième chance, ma « Taches de son »… Je suis ici aujourd’hui pour te déclarer mon amour et te garder à jamais avec moi… Je ne laisserai plus rien ni personne nous séparer. Alors, je te le redemande… Candice Neige André, voulez-vous m’épouser ?
—J’ai tellement attendu que tu débarques pour me dire ces mots-là, Terry... Alors oui… Oui je le veux… Je veux vous épouser Terrence Graham Grandchester…

Il se leva, lui glissa la bague à l’annulaire droit, ému jusqu’aux larmes, puis il l’enlaça et la souleva tout en la faisant tournoyer, transporté lui-même par l’euphorie du moment et de ce bonheur tant attendu. Il la regarda ensuite tendrement, la reposa et tout en la maintenant dans ses bras, il s’enquit :
—Alors Mademoiselle Taches de son, si je vous embrasse, allez-vous me gifler, cette fois-ci ?
—Ça, Monsieur Grandchester, pour le savoir il faudra que vous essayiez… lui sourit sa nouvelle fiancée.
—Oh, mais j’y comptais bien…. Si tu savais à quel point tu m’as manqué mon amour ! dit-il en approchant son visage du sien, le cœur battant fort.

Leurs lèvres se touchèrent pour ne plus se quitter… Terry se disait que cela ne ressemblait en rien à leur première fois, lorsqu’il l’avait embrassée en Écosse, il y avait une éternité de cela. À l’époque, c’était de sa part un geste non prémédité, immature et trop rapidement abrégé à son goût. Là, c’était totalement différent, il sentait qu’elle s’abandonnait complètement à lui, corps et âme, qu’elle en avait autant envie que lui… Le baiser se fit plus passionné à mesure que les secondes s’écoulaient. Il goûtait et explorait la douceur de sa bouche, sa langue allant à la rencontre de celle de son âme sœur, alors que d’une main il caressait ses cheveux si soyeux et de l’autre il lui enlaçait la taille, la plaquant davantage contre lui. Ce qui n’avait pas l’air de lui déplaire… Leurs corps si étroitement en contact l’un de l’autre semblaient vibrer à l’unisson et Terry en ressentit comme une décharge d’électricité… Le désir trop longtemps refoulé le consumait, et sans doute qu’elle ressentait la même chose, accrochée à lui comme elle l’était, ses mains fourrageant sans douceur dans ses cheveux bruns… Il n’en revenait pas d’être enfin avec elle et sa main posée sur la nuque de sa blonde égérie se fit plus pressante avant de descendre et se perdre jusqu’en bas de ses reins. Il se délectait d’elle et sentait qu’ils étaient en totale symbiose. C’était elle depuis toujours ! C’était elle qu’il avait toujours attendue…
Terry eut toute la peine du monde à interrompre ce baiser si charnel mais finit par se détacher peu à peu de ses douces lèvres tout en gardant son front collé à celui de sa chère et tendre… Il continua de caresser d’une main son visage si doux.
—Oh Candy, je t’aime, je t’aime tellement… Jamais je n’ai cessé de t’aimer. Tout ce temps, je n’ai fait que rêver de toi, je tiens à ce que tu le saches.
—Oh Terry. Oh, moi non plus je n’ai jamais cessé de penser à toi et je t’aime moi aussi.
À ces mots, il se sentit rassuré… Enfin elle avait prononcé les mots qu’il attendait depuis toujours. Ils n’avaient que trop attendu tous les deux cet instant unique d’être ensemble…
— Mon amour, chuchota Terry en la maintenant toujours dans ses bras, je ne veux plus te quitter… J’aimerais t’épouser sur le champ, te faire mienne pour l’éternité et te ramener avec moi à New-York… Tu crois que c’est envisageable ?
— Oh Terry, moi non plus je ne veux plus te quitter… Je te suivrai partout où tu iras. Et oui, je veux bien t’épouser immédiatement… Suis-moi, allons en parler à Albert, il nous trouvera une solution…
Ils se détachèrent l’un de l’autre et se précipitèrent ensemble main dans la main au rez-de-chaussée où les attendait Albert.
— Albert, commença Terry tout essoufflé, nous devons te parler. Voilà, je me suis enfin décidé à déclarer ma flamme à ta fille et je lui ai demandé de l’épouser et elle a dit oui…
— Bravo les enfants, il était temps…
— Justement Albert, répliqua Candy, nous avons été trop longtemps séparés et nous aimerions nous marier le plus vite possible…
— Je peux le comprendre, répliqua celui-ci, peut-être pourrions-nous organiser une fête de mariage d’ici un mois, cela vous irait ?
Les jeunes gens se lancèrent des regards choqués avant de s’écrier en même temps :
— Non, aujourd’hui !
— Quoi ? Mais c’est impossible, en termes d’organisation… Enfin, se radoucit-il, je peux comprendre votre empressement… Vous avez été séparés si longtemps, vous avez effectivement droit à votre part de bonheur et sans plus attendre… Euh, laissez-moi réfléchir… Je connais un prêtre à Chicago, à la paroisse duquel j’ai fait de nombreux dons, je pense qu’il pourrait nous rendre ce service. Je vais demander à Georges de le contacter. Avec un peu de chance, il pourrait être là d’ici 3 heures je pense, le temps de l’en informer et de le faire venir, ça vous dirait une cérémonie improvisée à Lakewood ?
— Je ne sais comment te remercier Albert, je te suis redevable sur ce coup-là… Et ça devrait nous laisser le temps de nous préparer… Mon amour, dit-il en s’adressant à sa fiancée, je vais en ville me chercher un costume digne pour t’épouser, et trouver des alliances. Souhaites-tu m’accompagner pour te trouver une robe ? Même si tu n’en as pas vraiment besoin, tu es belle naturellement et je t’épouserais volontiers dans cette ravissante tenue d’équitation.
— Non Terry, répondit Candy, Annie ne me le pardonnerait jamais ! Non, va faire ce que tu as à faire et moi de mon côté je vais passer chez Annie les avertir, elle et Archibald. Elle m’accompagnera pour choisir ma robe et la sienne, celle de demoiselle d’honneur… Elle va être aux anges… Oh mais j’y pense il te faut aussi un témoin.
— Ah oui, c’est vrai tu as raison ! Mais je sais… J’aimerais te choisir, toi Albert… Tu as été présent pour moi à une époque et je te considère comme mon meilleur ami… Voudrais-tu être mon témoin, s’il te plaît ?
— Ce serait un honneur pour moi, acquiesça Albert. Eh bien, vous m’en donnez du travail tous les deux. Je dois te conduire toi ma fille que j’aime de tout mon cœur à l’autel et servir aussi de témoin à ton fiancé…
— Oh Albert, merci ! sourit Candy en le prenant dans ses bras et en le relâchant presque immédiatement… Oh non, j’y pense, Mademoiselle Pony et Sœur Maria ? Ce sont mes mères de cœur, elles doivent être présentes…
— Ne t’inquiète pas, répondit-il, je vais envoyer quelqu’un les chercher immédiatement ainsi que les enfants ? Ça te ferait plaisir ?
— Oh oui tu n’as pas idée ! Merci ! C’est le plus beau jour de ma vie ! Mon bonheur est complet, fit Candy en reprenant Terry par la taille et en le regardant amoureusement.
— Candy, reprit Albert, je ne souhaite que ton bonheur, tu le mérites tant… Terry est le seul à pouvoir te rendre heureuse, je l’avais déjà compris à l’époque où vous étiez au collège, alors n’hésite pas et épouse-le vite puisque c’est ton souhait ! On vous a privés trop longtemps de ce bonheur… Mais que faites-vous encore ici ? Le temps joue contre nous, vous savez… Terry, tu es sûrement venu en taxi ? Je vais demander à ce qu’on te conduise en ville.
— Merci Albert, je t’en suis reconnaissant.
Terry était très ému et ne croyait pas en sa chance. Il rajouta à l’intention de Candy :
— Mon amour, je te laisse, le temps de mieux pouvoir te retrouver à l’autel… Je t’aime ! À tout à l’heure…

Le chauffeur qu’avait fait appeler Albert conduisit d’abord Terry dans une bijouterie en ville où il mit la main sur des alliances idéales, simples et élégantes à la fois, tout comme son âme sœur… Il avait hâte de mettre celle de sa future promise à son doigt… Il se choisit ensuite un costume et demanda au chauffeur de se dépêcher de rentrer. Il espérait que Candy ait pu trouver Annie et sa robe de mariée et qu’Albert ait réussi à faire venir ce prêtre. S’unir à la femme de sa vie était tout ce dont il avait toujours rêvé… Il avait l’impression d’être sur un nuage…
Arrivé à Lakewood, Terry entra dans le manoir et s’émerveilla de ce qu’il vit… Toute l’entrée, le salon, sans compter la rampe d’escalier, avaient été superbement décorés de nombreuses roses blanches dissimulées partout et accompagnés ça et là de jolis nœuds blancs…
Albert l’attendait visiblement de pied ferme.
—Te voilà mon ami, s’empressa de dire Albert en allant à sa rencontre. As-tu pu trouver tout ce qu’il te faut ?
— Oui, j’ai trouvé un costume ainsi que les alliances, répliqua Terry, mais dis-moi comment as-tu fait pour décorer aussi magnifiquement cet endroit et en si peu de temps ? C’est décoré comme pour un mariage ! C’est fantastique !
—Mais c’est un mariage, s’exclama Albert, ton mariage ! Et il fallait que la décoration intérieure soit à la hauteur de cet évènement ! Ne crois-tu pas ?
—Merci beaucoup mon ami, répondit Terry, où est ma chère et tendre ?
—Elle est avec Annie, elles t’ont précédé à l’instant, expliqua son témoin. Les invités de Pony et de dernière minute ne devraient plus tarder, Georges s’en est occupé personnellement. Bon allez, viens avec moi, le futur marié doit se préparer…
Terry suivit Albert dans ses appartements et ils s’apprêtèrent dans la joie et la bonne humeur jusqu’à l’heure tant attendue… On prévint le maître de maison que la future mariée était prête et que tous les invités attendaient au salon où des sièges avaient été installés pour l’occasion.
Terry descendit et s’émerveilla à nouveau de cette époustouflante décoration de mariage improvisée. Après avoir salué Mademoiselle Pony et Sœur Maria qu’il n’avait pas vu depuis fort longtemps, il prit place devant le prêtre qu’il salua à son tour. Il était très nerveux, c’était un instant qu’il attendait depuis toujours… Des chaises avaient été installées de chaque côté du salon et Albert attendait, au bout de cette allée improvisée, décorée de magnifiques roses blanches, que sa fille fasse son entrée. Elle arriva très rapidement précédée d’Annie, et fut conduite aussitôt par son père jusqu’à son promis. Celui-ci n’en revenait de sa rayonnante beauté. Comment avait-il pu être aussi stupide et perdre son temps avec Suzanne, alors qu’il se savait amoureux de Candy ? Il aurait dû venir la chercher plus tôt et déglutit. Cette robe de mariée blanche soulignait à merveille sa silhouette et le voile transparent qui couvrait sa magnifique chevelure blonde attachée en chignon pour la circonstance, exaltait encore le tableau… Il devinait son regard vert émeraude rivé sur le sien avec une lueur qu’il avait toujours rêvé de voir, celle qui affirmait qu’elle était enfin prête à se donner à lui…
Albert, la main de sa fille sur son bras, la prit et dans un geste solennel la plaça doucement dans celle de Terry. Il déposa un baiser sur le front de Candy et lui chuchota :
— Sois heureuse ma fille, tu le mérites !
— Merci papa.

La cérémonie commençait, mais Terry, trop absorbé par la contemplation de sa jolie Candy, ne prêtait aucune attention au sermon du prêtre jusqu'à ce que certains mots allument une flamme dans ses yeux.
—Monsieur Terrence Graham Grandchester, souhaitez-vous épouser Mademoiselle Candice Neige André ? Promettez-vous de lui rester fidèle, dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, et de l’aimer tous les jours de votre vie ?
—Oui, je le veux, répondit Terry terriblement ému.
Son cœur battait à tout rompre. Son vœu de toujours était enfin en train de s’exaucer… Il se mit à pleurer de bonheur.
—Mademoiselle Candice Neige André, souhaitez-vous épouser Monsieur Terrence Graham Grandchester ? Promettez-vous de lui rester fidèle, dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, et de l’aimer tous les jours de votre vie ?
—Oui, je le veux ! S’écria Candy qui semblait plus heureuse que jamais…
Après un échange d’alliances chargé en émotion et où Terry vit des larmes briller dans les yeux de son adorable femme, le prêtre termina cette belle cérémonie improvisée :
—Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme, déclara l’homme de foi. Vous pouvez embrasser la mariée.
Terry ne se fit pas prier. Il goûta à nouveau avec délicatesse aux lèvres divines de sa nouvelle femme. Il avait adoré leur très long baiser plus tôt dans l’après-midi mais là, c’était encore plus exquis… Elle répondit ardemment et goulument à son invitation, leur passion s’enflammant au fur et à mesure que leurs langues s’entremêlaient et ce fut avec toutes les peines du monde et parce qu’ils n’étaient pas seuls qu’il dut arrêter ce merveilleux baiser. Il la prit dans ses bras, l’embrassa dans le cou, et lui murmura :
—Je t’aime tellement mon amour, ma femme, je ne te laisserai plus jamais partir ! Tu es mienne dorénavant et dommage que nous ne soyons pas seuls, je t’aurais montré à quel point je t’aime et je t’ai toujours aimé. Mais tout vient à point à qui sait attendre… Et je t’aime tellement que je pourrai t’attendre l’éternité. Hâte de te serrer dans mes bras et dans notre lit Madame Grandchester !
Elle le regarda avec des yeux à la fois émerveillés, amoureux et plein de larmes. Il sut lire en elle, c’était des larmes de bonheur …
—Mon amour, je t’ai toujours aimé, je t’aime et je t’aimerai toujours jusqu’à ma mort… Merci pour tout : ta déclaration, ta demande en mariage, notre mariage et tes mots d’amour que jamais je n’oublierai ! Et moi aussi j’ai hâte d’être à ce soir…
Ils restèrent dans les bras l’un de l’autre comme deux aimants et restèrent main dans la main, les doigts entrelacés. Ils saluèrent et remercièrent chaque invité d’être venu assister à l’instant le plus magique de leur vie. Albert avait visiblement fait préparer un buffet. En si peu de temps ? se surprit à penser Terry. Décidément cet Albert le surprendrait toujours et ne le décevait jamais…
Un serveur s’approcha avec un plateau et demanda :
—Monsieur, puis-je vous proposer un café ?
Un café ? s’étonna Terry.
Il ne connaissait pas grand-chose aux mariages mais la tradition ne voulait-elle pas que l’on porte plutôt un toast avec une coupe de champagne en l’honneur des jeunes mariés ? Certes, c’était un mariage impromptu et un buffet improvisé, mais un homme riche et respectable comme Albert possédait très certainement une cave remplie et notamment pour les imprévus. Oui c’était impossible autrement… Il devait y avoir une erreur, il avait mal compris le serveur ?
—Monsieur, puis-je vous proposer un café ? insista celui-ci.
Terry ne comprenait plus rien… Il se retourna vers sa femme. Elle avait disparu. Le trou noir… Il l’appela… Encore et encore mais personne.
Puis ce serveur toujours devant lui…
—Monsieur, voulez-vous un café ? proposa-t-il.
Terry s’éveilla en sursaut terrifié et se redressa…
Ça n’était pas possible. Il était toujours dans le train en route pour Chicago, assis sur cette banquette où il s’était endormi. Et ce serveur toujours devant lui qui visiblement l’appelait depuis un moment… Celui-là même qui était dans son rêve. Rêve dont il venait de le réveiller…
— Bonjour Monsieur, je suis navré de vous avoir réveillé. Puis-je vous proposer un café ? Ou autre chose ?
Terry encore dans les vapes et choqué à l’idée que tout ça n’était qu’un rêve répondit :
—Euh, oui un café, s’il vous plaît. Puis-je vous demander l’heure qu’il est et à quelle heure nous arriverons à Chicago, s’il vous plaît ?
—Oui bien sûr Monsieur, lui répliqua l’employé de train en lui servant une tasse de café chaude. Il est 08h00 et nous arriverons à l’heure prévue à Chicago, soit à 13h00 précises.
—Merci, murmura le jeune homme encore dans un état d’hébétude en prenant la tasse.
Donc il avait rêvé tout ça !? Ça avait l’air si réel. Il aurait tant aimé que tout cela soit vrai… Mais il n’était pas trop tard, le chemin était encore à tracer… Il allait faire comme dans son rêve, trouver Candy, lui expliquer la situation impossible avec Suzanne et lui demander de l’épouser et si elle acceptait, il l’épouserait sur le champ et ne repartirait pas sans elle, c’était hors de question… Il l’aimait, comme il le lui avait dit dans son rêve, et il l’aimerait toujours…



Fin du chapitre VIII


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